Une analyse de l’enquête préliminaire dans l’ « Affaire du 8 Décembre », diligentée par le Parquet National Antiterroriste et menée par la DGSI.
Coucou! Le document que vous avez entre les mains n’est pas un résumé ni une analyse politique de l’opération antiterroriste du 8 décembre 2020.
Ce document décrit les faits et gestes des acteurs répressifs, que ce soit les flics ou les magistrats. Nous souhaitons rendre intelligible et publique leurs méthodes de travail pour apprendre à s’en protéger.
Ce document est incomplet. Il manque encore à l’analyse la suite de l’information judiciaire, les arrestations/perquisitions, la détention, les exploitations de scellés, les contrôles judiciaire, le procès, le sursis probatoire, le jugement, etc.
On parlera essentiellement de l’enquête préliminaire qui s’étend sur plus de 2 mois (du 7 février 2020 au 20 avril 2022), même si on va parfois évoquer des éléments de procédure de ce qui précède (du renseignement opéré par la DGSI) et de ce qui suit (l’ouverture d’une information judiciaire, le procès, etc.).
Nous évoquerons des aspects de procédure (qui fait quoi quand) mais surtout des détails de la mise en place des moyens de surveillance et de renseignement et ce qu’ils en obtiennent. On ne s’attardera pas sur ce que les camarades visées par l’enquête auraient fait ou pas fait. Cela relève de la Défense des inculpé·es.
Face à la répression, notre solidarité se doit d’être sans faille.
Et en vue du procès en appel, qui est prévu pour novembre 2025, toute action de solidarité est la bienvenue.
Pour plus d’informations là dessus, rendez-vous sur les blogs de soutien sur lesquels vous trouverez : informations sur les prochaines mobilisations, brochures, articles, podcasts, tracts, affiches, témoignages, contacts, etc.
Ce qui nous intéresse par contre, c’est de décrire en détail les méthodes qu’utilise la DGSI pour constituer un dossier permettant l’arrestation et la mise en examen de personnes. Ces méthodes se succèdent et se chevauchent mais suivent une certaine logique. On a essayé au mieux de s’y tenir.
Pour comprendre la logique des acteurs répressifs, il sera cependant indispensable de donner quelques éléments de contexte. Nous avons choisi des pseudos pour les personnes ciblées, pour une meilleure compréhension de la logique policière.
A des fins journalistiques et démocratiques, nous avons décidé de retranscrire les noms complets des acteurs étatiques, afin de mettre en lumière aux yeux des citoyen·nes les activités précises des agents de l’État faites en nôtre nom à touxtes.
Cinq mois après l’infâme procès contre les sept « inculpé·es du 8 décembre 2020 », trois mois après un verdict d’une grande sévérité dépassant les réquisitoires du Parquet National Antiterroriste (PNAT), le combat n’est toujours pas fini pour nos compagnon·es. Alors que presque toustes ont fait appel, et que le Tribunal n’a toujours pas transmis les justifications du jugement, notre soutien financier et politique leur reste indispensable.
Un verdict abject
Les quatre semaines de procès durant lesquelles les inculpé·es et leurs avocat·es ont travaillé à démonter une instruction entièrement à charge n’ont absolument rien changé. Rien ne semble avoir imprimé dans l’oreille d’une juge qui est allé jusqu’à refuser de faire citer les flics responsables de l’enquête pour s’expliquer de leurs méthodes. Les sept accusé·es sont donc reconnu·es coupables d’ « association de malfaiteurs terroriste » et trois d’entre elleux de « refus de communiquer ses conventions de déchiffrement ».
Les peines vont de 2 à 5 ans de prison, dont une partie en sursis probatoire. Des périodes de prison ferme sont prononcées pour cinq inculpé·es. Compte tenu du temps qu’iels ont déjà passé incarcéré·es en préventive, il leur reste entre 8 et 12 mois de ferme à purger, aménageable sous forme de bracelet électronique, auxquels viendra donc s’ajouter une période de sursis probatoire.
L’inscription au Fichier des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT), qui leur promet 20 ans de surveillance, d’obligation de pointer et d’impossibilité de se déplacer comme bon leur semble, est actée pour 6 des 7 inculpé·es.
Est également prononcée l’interdiction de communiquer entre elleux pendant tout le temps de leur peine, invention sadique de la juge qui n’était pas demandée par le parquet. A cela s’ajoute encore un panel de mesures de contrôle médico-social (obligation de soins, de travailler, de résidence fixe…) faisant de leur vie une longue série de rendez-vous chez le psy, l’addicto, le SPIP, l’éducateurice… pour s’assurer de leur « réinsertion ».
Nous n’entrerons pas plus ici dans les détails du jugement pour chacun·e. On les trouvera, avec les comptes-rendus d’audience, sur le blog des soutiens.
Les inculpé·es font appel
Après quelques jours de réflexion, six des inculpé·es ont décidé de faire appel de la décision de justice. Quand aura lieu cet appel ? Personne n’en sait rien. Douze mois, quinze mois, plus, moins, les paris sont ouverts. Cela n’empêche de toute façon pas nos camarades de commencer à purger leur peine, l’appel n’étant pas suspensif des mesures liées au FIJAIT et au sursis probatoire.
Pourquoi alors prendre le risque d’un alourdissement de celle-ci, alors que nous n’avons pas plus confiance dans la Cour d’appel que dans celle de première instance ? Parce qu’au delà du besoin personnel de ne pas se laisser traîner dans la boue et ruiner sa vie sans réagir, il y a un besoin collectif de ne pas laisser graver dans le marbre une telle jurisprudence. Celle-ci laisserait toujours plus de champ libre à l’État pour utiliser les moyens de l’antiterrorisme pour réprimer des pratiques révolutionnaires, de lutte, ou même simplement des paroles et des idées. Tous les recours seront donc utilisés jusqu’au bout, n’en déplaise au PNAT [1].
…Et dans tous les cas, la thune.
Oui mais voilà, tout cela coûte du fric. Malgré un paquet d’événements de soutien depuis 3 ans, ainsi qu’une cagnotte et tout un tas d’aides en nature (logement, bouffe, trajets…) – on ne remerciera jamais assez toutes celleux qui ont mis la main à la patte, et iels sont nombreuses ! – cette affaire a déjà coûté beaucoup d’argent aux inculpé.es et à leur soutien : en frais de justice, en déplacement, etc. Pour se donner une idée, chacun.e des inculpé.es a déjà déboursé plus de 10 000€ de frais d’avocat.es, frais qui ont été partiellement financés par la solidarité collective, mais pas totalement, loin de là. Et ce n’est pas fini.
La plateforme CotizUp qui nous servait de cagnotte a tenté plusieurs fois, à l’approche du procès, de bloquer les virements « pour des raisons de sécurité ». C’est pourquoi on lance une nouvelle cagnotte sur HelloAsso qui nous semble plus fiable, pour recueillir les sous des soutiens. Voici son adresse : https://www.helloasso.com/associations/comite-vertigo/formulaires/9.
Diffusons-la partout, remplissons-la quand on le peut. Encore et encore, organisons des événements de soutien, et informons sur l’affaire du 8 décembre !
En bref
On fait appel de la décision rendue par une justice de classe qu’on dégueule, on fait appel à un soutien financier avec cette nouvelle cagnotte même si ça nous fait sacrément chier de toujours demander de la thune, et on appelle à continuer d’être solidaire de toutes celles et ceux qui subissent la répression parce qu’iels ont décidé de pas se laisser bouffer par ce monde de merde !!!
[1] L’appel n’étant pas le seul recours. Le 13 mars, Florian alias Libre Flot sera devant le Conseil d’État pour contester la légalité de la surveillance hors de toute procédure dont il a fait l’objet avant février 2020.
Plus de 200 personnes étaient présentes au rassemblement pour soutenir les ami·es. Une présence chaleureuse et solidaire, avec banderoles, pinata, boissons chaudes, gâteaux, tee-shirts, stickers et batucada. Le rassemblement sera bref, presque tout le monde s’engouffre dans cet immense immeuble de verre et de béton armé, pilier du pouvoir d’État qui trône Porte de Clichy à Paris.
La salle est pleine à craquer, la tension palpable.
Les inculpé·es entrent petit à petit et des applaudissements retentissent en guise d’encouragements.
Des proches sont présent·es, la famille et les ami·es, et également beaucoup de soutiens politiques.
Rejet des demandes de la Défense
L’alarme sonne, le Tribunal entre et exige le garde-à-vous de la salle. L’audience démarre. Brigitte Roux – la présidente -, le regard sévère, ouvre rapidement les hostilités : toutes les demandes de la Défense sont rejetées une par une.
