Munich : « association de malfaiteurs » contre une imprimerie anarchiste.

Une série d’articles sortis sur la récente vague de répression à Munich, visant l’imprimerie anarchiste Frevel via l’usage de l’article 129 du code pénal bavarois et les moyens de l’antiterrorisme.

Perquisitions et article 129* contre une bibliothèque anarchiste

Aujourd’hui, mardi 26 avril 2022, des perquisitions coordonnées ont eu lieu à Munich dans différents appartements ainsi qu’à la bibliothèque anarchiste Frevel, au prétexte de « formation d’une organisation criminelle ».

Les personnes concernées sont accusées d’avoir incité au crime à travers des publications anarchistes. Les flics ont confisqué pratiquement tous les journaux et brochures anarchistes ainsi que tout le matériel qui pourrait avoir un rapport avec l’impression de publications. Deux accusés ont été mis en garde-à-vue et des prélèvements d’ADN ont été ordonnés ; ils ont ensuite été relâchés, et tous les accusés sont en liberté.

Les flics essaient de nous intimider, de nous faire peur et de nous terroriser, mais nous ne sommes pas étonnés qu’en période d’état d’urgence et de guerre, l’État s’en prenne à ses ennemis, aux idées anarchistes et à leur diffusion.

Plus d’infos suivront…
Pas de spéculations !

ACAB 4 eva

* NdT : l’article 129 du code pénal allemand, est celui connu sous l’appellation « constitution d’organisations criminelles », qui vise non seulement la création d’associations de malfaiteurs, mais aussi l’appartenance et le soutien à de telles organisations. Il est régulièrement utilisé en Allemagne contre des révolutionnaires, et l’a notamment été ces dernières années à Leipzig, Weimar, Hambourg, Francfort, Berlin.

A propos de descentes de police, d’une procédure de §129 contre des anarchistEs et du vol d’une imprimerie.

Initialement paru sur Sans Nom le 9 mai 2022. Traduit de l’allemand de Zuendlappen, 7 mai 2022.

Que s’est-il passé ?

Comme nous l’avons déjà relaté, des descentes coordonnées de flics ont eu lieu mardi 26 avril contre des anarchistes de Munich, sur la base de l’accusation de création d’une organisation criminelle (§129). Dans ce cadre, quatre appartements ont été perquisitionnés (dont deux sans qu’aucun des accusés n’y habite), ainsi que plusieurs caves (parfois aussi les pièces voisines de celles prétendument attribuées aux accusés), une imprimerie et la bibliothèque anarchiste Frevel.

Coordonnés par le service de protection de l’Etat (K43, soit « Criminalité à motivation politique », NdT), une bande de flics cagoulés, armés de béliers, parfois d’armes à feu dégainées et même d’une cotte de mailles (oui, on ne sait pas si ce flic a perdu un pari ou si c’était la semaine des chevaliers), ont fait irruption dans les appartements à 6 heures pile du matin. Ces fameux paquets de testostérone ont même défoncé une porte dont la clé se trouvait à l’extérieur. Dans certains cas, eux-mêmes ou leurs collègues du service K123 (investigation numérique/surveillance des télécommunications) devaient s’être connectés au préalable au réseau WLAN local, en tout cas ils semblaient savoir exactement quels appareils étaient à ce moment-là connectés au réseau WLAN local. Munis de powerbanks [batterie portable] et de cages de Farraday en forme de sac (qui servent de protection contre les signaux radio), les agents se sont immédiatement jetés sur ces appareils (tous des smartphones) et les ont sécurisés lorsqu’ils étaient allumés.

Après ce prélude, les enquêteurs du K43 se sont approchés et ont présenté aux personnes concernées les ordonnances de perquisition et les pseudo-témoins amenés sur place par les autorités municipales locales. Et c’est parti pour un tour : pendant environ six heures et demi, les porcs ont fouillé à la recherche des objets habituels, comme des ordinateurs, des supports de stockage, des téléphones portables, mais aussi des imprimantes, des publications anarchistes, des « documents et/ou des fichiers qui renseignent sur les idées d’extrême gauche et anarchistes » des accusés, des enregistrements personnels, des données financières, des « documents et/ou fichiers renseignant sur d’éventuels projets d’attentats des accusés », ainsi que des « plans, outils et/ou matières premières pour la fabrication de bombes, d’engins incendiaires ou d’autres objets susceptibles de servir à commettre un attentat terroriste », rien que ça. Ils ont surtout saisi des supports de stockage, des ordinateurs (y compris ceux de non-accusés), des imprimantes, des notes personnelles, de la correspondance, plusieurs centaines de publications anarchistes dans des langues les plus diverses. En outre, ils ont cherché avec zèle des contrats de location pour des locaux loués, et les ont certainement réclamés aux propriétaires des caves perquisitionnées.

Les perquisitions dans une imprimerie, dans plusieurs caves et dans la bibliothèque anarchiste Frevel ont dû avoir lieu en même temps, mais il manque les mandats de perquisition et les procès-verbaux de saisie. Là aussi, les flics sont entrés par effraction et ont ensuite changé les serrures ou laissé les locaux ouverts.

Dans la bibliothèque anarchiste Frevel, les flics n’ont pris que quelques publications, affiches, autocollants et autres, et ont également volé l’imprimante qui s’y trouvait.

La situation a été différente dans l’imprimerie entièrement équipée. Ici, les flics ont fait venir un camion et une grue et ont tout confisqué : du Risograph (une machine d’impression) avec les tambours correspondants jusqu’au massicot, de l’assembleuse jusqu’à l’encolleuse, et même une presse typographique historique et ses jeux de plombs, tout cela a atterri dans la salle des pièces à conviction des flics. Mais ce n’est pas tout. Des milliers de livres, de brochures et de journaux, des paroles de Malatesta et de Kropotkine à celles de Bonanno, mais aussi de nombreuses brochures et journaux actuels, ont été emportés par les flics, tout comme environ 50 000 feuilles de papier vierge, de l’encre et bien d’autres choses encore. En signe de respect, ils ont finalement versé le café dans l’évier et sont repartis avec leur butin dans un camion de 40 tonnes.

De quoi s’agit-il ?

Trois prévenus sont accusés d’avoir formé une association de malfaiteurs, non seulement parce qu’ils seraient « membres des milieux anarchistes d’extrême gauche », qu’ils « rejettent l’existence et les valeurs de la République fédérale d’Allemagne et toute forme d’ordre étatique » et qu’ils « considèrent la violence, en particulier celle contre les biens et/ou les fonctionnaires de police, comme un moyen légitime d’imposer leurs vues », mais aussi et surtout parce qu’ils auraient fabriqué, publié et distribué l’hebdomadaire anarchiste Zündlumpen. Il s’ensuit une liste de 15 citations tirées de différentes éditions du journal Zündlumpen (sur un total de 85 numéros), pour lesquelles il s’agirait à chaque fois de « contenus punissables ». Nous reproduisons ici quelques perles sous forme de citations tirées du mandat de perquisition :

« Le 10.04.2020, les prévenus ont publié sur le site Internet de Zündlumpen, à l’adresse https://zuendlumpen.noblogs.org/post/2020/04/10/, le court message « Brenn, E-Scooter, brenn ! » [Brûle, E-Scooter, brûle !] Ils y relataient l’incendie de deux de ces véhicules à moteur le 04.04.2020 dans le quartier de Freimann à Munich et le 06.04.2020 au bord du jardin anglais à Munich. Ils qualifiaient ces véhicules de « fléau » qu’il fallait saboter. Par ce titre, les accusés approuvaient les incendies criminels commis par des inconnus le 04.04.2020 et le 06.04.2020 ».

« Dans le numéro 61 du 13.04.2020, les accusés ont appelé, dans l’article « Rébellion contre le couvre-feu », rédigé sous forme de bande dessinée, à crever les pneus des véhicules d’intervention de la police, à incendier les véhicules d’intervention de la police et à ériger des barrages routiers à partir de poubelles en feu. Les dessins fonctionnent comme des instructions d’action précises. Les accusés incitaient ainsi au sabotage anticonstitutionnel, à la dégradation de biens, à la destruction d’outils de travail importants, à l’incendie volontaire et à la violation de la loi ».

« Dans le numéro 62 du 21.04.2020, les accusés ont publié dans l’article « Ce que nos lecteur/trices (clandestins) pensent, disent et écrivent à notre sujet » un message menaçant adressé au ministre d’État de l’Intérieur bavarois, le Dr Joachim Herrmann, libellé comme suit : « Cher Joachim, … pour ma part, j’ai tiré les leçons des expériences d’autres subversifs avec des gens comme toi. Discuter avec un tyran ? Tu dois savoir que je suis historiquement du côté de ceux – purement mentalement, cela va de soi (smiley) – qui ont préféré que les tyrans mordent la poussière bien avant leur heure. Et une chose devrait être claire pour toi : les chefs de police ont toujours eu la cote – plus haute encore que celle des empereurs, des tsars et des rois ». Les accusés ont au moins accepté à bon compte que la partie en cause prenne cette menace au sérieux ».

Un prélèvement d’ADN a été ordonné à l’encontre des trois prévenus.

Encore plus de contexte ?

Étant donné que cette histoire a été montée de toutes pièces par le Bureau central bavarois de lutte contre l’extrémisme et le terrorisme (ZET), créé en 2017 au sein du parquet général de Munich, et que les informations nécessaires à l’enquête sous-jacente proviendraient du LKA et du Verfassungsschutz [police criminelle et services de renseignement, NdT] bavarois, il est clair qu’il s’agit de bien plus que de quelques citations d’un journal anarchiste qui a cessé de paraître depuis plus de six mois.

On pourrait bien sûr se demander si le ZET et la protection de l’Etat s’ennuient ou s’ils ont besoin de se prouver qu’ils sont utiles à quelque chose, ne serait-ce qu’à taper sur les nerfs des anarchistes, mais ce serait peut-être un peu court.

Toujours est-il que les procédures basées sur les paragraphes 129 et 129a connaissent une véritable renaissance ces derniers temps : dans de plus en plus de villes, les flics engagent des procédures 129 contre des anarchistes ou des antifascistes, mais il est rare qu’elles aboutissent à des accusations quelconques. Ces procédures sont plutôt un prétexte commode pour espionner abondamment ces milieux et leurs proches. Les descentes de police, qui visent également des personnes non inculpées, ne sont qu’un élément des enquêtes structurelles de la police. Les filatures, la surveillance des télécommunications, la pose de micros, de caméras et d’autres équipements destinés à espionner et à surveiller des personnes accompagnent souvent ces procédures. On peut donc soupçonner que dans ce cas également, on cherche à espionner de manière ciblée un milieu particulier.

Et puis, il y a aussi le vol audacieux et planifié de longue date de toute une imprimerie et de milliers de publications ! Une tentative évidente de démantèlement d’une infrastructure de diffusion éditoriale des idées anarchistes. S’il s’agit soi-disant d’un journal particulier, Zündlumpen, pourquoi d’autres journaux et publications ont-ils été séquestrés en masse ? Pourquoi emporter du papier vierge, de l’encre, ainsi que tout le matériel nécessaire à la fabrication de livres, de brochures et de journaux ?

Il est évident que les flics et le bureau du procureur général (ZET) visent plus loin : ils essaient d’empêcher la diffusion des idées anarchistes et d’attiser la paranoïa en saisissant des archives entières de textes anarchistes et en profitant de la possession (d’un seul exemplaire !) d’un journal dans une bibliothèque familiale pour le saisir, ainsi que toutes sortes d’appareils techniques et toutes sortes d’autres publications anarchistes.

