[Le club de Médiapart] Violences pénitentiaires et acharnement carcéral : stoppons la spirale répressive

En soutien aux militantes et militants visés par la répression antiterroriste depuis le 8 décembre 2020, plusieurs collectifs dénoncent le maintien à l’isolement d’un des inculpés et «la fabrication de figures de coupables instaurées par la gestion policière, judiciaire et carcérale».

Cela fait maintenant plus de 6 mois que sept de nos camarades sont poursuivis et mis en examen pour « association de malfaiteurs terroristes » suite aux arrestations du 8 décembre, un d’entre eux s’est vu renouveler son maintien à l’isolement le 8 juin dernier.

Alors que la prison est déjà en elle-même une terrible mise au ban de la société, destructrice des liens sociaux, impliquant de graves conséquences pour les enfermé·e·s et leurs proches, le directeur interrégional des Services Pénitentiaires d’Île-de-France, Stéphane Scotto, a rendu sa décision de prolonger de 3 mois supplémentaires l’isolement de notre camarade.

Un large mouvement national contre le système carcéral est entrain d’émerger.

La semaine dernière, une mobilisation était organisée pour réclamer la libération du militant palestinien George Ibrahim Abdallah. Le 30 mai dernier à Lyon et dans plusieurs villes de France, une première Journée Nationale contre les Violences Pénitentiaires était organisée à la suite du meurtre barbare d’Idir. Le 16 mars, un communiqué co-signé par L’Envolée, l’ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture), l’A3D (Association des avocats pour la défense des droits des détenus), la LDH (Ligue des Droits de l’Homme), l’OIP (Observatoire International des Prisons), le SAF (Syndicat des Avocats de France), dénonçait la répression faite contre la diffusion de témoignages sur les violences pénitentiaires. Le 24 juin, le rapport du CPT (Conseil européen pour la Prévention de la Torture) déplorait les conditions de détention en France. L’agenda est rempli et la liste non-exhaustive.

Alors qu’aujourd’hui de nombreuses voix s’élèvent contre les crimes policiers et pénitentiaires, contre les mitards et l’isolement, contre l’impunité, contre l’incarcération et la fabrication de figures de coupables instaurées par la gestion policière, judiciaire et carcérale de la société, nous dénonçons le renouvellement du maintien à l’isolement du camarade inculpé.

Ces dernières années, les collectifs Justice et Vérité n’en finissent pas de se multiplier et les luttes s’étalent sur des années pour finir devant la CEDH quand aucun recours n’est plus possible en France. La population carcérale ne cesse d’augmenter, alors qu’elle est déjà parmi les plus élevées d’Europe, mais les injustices sont toujours aussi criantes. La « vie » en prison est insoutenable aujourd’hui et la loi que prévoit Éric Dupond-Moretti va aggraver cette situation.

On pouvait lire ces derniers mois dans le métro de Paris : « Devenez surveillants pénitentiaires. Au coeur de la Justice » communiquant la volonté gouvernementale de renforcer une politique pénale contraire aux désirs de justice transformatrice ou réparatrice théorisées par le féminisme. A Rennes, la construction d’une nouvelle prison est actuellement en préparation.

Comment ne pas prendre à bras le corps le problème carcéral comme un élément essentiel d’un capitalisme toujours plus violent et d’un État toujours plus policier ? Les mesures disciplinaires et d’isolement en sont le paroxysme.

Nous dénonçons la fabrication de figures de coupables instaurées par la gestion policière, judiciaire et carcérale de la société.

Cette construction sociale commence à l’extérieur par la sur-occupation policière des quartiers populaires, par une criminalisation particulière des personnes sans papiers, non-blanches et/ou précaires. Une stigmatisation qui dépasse toutes les bornes de la décence comme lorsque des policiers se permettent de porter plainte contre Babacar Gueye après l’avoir abattu de 5 balles en 2015 dans le quartier Maurepas.

Cette construction de la culpabilité se poursuit à l’intérieur des prisons, par l’existence de la Détention Provisoire (DP) qui permet aux juges d’enfermer des personnes durant des mois, voire des années avant un quelconque procès, en dépit du principe de présomption d’innocence.