La Question Prioritaire de Constitutionnalité (à propos de la possibilité de faire citer des agents du renseignement) : « Pas transmise ».
La récupération des données sous scellé (accès à divers supports de stockage détenus par la DGSI pour vérifier des éléments d’accusation) : « Il n’y a pas lieu vue la complétude des débats ».
Faire citer les agents 856SI et 1207SI : « Pas nécessaire ».
Déclassifier les informations « secret-défense » de l’expert en explosifs de la Préfecture de Police: « Les parties ont pu débattre », donc c’est non.
Écarter l’expertise si les sources ne sont pas déclassifiées (car cela pose un problème de « contradictoire ») : « Il n’existe aucune disposition pénale qui permettrait d’écarter les rapports », c’est possible au civil mais pas dans le cadre d’une procédure pénale.
Demander à la DGSI de transmettre les vidéos des GAV (durant lesquelles de nombreux actes illégaux ont été dénoncés) : « Les inculpé·es n’auraient pas exprimé une « contestation des propos », mais uniquement une « dénonciation des conditions de GAV, donc c’est non ».
Ces réponses radicales et arbitraires illustrent l’orientation politique du Tribunal : tout doit être fait pour sauver cette procédure montée par la DGSI pour le Ministère de l’Intérieur.
La QPC aurait pu inscrire dans le Droit la possibilité pour le Tribunal Correctionnel de faire citer des agents du renseignement sans lever leur anonymat.
La restitution des scellés aurait permis de récupérer de nombreux éléments à décharge. Cela aurait également permis de contextualiser la détention de brochures présentées comme « la matrice idéologique » du présumé « groupe » et utilisées pour caractériser des intentions terroristes. Au lieu de cela, le Tribunal a ordonné la destruction de ces scellés afin que la vérité ne puisse définitivement plus être démontrée.
La citation des agents de la DGSI était primordiale pour mettre à jour les procédés manipulatoires et les irrégularités constatés tout au long de l’instruction. Ces agents avaient déjà été convoqués par la Défense et s’étaient soustraits à leurs obligations légales à comparaître. Dans le cadre du procès la Défense aurait pu notamment les questionner sur la suppression d’une vidéo à décharge, les erreurs de retranscription des sonorisations, les faux procès-verbaux, les nombreux horodatages irréguliers constatés, et autres barbouzeries dénoncées par les inculpé·es.
Les informations « secret-défense » concernaient la provenance de la recette de l’ANSU (ammonitrate + sucre). La levée du secret-défense aurait permis de contredire l’affirmation inexacte de l’expert. Il affirmait en effet que cette recette proviendrait de la zone irako-syrienne (Kurdistan) et serait utilisée par DAESH, puis aurait été apprise par les YPG. Cela lui permettait de contredire les témoignages d’anciens combattants du Rojava (qui n’acquièrent aucune compétence en confection d’explosifs sur le terrain) et aussi de Libre Flot qui affirmait que cette recette est connue de tous·tes dans le milieu agricole. En témoigne la récente explosion dans un bâtiment de la Dreal revendiquée par des vignerons (et dont le PNAT a décidé que ça n’était pas du terrorisme).
Enfin, le refus de verser aux débats les vidéos des GAV est l’illustration la plus perverse de la volonté politique du Tribunal. L’argument avancé par la Présidente (qu’il n’y aurait pas eu de contestation des propos tenus eux-mêmes mais seulement une dénonciation des conditions dans lesquelles ils ont été prononcés) est un mensonge pur et simple. Les propos tenus en GAV ont été contestés à de nombreuses reprises par plusieurs mis·es en examen. « Je conteste absolument tout ce que j’ai dit en garde à vue » avait déclaré Bastien. Mais là encore, l’unique preuve que ces contestations ont bien été dites mot pour mot réside dans les notes d’audience, prises par une greffière que l’on voyait somnoler régulièrement, et devant être signées par la Présidente elle-même. (Ces notes ont été transmises à la Défense plusieurs semaines après le délibéré.)
Jurisprudence AMT (association malfaiteur terroriste)
Après le mensonge sur la contestation des propos lors des GAV, l’indignation dans la salle commence à se faire sentir. La juge rappelle la salle à l’ordre et menace une première fois de la faire évacuer. Elle continue son œuvre autoritaire avec une lecture très scolaire de l’article 421 du Code Pénal afin de remédier à notre « méconnaissance » de la loi, puis elle résume (en reprenant l’interprétation exacte du PNAT) les jurisprudences en matière d’AMT. A sa façon de lire, tout le monde comprend qu’elle maintient la qualification terroriste. Des murmures de protestations commencent à se faire entendre dans la salle.
En effet, pour constituer une association de malfaiteurs terroristes : il n’est pas nécessaire de prouver qu’un projet terroriste existe bel et bien. Il est seulement nécessaire de démontrer (ou de suspecter très fortement) qu’un·e inculpé·e avait des intentions « à plus ou moins long terme », de « troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur », pour condamner tout le monde. Il n’est pas nécessaire que chaque individu ait connaissance de ces intentions terroristes pour être coupable, mais uniquement d’y avoir « participé » d’une manière ou d’une autre.
La présidente réaffirme que les intentions terroristes sont matérialisées pour Libre Flot, et que les autres sont donc tous·tes coupables par « association ».
Rupture de l’ordre dans la salle
À l’issue de 30 pénibles minutes d’audience, la présidente demande donc l’évacuation de la salle. Tout le Tribunal se retire et les flics se positionnent en vue d’expulser par la force les quelques deux cents personnes présentes. Certains enfilent leurs gants coqués. Les proches se lèvent et viennent serrer dans leurs bras les inculpé·es, qui, on l’a compris, vont être déclaré·es « terroristes d’ultragauche ».
Selon certain·es avocat·es, les réactions de la salle étaient minimes par rapport à d’autres audiences beaucoup plus agitées. Iels tentent d’établir un dialogue avec les juges pour trouver un compromis afin que l’audience puisse reprendre. La juge refuse de les recevoir. De nouveaux policiers rentrent en masse pour évacuer la salle, ils demandent aussi aux journalistes de quitter les lieux, personne ne bouge.
Deux inculpé·es s’expriment face à la salle. On réfléchit avec les avocat·es : tout le monde doit-il sortir ou pas ? « Oui, laissons la farce continuer toute seule ! » lance Camille. « Je dois rester dans la salle au cas où un mandat de dépôt différé se transforme en mandat d’arrêt immédiat » ajoute Florian après réflexion. Les trois quarts de la salle sortent finalement et une quarantaine de proches restent.
Ce moment de flottement dure plus d’une heure. L’ambiance est électrique, même les journalistes semblent choqué·es du résultat du jugement et de la tournure que prend l’audience.
À son retour, la juge dénonce des propos « injurieux et outrageants ». Elle répète un article de loi pour menacer les personnes qui recommenceraient. Les propos en question étaient: « Menteuse! », « C’est vous les terroristes ! », « Nos réactions sont le reflet de vos immondices » , etc.
Bouffie d’orgueil, la Présidente constate que la salle n’a pas été totalement évacuée et essaye de réaffirmer son autorité, que plus personne ne considère légitime (même pas les flics on dirait !). Elle prétend que la salle est encore trop pleine, et exige arbitrairement que seules 3 personnes par inculpé·e soient autorisées à rester. Elle lance également : « Je ne rendrai pas le délibéré devant une audience vide ! » Puis les 3 juges repartent, on croit rêver.
Le caprice passé, les juges reviennent à nouveau (personne n’a bougé !). Furieuse, la juge passe outre ses devoirs de fonctionnaire de justice, rémunérée grassement par nos impôts, et décide de passer directement au prononcé des peines, sans prendre la peine d’expliquer en détail ses motivations. Les avocat·es s’offusquent mais, autoritaire, elle demande aux prévenu·es de s’aligner devant elle pour annoncer les peines.
Peines
Le verdict est tranchant et plus sévère pour la plupart que les réquisitions du PNAT (parquet national anti-terro). Tous·tes sont reconnu·es coupables d’« association de malfaiteurs terroriste » et trois d’entre-elleux de « refus de communiquer ses conventions de déchiffrement ».
Les peines vont de 2 à 5 ans de prison, dont plusieurs mois de sursis probatoire (de 15 à 30 mois). Des périodes de prison ferme sont prononcées pour cinq inculpé·es (aménageables en prison à domicile sous bracelet électronique). Iels devront effectuer entre 8 à 12 mois de bracelet.
L’inscription au FIJAIT (20 ans) est actée pour tout le monde sauf pour un inculpé, « au vu de sa personnalité », autrement dit, le moins militant.
Sont également prononcées l’interdiction de communiquer entre elleux pendant tout le temps de leur peine, et l’interdiction de porter une arme pendant dix ans.
