Soutien aux 7 personnes mises en causedans une association de malfaiteurs à visée d’actes terroristes et criminels
Le 11 décembre dernier, le parquet anti-terroriste a annoncé l’inculpation de 7 personnes qualifié.es de « militant-e-s d’ultra-gauche ». Le temps est venu de se mobiliser contre cette mascarade.
Une opération de com’ aux conséquences graves
Voilà quelques semaines que « l’affaire » est parue dans les médias. Malgré son gonflement artificiel par des personnalités d’extrême-droite et quelques journalistes complaisant.es, le soufflé est déjà en train de retomber. L’exposition de l’intimité de certain.e d’entre elleux (description physique et mode de vie) et un assemblage chaotique d’éléments disparates n’arrive décidément à terroriser personne. Dans les médias on nous chie par exemple pêle-mêle : des produits communs « pouvant entrer dans la composition de… », des « tenues de black block » (Des K-way noirs ?), quelques écoutes de conversations anti-flics, un voyage en Colombie, la parade de la Reine des Neiges sur laquelle a travaillé l’un d’elleux et, bien sûr, des fusils de chasse comme il en existe par millions sur le sol français. L’ensemble de ces éléments construisent un imaginaire qui justifierait l’enfermement de ces personnes, sois disant dangereuses pour la société, tout en divulguant sans scrupules leurs identités.
Cette affaire tombe en plein débat de société sur la question des violences policières et en pleine mobilisation contre la loi Sécurité globale. En attendant que les inculpations pour « association de malfaiteurs terroriste » soient retirées on pourrait se contenter de sourire de ces tentatives de manipulations grossières, si cela n’explosait pas en pleine face de militant.es, de leurs familles et de leurs ami.es. Le fait est que pendant ce temps, des lieux et des personnes se trouvent soumises à une haute surveillance pour les besoins de l’«enquête», deux de nos camarades sont actuellement sous contrôle judiciaire, et surtout, cinq autres croupissent en taule pour une durée indéterminée. Cet état de faits est inacceptable.
Ne laissons pas les flics faire le récit de nos vies, de nos liens et de nos luttes !
A ce stade, ils nous paraît important de rétablir quelques vérités concernant les inculpé.e.s :
– iels ne sont pas « d’ULTRA- gauche », parce que cette « mouvance » n’existe que dans les constructions médiatiques ou pour des chercheureuses bien trop éloigné.es de nos réalités. D’ailleurs, si nos compagnon.nes avaient à définir une affiliation, on suppose qu’iels auraient choisi quelque chose de plus classe, comme par exemple « Power-Giant-Crispy-Gauche avec supplément Piment d’Espelette ».
– iels sont encore moins « marxiste-léniniste » ou « castro-guévariste », comme on a pu le lire sous la plume de journalistes relayant les propos semi-déments de la DGSI – on regrette au passage que la qualification « d’islamo-gauchistes » n’ait pas été retenue. Iels sont anarchistes à tendance féministes, parfois végans, pas mal shlag, très souvent punk, toujours libertaires.
– iels n’ont ni « chef.fe.s», ni « tonton », parce que leurs pratiques sont anti-autoritaire et ne reposent pas sur une hiérarchie.
– et enfin, nos copaines ne « terrorisent » pas. Ielles défendent leurs idées
Ielles diraient sûrement qu’iels « militent contre les inégalités, contre les attaques faites aux libertés ». Contre l’arbitraire de l’État qui vient de décider de les jeter au trou.
Mobilisons-nous
Nous, proches des inculpé.e.s ou non, appelons à nous mobiliser pour nos compagnon.nes. Nous pouvons le faire par divers moyens :
– En parlant de cette affaire autour de nous et surtout en multipliant les actions de solidarité avec les prisonnier.es.
– en produisant des articles sur le sujet (des textes d’analyse, des coups de gueule, des affiches, des poèmes …) mais aussi en mettant à jour les outils d’autodéfense juridique dans le cadre de l’antiterrorisme (GAV, perquiz, surveillance, éléments d’une procédure…)
– en créant des comités de soutien un peu partout, même si la période est difficile.
– en alimentant les caisses antirep pour soutenir les proches des détenu.es mais aussi payer les frais liés à la défense
Pour l’instant on ne peut pas se permettre de faire tourner publiquement les numéros d’écrous.