Cette sur-criminalisation se poursuit encore quand l’Administration Pénitentiaire (AP) met en place des mesures particulières contre certain·e·s détenu·e·s et prévenu·e·s. Telles que : le placement à l’isolement et en cellule disciplinaire (mitard), ou encore le statut de Détenu·e·s Particulièrement Signalé·e·s (DPS).

Ces mesures créent une prison au sein de la prison, elles déshumanisent des personnes et tentent de les faire passer pour des entités particulièrement dangereuses, des coupables idéaux/idéales, des condamnés d’avance. Le domaine du non-droit s’étend, notamment au non de l’antiterrorisme qui normalise ces mesures prétendument exceptionnelles.

Enfin cette gestion carcérale de la société normalise des mesures administratives d’enfermement (comme lorsque l’on enferme sans justice aucune des personnes pour le simple crime d’avoir traversé des frontières) ; et d’acharnement judiciaire après qu’un·e détenu·e ait purgé sa peine (comme c’est le cas de Kamel Daoudi, assigné à résidence depuis plus de 10 ans, et des Mesures Individuelles de Contrôle Administratif et de Surveillance (MICAS). La culpabilité à perpétuité.

Nous dénonçons les mesures particulières de l’isolement et du mitard, assimilables à de la torture psychologique, ainsi que les violences carcérales. La mise à l’isolement, rappelons-le, empêche tout contact entre la personne isolée et les autres détenu·e·s, (les seuls contacts avec des êtres humains sont donc ses maton·ne·s ainsi que quelques rares parloirs) pendant une période de 3 mois, renouvelable indéfiniment.

Le camarade mis en examen dans l’affaire du 8 décembre, raconte son isolement qui dure depuis déjà plus de 6 mois. « Le lien social est pour l’être humain, un besoin vital. L’isolement s’apparente donc à de la torture. Non pas une torture physique existant par un fait ou un acte, mais une torture plus pernicieuse, invisible, permanente, existant par cette absence continue. »

Quand à la cellule disciplinaire, cachot au fond du cachot, c’est l’endroit où se concentrent le plus de violences. Ça n’est sans doute pas un hasard si tant de morts suspectes ont lieu précisément dans les mitards, à l’abri des regards. On peut citer le cas de Idir, mort en septembre dernier au mitard de Lyon-Corbas, deux semaines avant sa sortie. Ou celui de Zamani au mitard de Nantes en 2000, un mois avant sa sortie. Ou encore la mort de Jaouad en 2018. Et celle de Jules en décembre 2020 au mitard de Seysses, prison dans laquelle opère impunément une équipe de matons particulièrement violents surnommée « l’escadron de la mort ». La liste est longue, impossible de ne pas faire ce constat : la prison tue.

Nous, syndicats, organisations politiques et collectifs autonomes, nous opposons à :

– la construction de l’image de coupables et la présomption de culpabilité induite par la généralisation de la Détention Provisoire et des Centres de Rétention Administrative (CRA) ;

– l’acharnement carcéral sous toutes ses formes : Quartier d‘Isolement (QI), Quartier Disciplinaire (QD), Mesures Individuelles de Contrôle Administratif et de Surveillance (MICAS).

En conséquence, nous exigeons la levée de l’isolement pour le camarade mis en examen dans l’affaire du 8 décembre et la suppression de toutes ces mesures punitives et stigmatisantes.

Premiers Signataires :

  • Comité Soutien 812 – Rennes
  • Awa Gueye et le Collective Justice et Vérité pour Babacar
  • FRAP (Front Révolutionnaire Anti-Patriarcal)
  • UL CNT 35
  • UL CNT Lille
  • Comité Soutien812 – Tarnac
  • UCL Rennes
  • Réseau Entraide Vérité et Justice
  • Collectif Vies Volées
  • Comité Vérité et Justice pour Lamine Dieng
  • NPA 35
  • Comité Soutien812 – Francilien
  • AFA Paris Banlieue
  • ACTA
  • Fédération Anarchiste Rennes, La Sociale
  • Brigades de Solidarité Populaire – Île de France

L’anti-terro fantasme (encore) le plateau

Publié le 15 juin 2021 | Mise à jour le 18 juin, sur La Bogue.