Détails du probatoire : la période de sursis probatoire est assortie d’un panel de mesures de contrôle médico-social : obligations de soin (notamment addictologie) et obligations de travail. Six d’entre-elleux écopent d’une inscription au FIJAIT (20 ans).
Florian – 5 ans dont 30 mois avec sursis probatoire. Reste à purger : 8 mois de bracelet.
Simon – 4 ans dont 25 mois avec sursis probatoire. Reste à purger : 12 mois de bracelet.
William – 3 ans dont 20 mois avec sursis probatoire. Reste à purger : 12 mois de bracelet.
Camille – 3 ans dont 2 ans avec sursis probatoire. Reste à purger : 8 mois de bracelet.
Manuel – 3 ans dont 15 mois avec sursis probatoire. Reste à purger : 11 mois de bracelet.
Bastien – 3 ans avec sursis probatoire.
Loïc – 2 ans de sursis simple. Pas d’inscription au FIJAIT.
Une volonté d’enterrer définitivement les inculpé·es
Plusieurs inculpé·es avaient commencé ce procès par des déclarations spontanées. Beaucoup ont témoigné avoir été « terrorisé·es » par cette procédure qui les a affaibli·es moralement et physiquement. Plusieurs ont déclaré devoir suivre un traitement depuis, et avoir développé des douleurs physiques somatiques.
Dans leurs mots de la fin, plusieurs ont également déclaré vouloir reprendre une vie normale, développer leurs projets d’autonomie, s’occuper de leurs ami·es en situation de handicap, retrouver leur santé d’avant la répression, devenir parent, tout en restant fier·es de leurs idéaux libertaires et souhaitant continuer à militer pour leurs causes.
Pourtant, le tribunal a décidé de les écraser encore plus que le PNAT. Des peines de prison ferme ont été ajoutées concernant quatre inculpé·es, là où le PNAT n’en demandait que pour Libre Flot. Ces peines, aménageables en détention à domicile (sous bracelet électronique) étaient assorties d’une clause d’exécution provisoire. Cette clause est une récente innovation permettant d’imposer qu’une peine soit effectuée même si la personne fait appel du jugement.
Le summum du sadisme est atteint avec les interdictions de communiquer. Plusieurs inculpé·es, au fil de l’instruction, avaient obtenu le droit de communiquer ensemble, donc il n’y a aucun intérêt d’ordre sécuritaire derrière cette décision punitive.
On pourrait y voir une forme de vengeance perverse, d’autant plus que certaines personnes ont beaucoup insisté sur les liens forts qui les unissaient, depuis parfois de très nombreuses années, sur le fait d’avoir des ami·es en commun et même, pour certains, des projets de vie conjoints.
La probable intention derrière ces interdictions est d’anticiper l’Appel, et ainsi d’empêcher encore une fois les inculpé·es et leurs proches d’organiser leur défense collectivement, de se remémorer ensemble les faits qu’on leur reproche, de travailler sur leur dossier en échangeant, etc.
Nous faisons face à une institution qui ne supporte pas que l’on s’oppose à elle, qui monte de toute pièce des « groupes » inexistants puis cherche par tous les moyens à isoler les personnes qu’elle réprime. Il n’y a évidemment aucune notion de Justice, ni même de sécurité, qui entrent en considération dans ces calculs, mais uniquement un projet politique d’écrasement des opposant·es. Il s’agit de les empêcher de se reconstruire entre pairs.
Rappel du réquisitoire
Le PNAT demandait des peines inférieures à celles prononcées, sauf pour Libre Flot.
– Loïc : 2 ans d’emprisonnement avec sursis simple, 1500€ d’amende, 10 ans d’interdiction arme
– Manu : 3 ans d’emprisonnement dont 2 ans sursis et probatoire, 10 ans d’interdiction de détention d’armes
– Camille : 3 ans d’emprisonnement avec sursis et probatoire, 1500€ d’amende, 10 ans d’interdiction de détention d’armes
– Bastien : 3 ans d’emprisonnement avec sursis et probatoire, 10 ans d’interdiction de détention d’armes
– William : 4 ans d’emprisonnement dont 3 ans avec sursis et probatoire, 10 ans d’interdiction de détention d’armes
– Simon : 5 ans d’emprisonnement dont 4 ans avec sursis et probatoire, 10 ans d’interdiction de détention d’armes
– Florian : 6 ans d’emprisonnement avec mandat de dépôt différé, plus 3 ans de sursis, 10 ans d’interdiction de détention d’arme.
FIJAIT : terroristes à vie
La condamnation pour terrorisme et l’inscription au FIJAIT (Fichier des Auteurs d’Infractions Terroristes) constituent une condamnation à vie. L’antiterrorisme étant devenu le principal moteur des politiques militaro-sécuritaires, les lois évoluent à chaque fait divers, tandis que la notion de « terrorisme » s’élargit en permanence alors que les gouvernements apportent leur appui à des régimes génocidaires.
Concrètement, l’inscription au FIJAIT dure 20 ans après la condamnation, il empêche l’exercice d’un certain nombre d’emplois (toute administration publique par exemple). Pendant 10 ans, toute personne au FIJAIT doit pointer tous les trois mois au commissariat, justifier de son domicile auprès de la préfecture et signaler chaque déplacement à l’étranger (et la raison de ce déplacement) au minimum 15 jours avant son départ.
Le non-respect de ces règles peut entraîner 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.
La loi « séparatisme » a élargit l’inscription au FIJAIT au délit d’ « apologie du terrorisme », qui est aujourd’hui utilisé contre les expressions de soutien au peuple palestinien. Nul doute que ce n’est que le début de l’offensive du pouvoir dans le but d’élargir le champ d’application de ce fichier et les obligations qui l’accompagnent.
Dans le contexte actuel d’extrême-droitisation de l’Europe, il est évident que les mesures administratives liberticides vont se multiplier et se durcir. D’abord expérimentées à l’encontre des étranger·ères, puis au nom de l’antiterrorisme, le déploiement de mesures de contrôle juridico-administratifs permet à l’État d’étendre son filet répressif à des contextes jusqu’alors hors-champs. D’un côté, l’institution judiciaire étend ses outils de contrôle pré-sentenciels à des situations post-sentencielles, tout en condamnant non plus des faits mais des supposées intentions. De l’autre, le Ministère de l’Intérieur court-circuite l’institution judiciaire en élargissant ses outils de contrôle administratif.
En suivant la logique de guerre sociale à l’œuvre actuellement, on pourrait facilement imaginer que, dans les années à venir, les personnes fichées « S » ou « terroristes » seront privées de droits sociaux (RSA), interdits de moyens de transport collectifs (SNCF), etc.
C’est en tout cas dans ce sens que les parlementaires continuent à légiférer, en témoigne le projet de loi antiterroriste actuellement en cours de validation, qui entend déployer de nouvelles mesures de privation de liberté aux personnes ayant déjà purgé leurs peines.
Dans un tel contexte, l’inscription au FIJAIT est une condamnation à vie qui aura des répercussions pour l’instant encore impossibles à mesurer. Elle plonge les camarades et leurs proches dans une incertitude et une vulnérabilité extrême face à l’avenir et à leur capacité à s’impliquer dans les mouvements sociaux.
Appel du jugement et sursis probatoire
Seul l’inculpé qui écope de 2 ans avec sursis simple sans inscription au FIJAIT ne fait pas appel. Les autres six inculpé·es font appel du jugement malgré le fardeau que représente cette affaire. Cinq d’entre elleux ont une peine ferme aménageable en bracelet électronique avec exécution provisoire (de 8 à 12 mois).
Lors des rendez-vous avec la juge d’application des peines anti-terroriste (JAPAT) le 15 et le 22 janvier, cette dernière a décidé de ne pas appliquer la clause d’« exécution provisoire de la peine », attachée au principe de « vous faites appel, donc la peine prononcée peut être remise en question ».
La mention d’exécution provisoire prononcée par la juge Brigitte Roux n’est donc pas appliquée. Concrètement, aucun des 6 inculpé·es (faisant appel) n’aura l’obligation de porter un bracelet électronique pour le moment.
Pour ce qui concerne les mesures prescrites dans le cadre du sursis probatoire (obligation de soins, obligation de travailler, etc.) et l’interdiction de communiquer entre les inculpé·es, la mention d’exécution provisoire est maintenue par la juge d’application des peines.
Ces contraintes placent les inculpé·es dans une situation complexe en vue de la préparation de leur procès en appel (interdiction de communiquer!). Cependant, les interdictions de quitter le département ont été levées, ce qui constitue un gain de liberté important !