Cela ne nous étonne guère. Les idées anarchistes ont toujours été en dehors de toute loi, et il y a donc une longue histoire de persécution des idées anarchistes. Les récentes descentes de police à Munich n’éteindront certainement pas la flamme dans nos cœurs ! Pas plus qu’elles n’empêcheront d’autres personnes de prendre une imprimante et de réimprimer tout ce que les flics ont confisqué.

Si se battre pour la liberté est un crime, l’innocence est la pire des choses !

Fraîchement perquisitionnés et pourtant toujours là,

Quelques anarchos de Bavière

Nouvelles perquisitions contre des anarchistes de Munich

Publié le 29 oct. 2022 sur Sans Nom. Traduit de l’allemand de de.indymedia.

Jeudi 27 octobre 2022, sans surprise, les flics de Munich ont à nouveau fait une descente dans deux appartements. Une fois de plus, les perquisitions étaient dirigés contre des anarchistes. L’un d’entre eux est accusé d’être membre de l’association de malfaiteurs que les flics sont en train de construire autour de la procédure §129 ouverte contre les compagnons munichois. Une fois de plus, ils ont saisi tous les papiers anarchistes ou ceux qui paraissaient tels à leurs yeux. Pour l’instant, il n’y a rien d’autre à dire sur le cadre de ces perquisitions que ce qui avait écrit dans le texte publié la veille (traduit ci-dessous, NdT), et dans lequel elles avaient été annoncées. Nous vous tiendrons au courant de l’évolution de la situation.

Comme toujours, le principe reste le même : pas de spéculation.
ACAB

Derniers développements et contexte autour de la procédure §129 à Munich ou Les poursuites contre des anarchistes et des mégots au royaume chrétien de Bavière

Traduit de l’allemand de de.indymedia, le 26 octobre 2022.

Le texte suivant a pour but de donner quelques informations de fond sur l’enquête basée sur l’article 129 du code pénal [association de malfaiteurs] en cours à Munich, et de fournir les derniers développements ainsi qu’une évaluation générale de l’ensemble de l’affaire. Cette affaire a été rendue publique le 26 avril 2022, lorsque des perquisitions coordonnées ont eu lieu dans quatre appartements, la bibliothèque anarchiste Frevel et une imprimerie.

Avant d’expliquer chronologiquement le déroulement connu des investigations qui ont eu lieu, expliquons ici à nouveau les faits reprochés : la procédure ouverte sur la base de l’article 129 pour association de malfaiteurs, concerne l’accusation d’avoir commis 15 infractions qui sont soit l’incitation à commettre des crimes ou délits, soit leur apologie, soit des menaces, soit les deux, en référence à l’accusation d’avoir publié, rédigé, imprimé et diffusé le journal anarchiste Zündlumpen, paru de mai 2019 à septembre 2021. En bref, les personnes accusées seraient la rédaction de Zündlumpen, qui serait elle-même une association de malfaiteurs.

Comment tout a-t-il commencé ?

Zündlumpen a eu l’immense honneur de se voir attribuer sa première plainte par le vice-roi chrétien de Bavière, à savoir le Dr. Joachim Hermann en personne. Explication : depuis la nuit des temps, Joachim, un homme strict de la CSU [le parti très à droite qui dirige la région de Bavière depuis l’après-guerre], est le commandant en chef de son exécutif encore plus strict, car Joachim est Ministre de l’Intérieur de la Bavière. Joachim veille sur la police bavaroise, qui n’est pas réputée pour sa clémence, sur les frontières bavaroises et sur l’Office bavarois de protection de la Constitution [soit les services de renseignement, NdT]. Avec Joachim, il est clair que lorsqu’il s’agit des frontières, il veut les rendre étanches, lorsqu’il s’agit des réfugiés, il n’en veut pas, lorsqu’il s’agit des policiers, il veut en recruter des dizaines de milliers, lorsqu’il s’agit de « sécurité », Joachim veut investir des milliards d’euros, lorsque Joachim parle d’un Noir, il le qualifie de « merveilleux nègre », et lorsqu’il s’agit de l’extrémisme de gauche, Joachim y voit chaque année un « danger croissant » lors de la présentation du Rapport officiel sur la protection de la Constitution. C’est donc Joachim lui-même, Sa Majesté de l’Armada verte, qui s’est soudainement senti menacé par le journal Zündlumpen. Lorsque Zündlumpen, en référence à certaines déclarations faites par Joachim sur le dangereux Zündlumpen, a dit en gros qu’il était historiquement et théoriquement du côté des régicides, etc. , Joachim Hermann, qui résiderait au ministère de l’Intérieur, a personnellement déposé une plainte pour « menace« .

Chacun sait que les autorités répressives de Bavière sont nerveuses et très vieille école, même Jakob, le plus jeune fils du Dr Joachim, alias le rappeur Jaggy Jackpot : « Beaucoup de Jobs, beaucoup de Cops, c’est la Bavière, Diggah./ Ça veut dire que j’accroche la beuh à mes couilles, Diggah » . Zündlumpen s’est donc rendu coupable d’un crime de lèse-majesté, cette fois-ci sous forme de menace – le début d’une enquête à grande échelle dont les motivations politiques ne pourraient pas être plus claires et symboliques avec ce prélude.

Premières enquêtes

Après cette première plainte, le journal Zündlumpen a continué à les collecter avec assiduité : à partir de mars 2020 tout ne tournait plus qu’autour du coronavirus, et comme Zündlumpen recommandait de le cracher sur les policiers en cas d’infection, un séisme s’est produit sur les réseaux sociaux des flics. A Erfurt, Lüneburg et Cologne, des plaintes ont été déposées pour « incitation au crime » et les parquets respectifs les ont transmises à Munich. A peu près au même moment, des affiches dont les modèles avaient été publiés dans Zündlumpen sont apparues à Munich, et le fait qu’elles aient été collées n’a pas non plus échappé à la police. Quelques citoyen.nes alertes se sont aussi retrouvés de temps à autre avec un numéro de Zündlumpen dans la main ou dans leur boîte aux lettres, ce qui les a tellement provoqués qu’ils ont immédiatement appelé le 110 [l’équivalent français du 17]. Au fil du temps, les plaintes concernant Zündlumpen se sont donc accumulées sur le bureau des policiers en charge de l’extrémisme de gauche (au sein du Staatsschutz, soit l’organisme de Protection de l’Etat, un équivalent de la DCRI, NdT).

Les premières étapes de l’enquête ont été les suivantes : tenter d’identifier les créateurs de l’adresse internet du blog de Zündlumpen sur noblogs. Sans succès. Ensuite, l’office régional de la police criminelle (LKA, Landeskriminalamt) a tenté d’analyser l’image imprimée des exemplaires de Zündlumpen récupérés : ils ont apparemment été imprimés à l’aide d’une imprimante à jet d’encre. Ensuite, l’ADN a été recherché à l’intérieur des exemplaires de Zündlumpen retrouvés, ce qui n’a pas donné de résultats.

Une autre étape a consisté à porter plainte contre Zündlumpen une nouvelle fois pour « incitation au crime » , car celui-ci expliquait dans une édition suivante (pendant le couvre-feu de l’époque) comment éteindre les lampadaires. Le service munichois de protection de l’État a ensuite mis cette explication en lien avec plusieurs câbles coupés sur des boîtiers Internet et téléphoniques à Munich. Les câbles électriques ayant été coupés et laissés à l’air libre, une enquête a été ouverte pour « sabotage menaçant l’Etat ». La police a enquêté un peu sur ces lignes téléphoniques et Internet coupées le 31 décembre 2021, et n’a obtenu aucun résultat. Apparemment, les flics n’ont pas pu relever de traces sur les boîtiers téléphoniques, car pour garder les lignes ouvertes, il fallait toujours qu’un.e employé.e des télécoms vienne d’abord réparer le boîtier. Les stratégies d’enquête utilisées par les policiers, comme que la consultation des services de police fédéraux pour savoir si des faits similaires s’étaient déjà produits ailleurs, l’affichage d’appels à témoins ou l’analyse des possibles itinéraires des auteurs, n’ont fourni aucun indice. La protection de l’Etat était également en contact étroit avec Telecom-Security à ce sujet, et a suggéré d’introduire un système d’alarme en cas de perturbations, qui informerait immédiatement la police, ce que Telecom-Security a refusé, car selon eux cela aurait généré trop de perturbations.

A ce moment-là, plusieurs rapports et enquêtes avaient déjà été effectuées contre Zündlumpen, mais sans aboutir à aucun résultat. La clôture policière de l’enquête a été envisagée… mais ensuite la protection de la constitution (Verfassungsschutz, VS) est intervenue…

Tada !

… et puis l’enquête s’est « soudainement » portée sur trois prévenus que la police a sortis de son chapeau après un intermède avec l’Office de protection de la Constitution. Il n’est pas surprenant que cette transmission d’informations se soit manifestement déroulée de manière très « désordonnée » et « peu transparente » (le fait que le VS bavarois travaille de manière relativement « peu transparente » n’est plus un secret, au moins depuis le NSU – Nationalsozialistische Untergrund, groupe clandestin néo-nazi actif de 1999 à 2011, NdT). Trois personnes sont d’ailleurs le nombre minimum pour pouvoir constituer juridiquement une organisation criminelle. Alors que l’Office de protection de la Constitution (VS) a fourni quelques analyses de l’idéologie (anarchisme insurrectionnel), du radicalisme et de la proximité de la violence ainsi que du langage (le mot « flic », Bullen, est utilisé tant et tant de fois) de Zündlumpen, le service de Protection de l’Etat (Staatsschutz) a enquêté sur trois personnes pour « formation d’une organisation criminelle » . L‘Office de protection de la Constitution (VS) a fourni des informations générales sur les trois suspects et a avancé l’hypothèse qu’ils étaient tous des anarchistes et qu’ils devraient tous avoir des liens avec la bibliothèque anarchiste Frevel (qui est de toute façon un lieu dangereux et criminel). En outre, il est évident que le VS a construit un environnement fixe concernant la bibliothèque Frevel, qui a également fait l’objet de mesures de surveillance. Dans ce contexte, le VS mentionne également un certain nombre de crimes non résolus et d’incendies criminels commis à Munich.

Mais que reprochent les policiers aux accusés respectifs et comment sont-ils tombés dans le collimateur des policiers ?

Il est reproché à la « personne 1 » de l’enquête d’avoir loué un local dans lequel Zündlumpen aurait été fabriqué (une soi-disant hypothèse d’enquête, c’est-à-dire : une simple supposition sans indices). En outre, la personne 1 serait connue de la police, anarchiste et connaissant d’autres anarchistes. La police aurait appris l’existence de cette imprimerie grâce à un appel téléphonique suite auquel des policiers en patrouille seraient passés sur les lieux suite à une plainte pour bruit… et d’autres policiers auraient découvert, à la suite d’un contrôle d’identité effectué quelques jours plus tard, que du matériel anarchiste y étaient imprimé. De plus, un autre policier aurait vu une fois par hasard la personne 1 dans le contexte d’une autre perquisition dans la maison en question, l’aurait reconnue et se serait ensuite renseigné auprès du propriétaire sur la location.

Il est reproché à la « personne 2 » d’avoir fait des études d’informatique, ce qui indiquerait qu’elle aurait les capacités professionnelles pour gérer un blog Noblogs, qui a posé des obstacles insurmontables aux informaticiens du LKA en matière de désanonymisation. De plus, la personne 2 aurait collé à deux reprises des affiches dont le contenu aurait été similaire à celui publié dans Zündlumpen (par exemple sur l’IAA, le Salon de l’Automobile). En outre, la personne 2 écrit parfois des grossièretés et des invectives contre les policiers dans la rubrique « objet » de ses virements bancaires personnels, ce que fait également le journal Zündlumpen. En outre, il serait anarchiste et connu des services de police.

