Affaire du 8 décembre : L’antiterrorisme à l’assaut des luttes sociales

paru dans lundimatin#396, le 25 septembre 2023.

Le 8 décembre 2020, une opération antiterroriste visait 9 militants politiques français. Les quelques éléments de langage et de procédure distillés dans la presse par la police laissent alors songeur. Une association de Paint Ball, un artificier qui travaille à Disneyland et quelques discussions de fin de soirée où l’on dit tout le mal que l’on pense de la police nationale captées par des micros cachés par la DGSI. À partir du 3 octobre, sept personnes seront jugées à Paris, soupçonnées de participation à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Afin de mieux saisir les enjeux comme le fond de cette affaire, nous avons reçu cette analyse détaillée et politique du dossier d’instruction.

Militant·es des Soulèvements de la Terre détenues par la Sous-Direction-Antiterroriste (SDAT), unités antiterroristes mobilisées contre des militant.e.s antinucléaire, syndicalistes CGT arrêtés par la DGSI, unités du RAID déployées lors des révoltes urbaines… La mobilisation récurrente des moyens d’enquête antiterroriste pour réprimer les mouvements sociaux associée à la diffusion d’éléments de langage sans équivoque – « écoterrorisme », « terrorisme intellectuel » – ne laissent aucun doute.

Il s’agit d’installer l’amalgame entre terrorisme et luttes sociales afin de préparer l’opinion publique à ce que les auteurices d’illégalismes politiques soient, bientôt, inculpées pour terrorisme. Et donner ainsi libre cours à la répression politique en lui faisant bénéficier de l’arsenal répressif le plus complet que le droit offre aujourd’hui : la législation antiterroriste.

C’est dans ce contexte que se tiendra, en octobre, le premier procès pour« terrorisme » de militant.es de gauche depuis l’affaire Tarnac [1]. L’enjeu est majeur. Une condamnation viendrait légitimer le glissement répressif souhaité par le gouvernement. C’est la ligne de partage symbolique entre ce qui peut être, ou non, qualifié de terrorisme que le pouvoir cherche dans ce procès à déplacer.

Car, du côté du droit, rien ne protège les luttes sociales de l’antiterrorisme. Comme le rappelle Olivier Cahn [2], « le flou de la notion de terroriste » – associé à la nature préventive de la justice antiterroriste – aboutit à une situation où « on a mis le droit en état de permettre à un régime autoritaire de se débarrasser de ces opposants sans avoir à changer la loi ».

C’est cet avertissement que vient illustrer de manière caricaturale l’affaire du 8 décembre dans laquelle sept personnes, sélectionné·es sur la base de leurs opinions politiques, doivent se défendre d’avoir participé à un projet… inconnu. Face à cette situation kafkaïenne, il s’agit de revenir sur la façon dont est construit un dossier antiterroriste. Il s’agit de montrer à quel point la place offerte au récit policier rend toute défense compliquée et ouvre la voie à une répression politique débridée. Il s’agit, enfin, de rappeler pourquoi la justice antiterroriste est un monstre juridique qui doit être combattu en soi.

Des terroristes…. sans projet terroriste

Dans cette affaire, le chef d’inculpation d’ « associations de malfaiteurs terroristes » a été maintenu alors même que l’accusation admet… qu’aucun « projet d’action violente » ne peut être reproché aux inculpé·es. A l’issue de deux années d’instruction, le parquet antiterroriste reconnaîtra que l’instruction n’a pas « mis en exergue un projet d’action violente finalisé ». Un aveu partagé par le juge d’instruction qui écrira de son côté qu’« aucun passage à l’acte imminent ne semble avoir été envisagé ».

Et pourtant, la DGSI n’avait pas lésiné sur les moyens de surveillance. A la sonorisation de lieux d’habitation, s’ajoutent des milliers d’heures d’écoutes téléphoniques, le recours à la géolocalisation en temps réel, des dizaines d’opération d’IMSI catching, des centaines de filatures et bien entendu l’analyse des dizaines de supports numériques saisis lors des arrestations et des comptes associés (mails, réseaux sociaux…). Soit sept intimités violées pour venir satisfaire la curiosité malsaine des quelques 106 agent.es du renseignement ayant travaillé sur ce dossier.

Tout ça pour rien… Pas de cible, pas de date, pas de lieu. Pas même une seule discussion évoquant la préparation d’une quelconque action violente. En d’autres termes : le dossier d’instruction est vide.

Un vide qui n’a pourtant pas empêché cette « justice d’exception » de recourir à toute la violence que le droit lui permet [3]. Plus de trois années de détention provisoire cumulées, le recours à la torture blanche via la mise à l’isolement, des fouilles à nues systématiques, des amitiés détruites à coup d’interdiction de communiquer et de restrictions de déplacements. Fait rare, des propos sexistes du juge d’instruction ont par ailleurs été dénoncés lors des interrogatoires eux-mêmes [4]. Quant à la surveillance, elle ne s’est jamais arrêtée et les inculpé·es doivent préparer leur défense sous l’oeil inquisiteur de leurs accusateurs.

Un récit pour toute accusation (en collaboration avec Mediapart)

A défaut de projet terroriste, toute l’accusation repose sur un récit construit par la DGSI entourant les « revenants du Rojava » où LibreFlot, le principal inculpé, est parti combattre Daech pendant 10 mois.

Ce récit fut diffusé par Mediapart plusieurs mois avant l’ouverture de l’enquête. Dans un article écrit par Mathieu Suc – dont le parti-pris fut vivement critiqué [5] -, ce dernier relayait le discours policier de la « menace » que représenterait pour « les institutions françaises » et « les forces de l’ordre » ces « militants d’ultragauche »« ayant suivi une formation militaire » au Rojava. La DGSI s’y inquiétait en particulier que ces « revenants », « déployant de solides techniques de clandestinité », puissent, une fois rentré.es en France, utiliser leur « savoir-faire » dans « le cadre d’actions violentes de l’ultragauche révolutionnaire » visant à s’en « prendre aux symboles de l’état et à ses forces de l’ordre ».

L’ensemble du dossier d’instruction sera, littéralement, construit afin de mettre en scène ce récit. Quant au « projet terroriste » que l’instruction n’a pu mettre à jour, il sera, lui aussi, emprunté à l’article.

Le procureur avancera ainsi que LibreFlot, désormais « vétéran du Rojava », oeuvrerait depuis son retour en France à la « constitution d’un groupe armé » dont le but serait de mener « des actions violentes à l’encontre notamment des forces de l’ordre et des militaires » afin de « déstabiliser les institutions républicaines ».

Conscient que cette formulation est un peu vague – même en antiterrorisme – il se perdra en conjectures en cherchant à la préciser. Le projet sera tantôt une « guerilla visant prioritairement les policiers », tantôt des « opérations violentes visant les symboles de l’oppression ou dans une moindre mesure du capitalisme », voire… un « projet d’intimidation ou de terreur visant l’oppression ou le capital ».

Le juge d’instruction résumera tout ceci dans une phrase dont la grandiloquence peine à masquer la vacuité. LibreFlot, et ses « acolytes », auraient pour objectif « de provoquer une révolution, de renverser l’État et d’attenter à la vie de ses représentants ».

