Cinq mois après l’infâme procès contre les sept « inculpé·es du 8 décembre 2020 », trois mois après un verdict d’une grande sévérité dépassant les réquisitoires du Parquet National Antiterroriste (PNAT), le combat n’est toujours pas fini pour nos compagnon·es. Alors que presque toustes ont fait appel, et que le Tribunal n’a toujours pas transmis les justifications du jugement, notre soutien financier et politique leur reste indispensable.
Un verdict abject
Les quatre semaines de procès durant lesquelles les inculpé·es et leurs avocat·es ont travaillé à démonter une instruction entièrement à charge n’ont absolument rien changé. Rien ne semble avoir imprimé dans l’oreille d’une juge qui est allé jusqu’à refuser de faire citer les flics responsables de l’enquête pour s’expliquer de leurs méthodes. Les sept accusé·es sont donc reconnu·es coupables d’ « association de malfaiteurs terroriste » et trois d’entre elleux de « refus de communiquer ses conventions de déchiffrement ».
Les peines vont de 2 à 5 ans de prison, dont une partie en sursis probatoire. Des périodes de prison ferme sont prononcées pour cinq inculpé·es. Compte tenu du temps qu’iels ont déjà passé incarcéré·es en préventive, il leur reste entre 8 et 12 mois de ferme à purger, aménageable sous forme de bracelet électronique, auxquels viendra donc s’ajouter une période de sursis probatoire.
L’inscription au Fichier des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT), qui leur promet 20 ans de surveillance, d’obligation de pointer et d’impossibilité de se déplacer comme bon leur semble, est actée pour 6 des 7 inculpé·es.
Est également prononcée l’interdiction de communiquer entre elleux pendant tout le temps de leur peine, invention sadique de la juge qui n’était pas demandée par le parquet. A cela s’ajoute encore un panel de mesures de contrôle médico-social (obligation de soins, de travailler, de résidence fixe…) faisant de leur vie une longue série de rendez-vous chez le psy, l’addicto, le SPIP, l’éducateurice… pour s’assurer de leur « réinsertion ».
Nous n’entrerons pas plus ici dans les détails du jugement pour chacun·e. On les trouvera, avec les comptes-rendus d’audience, sur le blog des soutiens.
Les inculpé·es font appel
Après quelques jours de réflexion, six des inculpé·es ont décidé de faire appel de la décision de justice. Quand aura lieu cet appel ? Personne n’en sait rien. Douze mois, quinze mois, plus, moins, les paris sont ouverts. Cela n’empêche de toute façon pas nos camarades de commencer à purger leur peine, l’appel n’étant pas suspensif des mesures liées au FIJAIT et au sursis probatoire.
Pourquoi alors prendre le risque d’un alourdissement de celle-ci, alors que nous n’avons pas plus confiance dans la Cour d’appel que dans celle de première instance ? Parce qu’au delà du besoin personnel de ne pas se laisser traîner dans la boue et ruiner sa vie sans réagir, il y a un besoin collectif de ne pas laisser graver dans le marbre une telle jurisprudence. Celle-ci laisserait toujours plus de champ libre à l’État pour utiliser les moyens de l’antiterrorisme pour réprimer des pratiques révolutionnaires, de lutte, ou même simplement des paroles et des idées. Tous les recours seront donc utilisés jusqu’au bout, n’en déplaise au PNAT [1].
…Et dans tous les cas, la thune.
Oui mais voilà, tout cela coûte du fric. Malgré un paquet d’événements de soutien depuis 3 ans, ainsi qu’une cagnotte et tout un tas d’aides en nature (logement, bouffe, trajets…) – on ne remerciera jamais assez toutes celleux qui ont mis la main à la patte, et iels sont nombreuses ! – cette affaire a déjà coûté beaucoup d’argent aux inculpé.es et à leur soutien : en frais de justice, en déplacement, etc. Pour se donner une idée, chacun.e des inculpé.es a déjà déboursé plus de 10 000€ de frais d’avocat.es, frais qui ont été partiellement financés par la solidarité collective, mais pas totalement, loin de là. Et ce n’est pas fini.
La plateforme CotizUp qui nous servait de cagnotte a tenté plusieurs fois, à l’approche du procès, de bloquer les virements « pour des raisons de sécurité ». C’est pourquoi on lance une nouvelle cagnotte sur HelloAsso qui nous semble plus fiable, pour recueillir les sous des soutiens. Voici son adresse : https://www.helloasso.com/associations/comite-vertigo/formulaires/9.