Il est reproché à la « personne 3 » de parler français. Cela suggère qu’elle aurait fait des traductions du français pour Zündlumpen. En outre, la personne 3 aurait été filmée par une caméra de surveillance à l’intérieur d’une église en train de laisser un seul exemplaire de Zündlumpen dans cette église. Elle aurait également commandé sur son compte du matériel qui pourrait être utilisé, entre autres, pour imprimer des choses.

Cette construction a finalement permis à la police, au parquet et aux juges de lancer des observations et d’autres mesures de surveillance, ainsi que de mettre en route les perquisitions d’avril 2022 qui avaient été fixées deux mois à l’avance. L’Office pour la protection de la Constitution a également reçu le pouvoir général de prendre des mesures de surveillance globale pour la période en question et au-delà. Lors des perquisitions suivantes, l’ensemble des pièces ont toujours été fouillées, car il a été affirmé que les anarchistes vivaient partout, qu’ils étaient prêts à recourir à la violence et qu’ils se partageaient les biens. Le fait que certaines personnes ne figuraient pas sur la liste des colocataires (tout en semblant habiter dans les appartements), n’a pas empêché leurs ordinateurs portables, clés USB, lettres personnelles, etc. d’être saisis ni que soient prélevés des échantillons de leur écriture. Un mandat de perquisition avait également été délivré à la prétendue compagne d’une personne concernée, mais il n’a pas été exécuté.

Un mégot de cigarette – voilà !

Après avoir fait main basse sur des dizaines de cartons d’objets et de toutes sortes de journaux, de brochures, bref, de tout le papier qui semblait anarchiste, et après avoir pris tout ce qui n’était pas une chaise ou une poubelle dans l’imprimerie, c’est-à-dire des dizaines de milliers de feuilles de papier blanc, toutes les machines, des milliers de journaux et de livres, les flics se sont mis à analyser en particulier tous les objets de l’imprimerie à la recherche de traces d’ADN, comme si celle-ci avait été un laboratoire secret de bombes. Ils ont prélevé des dizaines et des dizaines d’échantillons sur des imprimantes et des machines… et ont finalement trouvé une trace d’un ADN connu !

Cette trace ADN pourrait être attribuée à la « Personne 4 », alors qu’en même temps, il pourrait être exclu que toute autre trace ADN provienne de la Personne 4. La personne 4 aurait donc fumé une cigarette dans l’imprimerie… et voilà, la personne 4 fait désormais aussi partie de l’organisation criminelle. Car la personne 4 serait également anarchiste et connue des services de police. L’accusation ridicule d’avoir fumé une cigarette dans une imprimerie a suffi à un juge pour accorder un mandat de perquisition, qui n’a pas encore été appliqué… et dans lequel il est à nouveau stipulé que tous les imprimés anarchistes, les écrits personnels, les imprimantes, etc. doivent être saisis. Intéressant : les flics veulent à chaque fois saisir les routeurs WLAN afin d’évaluer les adresses MAC qui y sont enregistrées.

L’absurdité de tout cela

La police a manifestement une énorme volonté politique de démanteler les espaces fréquentés et utilisés par les anarchistes, comme l’ont montré les pressions et les intimidations exercées sur le propriétaire de la bibliothèque anarchiste Frevel, qui a par la suite résilié le bail de la bibliothèque. L’interaction entre le ministère de l’Intérieur, la protection de la Constitution, la protection de l’État et le LKA fait qu’il suffit d’être anarchiste, d’être considéré comme appartenant à un cercle de personnes et de connaître soi-disant des gens pour être accusé d’appartenir à une organisation criminelle. L’État bavarois n’hésite pas à donner l’image d’une dictature lorsque ses sbires confisquent toute publication anarchiste et tout matériel d’impression, ni à intimider les propriétaires à la manière de la mafia et à menacer de perquisitionner les domiciles en cas de non-remise des contrats de location. Il s’agit manifestement pour l’État d’étouffer la présence d’idées, d’espaces, de relations et de pratiques anarchistes.

Le niveau juridique de cette tentative est significatif : la police ne peut établir de lien réel entre aucune des quatre personnes désormais accusées et Zündlumpen, et encore moins avec la rédaction d’articles. Principale accusation : les accusés sont des anarchistes et se connaissent certainement. La ligne d’enquête suivie par l’Etat consiste à construire des indices quelconques à partir de traces d’ADN ! Il essaie de trouver des traces d’ADN d’anarchistes sur des imprimantes ou des numéros isolés de Zündlumpen ou simplement quelque part dans une imprimerie et de présenter cela comme si on faisait partie de la rédaction de Zündlumpen. Cette construction absurde suffit au parquet et aux juges pour faire passer toute mesure répressive et toute perquisition et saisie. Cette tactique d’enquête est pertinente pour l’ensemble de la République fédérale : si les flics, les juges et les procureurs qui travaillent ici parviennent à faire en sorte que la simple accusation selon laquelle une trace d’ADN trouvée sur un journal, un appareil d’impression ou un objet quelconque dans une imprimerie correspondant à une personne donnée, signifie que l’on a soi-disant imprimé, distribué ou même rédigé les articles du journal en question, alors la possession de n’importe quel journal anarchiste constitue un crime potentiel. Fahrenheit 451 vous salue !

Vouloir démontrer la participation à la publication d’un journal par des traces d’ADN (comme sur les mégots dans une imprimerie) est une initiative répressive qui nous concerne tous ! L’État bavarois ne veut pas seulement réprimer l’existence de locaux et de publications anarchistes, mais aussi le simple fait de posséder, de lire et d’imprimer des journaux anarchistes.

Ces dernières avancées répressives à Munich concernent tous les subversifs, les rebelles, les anarchistes, les anti-autoritaires et les cœurs sauvages. Car si lire des journaux anarchistes est un crime, alors aucun d’entre nous n’est innocent !

Liberté pour les rotatives et tous les prisonniers du monde entier ! Solidarité et salutations à toutes les autres personnes concernées par les procédures sous article 129 !

Quelques rats de bibliothèque anarchistes
et des lecteurs de Bavaria

Que sait-on de la nouvelle affaire de terrorisme contre des antifascistes à Tioumen ?

Initialement paru sur l’Anarchist Black Cross Moscow le 22 octobre 2022 et traduit par Le Monde Libertaire.
 
Au début du mois de septembre, un tribunal de Tioumen a arrêté six antifascistes, dont le plus jeune a 23 ans et le plus âgé 28 ans. L’une des personnes arrêtées est accusée d’avoir organisé un groupe terroriste, les autres de participation. En outre, deux des accusés dans cette affaire sont accusés de fabrication d’explosifs. Depuis, trois des accusés ont fait état de tortures par chocs électriques. Les proches des personnes arrêtées craignent qu’une affaire soit en train d’être montée de toutes pièces contre les jeunes hommes, comme dans l’infâme affaire Network, dont les accusés ont été condamnés à de longues peines de prison grâce à une accusation de terrorisme.

Nous portons à votre attention la traduction de l’article de la BBC.

Le dernier jour de l’été, les forces de sécurité russes ont procédé à une série de détentions à Lekaterinbourg et Sourgout. À Lekaterinbourg, ils ont arrêté Yuri Neznamov (27 ans) et Danil Chertykov (28 ans). À Sourgout – Nikita Oleinik (27 ans) et Roman Paklin (25 ans). Tous les quatre ont été arrêtés à peu près au même moment, le 31 août à 23 heures.
Après leur détention, tous les quatre ont été transférés à Tioumen. Bien qu’ils aient été détenus le 31 août, le tribunal de première instance s’est tenu le 7 septembre. Le tribunal central de Tioumen a arrêté les quatre personnes jusqu’au 30 octobre. Le service de presse du tribunal n’a pas répondu à la question de savoir de quoi sont accusés exactement les détenus de Sourgout et de Lekaterinbourg.
« Les gars viennent de différentes régions, ils se rendaient visite et allaient à des concerts. Ils avaient beaucoup de choses en commun. Entre eux, ils avaient des opinions antifascistes« , raconte une connaissance de Yuri, qui a requis l’anonymat.
Neznamov – un designer indépendant, intéressé par la modélisation 3D – a été détenu à Ekaterinbourg dans un appartement loué. Comme l’a écrit son cousin Aleksey sur « VKontakte« , des personnes en civil se sont présentées à son appartement, ont procédé à une fouille sans témoins (elles ont confisqué du matériel et quelques objets, mais n’ont rien trouvé d’illégal, selon son cousin), puis « l’ont maîtrisé et emmené vers une destination inconnue« .

Peut-être qu’ils vous ont relié à quelque chose ?

Les proches ne savaient pas où il se trouvait. Le 2 septembre, son père a déposé une déposition pour personne disparue. « Et ce n’est que le 6 septembre qu’il a été informé que des agents du FSB [note] avaient emmené Yuri à Tioumen » – écrit le cousin de Neznamov.


Neznamov

Le 9 septembre, plusieurs jours après les arrestations, l’avocat Fyodor Akchermishev a rendu visite à Neznamov dans la prison de Tyumen. Ils leur ont accordé 35 minutes d’entretien. « Tout en comprenant que les accusations seront absurdes, je lui ai demandé ce qu’il avait à dire concernant les accusations. Il a répondu qu’il n’avait rien à voir avec elles. Il ne sait pas exactement de quoi on l’accuse, il n’a aucun document, je n’ai aucun document non plus« , a déclaré l’avocat à la BBC.
Pendant l’entretien, il regarde Neznamov et voit sur son coude gauche deux marques de choc électrique. « Je lui demande : « Ils t’ont, peut-être, connecté à quelque chose ? » Il a répondu qu’il ne s’en souvenait pas », – se rappelle Akchermishev.
Mais pendant l’entretien avec l’avocat, Neznamov a fourni une description écrite détaillée des tortures (la BBC en a une copie). Comme il l’a raconté, ils l’étouffaient avec un sac, lui versaient de l’eau dans le nez et la bouche, lui attachaient les pieds et les mains et le torturaient avec des chocs électriques.
« Ils ont mis quelque chose d’humide dans une de mes baskets, ont attaché quelque chose à mon dos et ont ensuite libéré le courant électrique. Je ne peux pas vous dire combien de temps cela a duré, car cela m’a semblé une éternité. Je leur ai également dit toute la vérité, en la complétant par des mots qu’ils voulaient entendre, pour que cela cesse. Je n’ai jamais ressenti une telle douleur dans ma vie« , – a-t-il écrit.
En outre, selon ses dires, ils m’ont présenté « quelque chose dans les mains« , pour y laisser ses empreintes digitales : « Ils menaçaient de poser des explosifs chez mes proches, avec mes empreintes dessus« .

BBC Russian Service a envoyé une demande au département du ministère des affaires intérieures (MIA) de Tioumen et attend une réponse.

L’avocat de Neznamov, Akchermishev, a déposé une plainte auprès du Comité d’enquête de Tioumen, concernant l’utilisation de la torture contre son client. Le dossier, signé par la petite amie de Neznamov, demande que les « officiers de police et/ou du FSB » impliqués dans l’organisation et l’exécution directe des actes de torture par chocs électriques, ainsi que l’officier qui a fait signer des documents à Naznamov, soient traduits en justice, en vertu de la partie 4 de l’article 286 du Code pénal (abus de fonction avec utilisation de la torture).

« Les tortures par chocs électriques sont pratiquées pour couvrir le manque de professionnalisme et obtenir des aveux de crimes que la personne n’a pas commis » – est-il écrit dans le document.