Une mise en scène grotesque…

Dix mois de surveillance, pourtant dotés des moyens techniques les plus avancés, n’auront permis de ne fournir que quatre « faits » à partir desquels l’ensemble de ce récit sera mis en scène :

  • Deux parties d’airsoft – soit du paintball sans peinture, une des activités les plus populaires des enterrements de vie de garçon – qui deviendront des « entraînements para-militaires ».
  • Quelques carabines et fusils de chasse – dont la majorité sont légalement détenues – viendront parfaire l’image d’un « groupe armé ».
  • L’utilisation de messageries chiffrées grand public (Signal, WhatsApp) sera transformée en preuve de l’existence d’un « groupuscule clandestin » dont les membres vivraient « dans le culte du secret », comme l’a montré la Quadrature du Net dans un article détaillé.
  • Un rapprochement fortuit entre un week-end entre LibreFlot et un ami spécialisé dans les effets spéciaux chez Dysneyland et une expérimentation ludique de fabrication de pétards pendant le confinement – à partir de vidéos youtube, comme en font bon nombre d’adolescent·es par simple curiosité – servira à ancrer le récit dans l’imaginaire collectif des attentats des années 70.

    Ces quatre éléments viendront former l’armature du récit policier. Ils seront soigneusement sélectionnés parmi l’ensemble des informations issues de la surveillance puis décontextualisés afin de venir donner corps au scénario écrit d’avance. Pour ce faire, l’accusation – juge d’instruction en tête – s’en tiendra à un principe strict : l’ensemble des faits venant mettre à mal le récit policier peuvent être ignorés.

Et mensongère

A commencer par le fait que l’instruction a démontré qu’aucun groupe n’existe. Les inculpé·es ne se connaissent pas toutes et tous et, a fortiori, ne se sont jamais retrouvé·es. Leur seul point commun est de connaître, à des degrés divers, LibreFlot et de l’avoir croisé au moins une fois en 2020.

En réalité, les inculpé.es semblent davantage avoir été sélectionné·es à l’issue d’une opération de casting afin de doter le soi-disant groupe « des compétences nécessaires à la conduite d’actions violentes », pour reprendre les termes de la DGSI. Soit donc : un artificier chez Disneyland disposant de connaissances en pyrotechnie, une amie disposant de « solides » connaissances en « communications cryptées », deux « survivalistes » détenant – légalement – quelques fusils de chasse et un ami d’enfance à qui l’on semble réserver la place de lieutenant, LibreFlot étant promu au rang de « leader charismatique ».

L’importance donnée aux deux piliers de l’accusation – soit les expérimentations de pétards et les parties d’airsoft – est quant à elle inversement proportionnelle à ce qu’ils représentent dans le temps de l’enquête. Leur place leur est conférée par un simple effet de répétition aboutissant à ce que quelques heures d’activités sans lendemain viennent noircir des centaines et des centaines de pages du dossier d’instruction.

La portée criminelle des parties d’airsoft – ceci vaut aussi pour les jeux autour des pétards – est elle aussi produite par un pur effet de style : le recours au champ lexical de la guerre. Elles deviendront « progressions tactiques », entraînements à la « guerre urbaine » ou encore « progression en milieu clos ». La lecteurice finit par en oublier que les « armes » dont il est question à longueur de page ne sont… que des pistolets à billes. Par ailleurs, le fait qu’une partie d’airsoft – chaque partie ayant impliqué des groupes différents – semble tout de même un « entraînement para-militaire » un peu léger pour qui veut « renverser l’État » – protégé, lui, par plus de 200 000 policier·es disposant d’armes bien réelles – n’est même pas abordé [6]. En antiterrorisme, c’est l’intention qui compte.

Quant aux déclarations des inculpé.es, aucune valeur ne leur est accordée (sauf si elles servent le récit policier). Un exemple parmi tant d’autres est apporté par la description des expérimentations de pétards. La concordance parfaite des déclarations des inculpé·es décrivant qu’elles se sont arrêtées au premier « boum » obtenu dont la portée les a « surpris » et leur a fait « peur » n’infléchira pas le juge d’instruction. Un terroriste ment.

Enfin, la criminalisation des pratiques numériques visant à caractériser la « clandestinité » des inculpé.es sert tant à activer l’imaginaire des années 80 qu’à excuser le manque de preuves récoltées. Pour reprendre les mots de la Quadrature du Net, elles appuient le discours conspirationniste expliquant que « ces preuves existent, mais elles ne peuvent pas être déchiffrées ».

La critique de l’Etat, preuve d’un projet inconnu

Cette mise en scène serait incomplète sans un décor adéquat venant ancrer le récit dans l’imaginaire selon lequel l’ensemble des actes des inculpé·es doivent être interprétés. Dans cette affaire, ce sera celui des « années de plomb ». Ce décor sera construit au fil des dizaines de pages revenant dans le détail sur chaque action violente menée dans les années 70/80.

La continuité historique sera assurée par l’assimilation de l’ensemble des luttes emblématiques de ces dernières années – ZADs, défense collective, démantèlement d’infrastructures néfastes, lutte contre les violences policières et même l’aide aux migrant.es – à autant de signes précurseurs d’un retour du « terrorisme d’ultragauche », comme l’a montré Serge Quadrupanni.

C’est sur la base de cet imaginaire que les opinions politiques des inculpé·es seront criminalisées et transformées en preuves de l’existence d’un projet terroriste. C’est cet imaginaire qui permettra à la DGSI d’écrire, qu’au delà des faits, ce qui prouve qu’un « passage à l’acte violent » est envisagé par les inculpé.es, c’est que ce dernier est « conforme à leur idéologie ».

Dès lors, les milliers d’heures d’écoutes seront mobilisées afin de relever des propos politiques et d’établir ainsi des « profils » d’individus « mus par la même idéologie ». Les moyens de surveillance les plus intrusifs sont paradoxalement utilisés pour mettre en avant… ce dont aucun·e des inculpé·es ne se cache vraiment.

Le procureur et le juge d’instruction notent ainsi qu’un·e inculpé·e traite la police de « milice fascisante armée » et qu’un·e autre évoque les « chiens de garde » que seraient les policiers et les militaires. Ils relèvent qu’un·e inculpé·e déverse dans une conversation privée « sa haine de la police » allant jusqu’à dénoncer son « racisme supposément endémique ». Ailleurs, ils mettent en avant une « violente diatribe contre la France, la révolution française et toutes ses valeurs républicaines et démocratiques », des « propos stigmatisant la violence d’état » ou encore la tendance d’un·e inculpé·e à faire preuve de « virulence dans la contestation systématique des lois et des institutions ».

Fait aggravant, le juge d’instruction notera que les propos tenus sont « en adéquation avec plusieurs livres saisis » ce qui témoigne d’une « totale adhésion à la cause anarchiste ». Sont ainsi cités à charge des textes d’Auguste Blanqui, de Kroptokine, Malatesta, Alfredo Bonanno, des articles critiquant la justice antiterroriste ou le fichage ADN ou encore les mensuels de la CNT et de la fédération anarchiste.