Diffusons-la partout, remplissons-la quand on le peut. Encore et encore, organisons des événements de soutien, et informons sur l’affaire du 8 décembre !
En bref
On fait appel de la décision rendue par une justice de classe qu’on dégueule, on fait appel à un soutien financier avec cette nouvelle cagnotte même si ça nous fait sacrément chier de toujours demander de la thune, et on appelle à continuer d’être solidaire de toutes celles et ceux qui subissent la répression parce qu’iels ont décidé de pas se laisser bouffer par ce monde de merde !!!
[1] L’appel n’étant pas le seul recours. Le 13 mars, Florian alias Libre Flot sera devant le Conseil d’État pour contester la légalité de la surveillance hors de toute procédure dont il a fait l’objet avant février 2020.
Plus de 200 personnes étaient présentes au rassemblement pour soutenir les ami·es. Une présence chaleureuse et solidaire, avec banderoles, pinata, boissons chaudes, gâteaux, tee-shirts, stickers et batucada. Le rassemblement sera bref, presque tout le monde s’engouffre dans cet immense immeuble de verre et de béton armé, pilier du pouvoir d’État qui trône Porte de Clichy à Paris.
La salle est pleine à craquer, la tension palpable.
Les inculpé·es entrent petit à petit et des applaudissements retentissent en guise d’encouragements.
Des proches sont présent·es, la famille et les ami·es, et également beaucoup de soutiens politiques.
Rejet des demandes de la Défense
L’alarme sonne, le Tribunal entre et exige le garde-à-vous de la salle. L’audience démarre. Brigitte Roux – la présidente -, le regard sévère, ouvre rapidement les hostilités : toutes les demandes de la Défense sont rejetées une par une.
La Question Prioritaire de Constitutionnalité (à propos de la possibilité de faire citer des agents du renseignement) : « Pas transmise ».
La récupération des données sous scellé (accès à divers supports de stockage détenus par la DGSI pour vérifier des éléments d’accusation) : « Il n’y a pas lieu vue la complétude des débats ».
Faire citer les agents 856SI et 1207SI : « Pas nécessaire ».
Déclassifier les informations « secret-défense » de l’expert en explosifs de la Préfecture de Police: « Les parties ont pu débattre », donc c’est non.
Écarter l’expertise si les sources ne sont pas déclassifiées (car cela pose un problème de « contradictoire ») : « Il n’existe aucune disposition pénale qui permettrait d’écarter les rapports », c’est possible au civil mais pas dans le cadre d’une procédure pénale.
Demander à la DGSI de transmettre les vidéos des GAV (durant lesquelles de nombreux actes illégaux ont été dénoncés) : « Les inculpé·es n’auraient pas exprimé une « contestation des propos », mais uniquement une « dénonciation des conditions de GAV, donc c’est non ».
Ces réponses radicales et arbitraires illustrent l’orientation politique du Tribunal : tout doit être fait pour sauver cette procédure montée par la DGSI pour le Ministère de l’Intérieur.
La QPC aurait pu inscrire dans le Droit la possibilité pour le Tribunal Correctionnel de faire citer des agents du renseignement sans lever leur anonymat.
La restitution des scellés aurait permis de récupérer de nombreux éléments à décharge. Cela aurait également permis de contextualiser la détention de brochures présentées comme « la matrice idéologique » du présumé « groupe » et utilisées pour caractériser des intentions terroristes. Au lieu de cela, le Tribunal a ordonné la destruction de ces scellés afin que la vérité ne puisse définitivement plus être démontrée.
La citation des agents de la DGSI était primordiale pour mettre à jour les procédés manipulatoires et les irrégularités constatés tout au long de l’instruction. Ces agents avaient déjà été convoqués par la Défense et s’étaient soustraits à leurs obligations légales à comparaître. Dans le cadre du procès la Défense aurait pu notamment les questionner sur la suppression d’une vidéo à décharge, les erreurs de retranscription des sonorisations, les faux procès-verbaux, les nombreux horodatages irréguliers constatés, et autres barbouzeries dénoncées par les inculpé·es.