6 perquisitions et interpellations ce mardi 15 Juin, dont la directrice de l’école primaire de Gentioux, à 3 semaines de la retraite.

Avec le renfort de la cellule anti-terroriste de Paris, ce sont 6 perquisitions et interpellations, pour GAV (jusqu’à 96H) qui ont eu lieu ce matin mardi 15 Juin, sur le plateau de Millevaches et autour.

Ces interpellations ont été vécues comme un choc par les habitant.e.s du villages, face aux moyens disproportionnés, la matinée se finissant par des gaz lacrymos.

Les enfants n’ont rien à reprocher à leur maîtresse.

Après plusieurs attaques de l’extrême droite, dont une giflette contre Micron, nous voyons ici une manœuvre politique, à 5 jours des élections régionales, pour brandir la peur de l’ultra-gauche en faveur de l’ultra centre gouvernemental.

Qui terrorise qui ?

Est-ce qu’une dégradation matérielle constitue une acte de terrorisme ? Est-ce que saboter une antenne polémique et des véhicules d’entreprise, est plus ou moins terroriste que de débarquer cagoulés dans un village pour embarquer l’institutrice ?

« Cinq mois après l’incendie du relais des Cars (Haute-Vienne), l’enquête vient de faire un grand pas en avant avec l’interpellation, mardi 15 juin, en Creuse et en Haute-Vienne, de six personnes qui pourraient aussi être mises en cause dans les incendies criminels qui ont détruit des véhicules appartenant à Enedis, en février 2020, à Limoges. »

Voir toutes les infos « officielles » dans ce magnifique brouillon : https://www.lepopulaire.fr/limoges-87000/actualites/incendies-du-relais-des-cars-et-des-vehicules-d-enedis-a-limoges-six-personnes-interpellees-en-haute-vienne-et-en-creuse_13968274/

RDV à 18h devant le comico central, 4 av Emile Labussière, 87100 LIMOGES, face à une gav qui peut durer 96H, pour soutenir les interpellé.e.s et décider de la suite.

Arrestations du 15 juin : création comité de soutien samedi 11h place d’Aine

Publié le 15 juin 2021 | Mise à jour le 19 juin sur La Bogue.

Ce mardi 15 juin, 6 personnes ont été interpellées, accusées de dégradation de bien au sein d’un enquête dans laquelle l’État a une nouvelle fois employé sans vergogne tous les moyens de l’antiterrorisme. Retrouvons-nous ce samedi à 11h, place d’Aine à Limoges, pour constituer un comité de soutien et montrer que nous ne sommes pas dupes des manoeuvres de la maffia au pouvoir. NOUVEAU RASSEMBLEMENT CRÉATION D’UN COMITÉ DE SOUTIEN SAMEDI 19 JUIN À 11H PLACE D’AINE Infos du 18/06 à 19h :
Les trois dernières personnes gardées à vue ont été présentées à la juge cet après-midi.
Elles ont toutes les trois été mises en examen pour « association de malfaiteurs » et remises en liberté avec de lourds contrôles judiciaires : interdictions de quitter le pays ou même leur département, interdictions de se voir, interdictions de manifester, pointages réguliers au commissariat…
On se retrouve toujours samedi matin pour monter le comité : préparer la contre-attaque et partager nos analyses sur ce nouveau coup de l’État policier !

Infos du 18/06 à 15h30 :
Un nouveau rassemblement s’est tenu ce matin devant l’hôtel de police puis devant la cité judiciaire, où les trois personnes restant en garde-à-vue ont été présentées à une juge. Un comité de soutien sera mis en place samedi 19 juin à 11h : rendez-vous place d’Aine à Limoges.
Un communiqué de presse a été rédigé, nous le reproduisons ici intégralement et en pièce jointe. À imprimer et diffuser sans modération !!!