Le procureur ira jusqu’à retranscrire, dans le réquisitoire, des paroles de « chansons de rap engagé » – enregistrés via la sonorisation de lieux d’habitation – qu’il commentera longuement insistant sur le fait qu’elles ont pour « cibles » « les représentants des forces de l’ordre ». Notons enfin l’attention particulière portée au « florilège de chansons appartenant au répertoire anarchiste » retrouvé sur le téléphone d’un.e inculpé.e.

Surveillance et construction de récit

On voit alors comment, loin de venir participer « à la manifestation de la vérité » selon la formule consacrée inscrite sur chaque demande de la DGSI, la surveillance est utilisée en antiterrorisme comme un outil de déformation de la réalité.

Elle permet à l’accusation de disposer d’une quantité phénoménale d’informations dans lesquelles elle n’a plus qu’à piocher les quelques éléments qui, une fois décontextualisés, serviront à matérialiser la fiction policière. Le reste étant soigneusement ignoré, la surveillance ne vise en aucun cas à rendre compte d’une quelconque réalité mais à augmenter la probabilité de rendre vraisemblable un scénario pré-établi.

Ce « processus réducteur », pour reprendre les termes d’un·e inculpé·e devant le juge d’instruction, est en particulier utilisé afin d’inscrire les mis·es en examen dans les rôles que le récit policier leur assigne générant un sentiment de dépossession et de négation de leur vécu qu’iel décrira ainsi : les « mois d’enquête […] n’ont visiblement servi qu’à dresser un portrait falsifié de ma personne, ne retenant de mes mots et de mes activités qu’une infime partie, toujours décontextualisée et uniquement destinée à m’incriminer, au détriment de tout autre élément me caractérisant ».

Le COVID à la rescousse d’un récit chancelant

Quant aux arrestations, elles illustrent tout l’arbitraire du concept de justice préventive. Lorsqu’elles sont décidées, nulle « menace imminente » mais une enquête qui piétine et un service de renseignement qui doit justifier des moyens humains et techniques mobilisés. L’antiterrorisme est aussi une question de « rentabilité ».

En effet, la quasi-totalité des « faits » reprochés – soit l’airsoft et les pétards – se sont déroulés lors de l’enquête préliminaire (clôturée en avril 2020 au moment où s’ouvrait l’information judiciaire). Au fur et à mesure que les mois passent, rien de tout cela ne se répète. Pire, le « groupe » ne se rencontre toujours pas. Dès lors, les procès-verbaux de surveillance versés au dossier se raréfient.

La gêne est d’autant plus grande qu’à la clôture de la-dite enquête préliminaire, la DGSI a rédigé un rapport de synthèse dans lequel il est écrit qu’« aucun projet d’action violente ne semblait défini » allant même jusqu’à ajouter que « la constitution d’un groupe dédié à la mise en place d’actions de guerilla ne transparaissait pas ».

A l’évidence, juge d’instruction et procureur préfèreront la mauvaise foi. Le coupable de cette inaction criminelle deviendra… « l’épidémie de Covid » . Le juge d’instruction écrira que le « second confinement national » a « compliqué les possibilités pour les suspects […] de se retrouver ». Le procureur expliquera lui que les projets ont été « entravés ou compliqués par la survenance du virus de la Covid-19 ».

Le Covid sauvant la France de dangereux terroristes, il fallait oser. D’autant plus que les arrestations sont décidées 3 semaines après le début du second confinement et que c’est lors du premier que la DGSI a pu observer une des parties d’airsoft et le jeu autour des pétards…

Faire le procès de l’antiterrorisme… ou renoncer aux libertés politiques

Que l’on ne s’y trompe pas. L’absurdité d’une accusation sans objet, et a fortiori sans preuves, est le propre de l’antiterrorisme. Des années de jurisprudence islamophobes ont fini de transformer l’antiterrorisme en outil de répression politique idéal tandis que la succession de lois sécuritaires a doté les renseignements de pouvoirs de surveillance leur permettant de nourrir les récits accusateurs de leur choix.

Et aujourd’hui, l’antiterrorisme cherche à s’étendre aux luttes sociales. En juillet dernier le directeur de la DGSI expliquait que, dans un contexte de baisse de la « menace islamiste », ses services s’intéressaient désormais davantage aux « extrêmes ». Alors qu’en dix ans la DGSI a vu ses effectifs doubler, elle est à la « recherche de nouveaux débouchés » du côté de l*’« écologie »* et « des violences extrêmes », comme l’a expliqué récemment la SDAT à un mise en examen de l’affaire Lafarge.

La multiplication des procès terroristes d’extrême droite ne devrait donc pas nous réjouir [7] mais nous alarmer. Elle n’est que la prémisse de ce qui nous attend. Se féliciter de l’extension progressive de l’antiterrorisme, dans quelque direction que ce soit, c’est creuser la tombe de nos libertés politiques.

A gauche, l’affaire du 8 décembre est le coup d’essai de ce mouvement de répression dont la violence s’annonce terrible. Auditionné par le Sénat suite à la répression de Sainte-Soline, Darmanin brandissait déjà cette affaire comme l’exemple d’un « attentat déjoué » de « l’ultragauche » afin de justifier de la violence qui s’était abattue sur les militant·es écologistes [8]. En cas de condamnation, nous devons nous attendre à voir les inculpations pour terrorisme de militant·es de gauche se multiplier.

Le procès se tiendra tous les après-midi du mardi au vendredi du 3 au 27 octobre au tribunal de grande instance de Paris. Des appels à mobilisation ont été lancés pour l’ouverture et la fin du procès mais le procès est public si bien que chacun·e peut venir quant iel le souhaite. S’il doit être le procès de l’antiterrorisme, il sera aussi un moment éprouvant pour les sept inculpé·es : toute aide, soutien, sourire, coup de pouce sera le bienvenu.

Venez nombreux·ses !

[1] Voir les sites des comités de soutien ici et ici. Voir aussi cette compilation de textes publiés en soutien aux inculpé·es ici, l’émission de Radio Pikez disponible ici et celle-ci de Radio Parleur, cet article de la Revue Z et cet article de lundimatin.

[2] Voir l’interview d’Olivier Cahn ici. Voir aussi l’archive du site des comités de soutien aux inculpé·es de Tarnac ici, une tribune de soutien publiée en 2008 ici et cette interview de Julien Coupat. Voir aussi les textes suivants relatifs à « l’affaire de la dépanneuse », a première affaire antiterroriste concernant la « mouvance anarcho-autonome » : Mauvaises Intentions 1, Mauvaises Intentions 2, Mauvaises Intentions 3, Analyse d’un dossier d’instruction antiterroriste et Face à l’outil antiterroriste, quelques éléments pratiques. Pour en savoir plus sur cette affaire, d’autres sources sont disponibles à la fin de l’article L’antiterrorisme contre les autonomes de Zones Subversives. De manière plus générale, pour une discussion des dérives de l’antiterrorisme en matière de droit voir notamment les textes suivants : Pauline Le Monnier de Gouville, « De la répression à la prévention. Réflexion sur la politique criminelle antiterroriste », Les cahiers de la Justice, 2017, disponible ici ; Laurence Buisson « Risques et périls de l’association de malfaiteurs terroriste », 2017, revue Délibérée et disponible ici ; Julie Alix et Olivier Cahn, « Mutations de l’antiterrorisme et émergence d’un droit répressif de la sécurité nationale », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 2017, disponible ici ; l’intervention de François Sureau devant le Conseil constitutionnel sur le délit d’entreprise individuelle terroriste en 2017 disponible ici, le rapport de la Fédération Internationale des Droits Humains « La porte ouverte à l’arbitraire » publié en 1999 ; le rapport de Human Rights Watch « La justice court-circuitée. Les lois et procédure antiterroristes en France », publié en 2008 et disponible ici.