Les informations « secret-défense » concernaient la provenance de la recette de l’ANSU (ammonitrate + sucre). La levée du secret-défense aurait permis de contredire l’affirmation inexacte de l’expert. Il affirmait en effet que cette recette proviendrait de la zone irako-syrienne (Kurdistan) et serait utilisée par DAESH, puis aurait été apprise par les YPG. Cela lui permettait de contredire les témoignages d’anciens combattants du Rojava (qui n’acquièrent aucune compétence en confection d’explosifs sur le terrain) et aussi de Libre Flot qui affirmait que cette recette est connue de tous·tes dans le milieu agricole. En témoigne la récente explosion dans un bâtiment de la Dreal revendiquée par des vignerons (et dont le PNAT a décidé que ça n’était pas du terrorisme).
Enfin, le refus de verser aux débats les vidéos des GAV est l’illustration la plus perverse de la volonté politique du Tribunal. L’argument avancé par la Présidente (qu’il n’y aurait pas eu de contestation des propos tenus eux-mêmes mais seulement une dénonciation des conditions dans lesquelles ils ont été prononcés) est un mensonge pur et simple. Les propos tenus en GAV ont été contestés à de nombreuses reprises par plusieurs mis·es en examen. « Je conteste absolument tout ce que j’ai dit en garde à vue » avait déclaré Bastien. Mais là encore, l’unique preuve que ces contestations ont bien été dites mot pour mot réside dans les notes d’audience, prises par une greffière que l’on voyait somnoler régulièrement, et devant être signées par la Présidente elle-même. (Ces notes ont été transmises à la Défense plusieurs semaines après le délibéré.)
Jurisprudence AMT (association malfaiteur terroriste)
Après le mensonge sur la contestation des propos lors des GAV, l’indignation dans la salle commence à se faire sentir. La juge rappelle la salle à l’ordre et menace une première fois de la faire évacuer. Elle continue son œuvre autoritaire avec une lecture très scolaire de l’article 421 du Code Pénal afin de remédier à notre « méconnaissance » de la loi, puis elle résume (en reprenant l’interprétation exacte du PNAT) les jurisprudences en matière d’AMT. A sa façon de lire, tout le monde comprend qu’elle maintient la qualification terroriste. Des murmures de protestations commencent à se faire entendre dans la salle.
En effet, pour constituer une association de malfaiteurs terroristes : il n’est pas nécessaire de prouver qu’un projet terroriste existe bel et bien. Il est seulement nécessaire de démontrer (ou de suspecter très fortement) qu’un·e inculpé·e avait des intentions « à plus ou moins long terme », de « troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur », pour condamner tout le monde. Il n’est pas nécessaire que chaque individu ait connaissance de ces intentions terroristes pour être coupable, mais uniquement d’y avoir « participé » d’une manière ou d’une autre.
La présidente réaffirme que les intentions terroristes sont matérialisées pour Libre Flot, et que les autres sont donc tous·tes coupables par « association ».
Rupture de l’ordre dans la salle
À l’issue de 30 pénibles minutes d’audience, la présidente demande donc l’évacuation de la salle. Tout le Tribunal se retire et les flics se positionnent en vue d’expulser par la force les quelques deux cents personnes présentes. Certains enfilent leurs gants coqués. Les proches se lèvent et viennent serrer dans leurs bras les inculpé·es, qui, on l’a compris, vont être déclaré·es « terroristes d’ultragauche ».
Selon certain·es avocat·es, les réactions de la salle étaient minimes par rapport à d’autres audiences beaucoup plus agitées. Iels tentent d’établir un dialogue avec les juges pour trouver un compromis afin que l’audience puisse reprendre. La juge refuse de les recevoir. De nouveaux policiers rentrent en masse pour évacuer la salle, ils demandent aussi aux journalistes de quitter les lieux, personne ne bouge.
Deux inculpé·es s’expriment face à la salle. On réfléchit avec les avocat·es : tout le monde doit-il sortir ou pas ? « Oui, laissons la farce continuer toute seule ! » lance Camille. « Je dois rester dans la salle au cas où un mandat de dépôt différé se transforme en mandat d’arrêt immédiat » ajoute Florian après réflexion. Les trois quarts de la salle sortent finalement et une quarantaine de proches restent.
Ce moment de flottement dure plus d’une heure. L’ambiance est électrique, même les journalistes semblent choqué·es du résultat du jugement et de la tournure que prend l’audience.
À son retour, la juge dénonce des propos « injurieux et outrageants ». Elle répète un article de loi pour menacer les personnes qui recommenceraient. Les propos en question étaient: « Menteuse! », « C’est vous les terroristes ! », « Nos réactions sont le reflet de vos immondices » , etc.