L’appel peut avoir lieu dans environ 12-15 mois, ce qui laisse peu de temps à la Défense pour se préparer. D’autant plus que le Tribunal exerce une rétention du jugement, c’est à dire que les motivations détaillées qui ont conduit les juges à prononcer leurs peines n’ont pas été communiquées à la Défense, l’empêchant de préparer le procès en appel. C’est une pratique mafieuse et indigne, mais qui semble monnaie courante dans ce microcosme hors-sol qu’est l’institution judiciaire.
Le PNAT a également fait un « appel d’incidence » à l’encontre des six inculpé·es faisant appel, ce qui permet au jugement en appel d’être plus sévère encore.
Les scénarios potentiels sont :
– Relaxe ou peine correspondant à la détention provisoire déjà effectuée : pas de nouvelle peine de prison.
– Confirmation du verdict du 22 décembre 2023 : entre 8 et 12 mois de bracelet pour les inculpé·es.
– Ou alors, dans le pire des cas, la peine prononcée peut être encore plus lourde… (notamment avec mandat de dépôt).
Perspectives de lutte
Nous appelons à continuer le soutien aux inculpé·es du 8/12 par tous les moyens : politiques, financiers et médiatiques. Toute initiative est la bienvenue et les comités de soutien peuvent être contactés facilement ici : https://soutien812.blackblogs.org/contact/
Le combat mené contre cette affaire a d’ores et déjà permis de ne pas être réduit·es au silence, grâce à une myriade de compagnon·nes, de médias militants et de journalistes alertes que nous remercions grandement. Et ce, malgré les nombreuses censures auxquelles nous avons fait face (par la direction de RadioFrance, par exemple).
L’action des comités à permis également d’informer et de dénoncer très largement dans nos territoires de lutte locaux jusqu’à de nombreux pays d’Europe, dans lesquels il y a eu des actions de solidarité. Cette solidarité internationale est une force et nous permet d’apprendre mutuellement sur les dynamiques répressives à l’œuvre et nos analyses stratégiques de la situation. Profitons-en pour envoyer un message de soutien aux militant·es antifascistes, dits « Antifas de Budapest », actuellement en procès en Hongrie.
Nous sommes des millions à avoir pris conscience que, à mesure que la fascisation de l’Europe progresse, le statut de « terroriste » sera réservé à quiconque s’opposera viscéralement à l’ordre établi. Là où les gouvernements multiplient leurs alliances idéologiques, commerciales et militaires avec des régimes criminels et génocidaires, le terme « terroriste » nourrit une inversion totale de la réalité. Cette inversion fait la promotion d’une explosion des violences d’État et des violences capitalistes d’une part ; et d’autre part elle tente de diviser le mouvement social afin d’en saper l’efficacité.
Cela nous rappelle la longue histoire des luttes de décolonisation, de l’Algérie à l’Afrique du Sud, du Kurdistan à la Palestine, qui ont toutes été criblées des balles de l’antiterrorisme, jusqu’à aujourd’hui encore.
Face à l’inanité de l’institution judiciaire, la voie de l’abolitionnisme pénal devient de plus en plus claire pour un nombre croissant de personnes. Nous faisons face à une corporation héritée de l’ancien régime, qui n’a rien perdu de son rôle de bourreau au nom de principes fondateurs divinisés. Les Tribunaux assument parfaitement leur sale boulot de nettoyage social, entassant les pauvres dans des prisons insalubres pour invisibiliser les résultats sociaux désastreux de la Macronie. Finissons-en avec la « justice » des Palais !
D’autres campagnes de soutien seront organisées en vue du procès en appel. D’ici là, continuons de nous informer, de nous défendre et nous solidariser avec les cibles de la répression.
VENDREDI 22 DÉCEMBRE DÈS 9H DEVANT LE TGI DE PARIS
Le jugement sera rendu. Nous invitons à une présence solidaire de tous·tes les personnes, collectifs et organisations qui ont manifesté leur soutien depuis trois années face à cette mascarade antiterroriste.
Trois années passées à dénoncer les méthodes de l’antiterrorisme (en France et dans le monde), à soutenir les inculpé·es dans leurs frais de justice assommants, à faire du lien entre camarades ciblé·es par la répression, à briser l’isolement dans lequel l’État tentait de nous enfermer. Trois années à témoigner, documenter et avertir.
Aujourd’hui, force est de constater qu’il n’y a plus que les médias d’extrême-droite qui soutiennent sans distance le récit aberrant du Parquet National Anti-Terroriste. Les manigances honteuses de la DGSI, du PNAT et du Juge d’Instruction ont éclaté au grand jour : tous ces faux PV, ces sonorisations où on entend rien, cette sélection de 0,7 % des sonorisations pour monter un récit, cette criminalisation d’outils informatiques basiques, et surtout les violences abjectes infligé·es par cette procédure (de la surveillance au procès, en passant par les arrestations et l’emprisonnement).
Malgré l’absence d’entraînement paramilitaire démontrée, et malgré l’absence totale de projet terroriste, les peines demandées sont lourdes : prison (avec sursis), obligations de soin, inscription au FIJAIT (20 ans) ; et visent à renvoyer au trou LibreFlot pour 4 ans fermes. Une hargne punitive qui ne répond à aucun intérêt de sécurité publique mais qui témoigne de cette radicalisation de la justice qui s’observe quotidiennement.
Nous vous invitons à accompagner avec joie et solidarité les inculpé·es du 8/12. On y partagera le café, des brochures, des nouvelles, des chansons, un pique-nique, de la musique (bien rythmée, pour se réchauffer) ! N’hésitez-pas à amener ce qui pourrait mettre de la chaleur devant ce Tribunal de Grande Immondice.
Le rendu de ce jugement historique décidera si oui ou non l’antiterrorisme peut se déployer sur les activismes radicaux : des ZADs aux squats, des tête de cortège aux teufs, du soutien aux exilé·es à l’internationalisme.
Pour la vie, pour la liberté, relaxe pour les inculpé·es !
Nous étions une petite centaine en ce dernier jour d’audience, après 4 semaines de procès. Beaucoup de proches des inculpé·es : famille et ami·es. Du café, du thé, des jus faits maison, quelques brochures, des chants et de la bonne humeur. Il y a eu plusieurs prises de parole, que nous reproduisons ici. Plusieurs organisations étaient aussi présentes : collectifs féministes, le Réseau Entraide Vérité et Justice, les Mutilées pour l’Exemple, le NPA, Soutien aux Inculpé·es du 15 Juin Limousin, etc. Le délibéré sera rendu le 22 décembre… le suspens est à son comble. Retrouvez les compte-rendus des audiences ici.
COMMUNIQUÉ DU COLLECTIF SOUTIEN812
Il faut déjà y entrer, dans ce gratte ciel de 160 mètres de haut, 120 000m2 de surface, droit et transparent comme… la Justice ? Ce qui est sûr, c’est que ce grand building penche indéniablement… à droite!
Il faut passer un premier contrôle des sacs, puis un second avec rayons X et portiques détecteurs de métaux, surveillé par des dizaines de caméras et des policiers armés de fusils d’assaut. Tu es de nouveau fouillé devant la salle, elle même surveillée par des flics, payés à attendre toute la journée et à mater les meufs qui sortent.
Il faut supporter la condescendance et le mépris de ces gens qui se croient au dessus de tout, et surtout de nous. A commencer par Madame la Présidente, ou devrait on dire Son Altesse, qui, à une personne lui demandant de parler plus fort car elle n’entendait pas, répond : « je ne vous permet pas de m’apostropher de la sorte, passez par un avocat si vous avez quelque chose à me dire ». Et qui prend un plaisir non dissimulé à nous laisser debout devant elle jusqu’au silence complet avant de nous autoriser à s’asseoir… bienvenue au collège, ou à l’armée.
Violence de cette justice complice dès le départ, qui refuse d’emblée, sans aucune justification, toutes les demandes de la Défense pour accéder à des informations retenues par la DGSI. Une demande pourtant basique: auditionner 1207SI et 856SI, deux gradés de la DGSI auteurs de plus de 150 procès verbaux suspects. Sous la plume de certains agents à l’imagination fertile, une « chouette team » devient une « shot team » ; et quelques coups de marteaux et de spatule deviennent une séance de tirs de deux heures. Lorsqu’une vidéo, issue d’un dispositif d’espionnage aurait pu lever le doute sur ce point, elle est « involontairement » détruite par la DGSI. Du jamais vu selon une avocate.
Tout comme le doute aurait pu être levé concernant les déclarations en GAV par l’obtention des vidéos. Mais, malgré les témoignages de menaces, malgré les « coupures techniques » durant lesquelles les flics te manipulent, et malgré la contestation quasi unanime des propos tenus lors de ces GAV, là encore ce sera refusé par le Tribunal.
Dans d’autres procès, comme celui des Barjols par exemple, le Tribunal l’avait autorisé.