[3] Sur les recours déposés par Camille et LibreFlot, voir le communiqué de presse ici. Sur la condamnation de l’État sur le maintien illégal à l’isolement de LibreFlot, voir l’article de Reporterre disponible ici. Sur ses conditions de vie à l’isolement et sa grève de la faim, voir notamment cette compilation d’écrits de LibreFlot et le témoignage joint au communiqué de presse évoqué ci-avant. Sur les conditions générales de l’instruction, voir cette lettre ouverte au juge d’instruction. Sur la dénonciation des traitements sexistes, voir cet appel féministe. Voir aussi le témoignage d’un inculpé sur les conditions de détentions auprès de l’envolée.

[4] Une inculpée a dénoncé un comportement « dégradant pour toutes les femmes » de la part du juge d’instruction.

[5] Sur les réactions à l’article de Mathieu Suc, voir notamment l’article de Corinne Morel Darleux, l’article de lundimatin, la réponse d’André Hébert et un article d’Arrêts sur Images. Il est intéressant de noter qu’à l’époque un fait n’était pas connu. Dans son article, Mathieu Suc mentionne que « selon nos [ses] informations » des militant·es « d’ultragauche » se seraient rendu·es en Colombie pour rencontrer l’ELN, une façon de renforcer le caractère anxiogêne de son récit. Il se trouve que cette information est utilisée à l’encontre d’un·e des inculpé·es de l’affaire du 8 décembre. Tout laisse donc à penser que l’un·e des inculpé·es du 8 décembre faisait partie des personnes concernées par cette « information ». Pendant toute la durée de l’enquête – l’information apparaissant dans la note par laquelle s’ouvre l’enquête préliminaire – , la DGSI utilisera cet argument pour caractériser la dangerosité de cet individu et justifier des demandes de moyens de surveillance toujours plus intrusifs. Après deux années d’instruction, il s’avèrera que cette personne est simplement partie…. en vacances en Colombie. Le juge d’instruction écrira timidement qu’ « aucun élément ne permettait donc d’étayer le renseignement initial ». Mais le mal aura été fait.

[6] La volonté de criminaliser ces parties d’airsoft est particulièrement ironique à l’heure où le gouvernement multiplie des dispositifs comme les « classes défense sécurité globale » où l’armée organise pour des lycéen·nes des parties de tir au pistolet laser… Voir notamment l’article de Politis « Quand l’armée envahit l’école » disponible ici.

[7] Un exemple caricatural de cette position par la presse « de gauche » est, ici encore, offert par Mathieu Suc. Voir notamment sa couverture du procès des Barjols et sa présentation sans aucun recul des unités de « cyber-infiltrations » de la DGSI ici et ici venant au passage relayer le discours policier visant à faire des « messageries privées cryptées » la raison de l’expansion d’un radicalisme d’extrême droite.

[8] Son audition est disponible ici. Voir à partir de 10:20:19 pour la référence à l’affaire du 8 décembre. Voir aussi son intervention sur BFM ici où il utilisait l’affaire du 8 décembre pour dénoncer la « menace d’ultragauche ».

[LundiAM] De Pasqua à Darmanin, l’éternel retour de la théorie de la Mouvance

Permanence et évolution des récits fondateurs de la police politique française, 1986-2023

[Cet article est basé sur les PV de la DGSI sur l’ultragauche (révélées par Iaata.info), utilisés dans l’Affaire du 8 Décembre, dont le procès se tiendra du 3 au 27 octobre.]

Il n’aura échappé à personne que, depuis que M. Darmanin est premier flic de France, il s’efforce de surpasser ses prédécesseurs dans la fabrication d’un Ennemi Intérieur de sa convenance, qu’il a baptisé « l’ultragauche », terme qui, négligeant toute définition ancrée dans la réalité socio-historique.

L’appellation a pour vocation de diaboliser et criminaliser non seulement des pratiques politiques, mais aussi les tentatives de développer des formes de vie résistant aux logiques mortifères du capitalisme tardif. Dans la course au placement le plus près possible de l’ultradroite qui caractérise les manœuvres pré-électorales des politiciens de droite, la stigmatisation de l’ultragauche sert de bannière à une offensive réactionnaire multiforme, qui se traduit aussi bien par la suppression de subventions à tout ce qui, dans l’imaginaire préfectoral, peut être associé au vocable maudit, que par des manœuvres médiatico-policières à grande échelle. C’est dans ce cadre qu’est annoncée la venue de Darmanin « avant fin septembre » sur le Plateau de Millevaches où il devrait parler « effectifs de sécurité et actions contre l’ultragauche. »

C’est dans le même cadre que doit s’ouvrir le 8 septembre, à Niort, un procès contre 8 personnes accusées d’avoir organisé les manifestations de Sainte Soline  : trois membres des soulèvements de la terre, trois syndicalistes (Solidaires, CGT, Confédération paysanne), un membre de Bassines Non Merci. Et c’est bien toujours dans le même cadre que 7 personnes arrêtées le 8 décembre 2020 passeront en procès du 3 au 27 octobre 2023, pour répondre d’un fantomatique « délit d’association de malfaiteurs terroristes ». Mais dans ces deux affaires, si, comme on le verra plus loin, la matrice idéologique des poursuites est la même, la différence de situation saute aux yeux. Dans le cas des Soulèvements, malgré la mobilisation des médias de droite sur la « violence » des manifestants de Sainte Soline et la tentative d’imposer l’idée d’un « écoterrorisme », l’entreprise darmanienne patine notamment grâce au puissant mouvement de solidarité avec les Soulèvements et aux réticences du Conseil d’Etat face au décret de dissolution : pour le procès lui-même, la Secrétaire générale de la CGT annonce qu’elle fera le déplacement pour soutenir les inculpés. Il en va tout autrement dans la deuxième affaire. Dans le cas du 8 décembre, on peut lire un bon résumé de l’affaire ici. Quiconque approche d’un peu près le dossier se rend compte de la faiblesse de l’accusation et de l’importance des enjeux qu’elle charrie, pour tout le monde. Alors, pourquoi la solidarité dont les inculpés du 8 décembre ont bénéficié a-t-elle été très loin d’atteindre l’ampleur de celle qui s’est manifestée autour des inculpés des Soulèvements ? La réponse, paradoxale, est peut-être qu’à la différence de ces derniers, poursuivis pour leur participation revendiquée à un mouvement dans lequel des milliers de personnes se reconnaissent, les interpellé.e.s du 8 décembre n’ont à peu près rien fait. Comme le dit très bien une mise en examen, « comme dans notre histoire, il n’y a pas de faits matériels, les moindres propos relevés font office de preuve et deviennent presque un élément matériel à charge ». Faute d’éléments matériels probants, toute l’accusation repose sur un récit, celui de la DGSI, repris et ânonné ensuite, successivement, par le juge d’instruction et par le Parquet national antiterroriste.

