Affaire du 8/12 : Analyse d’une enquête préliminaire – PNAT et DGSI

Une analyse de l’enquête préliminaire dans l’ « Affaire du 8 Décembre », diligentée par le Parquet National Antiterroriste et menée par la DGSI.

Coucou! Le document que vous avez entre les mains n’est pas un résumé ni une analyse politique de l’opération antiterroriste du 8 décembre 2020.

Ce document décrit les faits et gestes des acteurs répressifs, que ce soit les flics ou les magistrats. Nous souhaitons rendre intelligible et publique leurs méthodes de travail pour apprendre à s’en protéger.

Ce document est incomplet. Il manque encore à l’analyse la suite de l’information judiciaire, les arrestations/perquisitions, la détention, les exploitations de scellés, les contrôles judiciaire, le procès, le sursis probatoire, le jugement, etc.

On parlera essentiellement de l’enquête préliminaire qui s’étend sur plus de 2 mois (du 7 février 2020 au 20 avril 2022), même si on va parfois évoquer des éléments de procédure de ce qui précède (du renseignement opéré par la DGSI) et de ce qui suit (l’ouverture d’une information judiciaire, le procès, etc.).

Nous évoquerons des aspects de procédure (qui fait quoi quand) mais surtout des détails de la mise en place des moyens de surveillance et de renseignement et ce qu’ils en obtiennent. On ne s’attardera pas sur ce que les camarades visées par l’enquête auraient fait ou pas fait. Cela relève de la Défense des inculpé·es.

Face à la répression, notre solidarité se doit d’être sans faille.

Et en vue du procès en appel, qui est prévu pour novembre 2025, toute action de solidarité est la bienvenue.

Pour plus d’informations là dessus, rendez-vous sur les blogs de soutien sur lesquels vous trouverez : informations sur les prochaines mobilisations, brochures, articles, podcasts, tracts, affiches, témoignages, contacts, etc.

soutien812.net
solidaritytodecember8.wordpress.com
soutienauxinculpeesdu8decembre.noblogs.org

Ce qui nous intéresse par contre, c’est de décrire en détail les méthodes qu’utilise la DGSI pour constituer un dossier permettant l’arrestation et la mise en examen de personnes. Ces méthodes se succèdent et se chevauchent mais suivent une certaine logique. On a essayé au mieux de s’y tenir.

Pour comprendre la logique des acteurs répressifs, il sera cependant indispensable de donner quelques éléments de contexte. Nous avons choisi des pseudos pour les personnes ciblées, pour une meilleure compréhension de la logique policière.

A des fins journalistiques et démocratiques, nous avons décidé de retranscrire les noms complets des acteurs étatiques, afin de mettre en lumière aux yeux des citoyen·nes les activités précises des agents de l’État faites en nôtre nom à touxtes.

4 ANS DÉJÀ : L’OPÉRATION ANTITERRORISTE DU 8/12

Le 8 décembre 2020, dans divers lieux à travers toute la fRance, se déployait une opération judiciaire et policière « antiterroriste ». A l’approche de la date anniversaire, on avait envie de faire rapidement le point et donner des news.

Cette opération fût déclenchée suite à la surveillance systématique par la DGSI de personnes rentrant d’un séjour dans une des zones considérées par les services secrets comme « dangereuses ». Un juge d’instruction du Parquet National Anti-Terroriste s’est alors saisit de ces notes blanches et a enquêté ​​par l’intermédiaire de la DGSI, sur des personnes entourant un camarade revenu justement d’un séjour au Rojava. Cette enquête, un dossier d’instruction de 1800 pages, se solde par une vague d’arrestations le 8/12/20, suivie de toutes les conséquences subies depuis 4 ans dont on fait un rappel non exhaustif ici.

A l’issue des arrestations, 14 lieux sont perquisitionnés. Après 96h de garde à vue dans les locaux de la DGSI, sous les pressions psychologiques, les interrogatoires sous médicaments, des pièces falsifiées ou hors contexte, 7 personnes sont inculpées. Elles sont alors déferrées devant le juge d’instruction et 5 d’entre elleux sont placées en détention provisoire.

L’affaire a également impacté de nombreuses personnes autour. 12 personnes en tout ont passé 4 jours en GAV à la DGSI, avec de nouvelles arrestations en février et septembre 2021. Un total de 29 convocations, dont la plupart ont été la menace pour obtenir un permis de visite en prison. Sans compter la quantité de matériel et de biens personnels ou informatique qui ont été saisis pendant les perquisitions et qui, à ce jour, n’ont pas été rendus.