« Qu’est-ce que c’est que ce mépris ?, a fini par s’emporter une avocate. Ces gens sont au dessus de quel code ? On nous dit : “Les policiers font bien leur travail, il n’y a aucun doute à avoir”. Mais qu’est-ce que c’est que cette tautologie ? On est là pour douter et votre tribunal aussi. »
Mais non ! Ces gens semblent au dessus des lois et n’auront pas à répondre de leur actes. Ils pourront continuer d’écrire peinards des faux PV et des notes blanches qui envoient des gens au trou. Et le Tribunal leur donne carte blanche.
Violence des questions, posées à chaque inculpé·e dans des « entretiens de personnalité » emprunts de préjugés de classe : quelles sont vos ressources, avez vous des personnes à charge, avez vous des addictions… dont le but est clairement exprimé : « nous en tiendrons compte lors de notre décision ». C’est donc le statut social qui dicte la peine.
Derrière son sourire mielleux et sa fausse politesse (« c’est juste pour mieux vous connaître »), la juge se permet des leçons de morale sur des choix de vie (squat, nomadisme, travail au black…) et de donner des conseils allant du psychologique à de l’orientation professionnelle. Une infantilisation permanente.
Les questions reviennent toujours autour des thèmes de l’angoisse (par rapport à l’avenir, au confinement, au fascisme…), sur les séjours en ZAD, la violence, le ressentiment envers la police ou les institutions. Le sous-titre est clair et nauséabond : vous avez des traumas et de la haine anti-flics, ce qui vous rend fragile et dangereux. Ou comment les horreurs commises par les forces de l’ordre sont retournées pour tenter de criminaliser les compagnon·es du 8 décembre.
Violence d’être comparés à l’État islamique, au djihadisme et à l’extrême-droite, sous prétexte de l’accusation fourre-tout de terrorisme ! Une assimilation entretenue par Darmanin et s’illustrant dans les lapsus du Procureur confondant un inculpé avec Mohamed MERAH.
Violence de devoir exhiber tes tripes, tes problèmes, ton intimité, d’être obligé d’étaler ta vie pour te justifier devant des gens qui t’ont enfermé et meurtri. Violence de devoir, en plus, utiliser leur langage, leurs codes, être poli, cohérent, ne pas avoir de trou de mémoire, quand chaque parole inexpliquée est frappée de soupçon… Ce sont leur règles et soit tu t’y plies soit tu ramasses.
Violence de savoir que tout ça n’est pas une exception, une « bavure », mais bien le fonctionnement de la justice française. S’expliquer pendant une heure sur ses opinions de la justice car on a eu l’audace de citer une sociologue pour expliquer son refus de se soumettre à l’enquête de personnalité et aux expertises psychologique et psychiatrique.
« Vous donnez l’impression que vous étiez presque en colère qu’on cherche à vous connaître », se voit-on reprocher. L’envie de s’énerver : je venais de vivre les pires violences de ma vie (arrestation antiterro, détention, fouilles à nu) !!! Mais il faut rester calme: « je préfère parler par moi même lorsqu’il s’agit de me définir. »
Rester calme face à des juges au ton agressif: « Cette lettre en dit long sur vos convictions. La question ici est de s’en prendre violemment aux institutions. La justice en est une. Vous critiquez la justice et ne lui faites pas confiance ? La juge que je suis se doit de vous poser la question : est ce que vous reconnaissez la justice française ? ». Que répondre à ça ? Heureusement, on se verra quand même rappeler que: « Nous ne sommes pas là pour vous juger sur vos opinions politiques et il n’y a pas de question pièges. »
Et pourtant. De jour en jour, l’absurdité nous saute aux yeux et le procès s’apparente de plus en plus à un plateau de CNEWS. Mais le Tribunal ne semble pas s’en rendre compte. Les témoins sur le Rojava, sur les outils de communication, sur l’isolement carcéral, sont malmenés par les Juges tandis que les procureurs scrollent sur leur téléphone. Indifférence totale.
Et face à tout ça, pour les soutiens remplissant la salle il faut se taire, ravaler sa colère, sous peine d’exclusion temporaire (comme c’est arrivé dès le 2e jour). Mais rassurons nous, « la justice est rendue au nom du peuple français! ». Amen.
Il faut se blinder pour faire face à toute cette violence. Surtout, il faut du soutien pour tenir. Des rires dans la salle, des doigts qui claquent et des pieds qui tapent, des sandwichs trop bons à la pause, de la dérision, des dessins et des caricatures qui font du bien, des embrassades…
Mais il faut également du soutien politique! Car ce procès du 8 décembre nous concerne tous·tes.
L’antiterrorisme est l’avant-garde du processus de fascisation de la France. Il n’y a plus un jour sans que le terrorisme ne fasse la une des médias. Et plus le pouvoir en parle, moins on comprend ce que cela signifie réellement. Ce qu’on comprend en revanche, c’est que le panel des terroristes s’élargit en permanence jusqu’à atteindre son réel objectif : disqualifier tout opposition politique.
Il n’a jamais été aussi clair aujourd’hui que l’antiterrorisme a vocation à durcir tout l’appareil répressif de l’Etat, à mesure que l’Etat doit redoubler de violence pour se maintenir. Violences sociales, violences économiques, violences policières, carcérales et judiciaires.
Terroriser les pauvres, terroriser les étranger·ères, terroriser les opposant·es, et terroriser les masses. L’antiterrorisme est l’outil le plus efficace pour gouverner par la peur.
Depuis trois ans nous soutenons les inculpé·es du 8 décembre, et depuis trois ans nous exprimons notre solidarité avec les cibles de la répression antiterroriste :
Solidarité avec les militants kurdes qui passent actuellement en appel, et qui ont été très durement réprimés par la justice antiterroriste, alors qu’Erdogan poursuit sa politique écocidaire et génocidaire au kurdistan.
Solidarité avec les révolté·es par la mort de Nahel, qui on fait face à un déploiement meurtrier des forces antiterroristes.
Solidarité avec les inculpé.es du 15 juin 2021 dans le Limousin suspectés d’avoir offert à un million de francais quelques jours sans télévision.
Solidarité avec les compagnon anarchiste Ivan, arrêté par la SDAT, incarcéré pendant 1 an (préventive), accusé d’incendies de véhicules de grandes entreprises et de diplomates.
Solidarité avec Kamel Daoudi, enfermé à résidence à vie pour satisfaire les pulsions tortionnaires du ministère de l’intérieur.
Solidarité avec Boris, visé par une enquête antiterroriste pour l’incendie d’une antenne 5G à Besançon.
Solidarité avec S, arrêté à Limoges avec l’aide de la DGSI, puis condamné à 3 ans de prison ferme, suspecté d’incendie de véhicules de gendarmerie.
Solidarité avec les camarades de la Pride Radicale de Metz, dont un de leurs membres a été ciblé par une arrestation antiterroriste en mai dernier.
Solidarité avec George Ibrahim Abdallah, enfermé illégalement par la France depuis plus de 40 ans.
Solidarité avec les camarades arrêté·es par la SDAT en lien avec Lafarge.
Et plus généralement, solidarité avec tous les camarades visé·es ces dernières années par le renseignement, la surveillance, les dissolutions administratives et l’antiterrorisme. De la Russie à la Palestine : ne nous laissons pas antiterroriser!
Depuis quatre semaines nous sommes dans ce Tribunal, aux côtés des inculpé·es du 8 décembre. Et depuis 4 semaines, les inculpé·es répètent inlassablement :
Il n’y a jamais eu de projet d’action terroriste ! Il n’y a jamais eu d’entraînement paramilitaire ! Il n’y a jamais eu de groupe, ni de leader !
Toutes ces accusations sont fausses et ont été construites par la DGSI puis validée par des magistrats qu’on a du mal à dissocier des flics.
Ce procès a fait apparaître au grand jour la violence de la DGSI. Les méthodes pour obtenir des faux aveux en garde à vue, les PV erronés, les manipulations dans les retranscriptions et la rétention d’informations essentielles. Les arrestations aux fusils d’assaut, les cagoules sur la tête et les camisoles. Les gardes à vue, les manipulations, les mensonges, les menaces, les drogues pour altérer la conscience, la privation sensorielle et les menaces d’agression sexuelle.
Plusieurs de ces agissements sont des crimes, dont la DGSI n’aura jamais à répondre.
Ce procès aura aussi fait apparaître à quel point le PNAT préfère des aveux sous la torture blanche et la menace, que des paroles réfléchies devant un tribunal. Comment leurs biais cognitifs et leur perversité les aveuglent face au ridicule de cette affaire.