Une littérature engagée, les notes de synthèse

Autant que le tir à la cible, l’art du récit fait partie des compétences indispensables au policier contemporain : on a pu le vérifier a contrario, en bas de l’échelle hiérarchique avec ces rapports de fonctionnaires s’efforçant de couvrir leurs violences derrière des rapports mal ficelés. On en a une illustration plus élaborée dans le dossier de l’affaire du 8 décembre avec les notes de synthèse de la DGSI datées du 13 juillet 2022 intitulées respectivement la « mouvance ultra-gauche » et « la violence et l’ultra-gauche », l’une et l’autre nous offrant rien moins qu’une fresque historique de l’ultragauche à partir des années 70. Aux talents du conteur policier, les magistrats se contentent souvent de substituer la virtuosité dans l’art du copier-coller, puisqu’ils sont la plupart du temps de simples porte-voix du récit des forces de l’ordre, ainsi que le montre la lecture du réquisitoire du Parquet national antiterroriste et l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction Jean-Marc Herbaut. OPJ et magistrats tiennent leur définition de l’objet de leurs préoccupations, dont l’existence justifie qu’on leur verse un salaire pour s’occuper de ça : « la frange de l’extrême-gauche non légaliste, qui rejette les partis et prône l’utilisation de la violence pour aboutir à la transformation de la société. » Voilà ce que c’est, selon eux, que l’ultra-gauche. A quoi vient s’ajouter cette précision, qui laisse perplexe : « elle trouve son origine chez les anarchistes italiens au 19e siècle » (Herbaut copiant l’OPJ). Cette pittoresque incursion dans l’Histoire évite bien sûr de signaler ce fait massif, à savoir que le recours à des formes d’illégalisme fait partie de la tradition du mouvement ouvrier, des négociations par l’émeute du XIXe siècle aux sabotages appuyant les grèves de 1947 et à 68, et de tous les mouvements populaires en général, et que ces illégalismes, cf les interventions de la FNSEA devant des préfectures, n’ont pas toujours entraîné la mobilisation de la rhétorique antiterroriste et des services du même nom. Il est vrai que le terme « violence » n’est pas défini, et qu’en particulier la distinction fondamentale entre violences sur les êtres vivants et violence sur les choses n’est jamais opérée. Ce qui permet de classer parmi les actions de l’ultragauche aussi bien la « multiplication des squats, des manifestations violentes ainsi que des dégradations de magasins ou de matériels urbains », que « l’occupation du plateau du Larzac, la grève des LIP, l’occupation de la rédaction du journal Libération en octobre 1977 » : population paysannes s’opposant à l’extension d’un camp militaire, ouvriers grévistes, lecteurs de Libération mécontents du traitement par « leur » journal de l’affaire Baader, tous ultragauche !

Cette indistinction dans une sorte de magma où jamais ne sauraient apparaître les réflexions politiques structurant les débats à l’intérieur des groupes et mouvements présente l’avantage d’établir une sorte de continuité fatale entre les squats, les occupations, le bris de vitrine et la création d’organisations clandestines pratiquant l’assassinat politique. C’est ce qu’on appelle la théorie de la Mouvance. Toutes les considérations socio-historiques qui s’étalent sur des dizaines de pages, de procès-verbaux de synthèse en « préambules sur la mouvance », n’ont, en cette affaire, qu’une fonction : combler le vide d’un dossier où aucune espèce de projet d’attentat et encore moins aucun début d’exécution n’a été mis en évidence.

La Mouvance dans tous ses états

Il y a une continuité indéniable de Pasqua à Darmanin. Le Corse qui se targuait de « terroriser les terroristes » a mis le pied à l’étrier à Sarkozy, dont Darmanin est le bébé politique, celui par lequel il compte sans doute esquiver la suite de ses ennuis judicaires. Il n’est donc pas abusif de remonter à l’époque où Pasqua, l’ancien du Service d’Action Civique et de Ricard, était à l’Intérieur.

En avril 1986, à la suite d’un attentat manqué contre le vice-président du Centre national du patronat français (ancêtre du Medef), revendiqué peu après par Action Directe, 53 personnes étaient interpellées, dont 6 étaient inculpées pour divers délits. Dès le départ les liens entre les inculpés et AD paraissaient difficiles à démontrer. Assez rapidement, policiers et magistrats reconnaîtraient qu’ils n’existaient pas mais les médias qui avaient proclamé à l’envi qu’un coup dur avait été porté à AD s’abstinrent de le signaler. Le Comité contre la paranoïa policière écrivait : « Une fois de plus la trilogie police- justice-médias fonctionne à plein. A grand renfort de constructions et de mensonges purs et simples, des journalistes tracent le portrait d’un milieu supposé servir de terreau au « terrorisme », l’image des attentats aveugles [perpétré par des services moyen-orientaux, note de 2023] servant à diaboliser un « milieu ». Après cela, on peut continuer à perquisitionner, interpeller à tour de bras, (.…) Un gouvernement en quête de « différence » aura réussi à vendre à l’opinion son image d’anti-laxisme. Au passage, on voudrait en profiter pour terroriser les quelques centaines de personnes qui, en France, ne se reconnaissant toujours pas dans le grand consensus libéral. »

Sachant que, depuis les années 80, l’opposition au modèle ultralibéral a vu ses rangs se gonfler au point qu’il ne faut plus parler de quelques centaines mais de millions de personnes, on notera plus de similitudes que de dissemblances dans les situations, avec notamment la permanence, dans le discours gouvernemental, de narrations théorisées et vendues depuis quarante ans par d’indéracinables « spécialistes », comme les indéboulonnables Alain Bauer et Xavier Raufer.

En 1989, dans L’antiterrorisme en France ou la terreur intégrée (La Découverte), je citais une interview de Raufer à la revue L’Histoire dans laquelle il parlait de la nécessité de « calmer certains intellectuels qui peuvent parfois se laisser aller à fournir des justifications à des actes violents » et expliquait qu’il fallait cerner la « mouvance », le « vivier » d’Action Directe, « pour la pénétrer et la rendre progressivement impraticable au groupe clandestin. » Je commentais en ces termes : « On appréciera (…) la phrase concernant les intellectuels, où la menace sourd de la litote. Quand on sait qu’à l’époque où est parue cette interview, la théorie du « vivier » et de la « mouvance » a été utilisée par Ch. Pasqua pour une série de gesticulations policières qui se sont traduites par de nombreux abus fort peu respectueux des « règles de l’Etat de droit », et par des constructions médiatiques passablement dangereuses pour les individus qu’elles mettaient en cause, on peut douter de la « mesure » du personnage. » On pouvait d’autant plus en douter que les accointances de Raufer avec l’extrême-droite ne se limitaient pas à une jeunesse dans les rangs d’Occident, puisqu’ en 1982, il dédiait encore son livre Terrorisme, maintenant la France ? à un ancien thuriféraire du nazisme, Claude Harmel.