Jusque là les inculpé.es ont fait 47 mois de prison cumulés, une mise à l’isolement, des fouilles à nu, des interrogatoires interminables, des refus de soin, des galères d’accès aux colis, cantine, courrier, etc… pendant l’instruction.

Des remises en « liberté » au compte-goutte, le PNAT faisant appel de la libération de l’un d’entre eux, un autre réussi à sortir après une grève de la faim de 36 jours, passant d’une sortie de l’isolement carcéral à 6 mois de bracelet électronique dans le cadre de son CJ.
Pour l’ensemble, c’est 277 mois de CJ, comprenant le pointage, la limitation géographique des déplacements, l’obligation de résidence, de travail, les rdv avec « binôme de soutien » (éduc et psy) et le SPIP (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation)…

Pour finir, c’est un total de près de 150 000e de frais comprenant le paiement des avocat.es, la préparation des colis en prison (habits, revues, livres), la thune pour cantiner, puis tous les frais et les déplacements des soutiens. Et tout ce qui ne se quantifie pas : les séquelles physiques et psychologiques, le mépris, les menaces, les pressions, des relations durablement affectées, la surveillance continue…

Seize après-midi d’audience, soit 1 mois de procès, un rendu 2 mois plus tard et les arguments de la juge donnés 9 mois après le rendu ! Tous.tes sont reconnu.es coupables d’« association de malfaiteurs terroriste » et trois d’entre-elleux de « refus de communiquer ses conventions de déchiffrement ».
Iels ont été condamné.es en première instance à des peines allant de 2 à 5 ans de prison, dont 15 à 30 mois de sursis probatoire, impliquant un lourd contrôle médico-social : rdv SPIP, suivi addicto, psy, obligation de résidence, obligation de travail, et donc la menace de faire tomber le sursis en cas de manquement.

Pour 6 d’entre elleux une inscription au FIJAIT (Fichier des auteurs d’infraction terroriste) : contrôle des déplacements à l’étranger, pointage, justification de domicile tous les 3 mois et interdiction de travailler dans certains domaines (santé, fonctionnaire, animation…).

Et toujours l’interdiction de communiquer, sauf pour 2 d’entre eux.

Sur les 7 condamné.es, 6 ont choisi de faire appel du rendu du procès, l’audience aura lieu en novembre 2025.

Au delà de la contestation de ce rendu pour les 6 inculpé.es, c’est aussi et surtout le choix de ne pas laisser s’ancrer cette décision comme une jurisprudence qui permettait à l’État de continuer de réprimer plus férocement encore nos luttes et modes de vie.

L’outil anti-terroriste, avec sa législation dite d’exception (qui l’est de moins en moins), reste un outil hyper utile pour l’état. Grâce à cette affaire, comme pour d’autres affaires précédentes, les moyens d’enquête déployés ont permis de faire un instantané de la géographie des relations au sein des groupes militants, anarchistes, anti-autoritaires. Peu importe la finalité, une culpabilité réelle ou non, d’un projet réel ou fantasmé, l’important pour la justice est de maintenir la peur, d’occuper les gens sur de l’antirep. Ainsi il lui est possible d’observer comment les groupes fonctionnent et d’affûter leurs outils de maintien de la paix, le tout grâce à des capacités de surveillance sans limite.

En attendant, l’épée de damoclès judiciaire reste menaçante au dessus de la tête des inculpé.es. On vous invite à aller jeter un oeil sur les blogs, qui contiennent l’historique de cette affaire, les actions mises en place, les comptes rendus du procès et les divers textes d’analyses publiés. On y mettra aussi la suite des évènements, stay tuned !

Nous encourageons toutes les personnes qui se sont retrouvées face à la justice à partager leurs expériences, via la rédaction de brochure ou autres. Parce que raconter comment la justice enquête nous apprend à mieux s’en sortir quand on se retrouve dans ses filets. Parce que réfléchir aux erreurs stratégiques de défense permettra à ce que d’autres puissent les éviter. Parce que discuter de nos expériences de procédures, de procès, de rapport aux avocat.es, de prison, de contrôle judiciaire, nous aide à mieux nous préparer à cette éventualité, pas comme une fatalité mais plutôt comme quelque chose qui peut arriver…

Se soutenir et s’aider dans ces situations nous rend plus fort.es ensemble et évite l’isolement face au rouleau compresseur de la justice.

Restons solidaires !

Les blogs des comités :
https://soutienauxinculpeesdu8decembre.noblogs.org/
https://soutien812.blackblogs.org/

Cagnotte en ligne :

https://www.helloasso.com/associations/comite-vertigo/formulaires/9

Evènement à venir :
Soirée anti-répression le vendredi 13/12 en Ardèche / Les Blayons – 07270 Nozières. Prix libre. En soutien à des luttes en cours qui subissent la répression policière et l’autoritarisme judiciaire et politique. Infos / cantine / concerts / tombola !