Bouffie d’orgueil, la Présidente constate que la salle n’a pas été totalement évacuée et essaye de réaffirmer son autorité, que plus personne ne considère légitime (même pas les flics on dirait !). Elle prétend que la salle est encore trop pleine, et exige arbitrairement que seules 3 personnes par inculpé·e soient autorisées à rester. Elle lance également : « Je ne rendrai pas le délibéré devant une audience vide ! » Puis les 3 juges repartent, on croit rêver.
Le caprice passé, les juges reviennent à nouveau (personne n’a bougé !). Furieuse, la juge passe outre ses devoirs de fonctionnaire de justice, rémunérée grassement par nos impôts, et décide de passer directement au prononcé des peines, sans prendre la peine d’expliquer en détail ses motivations. Les avocat·es s’offusquent mais, autoritaire, elle demande aux prévenu·es de s’aligner devant elle pour annoncer les peines.
Peines
Le verdict est tranchant et plus sévère pour la plupart que les réquisitions du PNAT (parquet national anti-terro). Tous·tes sont reconnu·es coupables d’« association de malfaiteurs terroriste » et trois d’entre-elleux de « refus de communiquer ses conventions de déchiffrement ».
Les peines vont de 2 à 5 ans de prison, dont plusieurs mois de sursis probatoire (de 15 à 30 mois). Des périodes de prison ferme sont prononcées pour cinq inculpé·es (aménageables en prison à domicile sous bracelet électronique). Iels devront effectuer entre 8 à 12 mois de bracelet.
L’inscription au FIJAIT (20 ans) est actée pour tout le monde sauf pour un inculpé, « au vu de sa personnalité », autrement dit, le moins militant.
Sont également prononcées l’interdiction de communiquer entre elleux pendant tout le temps de leur peine, et l’interdiction de porter une arme pendant dix ans.
Détails du probatoire : la période de sursis probatoire est assortie d’un panel de mesures de contrôle médico-social : obligations de soin (notamment addictologie) et obligations de travail. Six d’entre-elleux écopent d’une inscription au FIJAIT (20 ans).
Florian – 5 ans dont 30 mois avec sursis probatoire. Reste à purger : 8 mois de bracelet.
Simon – 4 ans dont 25 mois avec sursis probatoire. Reste à purger : 12 mois de bracelet.
William – 3 ans dont 20 mois avec sursis probatoire. Reste à purger : 12 mois de bracelet.
Camille – 3 ans dont 2 ans avec sursis probatoire. Reste à purger : 8 mois de bracelet.
Manuel – 3 ans dont 15 mois avec sursis probatoire. Reste à purger : 11 mois de bracelet.
Bastien – 3 ans avec sursis probatoire.
Loïc – 2 ans de sursis simple. Pas d’inscription au FIJAIT.
Une volonté d’enterrer définitivement les inculpé·es
Plusieurs inculpé·es avaient commencé ce procès par des déclarations spontanées. Beaucoup ont témoigné avoir été « terrorisé·es » par cette procédure qui les a affaibli·es moralement et physiquement. Plusieurs ont déclaré devoir suivre un traitement depuis, et avoir développé des douleurs physiques somatiques.
Dans leurs mots de la fin, plusieurs ont également déclaré vouloir reprendre une vie normale, développer leurs projets d’autonomie, s’occuper de leurs ami·es en situation de handicap, retrouver leur santé d’avant la répression, devenir parent, tout en restant fier·es de leurs idéaux libertaires et souhaitant continuer à militer pour leurs causes.
Pourtant, le tribunal a décidé de les écraser encore plus que le PNAT. Des peines de prison ferme ont été ajoutées concernant quatre inculpé·es, là où le PNAT n’en demandait que pour Libre Flot. Ces peines, aménageables en détention à domicile (sous bracelet électronique) étaient assorties d’une clause d’exécution provisoire. Cette clause est une récente innovation permettant d’imposer qu’une peine soit effectuée même si la personne fait appel du jugement.
Le summum du sadisme est atteint avec les interdictions de communiquer. Plusieurs inculpé·es, au fil de l’instruction, avaient obtenu le droit de communiquer ensemble, donc il n’y a aucun intérêt d’ordre sécuritaire derrière cette décision punitive.