S’il y a beaucoup de similitudes entre la théorie de la mouvance telle qu’elle fonctionnait dans les années 80 et telle qu’elle est utilisée aujourd’hui, il y a tout de même, dans la pratique réelle, une différence de taille, un gigantesque détail qui change tout : il n’existe pas dans la France des années 2020 une organisation qui pratique l’assassinat politique – et c’est heureux. C’est un point qui n’a pas été assez relevé, et qui signale pourtant la maturité politique des mouvements d’action directe contre la domination capitaliste. En dépit de la férocité toujours plus grande de la répression contre les débordements hors des parcours balisés de la vieille politique, malgré l’accumulation des raisons d’éprouver une colère incoercible contre la flicaille assassine et éborgneuse et contre les politiciens qui la servent et s’en servent, tout se passe comme si la leçon avait été tirée des années dites « de plomb » : le terrain de l’affrontement militaire n’est pas celui de la transformation sociale. Les Etats seront toujours mieux armés que nous pour faire la guerre. Des débordements de manifs aux Zad, des gilets jaunes aux Soulèvements, et même jusqu’aux révoltes de juillet où personne n’a essayé de tuer des flics, l’ingéniosité avec laquelle les rebelles évitent le piège des pratiques meurtrières est d’autant plus remarquable qu’en face, on utilise des « armes à létalité réduites » qui ne cessent de tuer.

Le retour du décèlement précoce

Contre cette intelligence collective, la nouvelle mouture de la théorie de la Mouvance tente un retournement logique. Il ne s’agit plus de montrer qu’il existerait un « vivier » d’une organisation existante, mais la « mouvance » d’une organisation à venir. L’insistance de policiers et magistrats sur l’histoire racontée à leur manière – c’est-à-dire en partant des prémisses supposées d’AD et en s’étendant longuement sur l’histoire de cette organisation combattante sert à ça : mettre l’accent sur l’organisation « terroriste » comme devenir inévitable des mouvements présents. Ici intervient une mutation décisive de la théorie de la Mouvance introduire par les Dupont et Dupond de l’antiterrorismes : la notion de « décèlement précoce ». Dans leur livre paru en 2009, La Face noire de la mondialisation, Raufer-Bauer expose leur trouvaille : il faut s’attaquer aux nouvelles menaces quand elles ne sont encore qu’un « bourgeon », et cela grâce au regard d’experts formés par eux. Anecdote significative racontée dans mon bouqin La Politique de la Peur (Le Seuil, 2011) : « Président du groupe de contrôle des fichiers de police et de gendarmerie, Bauer répond le 19 novembre 2009 à une interview de Libération à propos de deux nouveaux fichiers (pouvant intégrer des mineurs de 13 ans) créés par Hortefeux en prenant prétexte de 18 vitrines brisées à Rouen : « il s’agit de fichiers de renseignements sur des personnes qui n’ont pas encore commis d’actes répréhensibles mais qui sont susceptibles de le faire. »

« Ils n’ont rien fait mais ils étaient susceptibles de le faire » : c’est au nom d’un récit de ce genre que des gens qui, pendant un an, ont été suivis et écoutés sans qu’ils esquissent jamais le moindre projet d’attentat sont pourtant accusés d’en avoir nourri un. C’est avec cette histoire à la Minority Report, mais beaucoup moins passionnante que le film, qu’on essaie de donner une portée incriminante à de pseudo-indices tels que la présence d’arme de chasse dans des maisons, le jeu avec de gros pétards, l’utilisation de logiciels de chiffrements (comme vous en utilisez tous j’espère), et la participation d’un camarade au combat contre Daesh dans cette entité du Rojava pourtant protégée par l’aviation américaine et avec laquelle l’Etat français négocie le traitement des prisonniers daeshiens.

C’est au nom de ce récit que Libre Flot, le camarade en question, a subi seize mois de détention à l’isolement, et que d’autres ont été emprisonnés pendant de longs mois. C’est au nom de ce récit qu’aujourd’hui, au mépris de la vérité, Gérald Darmanin utilise l’exemple de l’affaire du 8 décembre pour invoquer le « danger de l’ultragauche » quand il est auditionné par le Sénat sur Sainte Soline ou interviewé par BFM.

Comme le disait pourtant la Commission nationale de contrôle des renseignements dans son 7e rapport d’activité 2022 : « les seules velléités proclamées, y compris dans des termes radicaux, de renverser les institutions en place, quand bien même elles seraient partagées au sein d’un groupe de personnes adhérant à la même idéologie, ne suffisent pas à elles seules à caractériser un risque d’atteinte à la forme républicaine des institutions au sens de la loi.Prise isolément, l’appartenance à une mouvance ou un groupuscule appelant de ses vœux un renversement des institutions, la participation à des manifestations contestataires, l’hostilité affichée envers les valeurs républicaines et l’État français, l’installation de formes communautaires « expérimentales » ne sont pas non plus, en elles-mêmes, suffisantes pour justifier qu’une technique de renseignement soit mise en œuvre sur le fondement de cette finalité. » Il est seulement dommage qu’à notre connaissance, les avis de la CNCR, dans la réalité pratique et quotidienne des enquêtes, compte pour du beurre, comme le démontre d’ailleurs le déroulé cette affaire.

C’est pourquoi il faudra suivre de près le déroulement du procès qui se tiendra du 3 au 27 octobre à Pars. Il s’agit de rien moins que de s’opposer à des pratiques policières et judiciaires qui peuvent concerner, à terme, quiconque voudrait penser et agir en dehors des clous du légalisme le plus étouffant. Chacun sait que ce monde n’échappera à la catastrophe qu’au prix d’un changement profond de société. Et aucune société n’a jamais été changée dans le strict respect de ses lois et règlements.

Serge Quadruppani

#DuBruitPourSandra : soutien à la femme de Kamel Daoudi et tous leurs proches!

Sandra, femme de Kamel Daoudi et mère de ses enfants, a décidé d’entammer une grève de la faim et de la soif ce lundi 18 septembre à 10h. Elle explique ici, dans une lettre juste et émouvante, les raisons de sa détermination. Suivez son combat au jour le jour sur le twitter @SentierBattant et avec le hastag #DuBruitPourSandra.

Nous relayons et soutenons son geste de lutte courageux face à un Ministère de l’Intérieur qui nage dans un océan d’ennemis intérieurs imaginaires, en parfaite collusion avec ses services de renseignement. Nous savons d’ores et déjà que le Ministère laissera la situation pourrir jusqu’au dernier moment, comme cela a été le cas pour Libre Flot. Seul un fort mouvement de solidarité permettra de faire bouger la situation au plus vite. Force et santé à Sandra, Kamel, leurs enfants et tous leurs proches. Ne nous laissons pas anti-terroriser!

L’extension de l’outil antiterroriste a permis la banalisation des mesures répressives administratives, telles que celle vécue par Kamel Daoudi depuis 14 années. Après avoir été condamné pour association de malfaiteurs terroristes sur la base d’aveux extorqués sous la torture, il a vécu l’isolement carcéral, le statut DPS, l’IDTF, et maintenant l’assignation à résidence infinie.

De telles mesures sont utilisées contre de nombreux camarades (écologistes, antifascistes, internationalistes, kurdes, etc.) et permettent au Ministère de l’Intérieur d’assouvir ses penchants fascistes en appliquant des formes de torture blanche à foison.