Appel à rejoindre le comité de Soutien de l’affaire du 15 juin

Ce samedi 19 juin à 11heures place d’Aine, à Limoges. Nous, premiers témoins et soutiens des personnes mises en cause par les arrestations du mardi 15 juin en Creuse et Haute-Vienne,appelons au rassemblement des soutiens les plus nombreux, ce samedi 19 juin à 11 heures, place d’Aine, à Limoges.

Nous avons vu des policiers armés et cagoulés arrêter sept personnes ce mardi 15 juin à 6h, une scène brutale et choquante pour les voisins et amis présents sur place à cause de la débauche de moyens parfaitement disproportionnés qui a été déployée : la Sous Direction Anti Terroriste (qui s’est déjà tristement illustrée en Limousin lors de l’affaire Tarnac), le Peloton Spécial d’Intervention de la Gendarmerie, la police judiciaire et la gendarmerie du secteur, rien que cela : une dizaine de voitures pour interpeller une institutrice chez elle, avant sa journée de travail. Une rafle matinale, accompagnée de perquisitions, qui s’est déroulée au même moment à différents endroits du Limousin avant de conduire ses sept victimes dans les commissariats de Limoges, Saint Junien, Bellac, et d’autres encore, pour une garde à vue pouvant durer jusqu’à 96h.

Ils ont entre 45 et 70 ans : une directrice d’école, une potière, un plombier, une menuisière, un chargé de cours à l’université et une infirmière, à avoir fait les frais de cette opération ; ce sont surtout des citoyens, parmi les (trop) rares engagés professionnellement et bénévolement au service des gens et de la collectivité.

On les soupçonne de « destructions matérielles en bande organisée portant atteinte aux intérêts de la Nation » et d’« association de malfaiteurs » suite à deux événements : l’incendie, en début d’année, d’antennes TDF de diffusion de la TNT et de la téléphonie mobile, et celui un an auparavant de véhicules Enedis. Rien en tout cas qui ressemble de près ou de loin à des actes de terrorisme, alors que ce sont bien les moyens de l’antiterrorisme (SDAT, garde-à-vue prolongée) qui sont employés : la seule répercussion de l’événement en question a été une coupure de télévision de quelques jours. Absolument rien qui justifie qu’on déploie un dispositif aussi démesuré ; n’aurait-on pas pu les convoquer simplement dans le cadre de l’enquête ? C’était sans compter la montée de la violence d’État qui s’est opérée ces derniers temps à l’égard de tout citoyen par les moyens de plus en plus étendus donnés aux forces de police et l’élargissement des mesures d’exception de plus en plus intégrées au droit commun.

L’opération ressemble à un coup de filet assez large et mal ajusté pour faire du renseignement sur des gens dont les engagements humanistes déplaisent au pouvoir. Au moins trois perquisitions ont même été menées chez des personnes convoquées finalement en tant que témoins ! Il ne manquait plus que le spectre de l’ultra-gauche pour les amalgamer dans un discours grossier qui justifie la mise en scène policière, à quelques jours à peine des élections régionales et départementales qui verra surtout s’affronter l’ultra-droite et un ultra-centre de plus en plus extrémiste.

Nous constituons aujourd’hui un comité de soutien pour que ces personnes, prises malgré elles dans la trame de cette sordide pièce de théâtre politique ne soient pas isolées et puissent se défendre contre la violence qui leur est faite sans se retrouver broyées par cette grande machine à fabriquer des ennemis intérieurs que nous avons déjà trop vue à l’œuvre.

Nous constituons également ce comité pour dénoncer ensemble la radicalisation sans frein d’un pouvoir aux abois, qui use de terreur et de surveillance pour masquer sa peur d’avoir un jour des comptes à rendre à tous ceux qu’il maltraite au quotidien.

Tout cela alors même que quatre des personnes arrêtées ont déjà été relâchées sans charges !…

Nous donnons donc rendez-vous ce samedi à 11 heures, place d’Aine, à Limoges, pour une réunion publique et une conférence de presse ; nous appelons tous les soutiens à rejoindre ce comité.

A samedi !