En revanche nous croyons que nos ami.es n’ont pas besoin de la récupération de cette affaire par des organisations gestionnaires ou des groupes politiques ni d’une quelconque forme de dissociation, iels ont simplement besoin de soutien.
Par ailleurs nous ne répondrons pas à des interviews de médias divers.
Pour clôturer
Nos potes ne sont ni des héro.ine.s, ni des Bisounours, mais aujourd’hui iels sont en taule, éparpillé.e.s dans les différentes prisons parisiennes, loin de leurs proches. Cette opération n’a pas d’autre but que de réprimer les idées et les pratiques anarchistes.
Et vu que tout ça ressemble de très loin à un fiasco et que les keufs n’aiment pas perdre la face, il faut aussi s’attendre à ce qu’ils aient envie de mettre le paquet pour justifier leur action médiatique.
Rappelons qu’il n’y a pas de gentil.le.s ni de méchant.es dans une affaire de répression politique, la défense collective et la solidarité sont les seules réponses que nous envisageons ici.
Tribune du collectif des combattantes et combattants francophones du Rojava en soutien à leur camarade incarcéréparu dans lundimatin#273, le 1er février 2021.
Le 8 décembre dernier neuf personnes étaient interpellées par la police antiterroriste et placées en garde à vue pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Pour beaucoup, ces arrestations ont ranimé le souvenir de la dernière affaire antiterroriste associée par la presse à « l’ultra-gauche » : l’affaire dite de Tarnac.
Ce qui saute pourtant aux yeux, avec ces nouvelles arrestations, ce sont les différences de traitement médiatique : il y a douze ans, les 9 de Tarnac n’étaient pas encore dans leur cellule de garde à vue que l’affaire était déjà propulsée à la Une des journaux. Pendant plusieurs mois, les soubresauts de l’enquête avaient encore occupé une large place dans la presse. Aux « indiscrétions » policières répondaient des tribunes et des interviews. Des pans entiers du dossiers étaient régulièrement débattus dans les journaux. Toute l’instruction s’est d’ailleurs accompagnée d’une bataille médiatique (qui a notamment abouti au dessaisissement du juge d’instruction).
Le dénouement de l’affaire Tarnac a visiblement conduit à une jurisprudence tacite qui a rendu frileux le parquet antiterroriste à l’idée de se saisir d’enquêtes estampillées « ultra-gauche ». Une « jurisprudence » qui s’est visiblement terminée en décembre dernier.
Le relatif silence médiatique qui entoure cette nouvelle instruction peut être interprété comme une frilosité de l’accusation. Ou comme un changement de stratégie. Si c’est le cas, le raisonnement doit être peu ou prou celui-ci : fanfaronner c’est prendre le risque de nourrir un possible soutien vis-à-vis des personnes incarcérées. Et donner l’opportunité pour la défense, comme ce fut le cas par le passé, de rapidement attaquer et dégonfler l’accusation très politique qu’est celle de terrorisme. Si pour le moment, nous n’en savons pas davantage sur cette affaire que ce que les autorités ont bien voulu en laisser fuiter avec l’honnêteté qu’on ne pourra jamais leur accorder, nous avons reçu cette tribune écrite par des combattantes et combattants francophones du Rojava qui vient pourfendre la narration diffusée par les services de renseignement, la police antiterroriste, le parquet lui aussi antiterroriste et le ministère de l’Intérieur.