Ils ont monté une affaire, similaire à l’affaire « Network ».
Des tortures par chocs électriques ont déjà été rapportées par trois accusés de cette affaire, mais seul Neznamov a été interrogé par un avocat. Roman Paklin a dit à sa mère et à sa petite amie qu’il avait également été torturé par des chocs électriques. Après les tortures, il ne pouvait plus sentir son bras et a commencé à ressentir des douleurs au cœur, – a déclaré un ami à lui à la BBC.
Oleinik a également informé ses proches, par l’intermédiaire d’un avocat, qu’il avait été torturé. « Il a été torturé exactement de la même manière que Neznamov. Il y avait des informations sur le waterboarding [note], les chocs électriques. Ils lui ont mis un sac sur la tête, et pendant quelques jours, il ne pouvait rien voir et ne comprenait pas où il était« , a raconté sa petite amie.
Danil Chertykov a également informé ses proches que des pressions avaient été exercées sur lui, mais n’a pas précisé de quel type. Le 19 septembre, l’avocat Andrey Bekin lui a rendu visite en prison. Chertykov lui a raconté qu’il avait été battu pendant la capture et dans le cabinet, et qu’il avait également été forcé de signer des documents. En cas de refus de signer, il était « puni » en faisant des squats [note] – la nuit de sa détention, il a fait environ 400 squats, a-t-il dit à son avocat. Selon ses dires, les forces de sécurité lui donnaient des coups de pied dans les jambes et le menaçaient de violence contre ses proches, sa mère et sa petite amie.


Danil Chertykov

« Ils disaient : Fais attention, on peut te mettre dans notre prison, pour te faire assoir dans ton propre sang, ta merde et ta pisse« . « En l’amenant à la police, ils l’ont allongé sur le sol entre des sièges et ont mis leurs pieds sur son dos, en appuyant sur sa tête avec leurs bottes sur le sol. Dans le bureau, lorsqu’ils frappaient Danil, il entendait les cris de Yuri, torturé derrière le mur – les officiers riaient des cris et disaient à Danil que s’il ne signait pas ce qu’ils voulaient, ils l’emmèneraient au même endroit » – les amis des accusés rapportent les paroles de l’avocat.
Selon eux, l’avocat de Chertykov a l’intention de déposer une plainte auprès du Comité d’enquête sur l’utilisation de la torture.
Selon Chertykov, à la suite de tortures et de menaces, il a été obligé de reconnaître « ce qu’ils ont demandé » et qui, selon ses dires, ne correspond pas à la réalité.
« Ils ont monté une affaire de terrorisme contre six personnes, dont mon cousin Yuri Neznamov, très similaire à la célèbre affaire Network« , conclut Aleksey Neznamov.
Les accusés de l’affaire Network ont été condamnés à de longues peines de prison – de 5,5 à 18 ans – pour avoir organisé un groupe terroriste et y avoir participé. Selon les accusés, cette organisation n’a jamais existé et l’affaire a été entièrement fabriquée par le FSB.
Presque tous les accusés de l’affaire du Network ont déclaré avoir été soumis à des tortures, à la suite desquelles ils ont dû s’incriminer eux-mêmes et s’accuser mutuellement. Quatre accusés ont déclaré que les forces de sécurité les avaient torturés à l’aide de décharges électriques, afin d’obtenir le témoignage souhaité. Presque tous les accusés se sont ensuite rétractés sur leurs témoignages.

Le début de l’affaire Tioumen.
Le 30 août, un jour avant les arrestations à Sourgout et Lekaterinbourg, les forces de sécurité de Tioumen ont arrêté Kirill Brik (24 ans) et Deniz Aidyn (23 ans). Selon le dossier de l’affaire, ils ont fabriqué un explosif artisanal et se sont dirigés vers la zone de la centrale thermique 2 (TPP) de Tioumen, à la périphérie de la ville, afin de trouver un site approprié « pour la réalisation d’explosions dans un site forestier« .


Deniz Aydin

La petite amie d’Aidyn, Diana, pense que la police a pris les jeunes hommes pour des toxicomanes et a donc décidé de vérifier leurs téléphones. « Il est très probable qu’ils les aient pris, lui et Kirill, pour des consommateurs de drogue. Il y a généralement beaucoup de dealers dans la zone de TPP-2. Ils ont vérifié leurs téléphones, et ont alors trouvé qu’ils étaient abonnés à de nombreuses chaînes antifascistes sur Telegram. Et ils les ont embarqués » – a-t-elle supposé en parlant à la BBC.
Selon les enquêteurs, lors de l’arrestation, la police a trouvé sur Brik et Aidyn une matière explosive d’une masse de 312,13 grammes et deux détonateurs. Le 2 septembre, le tribunal du district central de Tioumen les a arrêtés en les accusant de fabrication d’explosifs artisanaux en réunion, par entente préalable. La peine prévue par cet article est de 10 à 15 ans d’emprisonnement.
Selon Diana, le 30 août vers 21 heures (c’est-à-dire environ une heure après l’arrestation effective d’Aidyn et de Brik), elle avait prévu de rencontrer Aidyn dans le centre de Tioumen. Après l’avoir attendu en vain, elle a commencé à s’inquiéter et est rentrée chez elle, en espérant que son « téléphone était tout simplement « mort »« . À l’entrée de la maison où Diana et Aidyn louaient un appartement, les forces de sécurité l’attendaient : « Ils m’ont également arrêtée à l’entrée et m’ont expliqué que mon petit ami et son ami Kirill Brik étaient soupçonnés de fabriquer des explosifs« .
Après sa détention, selon ses dires, elle a été amenée au département de lutte contre le crime organisé de la police de Tioumen. Des officiers de ce département ont participé à sa détention, a-t-elle ajouté – « ils nous ont montré leurs badges« . La petite amie de Kirill y a également été amenée. La BBC n’a pas réussi à établir un contact avec elle.
Dans le bureau, raconte Diana, les agents « essayaient de manière agressive de l’impliquer à l’affaire » : « Ils ont immédiatement commencé à lancer des phrases fortes, comme « nous t’avons sauvé la vie », avec l’arrestation des gars, et qu’ils voulaient « me faire sauter » le 1er septembre. »
Le jour suivant, le 31 août, ils ont fouillé leur appartement. Cela a été réalisé en présence d’Aidyn. À ce moment-là, Diana se trouvait au poste de police. Selon elle, elle a été libérée après la perquisition.
Pendant la perquisition, ils ont confisqué un fusil de chasse Saiga [note] , que, selon sa petite amie, Aidyn possédait légalement et avait tous les documents requis.
Ils ont également confisqué du matériel, un drapeau de la Sibérie (drapeau blanc-vert de la République sibérienne non reconnue de 1918) et des livres : « La révolte des masses » du philosophe espagnol Jose Ortega y Gasset, des ouvrages des anarchistes russes Bakounine et Kropotkine et un livre sur la révolution espagnole, dont Diana ne se souvenait plus le nom.
La maison de Brik a également été fouillée, mais la BBC n’a pas pu trouver d’informations sur ce qu’ils ont confisqué. « Ces jours-ci, j’ai parlé avec la petite amie de Kirill, et elle m’a dit qu’ils avaient une petite réserve – 15 à 20 000 roubles – et qu’après la perquisition, elle ne l’a pas retrouvée« .


Kirill Brik

Dès l’arrestation d’Aidyn, ni ses parents, ni Diana n’ont réussi à lui parler. Ils ne se sont pas rendus au tribunal des affaires pénales, car ils ne savaient pas qu’il aurait lieu. Son avocat a refusé de parler à la BBC.
Aidyn et Brik sont antifascistes et musiciens. Brik travaillait comme mécanicien automobile. Aidyn, selon les histoires de sa petite amie, « travaillait dans des mariages, comme chargeur et dans d’autres endroits, il n’avait pas de travail officiel« .
Aidyn jouait de la guitare dans le groupe local de hardcore Siberian Brigade, ainsi que dans le projet black metal Rasputin. « Deniz jouait dans de nombreux groupes. C’est un guitariste virtuose qui a une grande oreille pour la musique, c’est pourquoi il était assez populaire. Brik a un projet expérimental solo, « m6th – grindcore numérique, noise ambient » – a raconté à la BBC un ami d’Aidyn et Brik qui a requis l’anonymat.
À la fin du mois de juillet, Aidyn était déjà accusé dans une affaire pénale, pour hooliganisme [note] . Selon ses amis, il a été attaqué par cinq hommes dans le centre de Tiumen. Afin de s’échapper, Aidyn a utilisé un pistolet traumatique [note] . Après cela, l’un des agresseurs s’est retrouvé à l’hôpital.
« Comme l’ont dit les policiers, le moment de l’attaque a été filmé par une caméra de vidéosurveillance. Denis s’est rendu à la police le même jour. Il n’y a pas encore eu d’audience sur cette affaire. L’avocat de Deniz prétend que l’affaire de hooliganisme devrait être requalifiée en légitime défense » – raconte son ami.
Selon lui, le cœur du conflit est qu’Aidyn, au début, a pris la défense de jeunes patineurs qui « étaient malmenés par cinq Azerbaïdjanais« . Après cela, il s’est battu avec l’un d’eux « d’un commun accord« , tandis que plus tard dans la journée, il a été attaqué par une foule à coups de pierres, « je suppose, par vengeance« .

« Activité destructrice »
Des amis des accusés arrêtés ont déclaré à la BBC que Nikita Oleinik, originaire de Sourgout, était accusé d’avoir organisé un groupe terroriste (première partie de l’article 205.4 du Code pénal, avec une peine de 10 à 15 ans de prison ou une peine de prison à vie), tandis que les autres membres du groupe étaient accusés d’y avoir participé (peine de 5 à 10 ans de prison).
La plainte pénale (disponible à la BBC) indique qu’Oleinik a « créé une association terroriste entre 2021 et février 2022″, étant « un opposant au pouvoir de l’État et à l’ordre constitutionnel de la Russie » et « avec l’intention de créer un groupe terroriste pour mener des activités terroristes« .


Nikita Oleinik

Dans ce groupe, selon l’enquête, Oleinik a impliqué Brik, Aidyn et Chertykov, ainsi que « d’autres personnes non identifiées par l’enquête« . Concernant les personnes arrêtées, Neznamov et Paklin, l’ordonnance ne dit rien.
L’enquête estime que Oleinik a organisé et tenu des réunions et des assemblées conspiratrices avec les participants du « groupe terroriste » dans les oblasts [note] de Tioumen et de Sverdlovsk, ainsi que dans la région autonome de Khanty-Mansi. Ces réunions, selon le document, avaient pour objectif de renverser le gouvernement par des moyens violents.
Selon l’enquête, Oleinik a exercé sur les participants du groupe une « influence et un lien de recrutement » et a mené une « activité destructrice » sur le territoire de la région autonome de Khanty-Mansi. Chertykov, sur ses instructions, a mené une « activité destructrice » dans l’oblast de Sverdlovsk, tandis que Brik et Aidyn se sont rendus dans l’oblast de Tioumen. La nature de cette « activité destructice » n’est pas précisée dans la décision d’ouverture d’une procédure pénale.
D’après l’enquête, Brik et Aidyn étaient responsables de la fabrication d’explosifs artisanaux – nécessaires à la conduite d’actes terroristes – ainsi que de la conduite directe de ces actes dans les trois régions où, supposément, le groupe était actif. En revanche, le document ne mentionne aucun des « actes terroristes » menés par les accusés dans cette affaire.
Chertykov – qui travaille comme vétérinaire -, selon l’enquête, a fourni aux participants du groupe des médicaments et des « articles hémostatiques« , « dont les participants du groupe pourraient avoir un besoin urgent lorsqu’ils commettent des crimes liés au terrorisme et des affrontements armés avec des représentants du pouvoir d’État« .
Le document ne dit rien sur la planification de crimes spécifiques ou d’ »affrontements armés » par les accusés. Mais l’enquête a conclu que les personnes arrêtées « étaient bien conscientes qu’elles étaient membres d’un groupe terroriste » et que les motifs d’engager des poursuites pénales sont suffisants.
Il convient de noter que la date figurant sur l’ordonnance est le 2 septembre, alors que tous les accusés ont été détenus les 30 et 31 août. L’affaire a été initiée par le département du MIA [note] de l’Intérieur de Tioumen.