Comme l’indique une inculpée : « Contrairement à l’affaire de Tarnac où l’enquête est construite pour essayer de trouver des responsables à un sabotage, là nos vies sont passées au peigne fin pour essayer de les faire coller au récit qui est déjà annoncé et préconstruit par la DGSI ».
Ce procès s’inscrit dans un contexte de répression violente des luttes et contestations sociales en France, tant physiquement par des crimes contre les personnes, que symboliquement par la qualification « terroriste » des opposants politiques.
L’affaire du 8 décembre va encore plus loin : l’enjeu principal est, non pas d’étendre le « terrorisme » au sabotage, mais plutôt de créer les possibilités légales de réprimer des expressions politiques révolutionnaires dans le cadre du « pré-terrorisme ». C’est le crime de la pensée qu’on tente de réintroduire ici.
Nous sommes touxtes concerné·es !
ZADistes, féministes, antifascistes, anticapitalistes, écologistes, antiracistes, et autres anarcho-punk campagnards,
En tant que Réseau internationaliste Serhildan, réseau de solidarité avec les luttes du Kurdistan et la révolution du Rojava, nous tenons à envoyer nos salutations les plus chaleureuses aux camarades qui font face en ce moment à la répression, dans un monde où les États mènent des guerres pour lesquelles nous devons payer, si ce n’est fuir ou mourir.
Un système qui assure à quelques-uns une richesse incommensurable laissant aux autres l’exploitation, de la famine au burnout. Un système qui rend notre planète inhabitable pour une grande partie de l’humanité.
Face à de si sombres perspectives, il est juste de s’organiser et de lutter contre ce système. Se retrouver accusé-e de terrorisme par un Etat qui protègent un système d’une telle violence est un signe qu’on a réussi à le faire trembler. Et quand des failles s’ouvrent cela renforce notre détermination et notre confiance en notre force collective. Même les médias libéraux le reconnaissent, le dossier à charge dans ce procès est pour le moins bancal. Pourtant ce procès représente un enjeu majeur pour les co-inculpé-es mais également pour tout le mouvement contestataire de gauche.
Au cœur des accusations, se retrouve l’engagement internationaliste de l’un des inculpé-es au Rojava. Depuis 2014, des dizaines d’internationalistes de France se sont rendu-es au Rojava pour participer au processus de construction d’une société basée sur la démocratie de base, la libération des femmes et l’écologie sociale. C’est ces internationalistes, dont beaucoup ont contribué à la lutte contre Daech, qui sont dans le viseur de la DGSI. Celles et ceux qui sont partis sans but politique, uniquement pour participer à la lutte armée contre Daech ou pour des motifs islamophobes ne sont pas inquiétés.
Dans un contexte de contestations sociales toujours plus fortes en France, pas étonnant que la propagation des idées de la révolution sociale au Rojava et d’une union internationale entre les forces socialistes partout dans le monde, fassent trembler les tyrans qui nous dirigent. La répression contre les idées politiques du mouvement kurde à une longue histoire en France.
On rappellera que récemment, en 2021, dans le cadre de l’enquête des inculpés du 23 mars plus de 800 personnes ont été interrogées par la DGSI et 11 d’entre elles ont ensuite été condamnées pour appartenance au PKK, qui est considéré comme une organisation terroriste.
Face à cette tentative d’intimidation et de criminalisation de l’internationalisme, nous répondons qu’elle ne fait que renforcer notre détermination à continuer notre travail de solidarité, à propager les idées et les pratiques de la révolution du Rojava et à les faire dialoguer avec nos luttes locales.
Merci à toi qui vient de loin, qui parfois a dû frauder l’train Merci à vous les « écrivains », tant d’articles, billets, chroniques ça fait du bien Et merci à toustes les cuistots, midi, soir et à toutes les pauses
Merci à touste les dessinateurs, vos coups d’crayons réchauffent le coeur Merci à vous les agité·es, ça siffle, grogne, pour les faire vriller Merci à toustes les musiciens, concert, freestyles, on vous entend d’loin Merci à toustes les créateurs d’banderoles, aux graffeurs et les casseurs
Merci aux journaux qui nous soutiennent, pour que le grand public comprenne Et merci à toi L’Envolée, qui brise les chaines d’toustes les enfermé·es
Merci, Amour à toustes les familles, les ami·es et les anonymes Depuis l’début personne n’a lâché, la répression c’est pas qu’pour les inculpé·es Et merci à toustes pour vos sourires, câlins, forces, vos bras, vos rires
Spéciale dédicace aux procs-horreurs, greffière, juge et assesseures Vot’ fantasme est d’venu réalité, on a tissé des liens d’amitié Merci à vous autres d’votre solidarité, sans ça on aura d’jà toustes vrillé Et pour pour les squats et l’hospitalité, les potes c’est mieux que Levallois-Perret
Bref tellement un grand merci à toustes, et histoire qu’il n’y ai plus de doutes On vous l’renvoie aussi, recevez le bien, ce A d’amour dans un cercle de liens
Pardon pour ceux que j’ai zappé, Merci à vous, merci à toi, on se sent armé·es -euh… AIMÉ·ES!
COMMUNIQUÉ DU COMITÉ TOULOUSAIN
Au coeur du réquisitoire se trouve 3 lieux de luttes, d’émancipation, et de conflit. La zad de sivens, le rojava et le squat du pum a toulouse.
D’abord il y a la zad de sivens, cette lutte écologiste où punk et hyppies se sont retrouvés pour tenter de s’opposer à un projet de barrage en 2014 dans le tarn. Ce sont les meilleurs et les pires souvenirs de ma vie dira un inculpé. Là où nous avons découvert une forme de résistance par l’occupation d’une foret, pour en faire le lieu de notre utopie, nous avons aussi découvert l’autorité mortifère de l’État prêt à raser, broyer et assécher illégalement une foret, une zone de vie et de biodiversité pour assoir un projet idiot au service de l’Agro-industrie. Nous avons vu la désolation et la mort au travers de la violence des forces de l’ordre qui voulait à tout prix nous chasser: saccages, humiliations, blessures et finalement le décès d’un jeune manifestant dans la nuit du 25 octobre. Nous n’avons toujours pas les mots pour vous raconter cela.
Le procureur nous parle ici de la forme la plus récente de la violence de l’ultra-gauche. Nous on se souvient surtout d’après midi entières à essayer de construire des cabanes dans les bois, développer toutes sortes de tactiques farfelues pour ralentir les travaux et surtout des débats infinis entre vegan, eleveurs, naturalistes, citoyennistes, squatteurs, feministes, teufeurs bref une expérience de la démocratie directe, où on évolue et on fait grandir ensemble une lutte.
C’était pas un truc de ouf non plus, on ne voudrait pas vous faire croire que c’était le paradis mais pour celles et ceux qui y sont resté.es, ça nous a tellement marqué que les liens que nous y avons construits sont puissants et nous unissent encore. On remercierai presque le Pnat de nous avoir à nouveau réunis 9 ans plus tard. Mais nous n’oublions pas, alors qu’à l’époque ou on nous disait déjà, en se faisant courser ou détruire nos caravanes que nous étions des terroristes, que la répression nous coûte et nous abime.
Puis le Rojava, ce territoire élargi aujourd’hui au Nord Est Syrien, regroupe des population Kurdes, Arabes, Turkmènes etc et de différentes religions. Il est certes connu pour être un lieu de combat contre DAECH depuis 2014 mais aussi un territoire d’expérimentation du Confédéralisme Démocratique : c’est une alternative basée sur un fonctionnement sans Etat, théorisé par Abdullah Öcalan, créateur du PKK (Partie des travailleurs du Kurdistan). Rappelons-le, emprisonné et mis à l’isolement par l’Etat Turc depuis 1999, il lutte depuis des décennies pour la reconnaissance de la culture Kurde, de sa langue et son droit à exister, qui résonne avec celles de milliers de prisonniers politiques en Turquie (Maires, Élus, profs, militants des droits humains, journalistes etc).
Le PKK, n’est pas une organisation terroriste comme l’Etat Turc voudrait nous le faire croire et comme le PNAT nous en fait le raccourci, sans rappeler le contexte et les milliers de morts causés par cet dictature Turque, pays de l’OTAN, qui n’a de cesse de perquisitionner, torturer, enfermer, assassiner, bombarder les Kurdes en Turquie mais aussi dans le Nord-est Syrien et en Europe.
Au Rojava l’expérimentation de ce système politique se base sur la complexité de ce territoire : pouvoir vivre ensemble sur un même espace peu importe sa religion ou sa culture, développer une économie respectueuse et solidaire, donner les mêmes droits aux femmes que les hommes offrir à chacun la possibilité de s’auto-défendre, écouter la jeunesse, mais aussi des bases écologiques et démocratiques, et une justice restaurative ; dans le civil comme dans l’armée.