L’arrestation de l’un des nôtres
En décembre dernier, sept personnes ont été arrêtées par la DGSI et mises en examen pour « association de malfaiteurs terroriste ». Un ancien volontaire du YPG, les forces armées du Kurdistan syrien, a été désigné comme le meneur du groupe et incarcéré. De cette affaire nous ne connaissons que ce qui a fuité dans la presse. Quelques armes de chasse, des produits accessibles dans le commerce et « pouvant entrer dans la confection d’explosifs », des réunions en forêt, de prétendus aveux de membres les « moins impliqués » du groupe. En dehors de cela, rien : pas de liste de cibles, ni de projet défini de passage à l’acte. La justice antiterroriste reposant sur le procès d’intention, ces quelques éléments ont été interprétés comme la preuve de préparatifs d’une attaque contre les forces de l’ordre. Pour compenser la maigreur du dossier, l’attention s’est focalisée sur les personnalités des accusés : un « artificier à Disneyland », une personne qui aurait eu des contacts avec une guérilla colombienne et surtout un militant « parti en Syrie combattre dans un groupe affilié au YPG ». Ces « profils inquiétants » se sont retrouvés étalés dans la presse, avec une mise en scène grossière destinée à susciter la peur et à faire taire toute réflexion n’allant pas dans le sens des théories policières. La DGSI a orchestré ces fuites en livrant aux médias les identités et les photos (à peine floutées) des mis en cause. Pendant des jours, les éléments du dossier ont été transmis à la presse au mépris du secret de l’instruction. A longueur d’articles, les accusés ont été exhibés comme des trophées de chasse par la DGSI. La presse de droite et d’extrême droite s’en est donnée à cœur joie. Les projecteurs ont été braqués sur notre camarade : une photo en noir et blanc, avec un fin rectangle noir sur les yeux, une légende le décrivant comme « SDF », « ne travaillant pas » et « ayant combattu en Syrie ». Ce portrait trompeur du nouvel ennemi public numéro un repose sur un mélange de jugement de valeur sur son mode de vie et d’informations parcellaires sur son engagement politique. Notre camarade était en Syrie pour combattre Daech. Il a pris part en 2017 à la libération de Raqqa, la capitale du groupe jihadiste. Raqqa est aussi la ville où les attentats de Paris ont été planifiés et où la plupart de ses auteurs ont été entraînés. Si la France n’a pas connu d’attentats de grande ampleur depuis des années, c’est grâce à la libération de Raqqa à laquelle notre camarade a participé au péril de sa vie. En combattant en Syrie ce dernier a donc directement contribué à la sécurité des Français, ce que le tribunal médiatique s’est bien gardé de mentionner. Comment en effet faire rentrer dans leur narration à charge que l’accusé ait donné bien plus à la lutte contre le terrorisme que les policiers, procureurs et journalistes qui l’accusent aujourd’hui d’être un « terroriste d’ultragauche » ?
Pour comprendre cette affaire, il faut remonter au début de l’engagement de volontaires internationaux en Syrie. Entre 2015 et 2019, une trentaine de français ont répondu à l’appel des populations du Rojava pour protéger la paix en participant à la guerre de légitime défense contre Daech et l’armée turque. La DGSI a immédiatement établi un tri entre les « mauvais » volontaires, se réclamant d’une idéologie révolutionnaire, et les « bons » volontaires, anciens militaires ou apolitiques, qui pour certains ne furent même pas auditionnés à leur retour en France. Ceux qui étaient identifiés comme de potentiels membres de « l’ultragauche » se retrouvèrent systématiquement « fichés S » et firent l’objet d’une surveillance active, tout en étant coupables de rien d’autre que d’un délit d’opinion. Arrestations à l’aéroport, menaces sous forme de conseils paternalistes, pressions sur nos familles, nous sommes nombreux à avoir fait l’objet de tentatives d’intimidation plus ou moins voilées de la part des services de sécurité. Fin 2016, la DGSI fit irruption chez l’un d’entre nous pour lui retirer son passeport et sa carte d’identité, afin de l’empêcher de retourner au Kurdistan syrien. Le ministère de l’Intérieur affirmait alors que ce combattant du YPG pouvait être à l’origine « de graves troubles à l’ordre public » et était susceptible d’utiliser son expérience militaire « dans des attaques contre les intérêts français, en lien avec l’ultragauche révolutionnaire ». Ces accusations complètement fantaisistes furent balayées par le tribunal administratif de Paris quelques mois plus tard. Le ministère de l’Intérieur fut ensuite contraint de lui rendre ses documents d’identité et de lui verser des dommages et intérêts. En dépit de cette victoire judiciaire, nous savions que la DGSI nous garderait dans son collimateur et était prête à tout, y compris à des accusations sans preuves, pour nous faire rentrer dans le moule qu’elle avait créée : celui de dangereux vétérans d’ultragauche cherchant à importer la violence du conflit syrien de retour chez eux. Cette caricature a été construite dès le départ, ex-nihilo, avant même que l’un d’entre nous ne remette les pieds sur le territoire français. Même si de retour en France aucun volontaire n’a jamais été impliqué dans des actions violentes, la DGSI attendait patiemment l’occasion de piéger l’un d’entre nous, pour pouvoir enfin donner une crédibilité à ses fantasmes. L’année dernière, elle a communiqué à notre sujet par le biais de journalistes de Mediapart. Ces derniers, désireux de renvoyer l’ascenseur aux sources qui les informent sur d’autres sujets, ont déroulé le tapis rouge à l’argumentaire délirant du ministère de l’Intérieur. Un camarade parti en vacances en Amérique du Sud se retrouvait accusé d’avoir essayé de nouer des contacts avec une guérilla colombienne, un autre fréquentant la ZAD aurait prétendument tiré une fusée éclairante sur un hélicoptère de la gendarmerie, des dégradations d’antennes téléphoniques, de bornes Vélib ou de fourgons de police nous étaient également associées. Ces fables anxiogènes, parfaitement déconnectées de toute réalité, venaient confirmer ce que nous savions déjà : jusqu’à ce qu’il ait trouvé le coupable idéal, le ministère de l’Intérieur ne renoncerait pas à l’entreprise de diabolisation dont nous faisions l’objet.