« Je ne sais rien, je ne suis intéressé par rien, je n’ai entendu parler de rien »

Danil Chertykov est un vétérinaire. Il est spécialisé dans la chirurgie orthopédique. Avant son arrestation, il travaillait dans la clinique vétérinaire Vetpuls. Sur internet, on peut trouver de nombreuses critiques positives sur son travail. « Danil est l’un des meilleurs vétérinaires de Lekaterinbourg, il a une énorme clientèle » – nous a dit sa petite amie Alyona.
Les collègues de Chertykov sont au courant de la situation, s’inquiètent pour lui et ne croient pas à ce qui se passe, ajoute-t-elle : « Tout le monde l’aime beaucoup dans son travail« .
Chertykov a été arrêté alors qu’il sortait d’un restaurant à Ekaterinbourg avec sa petite amie et des amis. « Une foule de forces de sécurité nous a sauté dessus, en uniformes banalisés, sans insigne. Ils portaient des gilets pare-balles, des cagoules, des masques et des armes à feu. Ils étaient trop nombreux » – se souvient Alyona. Après cela, elle et Chertykov ont été emmenés dans différentes voitures civiles, le reste de ses amis n’ont pas été retenus. « Pendant l’appréhension, Chertykov a été battu » – ajoute-t-elle.
Dans la voiture, Alyona a essayé de mémoriser l’endroit où elle avait été emmenée, et a demandé des explications. « Ils étaient très grossiers avec moi : « tais-toi », « ça ne te regarde pas ». Ils ne m’ont jamais rien expliqué. Personne ne s’est présenté. Quand j’étais assis dans la voiture, j’ai essayé de mémoriser où ils m’emmenaient. Mais ils me disaient « Ne tourne pas la tête, sinon ça va être pire » – raconte-t-elle. Selon elle, ils lui tenaient la tête basse et la maintenaient dans cette position, de sorte qu’elle ne pouvait pas comprendre où elle était emmenée.
« [Dans le bureau] ils me demandaient : « Quelle musique est-ce que j’écoute ; quels livres est-ce que je lis ? Que pensez-vous de la situation politique actuelle en Russie ? Que pensez-vous de la situation en Ukraine ? Avais-je des sentiments ou des opinions anti-étatiques ? » Je répondais : « Je ne sais rien, je ne m’intéresse à rien, je n’ai entendu parler de rien » – raconte Alyona. Mais elle ne se souvient pas dans quel bureau elle a été emmenée.
Chertykov – comme il l’a dit plus tard à son avocat – a été interrogé au commissariat de police sur ce qu’il faisait à Sourgout et à Tioumen. « J’ai répondu la vérité, qu’à Sourgout j’étais pour les besoins de mon travail de vétérinaire. J’ai été invité là-bas pour mon travail. J’ai également dit que je n’étais jamais allé à Tioumen » – raconte-t-il.
Selon ses dires, dans le bureau, il y avait six personnes en civil et deux en « vêtements noirs spéciaux » et en cagoules. La réponse de Chertykov sur Sourgout et Tioumen ne les a pas satisfaits et avec les mots « tu mens » ils l’ont frappé au visage plusieurs fois – a-t-il raconté.
« Je leur ai dit qu’ils pouvaient vérifier les informations – contacter la clinique, vérifier les billets d’aéroport, qu’il y a des photos de moi avec les animaux que j’ai opérés. Une fois de plus, ils n’étaient pas satisfaits de la réponse et m’ont dit : « Rafraîchissons-nous la mémoire » et m’ont fait faire des abdominaux, tout en filmant tout sur une caméra de téléphone » – a raconté Chertikov à son avocat.


Danil Chertykov

Perquisitions et argent disparu.
La petite amie de Chertykov a été libérée du poste de police tôt dans la matinée du 1er septembre, tandis que pendant la nuit, alors qu’elle était toujours détenue, une perquisition a été menée dans leur maison (Chertykov et sa petite amie vivaient ensemble avec sa mère).
La fouille a été menée en présence de Danil Chertykov. Pendant la fouille, ils ont forcé la mère de Chertykov à signer des papiers vierges, raconte Alyona.
« Il y avait des hommes des forces de sécurité – ils ont dit qu’ils étaient des témoins. Elle [sa mère] leur a dit qu’elle ne signerait pas des papiers vierges. Ils lui ont dit de ne pas s’inquiéter car elle signait en présence de témoins, qui voyaient que les papiers étaient vierges. Ils ont commencé à lui mettre la pression. Elle a été réveillée au milieu de la nuit, a eu peur et a tout signé » – explique Alyona, ajoutant qu’après les recherches, 15 000 roubles manquaient.
La petite amie de Nikita Oleyinik parle également de l’argent manquant après les recherches. Selon elle, elle a découvert que 250 000 roubles d’économies manquaient dans leur coffre-fort.
Quand la police a commencé à frapper à la porte de leur appartement en criant « Ouvrez, police ! Ou nous allons casser la porte ! » Oleyinik a pensé que c’était une blague et l’a ouverte – elle raconte. « Je suis restée dans la pièce et j’ai vu comment il a été immédiatement jeté sur le sol. Ils m’ont fait sortir de la pièce et m’ont jetée sur le sol à côté de lui. D’après mes souvenirs, ils ne se sont pas présentés et ont commencé à demander à Nikita s’il connaissait des gens« . Elle ne se souvient pas des noms de ces personnes.
La police a alors commencé à fouiller l’appartement. Ils ont confisqué un pistolet traumatique et un fusil Saiga (selon sa petite amie, il était officiellement enregistré), une écharpe du club de football Spartak, « quelques ouvrages » et du matériel – ordinateurs portables et téléphones. « J’ai récupéré mon téléphone après quelques jours, le reste de l’équipement est parti à Tioumen. Ils ont aussi emmené la voiture de Nikita à la fourrière, en disant que c’était une preuve matérielle. Chevrolet Cobalt » – raconte sa petite amie.
Selon elle, Oleyinik a acheté le pistolet traumatique pour se défendre, alors qu’avec le Saiga il allait dans un champ de tir.
« Il apprenait à l’utiliser sur ce champ de tir. Les armes à feu étaient pour lui une sorte de divertissement, le simple fait de tirer sur des cibles était pour lui un loisir » – raconte-t-elle.


Nikita Oleinik

Le pistolet traumatique et le Saiga d’Oleyinik ont tous deux été achetés dans des magasins locaux. « Ce ne sont pas des armes de combat ; ce sont des armes civiles » – ajoute-t-elle.
Après la fouille, ils ont tous deux été emmenés dans des voitures civiles séparées.
Elle, comme dans le cas de Chertykov, Brik et les petites amies d’Aidyn, a été libérée le jour suivant. Mais, pendant la détention, lorsqu’elle a été amenée au service (elle ne sait pas lequel), elle dit avoir été « abordée grossièrement par deux hommes en civil et menacée pour la santé de Nikita« .
« Ils disaient qu’il serait tout cassé, qu’il aurait la tuberculose, etc. Ils menaçaient de lui faire beaucoup de choses désagréables » – raconte la petite amie d’Oleinik. « J’ai tout de suite compris qu’ils allaient le torturer« .

Les accusés se connaissent-ils ?
Nikita Oleinik est végétarien, il pratique la boxe et s’intéresse à l’histoire et à la photographie – raconte sa petite amie, qui a demandé l’anonymat à la BBC. Il étudiait la médecine et rêvait de devenir chirurgien. Cependant, il a dû abandonner ses études pour des raisons familiales.
Il n’avait pas d’emploi permanent et travaillait où il pouvait : assistant médical dans l’un des établissements médicaux de Sourgout, coursier, chauffeur de taxi, assistant-grutier.
Oleyinik et Roman Paklin – l’ami de Nikita depuis son adolescence – ont organisé à Sourgout une « bibliothèque publique libertaire« . Ils choisissaient eux-mêmes les livres – sur la politique, la philosophie et l’histoire des mouvements de libération – disent leurs amis. Selon l’un d’eux, Palkin travaillait dans l’industrie pétrolière, mais il ne sait pas à quel poste.
Diana, la petite amie d’Aidyn, a déclaré que lui et Brik « connaissent certainement les gars de Sourgout« . Elle-même ne connaît pas les gars arrêtés à Lekaterinbourg. La petite amie de Chertykov a déclaré qu’elle connaissait personnellement Neznamov, mais pas Brik et Aidyn de Tioumen. Par conséquent, elle ne pouvait pas dire si Chertykov les connaissait. Chertykov lui-même a dit aux enquêteurs qu’il avait vu Brik et Aidyn une fois dans sa vie – c’est ce qu’il a déclaré lors de l’entretien avec son avocat.


Yuri Neznamov

Canal Telegram sur l’affaire Tioumen (en russe)

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Deniz Alattinovich Aidyn 1999 g.r.
Nikita Vitalevich Oleinik 1995 g.r.
Yuri Yevgenevich Neznamov 1995 g.r.
Danil Germanobich Chertykov 1994 g.r.
Nikita Vitalevich Oleinik 1995 g.r.
Roman Vladimirovitch Paklin 1997 g.r.
SIZO-1, ul. Yalutorovskaya d.42, 625000 Tyumen Russie

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Après les peines, l’heure du châtiment ?

APRÈS LES PEINES, L’HEURE DU CHÂTIMENT ?

« Le châtiment s’ancre dans l’histoire la plus archaïque de l’humanité, celle des terreurs suprêmes que les hommes ont traduites en dieux et déesses au cœur démoniaque. Pas une religion pour sauver l’autre lorsqu’il est question des supplices réservés aux damnés. »

« La Loi n’est pas l’expression d’une éthique quelconque : au service du pouvoir disposant
des plus grandes forces de coercition, elle n’existe que par la sanction. »

« Le discours sécuritaire sème le vent. Il récoltera des tempêtes sur des incendies. »

– — – — Pourquoi faudrait-il punir ? – Catherine Baker (2003) – — – –

 

Depuis plusieurs mois nous n’avons pas donné de nouvelles, profitant un tant soit peu d’un « répit » depuis la sortie de prison du dernier inculpé. Le temps de remettre un peu de sens dans nos vies, de continuer nos autres engagements militants, de souffler et de reprendre des forces pour différents projets. Reprendre pied, retrouver notre propre temporalité. Mais la répression revient toujours pour dicter sa marche : « toc toc, le procès, c’est pour bientôt ! ». Et là, de nouveau, tout s’accélère. Encore une étape atroce qu’il faudra passer, pour que « justice soit rendue », c’est à dire encore un déversement de violences judiciaires à l’horizon, dans lequel il faudra affronter la froideur robotique de magistrats désincarnés vivant dans leur réalité propre.

« L’idée d’une Justice qui rend le mal pour le mal ne peut mener qu’au mépris de toute justice » nous dit Catherine Baker, ajoutons que celle rendant le mal pour le bien mène à la nécessité de son abolition. La CEDH venant d’autoriser officiellement l’application d’une loi mussolinienne à l’encontre de Vincenzo Vecchi, condamné à 10 ans de prison ferme pour avoir participé à une manifestation de 300 000 personnes… il y a 21 ans. Il n’y a plus rien à sauver de ces institutions.