Enfin le squat du Pum, là où furent arrêtés 2 des prevenu.es le 8 décembre 2020 et qui serait un repère de l’ultragauche violente. Un immense squat d’un hectare de hangars en plein Toulouse, ouvert juste avant le confinement et qui aura tenu 3 ans. Dans cette ville en marche forcée pour la gentrification, défigurée par les ambitions d’un maire au service de l’industrie de l’armement et de l’aéronautique, se loger est inaccessible pour des milliers de personnes pauvres.
Tenir un lieu de vie squatté sans être assiégé par des milices antisquat, des journalistes et des flics n’est pas une mince affaire aujourd’hui à toulouse.
Au Pum on a pu accueillir, expérimenter, organiser et partager un paquet de trucs sans se faire trop emmerder, jusqu’au 8 décembre 2020. Après l’enfermement de nos ami.es nous n’avions plus d’autre choix que la solidarité et se serrer les coudes. Dans cette tourmente on a quand même continuer de faire ce en quoi on croyait, on ne voulait pas que la répression nous en empêche, on a mis les bouchées doubles, on s’est un peu épuisé.es. Et mr le procureur et mme la juge c’etait un peu plus que des « activités ouvertes a tous » ou des « ateliers ». On essayait ici de partager des valeurs politiques et des modes de fonctionnements. On questionnait nos rapports empreint d’oppressions systémiques, on accueillait ouvertement tout en assumant des valeurs politiques radicales, on tentait de construire l’autogestion, on a fait vivre la solidarité en acte.
On va pas se mentir non plus, ya eu quelques contradictions, on aimait un peu trop faire la fête et parfois c’était un peu crado. Mais ce qu’il nous reste et qu’on ne nous prendra pas même si le pum n’existe plus ce sont ces liens encore une fois si forts qu’ils continuent de nous unir et de nous rassembler, c’est cette solidarité, puissante qui n’en déplaise aux procureurs, n’est pas un » mot d’ordre » mais une force politique et humaine. On pense à Zurab et Abdel. C’est aussi le sentiment qu’on est capable de vivre au coeur d’un ville l’autonomie et la résistance à un monde qui nous oppresse.
PRISE DE PAROLE DES MAMANS DES INCULPÉ·ES
Mères d’inculpé.e.s
Nous, des mères d’inculpé.e.s du 8 décembre, nous ne nous connaissions pas mais nous sommes toutes prises dans la même tourmente et nous voulons apporter notre témoignage.
Éparpillés aux 4 coins de France ils ne se connaissaient pas tous, et pourtant ils sont accusés « d’association de malfaiteurs à caractère terroriste » : les inculpé.e.s du 8 décembre 2020.
Les choix de vie de nos enfants, qui peuvent être différents des nôtres, sont guidés par des valeurs humanistes, altruistes et de solidarité (soutien aux migrants, sdf, personnes en situation de handicap, protection animale, nature…), valeurs que nous leur avons inculquées.
Celles-ci les ont menés à s’engager pour des causes environnementales auprès de populations en souffrance ou persécutées.
Le 8 décembre 2020 a été pour nous toutes un cataclysme. Depuis, nos vies ont été complètement bouleversées, mises entre parenthèses. C’est ce qui nous a amené à nous rencontrer, pour partager notre stupéfaction, nos incompréhensions, nos blessures, et nous épauler.
Soutenir nos enfants dans cette épreuve est devenu notre principale préoccupation. Nous déplorons le portrait que l’on a dressé d’eux et, plus encore, que l’on puisse leur tenir des intentions terroristes ou une volonté de causer du mal à autrui.
Cette épreuve nous permet de mieux comprendre les engagements de nos enfants et notre confiance en eux reste intacte.
COMMUNIQUÉ FÉMINISTE
Nous nous adressons à vous ce vendredi 27 octobre en tant que féministes de différents horizons, en tant que proches et soutien de cette affaire du 8 décembre.
27 octobre, le fameux, le désiré 27 octobre que nous avons souhaité de tout notre coeur parce qu’il marque la fin du procès de nos camarades et, nous le souhaitons, la fin de trois longues et terribles années de souffrances et harcèlements judiciaires. Nous réclamons la relaxe de l’ensemble des inculpées du 8 décembre pour l’Association de malfaiteur terroriste dont iels sont accusées.
En tant que féministes , nous avons réagit tout le long de ces trois années. Pour dénoncer par des tribunes » des arrestations sans fondement et les pressions exercées contre les personnes cherchant à exercer leur droit à la critique et à la manifestation. » et contre la répression d’État en affirmant « nos peur et notre colère face à la course sécuritaire menée par le gouvernement », nous étions là le 3 octobre lors du rassemblement d’ouverture de ce gigantesque procès dont les contours flamboyants ont laissés d’autant plus apparaître la « coquille vide » de ce dossier d’instruction.Nous étions là pendant ce mois de procès et nos yeux se sont parfois ecarquillés, et nous avons souri devant la nécessité pour certains inculpés d’expliquer leur comportement de gros virilo, rigolo, parfois pas très malin devant 3 juges femmes, les regardant de haut et ne comprenant pas très bien ce qui était là en jeu. Mais si la nécessité de continuer à porter nos combats dans nos milieux nous ai apparu alors, c’est bien à coté de nos camarades que nous nous tenons fières.
Nous sommes particulièrement féministes, notre féminisme est intersectionnel, et nos intérêts politiques ne se limitent pas aux violences sexistes et sexuelles. Nous sommes là où l’on nous attend, et là où on nous attend moins. Les affaires de répression politique nous concernent. Les affaires de répressions nous concernent. Nous serons toujours là et nous apporterons notre soutien indéfectible à toutes les victimes d’un Etat policier qui souhaite museler nos luttes, d’un Etat capitaliste et patriarcal qui nous exploite et nous place au service. Nous serons toujours là pour apporter nos critiques, nos analyses et à chaque endroit où le patriarcat prend forme et s’exerce.Si ce procès a laissé apparaître l’importance de nos luttes féministes, c’est bien auprès de la société toute entière et auprès de nos institutions qu’elle s’est rendu visible, cette importance. Au point de nous éblouir.
Nous revendiquons le droit à la critique de nos institutions.
Durant ce procès, Quand une critique politique de l’institution judiciaire est apportée par une des inculpée, une juge s’étonne : « croyez-vous en la justice ? »
Il a suffit de dire que cette institution étatique ai des biais sexistes, racistes, et classistes, pour que les juges se sentent attaquées, et que la suspicion croisse. « Dans quel cadre portez-vous ces réflexions ? » Renchérit cette juge assesseure. « La justice se rend au nom du peuple français ! » scandé comme une cape d’invinsibilité ou un talisman de protection.
Un frisson nous a toustes traversé alors. Bourdonnement, sueur. Mauvais film.
Nous devons l’affirmer haut et fort : la critique des institutions, nous les portons aussi. Et c’est bien la base de tout fonctionnement démocratique : les critiques du fonctionnement de la cité concernent tout le monde, elles sont nécessaires pour l’amélioration des institutions, quand il s’agit de les améliorer. Si on voulait parler leur langage, on parlerait de « devoir citoyen ».
« Ne soyez jamais d’accord avec le monde tel qu’il est », reprendra Mr Arnaud à la fin de sa plaidoirie. C’est bien de ça dont il s’agit ici, c’est bien ce droit ou ce devoir moral que l’on se doit de plaider, et pourtant on nous dit que ce ne sont pas pour leurs idées que les prévenues sont à la barre.
Nous devons critiquer, et nous devons dénoncer les oppressions commises par la Justice, la Police, la Prison. Nous sommes trop nombreux.ses à l’avoir répéter, depuis trop longtemps : les prisons sont rempli.es de personnes pauvres et subissant le racisme. La surveillance et les violences policières sont exercées en majorité sur les personnes des quartiers populaires, ou des départements ulta-marins, et en majorité par les personnes qui ne sont pas perçues comme blanches. Cette surveillance et ces violences ne sont pas seulement plus fréquentes, régulières, banales, elles sont aussi d’une intensité incomparable avec ce que vivent les personnes plus bourgeoises, et les personnes blanches. Et lorsque des crimes policiers sont dénoncés, c’est quasiment systématiquement des non-lieux que la « Justice » conclue. Idem pour les meurtres commis par les représentants de l’État dans les prisons françaises. Les vidéos sont perdues, les agents ne répondent pas, ne se présentent pas au tribunal, les éléments ne sont pas rassemblés pour faire la vérité sur les faits.
Nous avons l’habitude de voir l’institution judiciaire couvrir des violences commises par d’autres services de l’État. Comme si l’institution Judiciaire n’avait pas comme seul horizon le fait de faire apparaître la vérité, et de le faire de manière juste et équitable pour tout le monde.