En plus de chercher une revanche sur l’affaire Tarnac, les services de sécurité poursuivent depuis des années un double objectif : criminaliser l’internationalisme et nous utiliser comme des épouvantails pour stigmatiser l’ensemble de la gauche révolutionnaire française. En plein tôlé sur la loi relative à la sécurité globale, on peut reconnaître à la DGSI qu’elle fabrique des terroristes au moment opportun, au service d’un gouvernement qui nous conduit chaque jour un peu plus vers un Etat policier. Laurent Nuñez, faisant preuve d’une incroyable malhonnêteté intellectuelle, a récemment enfoncé le clou en rappelant dans une interview donnée au Figaro qu‘une « dizaine de militants d’ultragauche sont allés s’aguerrir au Rojava ». Alors que nous nous retrouvons collectivement mis en cause par le conseiller à l’anti-terrorisme du président Macron, une mise au point est nécessaire. Nous sommes allés au Rojava avec la volonté de défendre une révolution basée sur la démocratie directe, la coexistence pacifique entre communautés, l’égalité femmes-hommes et le juste partage des richesses, autant de valeurs dont l’Etat français se réclame sans jamais les appliquer. Pour ce faire nous n’avons pas cherché à nous « aguerrir », nous avons combattu les jihadistes de Daech au moment où, à Paris et à Nice, ils massacraient des centaines de personnes en profitant de l’incompétence des services de sécurité supposés nous protéger. Les termes « allés s’aguerrir » laissent supposer que le Rojava n’était qu’un prétexte, un moyen d’acquérir une expérience militaire que nous souhaitions en réalité utiliser dans notre pays d’origine. Nous répondions précisément à la logique inverse. Nous avions besoin de ces compétences militaires pour combattre Daech et défendre l’existence du Rojava mais avoir acquis un tel savoir faire ne signifie pas que voulions l’utiliser de retour en France, ou que la lutte armée serait subitement devenue le seul moyen d’action de notre répertoire militant. Nous ne sommes pas des amis de ce gouvernement, de ses chiens de garde et du système qu’ils servent, c’est un fait, mais nous les combattons par des moyens démocratiques et non par la violence comme nos accusateurs l’insinuent. La véritable prolongation de notre combat c’est le témoignage. Nous transmettons ce que nous avons vu et appris au Kurdistan à travers un livre dont nous recommandons la lecture à ceux qui voudraient essayer de nous comprendre, loin des clichés véhiculés par le ministère de l’Intérieur et par les médias à ses ordres [1]. Alors que la DGSI nous dépeint en comploteurs ou en vandales, nous avons en réalité passé ces dernières années à reprendre le fil de nos vies (paisibles). Nous continuons à militer pour défendre le Rojava, la mémoire de nos camarades tombés au combat, et les valeurs qui nous ont poussés à nous rendre là-bas. En rentrant chez nous, nous ne nous attendions pas à recevoir la Légion d’honneur, ni même a être remerciés par qui que ce soit, mais nous ne pouvions pas imaginer que nous serions désignés comme des ennemis de l’intérieur et traités à l’égal des jihadistes que nous avions combattus. Comme nous venons de le rappeler ici, nous avons suffisamment fait l’objet de calomnies de la part de la DGSI pour ne pas accorder la moindre crédibilité aux accusations portées contre notre camarade à qui nous réaffirmons notre confiance absolue et notre soutien sans faille.
Le CCFR (Collectif des combattantes et combattants francophones du Rojava).
[1] Collectif, Hommage au Rojava, Montreuil, Editions Libertalia, 2020, 160p.