DES NOUVELLES DE LIBRE FLOT

Après le combat de Libre Flot contre ses conditions de détention inhumaines et injustifiées, ce dernier avait été libéré in extremis « pour raison médicale », alors au bord du coma après 36 jours de grève de la faim. Il y avait eu, le 4 avril 2022, une forte mobilisation internationale en faveur de sa libération.

Après avoir passé plus d’une semaine en service de renutrition, il s’est vu incarcéré à domicile, sous dispositif ARSE (Assignation à Résidence sous Surveillance Électronique), défini comme « une mesure de sûreté destinée aux personnes dont la dangerosité est attestée ». Cela fait environ 6 mois maintenant. Cette mesure s’accompagne de beaucoup de contraintes: obligation de travail après un court « arrêt maladie » suite à sa sortie, un suivi judiciaire intense avec des enquêtes psychologiques d’ « évaluation de la radicalisation », interdiction de sortie hors temps de travail, et les jours non-travaillés, seulement deux pauvres heures autorisées. Cette oppression temporelle constante, la tyrannie des horaires à respecter sous peine d’être renvoyé au placard, constitue une source d’oppression permanente, comme le décrit parfaitement Kamel Daoudi.

Vous l’aurez compris, tout le panel répressif de « la prison à la maison » prolonge évidemment l’oppression constante de l’incarcération et de la surveillance et a pour but d’empêcher la personne de se reconstruire pleinement et de soigner les séquelles que peuvent laisser plusieurs mois de Quartier d’Isolement (QI), dont 37 jours de grève de la faim.

Après ces 16 mois d’absolu vide sensoriel, on ne peut qu’imaginer la désorientation du ressentir et la saturation d’informations lorsqu’on se met à redécouvrir les visages, les goûts, les textures, les sensations corporelles, les lumières, etc. C’est là tout le secret de la torture blanche, elle est invisible mais profonde.

Les séquelles de l’isolement restent omniprésentes : perte totale de prise sur le temps, douleurs nerveuses, pertes de mémoire, épuisement chronique, etc. ; mais Libre Flot a quand même repris du poil de la bête et retrouvé le sourire et les petits plaisirs de la vie dans le sud-ouest.

Ce 28 septembre prochain, le talentueux Jean-Marc Herbaut l’a convoqué pour le renouvellement de son maintien sous bracelet électronique. Le laissera-t-il dans ces conditions, toujours largement inéquitables vis-à-vis des autres inculpé.es ? Ou pire encore, révoquera-il sa libération « pour raison médicale » afin de le renvoyer au placard ? Restons vigilant.es ces prochains jours.

DES NOUVELLES DU 8/12

« L’humanité, l’intégrité d’un magistrat, voyez-vous, ce n’est pas dans les livres, les études et les statistiques qu’on peut s’en faire une idée ; c’est en le pratiquant en tant qu’inculpé. Croyez-vous qu’un juge avouera dans ses notes annuelles qu’il s’adresse aux prévenus comme à des chiens ? Le seul moyen de s’en apercevoir, c’est d’être justiciable soi-même. Tout le reste n’est que littérature. »

De la prison à la révolte, Serge Livrozet (1999)

 

Le 26 août dernier, Jean-Marc Herbaut met fin à l’information judiciaire dans le dossier du 8/12, Ce dossier ouvert par la DGSI sous le nom d’ « affaire punk à chien », puis renommé après les arrestations « contre [LIBRE FLOT] et autres », aura donc été alimenté par 932 jours d’une instruction très bornée.

Cette clôture est un soulagement, car cela met fin aux commissions rogatoires mandatées par le juge, qui permettaient à la DGSI d’user de « tous les moyens en sa disposition » pour harceler les mis.es en examen et leurs proches. C’est à dire que la surveillance ne sera désormais plus appuyée par la Justice.

Mais cela signifie aussi que le dossier est clos, laissant aux inculpé.es et leur Défense un délai de trois mois pour apporter les derniers éléments (demandes d’actes ou observations). Au bout de ce délai donc, le 26 novembre prochain, ce sera au tour du PNAT de faire ses « réquisitions », c’est à dire d’exiger quelle Cour devra juger nos ami.es et camarades.

Une fois les réquisitions du Parquet déposées, il restera enfin un mois de délai à la Défense pour émettre ses dernières observations. Et enfin : l’illustre magistrat Jean-Marc Herbaut, qui a démontré, par son acharnement personnel contre Libre Flot, être devenu trop sénile pour exercer son travail, décidera qui aura l’honneur de châtier les inculpé.es au nom du peuple français.

Car les accusations n’ont pas changé, au contraire elles n’ont eu de cesse d’être martelées par le juge d’instruction, la DGSI et le PNAT, ne tenant aucunement compte de la paroles des mis.es en examen, de leurs proches et de leur défense. Toujours les même névroses policières, répétées sans discernement. Un « groupe » qui n’en est pas un (les expertises numériques et témoignages le confirment), « destiné à commettre des actions violentes à l’encontre notamment de membres des forces de l’ordre et de militaires » (nié par les mis.es en examen et des témoins), « en se concertant dans ce but avec des membres de divers groupuscules ayant les mêmes objectifs en France et à l’étranger » (hallucinant, on ne sait même pas lesquels), qui organiserait des « entraînements para-militaires » (deux après-midi de Airsof, pas avec les même personnes, dans des spots différents) et qui fabriquerait des « engins explosifs » (quantités infimes de produits ménagers, pour s’amuser et par curiosité).

Qu’il ait été impossible de prouver « l’entente établie », « la concertation dans le but de », « l’intention de » et donc en fait un quelconque « projet », ne semble pas déranger l’ajustice. Tous ces vides sont automatiquement comblés par la présomption de culpabilité. Si par exemple l’analyse des téléphones montrent que la plupart des protagonistes du groupe n’étaient pas en lien, c’est qu’ils devaient forcément communiquer par des applications sécurisées. Et par conséquent, c’est qu’ils avaient bien un projet commun. Ou si une brochure sur la guérilla a été retrouvée parmi des milliers d’autres fichiers, eux mêmes répartis parmi des dizaines de clés usb, disques durs, ordinateurs (etc.), c’est qu’elle a bien été lue par le mis en examen, et s’il l’a lu, c’est qu’il doit bien adhérer à l’action violente, et s’il y adhère, c’est la preuve que tous ces agissements dans sa vie convergent vers ce but ! Les abîmes infinies de la police d’anticipation, mais dans la tête d’un juge d’instruction.

C’est donc aussi la perspective d’une réincarcération dans quelques mois qui refait surface, pour la plupart des inculpé.es, puisque la volonté de punir a depuis longtemps pris le dessus sur la rationalité, comme le constate l’anthropologue Didier Fassin dans son dernier ouvrage, Punir, une passion contemporaine (2020). Il n’y a rien à attendre d’autre qu’un naufrage éthique d’une justice militarisée. L’antiterrorisme est une guerre qui n’a pas fini de produire ses « ennemis ».

Dans tous les cas, ce procès continuera de n’être rien de moins qu’un élément du délire sécuritaire actuel et du virage militaire de tous les appareils d’État. De la vengeance en pâture pour cochons patriotes. Mais nous ne sommes pas vaincu.es, nous apporterons la Vérité dans leurs simulacres.

LE TERRORISME EST UNE MATIÈRE ÉLASTIQUE

« La notion de terrorisme est si largement définie dans le règlement qu’elle pourra servir à justifier la censure de discours radicaux ou de toute expression favorable à des actions politiques offensives ou violentes – tels que le sabotage ou le blocage d’infrastructures. »

La Quadrature du Net

 

Il semble que la notion de « terrorisme », soit devenu le mot-valise des réactionnaires pour criminaliser et déshumaniser leurs opposant.es. Dans un contexte de désastre climatique imminent, le mouvement écologiste est particulièrement visé par cette assimilation au terrorisme.

Pendant la sécheresse de cet été, le président de la Chambre d’Agriculture de la Haute-Vienne, Bertrand Venteau affirmait impunément au micro de France 3 : « c’est pas des écologistes, c’est des terroristes » au sujet des opposant.es à la construction sauvage de barrages sur les cours d’eau.

C’est aussi la rhétorique employée par le Conseil de l’Agriculture Finistérienne, qui a qualifié de « terrorisme vert » l’action du Collectif contre les Fermes-Usines, militant contre l’élevage industriel (responsable de plus de 23 % des émissions de CO2 à l’échelle mondiale).

Outre l’évident conflit entre les partisan.es d’un changement radical dans les modes de production agricole et les défenseur.euses de l’agro-industrie, c’est aussi le signe d’une militarisation latente du monde de l’agriculture qui s’exprime. Le collectif Ni Guerre Ni état de Guerre analysait en mai 2021 les nouvelles stratégies de Défense ainsi :

« La théorie développée depuis plusieurs années est la suivante : l’Armée ne sera pas capable de faire face seule aux crises qui s’annoncent. Il faut organiser la capacité de mobilisation de la nation tout entière, pour qu’elle réponde par son action aux objectifs stratégiques fixées.

Une telle orientation suppose une coopération de l’Armée avec les institutions civiles. Celle avec le Ministère de l’Éducation nationale (ainsi que celui de l’Agriculture) est déjà engagée depuis plusieurs années, avec cinq protocoles organisant la collaboration avec le ministère de la Défense. »

Il ne fait aucun doute que dans la « collaboration avec la Défense » du monde agro-industriel, la désignation des « écolos » comme ennemis a pour objectif de légitimer l’émergence de milices anti-zadistes comme on a pu l’observer à la ZAD du Carnet par exemple.

Mais l’élasticité du concept ne s’arrête pas à l’usage maladif du terme, il s’étend en fait à la diversité de réalités visées par les dispositifs antiterroristes. De l’individu commettant un massacre de civils à l’opposant au déploiement de la 5G qui brûle une antenne. Outre les arrestations du 8/12, on a vu ces derniers mois les moyens de l’antiterrorisme être déployés contre des camarades soupçonné.es de sabotages.

Le 10 avril 2020, une antenne-relais prend feu dans le Jura, sur le Mont Poupet. Le jour même, le Groupe Anti-Terroriste de la Brigade Criminelle de Dijon sera sur l’affaire, et le procureur demandera l’appui du Bureau de Lutte Anti-Terroriste (BLAT) de la Gendarmerie, ce qui aboutira à l’arrestation et l’emprisonnement de Boris.

Le 15 juin 2021, la Sous Direction Anti-Terroriste (SDAT) effectue une grosse opération antiterroriste débouchant sur l’arrestation de 7 personnes dans le Limousin pour l’incendie d’antennes et de cars, résultant sur 3 mises en examen pour « destructions matérielles en bande organisée portant atteinte aux intérêts de la Nation ».

Le 11 juin 2022, les moyens de la Sous Direction Anti-Terroriste (SDAT) sont encore mobilisés pour arrêter un camarade anarchiste, Ivan. Il sera finalement mis en examen et incarcéré pour six incendies de véhicules.

Cette tendance à élargir la répression antiterroriste se confirme dans la loi de censure automatisée votée cet été, permettant la suppression en une heure d’un contenu jugé « à caractère terroriste » par la police. La Quadrature du Net met elle aussi en garde : « la notion de terrorisme est si largement définie dans le règlement qu’elle pourra servir à justifier la censure de discours radicaux ou de toute expression favorable à des actions politiques offensives ou violentes – tels que le sabotage ou le blocage d’infrastructures. » Le conseil constitutionnel doit encore évaluer la loi pour qu’elle soit appliquée.