Rejoignez-nous, contactez-nous, soutenez le comité par des dons et des interventions publiques. Notre numéro : 06.23.44.31.52

Infos du 17 juin :
Entre 30 et 50 personnes réunies ce jeudi soir devant le comico.
Des banderoles, des chants, la chorale des résistances sociales (CRS), de nombreux amis des personnes arrêtées.
Des flics tendus qui gardent avec boucliers l’entrée principale du comico.
Cette chanson qui dit en citant des moments historiques du combat social, de la révolution de 1789 à d’autres moments de soulèvements et de sabotages : « non non non / c’est pas bien d’casser / sauf quand on / quand on a gagné »…
Un point sur la situation de l’affaire :
– 3 d’entre elles ont été relâchées sans charges (mais pas l’institutrice)
– les 3 autres seront vraisemblablement présentées à une juge ce vendredi matin
– après ce rendez-vous elles seront soit relâchées, avec ou sans contrôle judiciaire, soit placées en « détention provisoire » et mises en examen
– si des personnes sont incarcérées elles auront besoin de soutien pour cantiner, c’est-à-dire disposer d’un minimum d’argent pendant leur détention
– un comité de soutien est en cours de construction, il se réunira vraisemblablement pour la première fois en tant que tel samedi matin à Limoges
– plusieurs communiqués de presse et réponses publiques sont sorties : voir en pièce jointe et avec les liens suivants :
https://www.facebook.com/SoutienArrestations15juin
https://lundi.am/Des-epiciers-de-Tarnac-a-l-institutrice-de-Gentioux

Après le rassemblement une quizaine de personnes a subi un coup de pression policière bien assumé. Quelques personnes qui quittaient le rassemblement ont observé une surveillance policières, des voitures banalisées qui semblaient les suivre. Plusieurs véhicules de police sont arrivé pour encercler rapidement un groupe de personnes qui rejoignaient leurs véhicules. La situation a duré plus de 15 minutes, avec une trentaine de policiers stoïques mais menaçants qui encerclaient les gens tels des zombies tout en leur intimant l’ordre de partir. Ils ont pris l’identité d’une personne et ont finalement eu l’ordre de se replier.
Continuons à dénoncer cette mascarade
Retrouvons-nous encore demain et samedi

Infos du 16/06 :

Près d’une centaine de personnes étaient présentes ce mercredi matin à partir de 9h devant le commissariat pour dénoncer ces arrestations. Un nouveau rendez-vous est proposé demain jeudi au même endroit. L’idée circule de créer des comité de soutiens et de contrer le récit médiatico-policier et remettre les pendules à l’heure. Un premier communiqué de presse de plusieurs organisations syndicales vient de sortir dans ce sens : * * *

L’article de mercredi :

Gentioux (23340), 6h du matin : de nombreux véhicules de police et gendarmerie bouclent le village du Mont. Une maison est perquisitionnée, une femme entendue. Tout le voisinage est confiné de force dans son logement, et toute entrée dans le village est barrée.
Certaines personnes (peut-être au courant de la démesure habituelle des cow-boys en cagoule, qui laisse parfois derrière elle des blessés ou des morts ?) s’inquiètent de cette situation, et font passer le mot qu’une arrestation est en cours. Vers 9h, alors que persquisition et interrogatoire se poursuivent, mais la route rouverte, une trentaine de personnes des environs s’est rassemblée pour exprimer sa méfiance envers cette opération, qui consiste tout de même à interpeller… l’institutrice et directrice de l’école du village.

On apprendra dans la journée que des opérations similaires ont été menées dans le nord-ouest de la Haute-Vienne au même moment, conduisant au total à l’arrestation de 7 personnes dont 6 sont ce soir toujours gardées à vue.

L’enquête est sous le régime de l’antiterrorisme. Les policier.e.s et gendarmes qui sont intervenu.e.s étaient notamment des membres de la SDAT (Sous-direction de l’antiterrorisme à Levallois-Perret) et du PSIG (Peloton spécial d’intervention de la gendarmerie), armés, gilets pare-ballés, cagoulés, équipés de gazeuses et de tout le genre d’attirail absurde qui sied à cette engeance. Deux juges d’instruction, dont un spécialiste de la terrorisation de la population (« antiterroriste »).