En juin 2022, la cour d’appel de Paris utilisait la situation de Libre Flot et la tentative gouvernementale de dissolution de Nantes Révoltée pour perpétuer l’acharnement administratif contre Kamel Daoudi, assigné à résidence depuis… 14 ANS!

Kamel Daoudi diffusait une note judiciaire témoignant d’une inquiétante collusion entre les magistrats, les services de renseignement et la Macronie, parfaitement accordés sur des récits policiers hors de toute réalité.

« Le 21 mars 2022, il a signé la pétition « libre flot » concernant un activiste d’ultragauche violente, mis en examen du chef de participation à une association de malfaiteurs terroristes en vue de la préparation de crimes d’atteintes aux personnes. »

Nous remercions encore une fois Kamel Daoudi d’avoir participé à la signature de cette Tribune qui demandait que Libre Flot puisse bénéficier de son DROIT à se défendre, chose rendue impossible par son placement à l’isolement carcéral depuis le 8 décembre 2020. Rappelons que ce placement (reconnu illégal par le tribunal administratif de versailles) avait été prononcé par Éric Dupont-Moretti lui-même, pendant la grève de la faim de Libre Flot. Le juge d’instruction Jean-Marc Herbaut avait attendu que la santé de Libre Flot s’effondre et que de nombreux médecins alertent sur le danger de la situation pour enfin le libérer in extremis.

Le simple fait de nommer des supposés « liens avec l’ultragauche » permet désormais d’arrêter quiconque s’insoumet, comme pour lx camarade de la Pride Radicale de Metz en mai dernier. Cela nous démontre encore une fois que l’affaire du 8 décembre nous concerne tou·tes. Plus que jamais, unissons-nous face à la répression antiterroriste!

Soutien812bzh.

[Metz] Perquisition antiterroriste contre le collectif Pride Radicale

Nous relayons ici un communiqué du collectif Pride Radicale de Metz qui nous alerte sur le déploiement inouï d’une police antiterroriste (BRI) conte unx camarade en mai dernier.

L’intervention d’unités de police militaires contre des camarades ne cesse de se multiplier, se justifiant désormais par la simple étiquette « ultragauche » créée de toute pièce par la police.

Il est impensable de laisser ceci devenir le nouveau standard de la répression des militantx. Il est urgent de se mobiliser.

Force et courage à la personne ciblée et aux camarades de la Pride Radicale de Metz <3

Ne nous laissons pas anti-terroriser!

Publication initiale ici: https://www.instagram.com/p/CtHqUjCLpbc/?img_index=1

COMMUNIQUÉ DU COLLECTIF PRIDE RADICALE DE METZ

Mercredi 24 Mai le domicile d’unx de nos camarades a été perquisitionné.

Sur les coups de 6h du matin nous avons entendu la porte d’entrée être enfoncée et avons vu des dizaines de policiers de la BRI débarquer.

Armés de fusils mitrailleurs et de fusils à pompe, ils ont commencé à retourner l’appartement. Ils étaient venus chercher notre camarade qui fut par la suite placéx plus de 40h en GAV et emmenéx jusqu’à Paris où ont eu lieu les interrogatoires.

Pour rappel, la BRI est une unité de la police judiciaire déployée dans le cadre d’attentats, de prises d’otage ou dans la lutte contre le grand banditisme. Un anti-terrorisme n’ayant ici qu’un seul but : celui de désigner l’ennemi intérieur en performant une perquisition dont le sous-texte est « Voyez, si nous déployons la BRI, c’est la preuve de la dangerosité de ces militantxs et de l’importance de les museler. »

Le motif de ce déploiement colossal de moyens: « association de malfaiteurs ».

Un motif flou, une abberation juridique. « Nous pensons sans preuves que vous avez immaginé faire ceci, vous êtes donc déjà coupables.« 

Une forme de policing déployée massivement face au mouvement social que ce soit ici, à Rennes, à Lyon, Paris etc. La force de cette accusation est son absurdité, c’est une forme légale de procès d’intention, héritée de la chasse aux anarchistes du 19e siècle.

Très vite les OPJ se mirent à emmener comme preuves de cette dite « association de malfaiteurs en vue de commettre un meurtre » des stickers, des affiches, des livres traitant de thématiques diverses (psychologie, abolition de la police, droit des TDS) ainsi que des
brochures et fanzines traitant principalement de défense juridique et de soins communautaires.

Le véritable motif apparaissait clairement: ils étaient venus pousser l’agenda de la fascisation, prête à choquer et traumatiser ses opposants en criminalisant toute forme de critique de son pouvoir.

Alors que la position d’abolition de la police est devenue mainstream à l’été 2020 aux dits États-Unis, nous voyons bien l’intérêt des autorités à nous caricaturer en tueurs de flics.

Notre camarade avait demandé, pensant qu’iel allait être emmenéx au commissariat de Metz, un avocat messin. Lorsqu’on lui a finalement signifié qu’iel se rendrait à Paris, on lui a refusé qu’iel prenne plutôt un avocat parisien, argumentant que ses droits « ont été respectés puisqu’iel avait demandé un avocat de son choix, qui malheureusement ne se déplacerait évidemment pas jusqu’à Paris, mais que ça, ça ne les concernait pas 🙂 ». Il s’agit d’une fourberie policière destinée uniquement à lui faire avoir un avocat commis d’office pendant ses premières 24h de GAV plutôt qu’un avocat comprennant les enjeux de ces évenements.

Les interrogatoires étaient tournés de manières à pousser à bout psychologiquement notre camarade, et à le faire parler un maximum. Exploitant des vulnerabilités et des évènements tragiques de la vie personnelle du camarade.

Bravo à notre police républicaine de repousser encore les limites de l’indécence et de l’ignominie alors qu’on lui connait un palmarès déjà flamboyant.

Mais également de manière à justifier la répression sur des positionnements politiques supposés.

« Avez-vous déja participé à des manifestations anarchistes, antifascistes, contre la réforme des retraites ou intersectionnelles ? »

« En tant que sympathisantx de la mouvance d’ultra-gauche, assumez-vous l’idée marxiste selon laquelle l’aboutissement du processus révolutionnaire passe nécessairement par certaines formes de violence? »

Un mouvement social ayant brassé des millions de personnes, et l’un des auteurs les plus influents de l’histoire donc. Ça a de la gueule les questions de nos policiers anti-terroristes d’élite, ils en seraient drôles si ils n’étaient pas si dangereux.

Au bout de deux jours de GAV et plusieurs heures d’interogatoires insensés, les policiers décident de lâcher notre camarade en plein Paris à 23h, avec ses papiers, 3 livres, le PC de saon copainx qu’ils avaient pris par erreur et le numéro de son frère. il attend toujours la
restitution de ses biens mis sous scellés comprennant un PC, son téléphone portable, des stickers, des livres, des affiches et des brochures.

Nous devions passer cette semaine à lever des fonds pour aider unx camarade handix, précaire, qui risquait l’expulsion de son foyer pour lui permettre d’avoir encore accès à un logement. Au lieu de ça nous nous retrouvons à devoir combattre une répression ignoble, à soigner nos traumas, à lutter contre l’invibilisation/la récupération et à réparer les dommages matériels causés à l’appartement de lea camarade.