La meilleure réponse restera toujours de multiplier les gestes que l’État souhaite réprimer. Le collectif Écran Total a lancé un appel à soutenir les personnes en lutte contre la numérisation des territoires.

Dans ce contexte de déploiement de l’antiterrorisme, il n’est absolument pas anodin que Laurent Nunez (ancien directeur de la DGSI et Coordinateur National du Renseignement et de la Lutte contre le Terrorisme) ait été placé à la tête de la Préfecture de Paris. Spécialiste du Renseignement et surtout de l’Anticipation, nous allons voir ses talents antiterroristes à l’œuvre, à n’en pas douter, pour expérimenter massivement des techniques de répression préventives. Sa mission médiatique étant la sécurisation des JO 2024, on peut être sûr.es que le Renseignement est déjà entrain de tisser sa toile contre les opposant.es à ce Saccage2024, promettant gentrification forcée, bétonisation, et déploiement de technologies de surveillance dans l’espace public.

Dans une conférence récente donnée au CNAM, intitulée « Information, anticipation, renseignement », Laurent Nunez déclarait à propos des Gilets Jaunes : « Le Renseignement territorial avait su détecter et documenter une montée des mécontentements autour de thématiques revendicatives. Mais le mouvement en tant que tel fut imprévisible car il s’est cristallisé spontanément, sans organisateur, ni direction précise. »

La frontière devient très ténue, entre la surveillance antiterroriste et la volonté de tuer dans l’œuf toute contestation de l’ordre dominant. Mais c’est là le cœur de la fonction de Police, l’« administration veillant au bon ordre ». Le Renseignement politique a donc de beaux jours devant lui, avec une Délégation parlementaire au Renseignement dirigée par Renaissance et le Rassemblement National en prime.

QUELQUES BRÈVES ANTITERRORISTES A L’INTERNATIONAL

On ne le répétera jamais assez : en temps de guerre, toute opposition devient « ennemi intérieur » et doit être neutralisée. Là réside le but final de l’antiterrorisme.

Turquie.

Nous avions déjà souligné dans des articles précédents l’instrumentalisation par la Turquie (deuxième armée de l’OTAN) du « terrorisme » à des fins génocidaire et l’impact que cela avait sur les politiques antiterroristes françaises.

Cette dynamique s’accentue encore actuellement. Malgré la campagne européenne pour dé-lister le PKK des organisations terroristes, Erdogan a tiré profit de la guerre en Ukraine pour déclencher de nouvelles attaques meurtrières sur le kurdistan. Il a aussi imposé à la Suède et la Finlande, qualifiées « d’auberge aux terroristes du PKK », qu’elles déportent des réfugié.es kurdes vers la Turquie pour qu’iels y soient torturé.es et emprisonné.es, sans quoi il menace de bloquer leur adhésion à l’OTAN. L’Organisation a également réaffirmé que la guerre mondiale contre « le terrorisme, sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations » était une priorité, mais aussi que « l’immigration clandestine » serait une « menace » à la « souveraineté et à l’intégrité territoriale » de ses États membres, justifiant directement la militarisation des frontières et indirectement les massacres d’exilé.es comme celui de Melilla en juin dernier.

Or s’il y a un État pour lequel le « terrorisme » a de nombreuses manifestations, c’est bien la Turquie. En témoigne la nouvelle condamnation, par la Cour Suprême de Turquie, de la sociologue féministe et antimilitariste Pinar Selek à la prison à perpétuité, après avoir été totalement acquittée 4 fois car il a été démontré par plusieurs experts que l’« attentat » dont on l’accuse était une fuite de gaz.

Mais la justice antiterroriste française collabore avec le régime fasciste turc depuis des décennies. Nous avons pu constater à plusieurs reprises dans le dossier du 8/12 la tentative – tantôt de la DGSI, tantôt du juge d’instruction – d’agiter le spectre du PKK pour enfoncer encore la présomption de culpabilité. Jean-Marc Herbaut lui-même, fort de son endoctrinement, décrivait la journaliste et artiste kurde Zehra Dogan, reconnue internationalement, comme « militante du PKK » ?! Hallucinant et consternant à la fois. L’élément à charge ? Une brochure intitulée « Un jour nous vaincrons » (à retrouver sur notre blog). Si le PKK n’était pas inscrit sur la liste des organisations terroristes de l’UE, cela prêterait à rire, mais dans le langage judiciaire français, affirmer cela équivaut à dire « c’est une terroriste ».

Russie.

L’usage intensif de l’outil antiterroriste par la Russie n’est pas récent, il s’applique tout particulièrement depuis des décennies contre les minorités Ouzbek et les anarchistes. Cependant depuis l’intensification de la guerre inter-impérialiste entre la Russie et l’OTAN, se matérialisant dans la guerre en Ukraine, la répression s’est abattue de manière très féroce sur les activistes anti-guerre et anti-fascistes, se matérialisant en centaines d’années de prison.

Vladimir Sergeev a été arrêté lors d’une action anti-guerre le 6 mars 2022. Des cocktails Molotov ont été découverts dans son sac à dos. Lors de son arrestation, Vladimir a fait une tentative de suicide. Il s’est rétabli après avoir passé plusieurs jours dans le coma. Il est été accusé de « préparation au terrorisme » et pourrait être condamné à une peine de 10 ans de prison. Il se trouve actuellement dans la tristement célèbre prison de Butyrka, à Moscou.

Anton Zhuchkov est un ami de Vladimir Sergeev, ils ont été arrêtés ensemble lors de l’action anti-guerre du 6 mars. Lors de son arrestation, Anton a fait aussi fait une tentative de suicide et s’est rétabli après avoir passé plusieurs jours dans le coma. Il est aussi accusé de  « préparation au terrorisme » et pourrait être condamné à une peine de 10 ans de prison. Anton n’a pas de famille, et il a grandi dans des institutions.

Suivez les actualités de l’Anarchist Black Cross Moscow pour savoir comment les soutenir.

Biélorussie.

La Biélorussie a introduit la peine de mort pour « tentative d’acte de terrorisme », selon un décret publié mercredi 18 mai. Jusqu’à présent seuls ceux qui avaient commis un tel acte étaient passibles d’exécution. La cible exacte de cette mesure reste peu claire (à moins qu’elle ne vise les oppositions tous azimuts). Depuis le vaste mouvement de contestation de 2020 contre la réélection de Loukachenko, de nombreux opposants ont été inculpés et arrêtés pour tentative ou préparation d’acte de terrorisme. En mars 2021, le parquet biélorusse avait annoncé que la cheffe de l’opposition pro-occidentale, Svetlana Tikhanovskaïa, en exil depuis 2020, faisait l’objet d’une enquête pour « préparation d’acte de terrorisme en bande organisée ». La scène anarchiste a aussi été ciblée à de nombreuses reprises par les forces de sécurité biélorusses (voir ici ou ici).  Enfin, plusieurs actes de sabotages ont ciblé le trafic militaire russe passant par la Biélorussie et se dirigeant l’Ukraine: la nouvelle loi pourraient en viser les auteurs de ces sabotages, dont plusieurs ont déjà été capturés.

Secours Rouge a effectué un bilan de la répression suite au soulèvement populaire.

L’Anarchist Black Cross Belarus organise l’information et le soutien aux prisonniers anti-fascistes et anarchistes. De nombreuses campagnes internationales de soutien ont été organisées.

Israël.

Sept ONG palestiniennes ont été qualifiées d’organisations terroristes par le régime d’apartheid israélien ; et subi une vague de répression intense : arrestation de leurs membres, fermeture des locaux, saisies du matériel, etc.

Alors qu’Israël intensifie les attaques ciblant leur travail, un groupe de plus de 150 organisations palestiniennes, régionales et internationales exprime sa solidarité complète avec les sept grandes organisations désignées de la société civile palestinienne : l’association Addameer pour le soutien aux prisonniers et les droits humains, Al-Haq (Le Droit au service de l’homme), le Centre Bisan pour la recherche et le développement, Defense for Children International Palestine (Défense des enfants International – Palestine, DCI-P), les Health Work Committees (HWC), l’Union des comités de travailleurs agricoles (UAWC) et l’Union des comités de femmes palestiniennes (UPWC).

Le matin du 18 août 2022, les forces d’occupation israéliennes (IOF) ont mené une descente dans les bureaux de ces sept organisations palestiniennes et en ont bouclé les entrées. Elles ont confisqué des documents et du matériel et ont détruit des objets. Des ordonnances militaires ont été fixées sur les portes des organisations, imposant la fermeture des bureaux en application de l’article 319 du Règlement d’Urgence de 1945. Cet évènement survient à la suite de la désignation par Benny Gantz, ministre israélien de la défense, le 19 octobre 2021, de six importantes organisations de la société civile palestinienne comme organisations terroristes aux termes de la Loi israélienne antiterroriste (2016), étendue à la Cisjordanie le 3 novembre 2021 par une ordonnance militaire qui mettait hors la loi ces mêmes organisations.

Myanmar.

Après le coup d’État militaire de la junte birmane le 1er février 2022, de nombreux membres de la Ligue Nationale pour la Démocratie ont participé à la fondation d’un « gouvernement d’unité nationale ». En mai 2022, ce dernier annonce la création d’une « force de défense » pour lutter contre la dictature militaire. Le régime a immédiatement annoncé à la télévision que cette « force de défense du peuple » ainsi qu’un groupe intitulé Comité représentatif Pyidaungsu Hluttaw (CRPH), le terme birman signifiant parlement, faisaient désormais partie de la liste des «organisations terroristes». Cette nouvelle classification en « organisation terroriste » signifie que quiconque communiquerait avec ses membres, y compris les journalistes, pourrait être poursuivi dans le cadre des lois antiterroristes.

Philippines.

Le 3 juillet 2020, le gouvernement des Philippines a introduit la « Anti-Terrorism Act ». La loi prévoit l’incarcération à vie pour la commission ou l’intention de commettre – des actes qui provoquent ou créent « l’intimidation du public, la promotion de messages de peur, l’intimidation du gouvernement, la destruction ou la déstabilisation de l’économie, de la politique et de la société, pour créer une urgence publique et nuire à la sécurité publique ». Selon cette définition, les grèves/piquets de grève des travailleurs ou les actions de protestation publique pourraient être interprétés comme du « terrorisme ». Vous pouvez également commettre du terrorisme « au moyen de discours, de proclamations, d’écrits, d’emblèmes, de bannières ou d’autres représentations de ceux-ci ». Cela signifie-t-il parler lors d’un rassemblement ou donner une présentation à une classe ou tenir une pancarte ou afficher un mème ou une vidéo? Qui sait, parce qu’en vertu de ce nouveau projet de loi, le gouvernement a le pouvoir discrétionnaire d’interpréter lui-même le « terrorisme ».

Un gouvernement qui, au nom de la lutte contre la drogue, a lancé une vaste opération de purge sociale ayant fait plus de 30 000 exécutions extra-judiciaires. Des assassinats ont également été perpétrés contre des gauchistes, des dissidents, des leaders paysans, des leaders sociaux et d’autres militants. En 2018 des anarchistes de Food Not Bombs ont été abattus et incarcérés.

 

La France ne fait aucunement exception dans ce tableau mondial glauque. Avec un des complexes militaro-industriels des plus puissant du monde et une des polices les plus armées, l’État français effectue un lobbying sécuritaire au niveau mondial et représente une menace pour grand nombre de peuples. Le 22 janvier 2021, le Traité Interdiction des Armes Nucléaires (TIAN) a été ratifié par un 50e État et est donc entré en vigueur. Il a été signé par 122 pays, et évidemment, aucun des pays détenant cette arme (dont la France), maintenant illégale, ne l’a signé.