Les faits reprochés sont des dégradations de biens, à savoir l’antenne-relais des Cars près de Limoges et des véhicules appartenant à Enedis, en janvier 2020 et janvier 2021.

Le récit, on le connaît déjà : groupuscule radicalisé blabla des leaders et des exécutants blabla pas de fumée sans feu blabla il faut défendre le système blabla nous faisons tout notre possible balbal faites-nous confiaaaaaaance.

Tout ça à trois jours des élections (dont par ailleurs tout le monde se fout).

Les morts, pendant ce temps, c’est ceux d’un système hospitalier consciemment démantelé, d’un système social en état d’abandon manifeste, d’un système policier putschiste, d’un système patriarcal hystérique, liste non exhaustive.

Gentioux (23340), mardi 15 juin, 6h du soir : derrière la statue du gamin du monument aux morts qui lève le poing en direction de l’inscription « Maudite soit la guerre », plus d’une centaine de personnes sont réunies sous les tilleuls devant l’école. Quelques prises de parole se succèdent, les unes pour donner un exposé succinct de la situation, les autres pour faire part de leur solidarité, ou raconter leur expérience de « voisins » de l’opération du matin. La parole est difficile. Comme perturbée, hallucinée. Même alors que paraissent les premiers articles de presse, ceux de France Bleu ou du Populaire « la voix de son maître » du Centre, tout le monde reste incrédule, sidéré par la démesure. L’opération de terrorisation habituelle commence à ressembler à ce qu’elle est, la détestable carte dans la manche d’un État aux abois.

Y a pas moyen. On se donne rendez-vous demain à Limoges.

NOUVEAU RASSEMBLEMENT CRÉATION D’UN COMITÉ DE SOUTIEN SAMEDI 19 JUIN À 11H PLACE D’AINE NOUS NE NOUS LAISSERONS PAS TERRORISER

Malfaiteurs de tous les pays, unissons-nous!

Texte publié par le RAJCOL (Réseau d’Autodéfense Juridique COLective) à l’occasion du procès des opposant.es à CIGEO:

Renforçons nos solidarités face à la police, la prison et la justice

Le 20 juin 2018, le village de Bure se réveillait avec près de 200 gendarmes déployés, l’arrestation de 8 personnes et la perquisition de 11 lieux de vie et d’organisation de la lutte contre le projet d’enfouissement de déchets nucléaires. Le procès se tiendra le 1er, 2 et 3 juin prochains. Les personnes arrêtées sont accusées de former une « association de malfaiteurs », accusation fourre-tout, à la fois très lourde de conséquences en termes de peine (jusqu’à 10 ans de prison et 150.000 euros d’amende) et dont l’usage est éminemment politique.

Un objectif clair : écraser la lutte

La mobilisation du délit d’association de malfaiteurs vise explicitement à terroriser, à défaire les liens, et à dissuader les opposant.es de s’engager. Le champ d’application contemporain de l’association de malfaiteurs élargit la notion « d’association », permettant ainsi une criminalisation de masse. Ainsi, comme le soulignent des opposants au projet d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure : « Prêter sa voiture, participer à l’achat de tissu avant une manifestation, avoir ses empreintes sur une bouteille plastique, son ADN sur une écharpe, être co-propriétaire ou co-gérant·e d’un lieu collectif où sont trouvées des fusées d’artifice, etc. tout devient présomption de culpabilité, de complicité, et donc de participation à une Association de Malfaiteurs. Nourrir, accueillir, loger, mettre à disposition des moyens de communication (téléphone, internet, photocopieur, etc.) dans un lieu privé ou collectif relève directement de l’Association de Malfaiteurs, si les personnes accueillies prennent part, ailleurs, à des manifestations où sont commis des actes délictueux ».

Ce qui s’est passé à Bure n’est pas anodin. Et d’ailleurs les questions posées lors des auditions et les moyens de l’enquête mobilisés ne laissent aucun doute : l’objectif est clairement de s’en prendre aux structures qui permettent à nos luttes de vivre et de se défendre, à toutes ces petites ou grandes solidarités qui font vivre nos luttes. À travers les personnes arrêtées, et les questions posées, ce sont en effet les outils collectifs que représentent le soutien juridique, les groupes de soin ou encore les groupes d’automedia qui sont visés.