On pourrait y voir une forme de vengeance perverse, d’autant plus que certaines personnes ont beaucoup insisté sur les liens forts qui les unissaient, depuis parfois de très nombreuses années, sur le fait d’avoir des ami·es en commun et même, pour certains, des projets de vie conjoints.
La probable intention derrière ces interdictions est d’anticiper l’Appel, et ainsi d’empêcher encore une fois les inculpé·es et leurs proches d’organiser leur défense collectivement, de se remémorer ensemble les faits qu’on leur reproche, de travailler sur leur dossier en échangeant, etc.
Nous faisons face à une institution qui ne supporte pas que l’on s’oppose à elle, qui monte de toute pièce des « groupes » inexistants puis cherche par tous les moyens à isoler les personnes qu’elle réprime. Il n’y a évidemment aucune notion de Justice, ni même de sécurité, qui entrent en considération dans ces calculs, mais uniquement un projet politique d’écrasement des opposant·es. Il s’agit de les empêcher de se reconstruire entre pairs.
Rappel du réquisitoire
Le PNAT demandait des peines inférieures à celles prononcées, sauf pour Libre Flot.
– Loïc : 2 ans d’emprisonnement avec sursis simple, 1500€ d’amende, 10 ans d’interdiction arme
– Manu : 3 ans d’emprisonnement dont 2 ans sursis et probatoire, 10 ans d’interdiction de détention d’armes
– Camille : 3 ans d’emprisonnement avec sursis et probatoire, 1500€ d’amende, 10 ans d’interdiction de détention d’armes
– Bastien : 3 ans d’emprisonnement avec sursis et probatoire, 10 ans d’interdiction de détention d’armes
– William : 4 ans d’emprisonnement dont 3 ans avec sursis et probatoire, 10 ans d’interdiction de détention d’armes
– Simon : 5 ans d’emprisonnement dont 4 ans avec sursis et probatoire, 10 ans d’interdiction de détention d’armes
– Florian : 6 ans d’emprisonnement avec mandat de dépôt différé, plus 3 ans de sursis, 10 ans d’interdiction de détention d’arme.
FIJAIT : terroristes à vie
La condamnation pour terrorisme et l’inscription au FIJAIT (Fichier des Auteurs d’Infractions Terroristes) constituent une condamnation à vie. L’antiterrorisme étant devenu le principal moteur des politiques militaro-sécuritaires, les lois évoluent à chaque fait divers, tandis que la notion de « terrorisme » s’élargit en permanence alors que les gouvernements apportent leur appui à des régimes génocidaires.
Concrètement, l’inscription au FIJAIT dure 20 ans après la condamnation, il empêche l’exercice d’un certain nombre d’emplois (toute administration publique par exemple). Pendant 10 ans, toute personne au FIJAIT doit pointer tous les trois mois au commissariat, justifier de son domicile auprès de la préfecture et signaler chaque déplacement à l’étranger (et la raison de ce déplacement) au minimum 15 jours avant son départ.
Le non-respect de ces règles peut entraîner 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.
La loi « séparatisme » a élargit l’inscription au FIJAIT au délit d’ « apologie du terrorisme », qui est aujourd’hui utilisé contre les expressions de soutien au peuple palestinien. Nul doute que ce n’est que le début de l’offensive du pouvoir dans le but d’élargir le champ d’application de ce fichier et les obligations qui l’accompagnent.
Dans le contexte actuel d’extrême-droitisation de l’Europe, il est évident que les mesures administratives liberticides vont se multiplier et se durcir. D’abord expérimentées à l’encontre des étranger·ères, puis au nom de l’antiterrorisme, le déploiement de mesures de contrôle juridico-administratifs permet à l’État d’étendre son filet répressif à des contextes jusqu’alors hors-champs. D’un côté, l’institution judiciaire étend ses outils de contrôle pré-sentenciels à des situations post-sentencielles, tout en condamnant non plus des faits mais des supposées intentions. De l’autre, le Ministère de l’Intérieur court-circuite l’institution judiciaire en élargissant ses outils de contrôle administratif.
En suivant la logique de guerre sociale à l’œuvre actuellement, on pourrait facilement imaginer que, dans les années à venir, les personnes fichées « S » ou « terroristes » seront privées de droits sociaux (RSA), interdits de moyens de transport collectifs (SNCF), etc.
C’est en tout cas dans ce sens que les parlementaires continuent à légiférer, en témoigne le projet de loi antiterroriste actuellement en cours de validation, qui entend déployer de nouvelles mesures de privation de liberté aux personnes ayant déjà purgé leurs peines.