Nous refusons que nos camarades soient un instrument dans l’agenda de la fascisation en court et qu’iels servent à la banalisation de la gun culture de la police. Les seules armes présentes dans cet appartement étaient les vôtres, les seuls malfaiteurs présents tenaient en joue nos camarades.

Nous sommes face à un enlèvement, une séquestration et un cambriolage de la part des chiens de garde de l’État. Nous ne nous désolidariserons pas de notre camarade ayant vécu 40h de GAV abusive. Nous exigeons la restitution de l’intégralité des biens volés par la
Police Judiciaire.

Nous refusons la criminalisitation du mouvement social, les keufs n’ont plus que le fait de monter de toute pièce une répression étendue sur l’ensemble du pays pour apaiser les craintes des bourgeois.

Il est impensable de laisser ceci devenir le nouveau standard. Nous devons nous mobiliser.

Merci de relayer massivement.

[LeMonde-Tribune] « Attachés aux libertés fondamentales dans l’espace numérique, nous défendons le droit au chiffrement de nos communications »

Suite aux révélations de La Quadrature du Net sur la criminalisation des outils d’autodéfense numérique dans l’Affaire du 8/12, un collectif de plus de 130 signataires s’indigne contre les dérives inquiétantes de la DGSI en termes de libertés numériques.

Tribune publiée le 14 Juin dans Le Monde.

Chiffrer ses communications est une pratique banale qui permet qu’une correspondance ne soit lue par personne d’autre que son destinataire légitime. Le droit au chiffrement est le prolongement de notre droit à la vie privée, protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui garantit à chacun le « droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».

Toute personne qui souhaite protéger sa vie privée peut chiffrer ses communications. Cela concerne aussi bien des militants, des défenseurs des droits humains, des journalistes, des avocats, des médecins… que de simples parents ou amis. Dans le monde entier, le chiffrement est utilisé pour enquêter sur la corruption, s’organiser contre des régimes autoritaires ou participer à des transformations sociales historiques. Le chiffrement des communications a été popularisé par des applications comme WhatsApp ou Signal.

En 2022, ce sont ainsi plus de deux milliards de personnes qui chiffrent quotidiennement leurs communications pour une raison simple : protéger sa vie privée nous renforce toutes et tous. Pourtant, le droit au chiffrement est actuellement attaqué par les pouvoirs policiers, judiciaires et législatifs en France, mais aussi dans l’Union européenne, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. En tant que société, nous devons choisir. Acceptons-nous un futur dans lequel nos communications privées peuvent être interceptées à tout moment et chaque personne considérée comme suspecte ?

Le chiffrement des communications utilisé comme « preuve » d’un comportement clandestin… donc terroriste

La Quadrature du Net a récemment révélé des informations relatives à l’affaire dite du « 8 décembre » (2020) dans laquelle neuf personnes de l’« ultragauche » – dont l’une avait précédemment rejoint la lutte contre l’organisation Etat islamique aux côtés des combattants kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) – ont été arrêtées par la DGSI et le RAID. Sept ont été mises en examen pour « association de malfaiteurs terroristes », et leur procès est prévu pour octobre 2023. Ces éléments démontrent, de la part de la police française, une volonté sans précédent de criminaliser l’usage des technologies de protection de la vie privée.

Le chiffrement des communications est alors utilisé comme « preuve » d’un comportement clandestin… donc terroriste ! Des pratiques de sécurité numérique parfaitement légales et responsables – dont le chiffrement des communications qui est pourtant soutenu, et recommandé, par de nombreuses institutions, comme les Nations unies, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), l’Agence européenne pour la cybersécurité (Enisa) ou la Commission européenne – sont criminalisées à des fins de mise en scène d’un « groupuscule clandestin » vivant dans « le culte du secret ».

Outre l’usage de messageries chiffrées sont aussi incriminées des pratiques telles que le recours à des services comme Proton Mail pour chiffrer ses e-mails, l’utilisation d’outils permettant de protéger la confidentialité de sa navigation sur Internet (VPN, Tor, Tails), de se protéger contre la surveillance des Gafam, le simple chiffrement d’ordinateurs personnels ou encore l’organisation de formations à la protection numérique (chiffro-fêtes).

Rejet de l’amalgame entre protection des données et terrorisme

Par la criminalisation du chiffrement et de pratiques répandues de sécurité informatique, la police française vise à construire un récit selon lequel les sept personnes mises en examen vivraient « dans la clandestinité ». En l’absence d’un projet terroriste prouvé et avéré, cette prétendue « clandestinité » devient une preuve de l’existence cachée d’un projet inconnu.

Nous, journalistes, activistes, fournisseurs de services tech ou simples citoyens attentifs à la protection des données à l’ère numérique, sommes profondément révoltés de voir qu’un tel amalgame entre la protection basique des données et le terrorisme puisse être alimenté par les services de renseignement et la justice antiterroriste française.

Nous sommes scandalisé·es que des mesures nécessaires à la protection des données personnelles et de la vie privée soient désignées comme des indices d’« actions conspiratives » de personne vivant supposément dans le « culte du secret ».

Nous dénonçons le fait qu’une formation classique et bienveillante au numérique, portant sur Tails, un système d’exploitation grand public développé pour la protection de la vie privée et la lutte contre la censure, puisse constituer un des « faits matériels » caractérisant « la participation à un groupement formé […] en vue de la préparation d’actes de terrorisme ».

Sous prétexte de terrorisme, le système judiciaire français incrimine des pratiques basiques de sécurité. Mais l’exemple français ne représente malheureusement pas l’unique tentative d’affaiblir le droit au chiffrement. A Bruxelles, la Commission européenne a proposé en 2022 le règlement Child Sexual Abuse Regulation (CSAR). Au nom de la lutte contre la pédopornographie, ce texte veut obliger les fournisseurs de messageries chiffrées à donner accès à chacun de nos messages pour les vérifier.

Pour un numérique émancipateur, libre et décentralisé

De nombreuses voix se sont élevées contre cette proposition, parmi lesquelles celles de cent trente organisations internationales. Elles dénoncent notamment l’absence de considération pour la mise en place d’autres moyens qui permettraient de lutter contre ces graves infractions de manière moins liberticide. De récentes fuites ont d’autre part révélé que des pays comme l’Espagne veulent purement et simplement interdire le chiffrement de bout en bout.

En Grande-Bretagne, le projet de loi Online Safety Bill et, aux Etat-Unis, le projet EARN IT s’ajoutent à cette inquiétante guerre contre le chiffrement. Attachés à promouvoir et défendre les libertés fondamentales dans l’espace numérique, nous défendons le droit au chiffrement et continuerons à utiliser et à créer des outils protégeant la vie privée.

Nous refusons que les services de renseignement, les juges ou les fonctionnaires de police puissent criminaliser nos activités au motif qu’elles seraient « suspectes ». Nous continuerons de nous battre pour un numérique émancipateur, libre et décentralisé afin de bâtir une société plus digne pour toutes et tous. Le combat pour le chiffrement est un combat pour un futur juste et équitable.