On se rappelle à ce titre de la fermeture du site Linksunten Indymedia en Allemagne en 2017 après le flamboyant G20 à Hambourg, et des menaces d’interdiction adressées à Indymedia Grenoble en France après la publication de revendications d’actions. L’offensive de l’État vise à détruire les réseaux d’entraide, de soutien et de communication, tout en faisant planer un climat de peur au-dessus de toutes celles et ceux qui s’organisent politiquement, ou qui se montrent simplement solidaires des luttes. À peu de choses près la même stratégie que pour les manifestations : terroriser, par la peine de prison, ou par la menace de la blessure ou de la mutilation, pour dissuader de se joindre à la lutte.

L’utilisation de l’association de malfaiteurs a une histoire, réactualisée à chaque nouvelle affaire : elle a déjà servi à fragmenter des réseaux de lutte et d’amitié grâce à des constructions policières fomentées par les services de renseignement. En janvier 2008, c’était l’affaire dite «des mauvaises intentions » qui envoyait plusieurs personnes en détention, accusées d’avoir fabriqué des engins explosifs (en l’état, des fumigènes artisanaux et des crève-pneus) alors qu’elles se rendaient à une manif au CRA de Vincennes. C’est alors l’association de malfaiteurs à caractère terroriste qui est mobilisée, tout comme à l’encontre des 9 de Tarnac, en 2009, accusé.es d’avoir endommagé des caténaires avec des crochets posés sur les lignes TGV. Le procès signera la défaite retentissante, pour un temps, de la mobilisation de l’antiterrorisme à l’encontre de militants. Les fois suivantes, c’est donc la seule association de malfaiteurs qui est mobilisée : à Rennes en 2016, pendant la loi Travail, contre des actions de sabotage de composteurs de métro à l’aide de mousse expansive ; à Briançon en juillet 2018 pour suspicion d’aide à l’entrée de personnes en situation irrégulière, dans le cadre d’une mobilisation entre l’Italie et la France contre Génération Identitaire ; à Lyon, le 13 novembre 2018 contre une action antifasciste de construction d’un mur en parpaings devant l’entrée du Bastion Social, à Bordeaux dans le cadre des Gilets Jaunes, le 7 décembre 2019, avec l’arrestation de 16 personnes accusées de fomenter des actions violentes dans un « appartement conspiratif » (l’enquête sera entièrement annulée en mars 2021, les avocat.es ayant pu démontrer l’illégalité de la perquisition). En septembre 2020, à côté de Grenoble, 6 personnes sont arrêtées de nuit près de jardins collectifs, accusées d’avoir voulu monter une ZAD, ou d’être, peut-être, à l’origine des incendies qui illuminent la région depuis quelques années. Les mises en examen pour association de malfaiteurs sont annulées en avril 2021. Plus récemment, l’affaire dite du 8 décembre 2020 reprend le qualificatif d’association de malfaiteurs terroriste à l’encontre de plusieurs personnes arrêtées à Toulouse, Rennes, Vitry-sur-Seine et Cubjac, soupçonnées d’avoir prévu des actions violentes contre les forces de l’ordre, avec comme toile de fond le soutien à la lutte des Kurdes…

Quand le moyen contient la fin

À l’approche du procès, on pourrait être tenté de considérer ce qui va se dérouler le 1er, 2 et 3 juin comme le moment-phare, l’instant de dévoilement, l’aboutissement de toute cette procédure. Ce serait manquer quelque chose : le plus important s’est sans doute déroulé, pour le pouvoir, durant ces presque trois années, de 2018 à aujourd’hui.

Les moyens d’enquête considérables que permet l’instruction sous le motif d’association de malfaiteurs ont ainsi servi leur but : permettre aux services de police d’amasser un savoir considérable (même si toujours désincarné) sur ceux et celles qui osent défier la sainte trinité du Nucléaire en France.