Dans un tel contexte, l’inscription au FIJAIT est une condamnation à vie qui aura des répercussions pour l’instant encore impossibles à mesurer. Elle plonge les camarades et leurs proches dans une incertitude et une vulnérabilité extrême face à l’avenir et à leur capacité à s’impliquer dans les mouvements sociaux.
Appel du jugement et sursis probatoire
Seul l’inculpé qui écope de 2 ans avec sursis simple sans inscription au FIJAIT ne fait pas appel. Les autres six inculpé·es font appel du jugement malgré le fardeau que représente cette affaire. Cinq d’entre elleux ont une peine ferme aménageable en bracelet électronique avec exécution provisoire (de 8 à 12 mois).
Lors des rendez-vous avec la juge d’application des peines anti-terroriste (JAPAT) le 15 et le 22 janvier, cette dernière a décidé de ne pas appliquer la clause d’« exécution provisoire de la peine », attachée au principe de « vous faites appel, donc la peine prononcée peut être remise en question ».
La mention d’exécution provisoire prononcée par la juge Brigitte Roux n’est donc pas appliquée. Concrètement, aucun des 6 inculpé·es (faisant appel) n’aura l’obligation de porter un bracelet électronique pour le moment.
Pour ce qui concerne les mesures prescrites dans le cadre du sursis probatoire (obligation de soins, obligation de travailler, etc.) et l’interdiction de communiquer entre les inculpé·es, la mention d’exécution provisoire est maintenue par la juge d’application des peines.
Ces contraintes placent les inculpé·es dans une situation complexe en vue de la préparation de leur procès en appel (interdiction de communiquer!). Cependant, les interdictions de quitter le département ont été levées, ce qui constitue un gain de liberté important !
L’appel peut avoir lieu dans environ 12-15 mois, ce qui laisse peu de temps à la Défense pour se préparer. D’autant plus que le Tribunal exerce une rétention du jugement, c’est à dire que les motivations détaillées qui ont conduit les juges à prononcer leurs peines n’ont pas été communiquées à la Défense, l’empêchant de préparer le procès en appel. C’est une pratique mafieuse et indigne, mais qui semble monnaie courante dans ce microcosme hors-sol qu’est l’institution judiciaire.
Le PNAT a également fait un « appel d’incidence » à l’encontre des six inculpé·es faisant appel, ce qui permet au jugement en appel d’être plus sévère encore.
Les scénarios potentiels sont :
– Relaxe ou peine correspondant à la détention provisoire déjà effectuée : pas de nouvelle peine de prison.
– Confirmation du verdict du 22 décembre 2023 : entre 8 et 12 mois de bracelet pour les inculpé·es.
– Ou alors, dans le pire des cas, la peine prononcée peut être encore plus lourde… (notamment avec mandat de dépôt).
Perspectives de lutte
Nous appelons à continuer le soutien aux inculpé·es du 8/12 par tous les moyens : politiques, financiers et médiatiques. Toute initiative est la bienvenue et les comités de soutien peuvent être contactés facilement ici : https://soutien812.blackblogs.org/contact/
Le combat mené contre cette affaire a d’ores et déjà permis de ne pas être réduit·es au silence, grâce à une myriade de compagnon·nes, de médias militants et de journalistes alertes que nous remercions grandement. Et ce, malgré les nombreuses censures auxquelles nous avons fait face (par la direction de RadioFrance, par exemple).
L’action des comités à permis également d’informer et de dénoncer très largement dans nos territoires de lutte locaux jusqu’à de nombreux pays d’Europe, dans lesquels il y a eu des actions de solidarité. Cette solidarité internationale est une force et nous permet d’apprendre mutuellement sur les dynamiques répressives à l’œuvre et nos analyses stratégiques de la situation. Profitons-en pour envoyer un message de soutien aux militant·es antifascistes, dits « Antifas de Budapest », actuellement en procès en Hongrie.
Nous sommes des millions à avoir pris conscience que, à mesure que la fascisation de l’Europe progresse, le statut de « terroriste » sera réservé à quiconque s’opposera viscéralement à l’ordre établi. Là où les gouvernements multiplient leurs alliances idéologiques, commerciales et militaires avec des régimes criminels et génocidaires, le terme « terroriste » nourrit une inversion totale de la réalité. Cette inversion fait la promotion d’une explosion des violences d’État et des violences capitalistes d’une part ; et d’autre part elle tente de diviser le mouvement social afin d’en saper l’efficacité.