Des crimes sont des « non-lieux » quand ce sont des policiers ou des matons qui les commettent. Mais quand des personnes pauvres, punk dont les modes de vie sont éloignés des normes de la bourgeoisie, et qu’elles sont assimilées à « l’ultra-islamo-gauche », alors elles n’ont pas besoin d’avoir haussé le ton sur un policier pour être accusées de vouloir le tuer. Un policier ou n’importe quel autre « représentant de l’État » d’ailleurs, comme le dit la note de judiciarisation : pas besoin de préciser la cible, du moment qu’elle a l’air de faire partie de ce bloc solidaire des « institutions étatiques » Alors c’est un ennemi qui est désigné. Et ici, c’est revenu, toujours et continuellement revenu au point de connaître les retranscriptions des sonorisations par coeur, ces mots et cette colère contre les agissements de la police devenues preuves de culpabilité.
Alors oui, nous faisons difficilement confiance aux institutions étatiques. Ce procès, ça nous a pas aidé. Et il était dur à entendre lors du réquisitoire des procureur.es, qu’il était reproché aux inculpé.es de ne pas se remettre suffisamment en question. C’est un peu dur à entendre si on peut se permettre. De la part de celleux qui se sont continuellement insurgés que ce soit une possibilité.
Alors oui, nous sommes scandalisées que tout au long du procès ce soit beaucoup des colères, des critiques, des livres politiques et des lectures subversives qui soit reprochés, analysés, martelées. Nous sommes scandalisé.es que l’on doive s’expliquer à la barre sur les livres de nos bibliothèques.
Conflit intérieur, doit-on prendre note des nombreux éléments sur la securité informatique devoilés dans cette affaire et se rendre aux cryproparties dont on a eu la publicité, doit-on prendre note des lectures qui peuvent passer en éléments à charge et les mettre sous tails en arrivant à la maison ? Ou doit-on revendiquer haut et fort notre droit à la critique? Nous choisissons la seconde option. La première à l’air contre productive.
Nous avons noté et observé que dans ce procès , de nombreuse femmes entouraient les prévenues, nous ne sommes pas étonnées. La plupart des femmes qui subissent les violences du système carcérale sont des proches de personnes jugées, punies, enfermées. Ce sont surtout des femmes que l’on retrouve aux parloirs, « près de 9 visiteurs sur 10 sont des visiteuses. Si l’on pouvait s’y attendre pour les conjointes, puisque les hommes représentent 96,6 % de la population carcérale, c’est plus étonnant pour les autres proches (8 fois sur 10 une mère) ou les frères et sœurs (3 fois sur 4 une soeur ) »Elles tiennent dans la durée pour soutenir leurs proches, elles prennent soin. Mais il y a aussi des femmes et des minorités de genre en prison : nombre d’entre elles ont lutté contre des violences patriarcales qu’elles subissaient, en faisant « usage de la violence » parfois, pour s’en tirer. Et toutes les personnes qui ne sont pas cisgenre subissent la transphobie à son apogée dans les prisons. Les prisons ne constituent pas des solutions pour nous, nous en dénonçons la violence et l’inefficacité. Notre féminisme est anti-carcéral, nous agissons pour la transformation des comportements et de notre culture, nous souhaitons combattre les oppressions en tant que systèmes et non pas les personnes qui les commettent. Car nous savons que les réalités des prisons à l’heure actuelle n’améliore pas les vies, elles ne font que faire tourner un système où les pauvres sont punis, et les bourgeois punissent, ou alors s’enrichissent sur ce système, ou s’enrichissent malgré ce système. Car quand on a le sou dans ce monde capitaliste, on n’a pas peur d’aller en prison, cela n’arrive pas. On vaut mieux que ça. Alors oui, nous l’affirmons même si cela semble répréhensible : nous critiquons les institutions étatiques : l’action de la Police, de la Justice et des prisons françaises augmente les violences racistes, classistes et sexistes dans nos vies. Même si parfois, nous ne trouvons d’autre solution que de demander la reconnaissance et l’action de la Justice quand nous sommes en danger, ou victimes d’actes répréhensibles, et que nous ne pouvons nous le reprocher. Malgré cela, nous ne sommes pas dupes : l’État n’est pas notre allié dans la lutte contre les oppressions, il est plutôt notre ennemi politique, et tant mieux si cela hérisse les poils de M. le procureur.
Durant ce mois de procès, nous a été rendu visible un combat, celui de camille, la seule inculpée femme. Il a pris de l’importance, il a eu ses victoires parfois parce que répété et porté à bout de bras. Nous savons que c’est tout au long de l’instruction judiciaire que ce combat à du se mener. Ayant partagé une relation intime avec le principal accusé , elle a du d’abord combattre pour ne pas être réduite à cette place dans cette relation. Elle a du s’en défendre, et se battre pour être considérée pour elle-même, pour que sa parole soit entendue, prise au sérieux. Pour son auto-détermination. Alors, le parquet et les juges l’ont bien entendues, ont compris au fur et a mesure que les questions qui ne la concernait pas, ne la concernait pas et diront qu’elle n’est pas poursuivi pour etre LA compagne. Mais comme dira son avocate Maitre chalot, c’est sous le prisme d’un aveuglement amoureux qu’elle est apprehendée dans le dossier et on la pense toujours plus determinée par la passion que par la raison remettant en cause la crédibilité de sa parole et lui niant sa possibilité d’indépendance. Et cela jusqu’au bout. Elle a du se battre pour se défendre de stéréotypes et placer de la nuance dans chaque portrait qu’on a essayé de lui coller, les rendre inefficient en apportant de la complexité.Il y a eu La compagne, puis, à s’en défendre pour réclamer le droit d’être entendue, la manipulatrice, celle qui serait la plus empreinte d’une idéologie violente et qui insidieusement influencerait le groupe et La passionnée qui soutient inconditionnellement sans penser par elle meme.
Nous ne pouvons accepter d’être caricaturées selon ces stéréotypes sexistes. Si ceux-ci nous cantonnent dans des rôles souvent infantilisants nous assignant au silence, quand nous sommes renvoyées à la figure de la femme perfide ou passionnée , ils peuvent aussi nous mettre en danger.
La juge n’a pas eu de retenue quand il s’agit de fouiller l’intimité des femmes. L’instruction notera que camille n’a pas d’enfants alors que cela ne sera pas mentionné chez ses compagnons d’infortune comme le précisera son avocat.
Alors oui, nos combats se mènent partout et nos critiques nous apparaissent nécessaires.
Après la mise à nue imposée par l’incarcération, les interrogatoires, la surveillance extrêmement intrusive dont les accusé.es ont fait l’objet, il a fallu lutter pour leur dignité, pour être entendu, pour être cru. Et la juge s’etonnera durant le procès : « vous avez l’impression qu’on ne vous écoute pas ? » Oui, c’est un constat. Il suffit de compter le nombre de fois où une seule question est posée. On doit atteindre une dizaine pour les questions favorites. Cette procédure de surveillance et de contrôle à l’encontre de nos camarades a été beaucoup contestée par la défense lors de ce procès, sur de nombreux points. Pourquoi si peu d’écoutes retransmises ? Pourquoi est-il si difficile d’accéder aux enregistrements originaux ? Pourquoi les agents qui ont produit la plupart des PV versés au dossier ne sont-ils pas convoqués ? Pourquoi le procureur est-il si agressif lorsque la défense cherche à équilibrer les droits des parties dans ce procès ? Quasiment toutes les demandes de la défense ont été reléguées à la fin du procès – autrement dit : rejetées. Non, ce que nous avons vu durant ces 4 semaines de procès, ce n’est aucunement la « recherche de la vérité ». Au contraire, il s’est plutôt agit d’une guerre de discours, avec de multiples tentatives – relativement foireuses – de faire correspondre des paroles et des actes à des suspicions préalablement établies.
Alors oui, nos critiques nous paraissent nécessaires.
On nous dira, que non, ce n’est pas l’engagement au Rojava dont il est question ici et pourtant Rojava, rojava , rojava… comme un bruit de canard en trame de fond.
Nous revendiquons un féministe internationaliste et nous nous nourrissons des réflexions et des analyses de nos camarades kurdes, iraniennes, chiliennes et de toutes les femmes qui luttent au quotidien pour la vie et la liberté et contre un monde mortiphère.
Une internationaliste s’etant rendue au Rojava dira : « Je suis touchée à la fois par l’esprit internationaliste de ces femmes et par leur perspective historique. Malgré la menace permanente de guerres et de violences patriarcales sans nom, elles entendent lutter non seulement pour leur propre libération, mais pour celle des femmes du monde entier. »