À Bure, 29 personnes ont été mises sur écoute, 765 numéros de téléphone ont fait l’objet de demandes de vérification d’identité, 85.000 conversations et messages ont été interceptés, cumulant plus de 16 ans de temps de surveillance téléphonique, 118 personnes ont été fichées dans un organigramme type ANACRIM (logiciel d’analyse criminelle mobilisé dans l’affaire du petit Grégory), 25 perquisitions ont été menées, pour un total d’exactement 20.164 pages de dossier d’instruction.

Avant le verdict, la peine a déjà été appliquée : interdiction de se voir, interdiction de séjour, interdiction de communication, interdiction dans les faits de manifester, contrôles judiciaires contraignants, voire incarcération. Des liens disloqués, une intrusion insupportable dans l’intimité de dizaines de personnes…. Des personnes mises en examen faisaient le parallèle en avril 2020 entre le confinement imposé à toute la population française et leur situation :

« Ne pas avoir le droit de voir des amis. Leur faire courir un risque grave si on essayait malgré tout. C’est la douloureuse réalité de dizaines de millions de personnes depuis plus d’un mois. C’est la nôtre depuis bientôt deux ans. Deux ans, rien que ça, mais sans apéros en visioconférence et sans coup de fil pour savoir si ça va. Rien que des bribes de nouvelles qui passent de proche en proche : « X a pas mal déprimé ces derniers mois mais ça va mieux, tu lui manques », « Y s’est marié, tu ne savais pas ? », « Z vient d’être rajouté au dossier, tu ne peux plus lui parler non plus, je suis désolée ». Des choses comme ça, abstraites, désincarnées. »

(Extrait de la tribune Pour que cesse le confinement de notre lutte et de nos amitiés)

La solidarité est notre arme !

Et pourtant, la lutte ne s’est pas éteinte, et la solidarité n’a pas disparu. Personne n’a rendu les armes, et le procès sera l’occasion d’inviter des centaines de nouvelles personnes dans la lutte.

Nous sommes des collectifs de soutien juridique et de lutte contre la répression, situés un peu partout en France. Au quotidien, nous luttons, avec un réseau d’avocat.es engagé.es, à contrer l’individualisation des responsabilités et des peines, à se redonner du pouvoir face à la machine judiciaire qui nous veut impuissant.e.s et dociles. À créer des liens là où ils nous voudraient isolé.es.

Si les gouvernements successifs semblent s’évertuer à criminaliser les formes les plus élémentaires de solidarité, en poussant vers la prison des personnes qui ne font que résister légitimement à l’inacceptable (à travers le « délit de solidarité » notamment) et en menaçant de représailles tout·es celles et ceux qui refusent de déserter les rues et les luttes, qu’ils ne se détrompent pas : aucun État, même les plus totalitaires, n’a jamais eu et n’aura jamais raison de cette solidarité instinctive, de cet élan qui est au cœur du fait même de lutter.

Les liens qui unissent toutes celles et ceux qui se soulèvent sont intouchables.

Tous et toutes à Bure le 1er juin !

1,2,3 JUIN – BURE : Procès des Opposant.es à CIGEO

Et c’est qui les malfaiteurs ? Encore une « association de malfaiteurs » où 7 militant.es sont criminalisé.es pour protéger des intérêts économiques et politiques. En tant que Comités de Soutien812, nous sommes à leurs côtés contre la répression politique.

Tract d’appel au rassemblement de soutien intitulé « Et c’est qui les malfaiteurs? » A retrouver sur https://bureburebure.info/123proces/

Retrouvez le fil d’info et les comptes rendus du procès jour par jour ici : https://noussommestousdesmalfaiteurs.noblogs.org/

[Radio Pikez] Autours des inculpé.es du 8 décembre

Acentrale brestoise du 10 avril 2021 consacrée aux Inculpé-e-s du 8 décembre. En présence des comités de soutien de Paris et Rennes (un grand merci à elleux !) Avec la participation de La Quadrature du Net et André Hebert, auteur de Jusqu’à Raqqa, avec les kurdes contre Daech aux éditions Les Belles Lettres et Hommage au Rojava, aux éditions Libertalia.
https://hearthis.at/radiopikez/podcastacentrale10042021/