Cela nous rappelle la longue histoire des luttes de décolonisation, de l’Algérie à l’Afrique du Sud, du Kurdistan à la Palestine, qui ont toutes été criblées des balles de l’antiterrorisme, jusqu’à aujourd’hui encore.
Face à l’inanité de l’institution judiciaire, la voie de l’abolitionnisme pénal devient de plus en plus claire pour un nombre croissant de personnes. Nous faisons face à une corporation héritée de l’ancien régime, qui n’a rien perdu de son rôle de bourreau au nom de principes fondateurs divinisés. Les Tribunaux assument parfaitement leur sale boulot de nettoyage social, entassant les pauvres dans des prisons insalubres pour invisibiliser les résultats sociaux désastreux de la Macronie. Finissons-en avec la « justice » des Palais !
D’autres campagnes de soutien seront organisées en vue du procès en appel. D’ici là, continuons de nous informer, de nous défendre et nous solidariser avec les cibles de la répression.
VENDREDI 22 DÉCEMBRE DÈS 9H DEVANT LE TGI DE PARIS
Le jugement sera rendu. Nous invitons à une présence solidaire de tous·tes les personnes, collectifs et organisations qui ont manifesté leur soutien depuis trois années face à cette mascarade antiterroriste.
Trois années passées à dénoncer les méthodes de l’antiterrorisme (en France et dans le monde), à soutenir les inculpé·es dans leurs frais de justice assommants, à faire du lien entre camarades ciblé·es par la répression, à briser l’isolement dans lequel l’État tentait de nous enfermer. Trois années à témoigner, documenter et avertir.
Aujourd’hui, force est de constater qu’il n’y a plus que les médias d’extrême-droite qui soutiennent sans distance le récit aberrant du Parquet National Anti-Terroriste. Les manigances honteuses de la DGSI, du PNAT et du Juge d’Instruction ont éclaté au grand jour : tous ces faux PV, ces sonorisations où on entend rien, cette sélection de 0,7 % des sonorisations pour monter un récit, cette criminalisation d’outils informatiques basiques, et surtout les violences abjectes infligé·es par cette procédure (de la surveillance au procès, en passant par les arrestations et l’emprisonnement).
Malgré l’absence d’entraînement paramilitaire démontrée, et malgré l’absence totale de projet terroriste, les peines demandées sont lourdes : prison (avec sursis), obligations de soin, inscription au FIJAIT (20 ans) ; et visent à renvoyer au trou LibreFlot pour 4 ans fermes. Une hargne punitive qui ne répond à aucun intérêt de sécurité publique mais qui témoigne de cette radicalisation de la justice qui s’observe quotidiennement.
Nous vous invitons à accompagner avec joie et solidarité les inculpé·es du 8/12. On y partagera le café, des brochures, des nouvelles, des chansons, un pique-nique, de la musique (bien rythmée, pour se réchauffer) ! N’hésitez-pas à amener ce qui pourrait mettre de la chaleur devant ce Tribunal de Grande Immondice.
Le rendu de ce jugement historique décidera si oui ou non l’antiterrorisme peut se déployer sur les activismes radicaux : des ZADs aux squats, des tête de cortège aux teufs, du soutien aux exilé·es à l’internationalisme.
Pour la vie, pour la liberté, relaxe pour les inculpé·es !
Depuis la semaine antinuk de Caen, on voulait exprimer notre solidarité, notre force et notre rage avec les inculpé.es de l’affaire dite du 8 décembre, accusé.es d’association de malfaiteurs terroristes.*
Le procès s’est tenu pendant 4 semaines en octobre à Paris, et le rendu est prévu pour le 22 décembre prochain. Le proc requiert jusqu’à 6 ans ferme, pour l’un d’eux.** Des militant.es écologistes qualifiées d’ »écoterroristes » à l’apologie du terrorisme pour un soutien au peuple palestinien, l’Etat fascisant utilise de plus en plus largement l’accusation de terrorisme pour museler toute contestation. Alors que la justice bourgeoise veut faire jurisprudence de l’affaire du 8 décembre, il nous apparaît nécessaire d’exprimer notre solidarité, tant nos luttes sont elles aussi concernées.
Solidarité face à la répression! A bas l’Etat, la DGSI et la SDAT!