Affaire du 8 décembre : poursuivre la mobilisation

Cinq mois après l’infâme procès contre les sept « inculpé·es du 8 décembre 2020 », trois mois après un verdict d’une grande sévérité dépassant les réquisitoires du Parquet National Antiterroriste (PNAT), le combat n’est toujours pas fini pour nos compagnon·es. Alors que presque toustes ont fait appel, et que le Tribunal n’a toujours pas transmis les justifications du jugement, notre soutien financier et politique leur reste indispensable.

Un verdict abject

Les quatre semaines de procès durant lesquelles les inculpé·es et leurs avocat·es ont travaillé à démonter une instruction entièrement à charge n’ont absolument rien changé. Rien ne semble avoir imprimé dans l’oreille d’une juge qui est allé jusqu’à refuser de faire citer les flics responsables de l’enquête pour s’expliquer de leurs méthodes. Les sept accusé·es sont donc reconnu·es coupables d’ « association de malfaiteurs terroriste » et trois d’entre elleux de « refus de communiquer ses conventions de déchiffrement ».

Les peines vont de 2 à 5 ans de prison, dont une partie en sursis probatoire. Des périodes de prison ferme sont prononcées pour cinq inculpé·es. Compte tenu du temps qu’iels ont déjà passé incarcéré·es en préventive, il leur reste entre 8 et 12 mois de ferme à purger, aménageable sous forme de bracelet électronique, auxquels viendra donc s’ajouter une période de sursis probatoire.

L’inscription au Fichier des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT), qui leur promet 20 ans de surveillance, d’obligation de pointer et d’impossibilité de se déplacer comme bon leur semble, est actée pour 6 des 7 inculpé·es.

Est également prononcée l’interdiction de communiquer entre elleux pendant tout le temps de leur peine, invention sadique de la juge qui n’était pas demandée par le parquet. A cela s’ajoute encore un panel de mesures de contrôle médico-social (obligation de soins, de travailler, de résidence fixe…) faisant de leur vie une longue série de rendez-vous chez le psy, l’addicto, le SPIP, l’éducateurice… pour s’assurer de leur « réinsertion ».

Nous n’entrerons pas plus ici dans les détails du jugement pour chacun·e. On les trouvera, avec les comptes-rendus d’audience, sur le blog des soutiens.

Les inculpé·es font appel

Après quelques jours de réflexion, six des inculpé·es ont décidé de faire appel de la décision de justice. Quand aura lieu cet appel ? Personne n’en sait rien. Douze mois, quinze mois, plus, moins, les paris sont ouverts. Cela n’empêche de toute façon pas nos camarades de commencer à purger leur peine, l’appel n’étant pas suspensif des mesures liées au FIJAIT et au sursis probatoire.

Pourquoi alors prendre le risque d’un alourdissement de celle-ci, alors que nous n’avons pas plus confiance dans la Cour d’appel que dans celle de première instance ? Parce qu’au delà du besoin personnel de ne pas se laisser traîner dans la boue et ruiner sa vie sans réagir, il y a un besoin collectif de ne pas laisser graver dans le marbre une telle jurisprudence. Celle-ci laisserait toujours plus de champ libre à l’État pour utiliser les moyens de l’antiterrorisme pour réprimer des pratiques révolutionnaires, de lutte, ou même simplement des paroles et des idées. Tous les recours seront donc utilisés jusqu’au bout, n’en déplaise au PNAT [1].

…Et dans tous les cas, la thune.

Oui mais voilà, tout cela coûte du fric. Malgré un paquet d’événements de soutien depuis 3 ans, ainsi qu’une cagnotte et tout un tas d’aides en nature (logement, bouffe, trajets…) – on ne remerciera jamais assez toutes celleux qui ont mis la main à la patte, et iels sont nombreuses ! – cette affaire a déjà coûté beaucoup d’argent aux inculpé.es et à leur soutien : en frais de justice, en déplacement, etc. Pour se donner une idée, chacun.e des inculpé.es a déjà déboursé plus de 10 000€ de frais d’avocat.es, frais qui ont été partiellement financés par la solidarité collective, mais pas totalement, loin de là. Et ce n’est pas fini.

La plateforme CotizUp qui nous servait de cagnotte a tenté plusieurs fois, à l’approche du procès, de bloquer les virements « pour des raisons de sécurité ». C’est pourquoi on lance une nouvelle cagnotte sur HelloAsso qui nous semble plus fiable, pour recueillir les sous des soutiens. Voici son adresse : https://www.helloasso.com/associations/comite-vertigo/formulaires/9.