Cet État inique dans lequel nous vivons est une menace pour l’humanité entière. Elle fait partie de cette petite clique d’État terroristes, surfant sur les génocides et dictatures pour assurer ses « intérêts », qui ne sont pas les nôtres. Un État qui rase des villes entières au nom de « l’antiterrorisme », qui maintient des dictatures au pouvoir au nom de « l’antiterrorisme », qui introduit la surveillance de masse et la censure algorithmique au nom de « l’antiterrorisme ». Si la Justice existait dans ce pays, nous aurions déjà mi hors d’état de nuire ce business de la mort, fleuron de l’industrie française. Mais ces terroristes là se pavanent dans les salons Milipol et font des courbettes aux dictatures du monde entier.

Les Lois ne sont pas faites pour lutter contre la violence réelle, mais au contraire pour les renforcer. Le système pénal français est peut-être le premier employeur de néo-nazis : la police aux frontières, l’administration pénitentiaire et la police nationale oppriment chaque jour des centaines de milliers de corps racisés, et chaque année en tuent des centaines. Là réside la terreur réelle. L’essor d’un mouvement antimilitariste large et puissant est une urgence. Du traitement colonial des « quartiers » aux « lois sécuritaires », de l’OTAN à la vente d’arme, de la chasse à « l’assistanat » jusqu’aux constructions de prisons, le spectre de la guerre est omniprésent.

De minables tortionnaires : l’isolement reconduit par Dupont-Moretti

Ce jeudi 10 mars, Dupont-Moretti, cette honte pour toute la magistrature, a prolongé pour des raisons politiques la torture blanche que subit le militant Libre Flot, en grève de la faim depuis 15 jours et à l’isolement depuis 15 mois.

Dupont-Moretti et Jean-Marc Herbaut, vous qui êtes responsables de l’enfermement de Libre Flot, vous qui usez de votre pouvoir d’hommes corrompus pour briser un opposant politique, vous vous salissez devant l’Histoire tels de minables tortionnaires.

 

A celleux qui luttent pour un monde meilleur,

ne laissons pas Libre Flot seul face à la répression!

Il a besoin de votre soutien maintenant: collages, tags, tractage, banderoles, maintenons la pression!


– Une lente agonie, L’Envolée n°4, janvier 2002 –

« Il m’est souvent arrivé de comparer les conséquences de la mise à l’isolement au travail produit par les vagues contre les massifs rocheux qui se dressent sur le bord de mer. Les vagues vont et viennent, butant contre les falaises, dans un mouvement incessant. Et de temps à autre, sans trop que l’on sache quand, tout ou partie de la falaise s’affaise, disparait dans les fonds marins. L’océan finit toujours par avoir raison des parois rocheuses, quelle que soit leur nature, leur solidité. Il en est ainsi pour les détenus.

Chaque instant passé à l’isolement est un instant qui marque de façon indélébile la personne détenue, l’agresse, la meurtrit. Et, bien souvent, bien trop souvent, l’isolé finit par craquer, par s’affaisser. Seuls résistent ceux et celles qui sont mus par la haine. Mais cette terrible résistance ne sert qu’à survivre, à éviter le pire. Mais la haine se trouve avant tout dans l’esprit de celui qui prend la décision de mettre et de maintenir des personnes à l’isolement carcéral. Une haine blanche, bien souvent non perceptible sous le masque lisse d’un magistrat ou d’un directeur de prison. La haine guidant la main qui, d’une simple signature, condamne un détenu à plonger dans le gouffre sans fond d’une lente agonie.

L’isolé est un spectateur assistant au spectable de sa propre mort. »

[Le club de Médiapart] Violences pénitentiaires et acharnement carcéral : stoppons la spirale répressive

En soutien aux militantes et militants visés par la répression antiterroriste depuis le 8 décembre 2020, plusieurs collectifs dénoncent le maintien à l’isolement d’un des inculpés et «la fabrication de figures de coupables instaurées par la gestion policière, judiciaire et carcérale».

Cela fait maintenant plus de 6 mois que sept de nos camarades sont poursuivis et mis en examen pour « association de malfaiteurs terroristes » suite aux arrestations du 8 décembre, un d’entre eux s’est vu renouveler son maintien à l’isolement le 8 juin dernier.

Alors que la prison est déjà en elle-même une terrible mise au ban de la société, destructrice des liens sociaux, impliquant de graves conséquences pour les enfermé·e·s et leurs proches, le directeur interrégional des Services Pénitentiaires d’Île-de-France, Stéphane Scotto, a rendu sa décision de prolonger de 3 mois supplémentaires l’isolement de notre camarade.

Un large mouvement national contre le système carcéral est entrain d’émerger.

La semaine dernière, une mobilisation était organisée pour réclamer la libération du militant palestinien George Ibrahim Abdallah. Le 30 mai dernier à Lyon et dans plusieurs villes de France, une première Journée Nationale contre les Violences Pénitentiaires était organisée à la suite du meurtre barbare d’Idir. Le 16 mars, un communiqué co-signé par L’Envolée, l’ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture), l’A3D (Association des avocats pour la défense des droits des détenus), la LDH (Ligue des Droits de l’Homme), l’OIP (Observatoire International des Prisons), le SAF (Syndicat des Avocats de France), dénonçait la répression faite contre la diffusion de témoignages sur les violences pénitentiaires. Le 24 juin, le rapport du CPT (Conseil européen pour la Prévention de la Torture) déplorait les conditions de détention en France. L’agenda est rempli et la liste non-exhaustive.

Alors qu’aujourd’hui de nombreuses voix s’élèvent contre les crimes policiers et pénitentiaires, contre les mitards et l’isolement, contre l’impunité, contre l’incarcération et la fabrication de figures de coupables instaurées par la gestion policière, judiciaire et carcérale de la société, nous dénonçons le renouvellement du maintien à l’isolement du camarade inculpé.

Ces dernières années, les collectifs Justice et Vérité n’en finissent pas de se multiplier et les luttes s’étalent sur des années pour finir devant la CEDH quand aucun recours n’est plus possible en France. La population carcérale ne cesse d’augmenter, alors qu’elle est déjà parmi les plus élevées d’Europe, mais les injustices sont toujours aussi criantes. La « vie » en prison est insoutenable aujourd’hui et la loi que prévoit Éric Dupond-Moretti va aggraver cette situation.

On pouvait lire ces derniers mois dans le métro de Paris : « Devenez surveillants pénitentiaires. Au coeur de la Justice » communiquant la volonté gouvernementale de renforcer une politique pénale contraire aux désirs de justice transformatrice ou réparatrice théorisées par le féminisme. A Rennes, la construction d’une nouvelle prison est actuellement en préparation.

Comment ne pas prendre à bras le corps le problème carcéral comme un élément essentiel d’un capitalisme toujours plus violent et d’un État toujours plus policier ? Les mesures disciplinaires et d’isolement en sont le paroxysme.

Nous dénonçons la fabrication de figures de coupables instaurées par la gestion policière, judiciaire et carcérale de la société.

Cette construction sociale commence à l’extérieur par la sur-occupation policière des quartiers populaires, par une criminalisation particulière des personnes sans papiers, non-blanches et/ou précaires. Une stigmatisation qui dépasse toutes les bornes de la décence comme lorsque des policiers se permettent de porter plainte contre Babacar Gueye après l’avoir abattu de 5 balles en 2015 dans le quartier Maurepas.

Cette construction de la culpabilité se poursuit à l’intérieur des prisons, par l’existence de la Détention Provisoire (DP) qui permet aux juges d’enfermer des personnes durant des mois, voire des années avant un quelconque procès, en dépit du principe de présomption d’innocence.

Cette sur-criminalisation se poursuit encore quand l’Administration Pénitentiaire (AP) met en place des mesures particulières contre certain·e·s détenu·e·s et prévenu·e·s. Telles que : le placement à l’isolement et en cellule disciplinaire (mitard), ou encore le statut de Détenu·e·s Particulièrement Signalé·e·s (DPS).

Ces mesures créent une prison au sein de la prison, elles déshumanisent des personnes et tentent de les faire passer pour des entités particulièrement dangereuses, des coupables idéaux/idéales, des condamnés d’avance. Le domaine du non-droit s’étend, notamment au non de l’antiterrorisme qui normalise ces mesures prétendument exceptionnelles.

Enfin cette gestion carcérale de la société normalise des mesures administratives d’enfermement (comme lorsque l’on enferme sans justice aucune des personnes pour le simple crime d’avoir traversé des frontières) ; et d’acharnement judiciaire après qu’un·e détenu·e ait purgé sa peine (comme c’est le cas de Kamel Daoudi, assigné à résidence depuis plus de 10 ans, et des Mesures Individuelles de Contrôle Administratif et de Surveillance (MICAS). La culpabilité à perpétuité.

Nous dénonçons les mesures particulières de l’isolement et du mitard, assimilables à de la torture psychologique, ainsi que les violences carcérales. La mise à l’isolement, rappelons-le, empêche tout contact entre la personne isolée et les autres détenu·e·s, (les seuls contacts avec des êtres humains sont donc ses maton·ne·s ainsi que quelques rares parloirs) pendant une période de 3 mois, renouvelable indéfiniment.

Le camarade mis en examen dans l’affaire du 8 décembre, raconte son isolement qui dure depuis déjà plus de 6 mois. « Le lien social est pour l’être humain, un besoin vital. L’isolement s’apparente donc à de la torture. Non pas une torture physique existant par un fait ou un acte, mais une torture plus pernicieuse, invisible, permanente, existant par cette absence continue. »

Quand à la cellule disciplinaire, cachot au fond du cachot, c’est l’endroit où se concentrent le plus de violences. Ça n’est sans doute pas un hasard si tant de morts suspectes ont lieu précisément dans les mitards, à l’abri des regards. On peut citer le cas de Idir, mort en septembre dernier au mitard de Lyon-Corbas, deux semaines avant sa sortie. Ou celui de Zamani au mitard de Nantes en 2000, un mois avant sa sortie. Ou encore la mort de Jaouad en 2018. Et celle de Jules en décembre 2020 au mitard de Seysses, prison dans laquelle opère impunément une équipe de matons particulièrement violents surnommée « l’escadron de la mort ». La liste est longue, impossible de ne pas faire ce constat : la prison tue.

Nous, syndicats, organisations politiques et collectifs autonomes, nous opposons à :

– la construction de l’image de coupables et la présomption de culpabilité induite par la généralisation de la Détention Provisoire et des Centres de Rétention Administrative (CRA) ;

– l’acharnement carcéral sous toutes ses formes : Quartier d‘Isolement (QI), Quartier Disciplinaire (QD), Mesures Individuelles de Contrôle Administratif et de Surveillance (MICAS).

En conséquence, nous exigeons la levée de l’isolement pour le camarade mis en examen dans l’affaire du 8 décembre et la suppression de toutes ces mesures punitives et stigmatisantes.

Premiers Signataires :

  • Comité Soutien 812 – Rennes
  • Awa Gueye et le Collective Justice et Vérité pour Babacar
  • FRAP (Front Révolutionnaire Anti-Patriarcal)
  • UL CNT 35
  • UL CNT Lille
  • Comité Soutien812 – Tarnac
  • UCL Rennes
  • Réseau Entraide Vérité et Justice
  • Collectif Vies Volées
  • Comité Vérité et Justice pour Lamine Dieng
  • NPA 35
  • Comité Soutien812 – Francilien
  • AFA Paris Banlieue
  • ACTA
  • Fédération Anarchiste Rennes, La Sociale
  • Brigades de Solidarité Populaire – Île de France