Diffusons-la partout, remplissons-la quand on le peut. Encore et encore, organisons des événements de soutien, et informons sur l’affaire du 8 décembre !

En bref

On fait appel de la décision rendue par une justice de classe qu’on dégueule, on fait appel à un soutien financier avec cette nouvelle cagnotte même si ça nous fait sacrément chier de toujours demander de la thune, et on appelle à continuer d’être solidaire de toutes celles et ceux qui subissent la répression parce qu’iels ont décidé de pas se laisser bouffer par ce monde de merde !!!

P.-S.

Infos et suivi des mobilisations ici :
https://soutienauxinculpeesdu8decembre.noblogs.org/
https://soutien812.net/

Notes

[1] L’appel n’étant pas le seul recours. Le 13 mars, Florian alias Libre Flot sera devant le Conseil d’État pour contester la légalité de la surveillance hors de toute procédure dont il a fait l’objet avant février 2020.

#Procès812 : Matinée de soutien pour le rendu du jugement!

MATINÉE DE SOUTIEN AUX INCULPÉ·ES DU 8 DÉCEMBRE !

VENDREDI 22 DÉCEMBRE DÈS 9H DEVANT LE TGI DE PARIS

Le jugement sera rendu. Nous invitons à une présence solidaire de tous·tes les personnes, collectifs et organisations qui ont manifesté leur soutien depuis trois années face à cette mascarade antiterroriste.

Trois années passées à dénoncer les méthodes de l’antiterrorisme (en France et dans le monde), à soutenir les inculpé·es dans leurs frais de justice assommants, à faire du lien entre camarades ciblé·es par la répression, à briser l’isolement dans lequel l’État tentait de nous enfermer. Trois années à témoigner, documenter et avertir.

Aujourd’hui, force est de constater qu’il n’y a plus que les médias d’extrême-droite qui soutiennent sans distance le récit aberrant du Parquet National Anti-Terroriste. Les manigances honteuses de la DGSI, du PNAT et du Juge d’Instruction ont éclaté au grand jour : tous ces faux PV, ces sonorisations où on entend rien, cette sélection de 0,7 % des sonorisations pour monter un récit, cette criminalisation d’outils informatiques basiques, et surtout les violences abjectes infligé·es par cette procédure (de la surveillance au procès, en passant par les arrestations et l’emprisonnement).

Malgré l’absence d’entraînement paramilitaire démontrée, et malgré l’absence totale de projet terroriste, les peines demandées sont lourdes : prison (avec sursis), obligations de soin, inscription au FIJAIT (20 ans)  ; et visent à renvoyer au trou LibreFlot pour 4 ans fermes. Une hargne punitive qui ne répond à aucun intérêt de sécurité publique mais qui témoigne de cette radicalisation de la justice qui s’observe quotidiennement.

Nous vous invitons à accompagner avec joie et solidarité les inculpé·es du 8/12. On y partagera le café, des brochures, des nouvelles, des chansons, un pique-nique, de la musique (bien rythmée, pour se réchauffer) ! N’hésitez-pas à amener ce qui pourrait mettre de la chaleur devant ce Tribunal de Grande Immondice.

Le rendu de ce jugement historique décidera si oui ou non l’antiterrorisme peut se déployer sur les activismes radicaux : des ZADs aux squats, des tête de cortège aux teufs, du soutien aux exilé·es à l’internationalisme.

Pour la vie, pour la liberté, relaxe pour les inculpé·es !

[Caen] Banderole solidaire avec les inculpé.es du 8/12

Depuis la semaine antinuk de Caen, on voulait exprimer notre solidarité, notre force et notre rage avec les inculpé.es de l’affaire dite du 8 décembre, accusé.es d’association de malfaiteurs terroristes.*

Le procès s’est tenu pendant 4 semaines en octobre à Paris, et le rendu est prévu pour le 22 décembre prochain. Le proc requiert jusqu’à 6 ans ferme, pour l’un d’eux.**
Des militant.es écologistes qualifiées d’ »écoterroristes » à l’apologie du terrorisme pour un soutien au peuple palestinien, l’Etat fascisant utilise de plus en plus largement l’accusation de terrorisme pour museler toute contestation.
Alors que la justice bourgeoise veut faire jurisprudence de l’affaire du 8 décembre, il nous apparaît nécessaire d’exprimer notre solidarité, tant nos luttes sont elles aussi concernées.

Solidarité face à la répression!
A bas l’Etat, la DGSI et la SDAT!