Dissolution et antiterrorisme : soutien à la Défense Collective

Soutien à la Défense Collective de Rennes

Les comités bretons de soutien aux inculpé·es du 8/12 expriment leur solidarité avec la Défense Collective de Rennes contre la procédure de dissolution administrative décrétée par Macron, Attal et Darmanin. Une dissolution issue d’un travail réalisé main dans la main avec les Renseignements Territoriaux, la Préfecture et les équipes de tord-la-loi du gouvernement.

Depuis plusieurs mois, la préfecture multipliait les attaques médiatiques contre le mouvement radical rennais, les qualifiant dans les médias de « terroristes ». A l’heure où le recours à la torture contre des terroristes (présumés) est valorisé sur C8 et où l’antiterrorisme russe est glorifié (de nombreux compagnons anarchistes, antifascistes et antimilitaristes en font les frais) ; l’emploi de ce terme n’est ni anodin, ni un simple abus, c’est une incitation délibérée à la haine et une provocation à la violence envers les camarades du mouvement social.

Le recours à la torture blanche contre Libre Flot nous a tristement offert un regard lucide sur la fascisation de la répression par la biais de l’antiterrorisme. Nous n’oublions pas non plus comment les unités spéciales antiterroristes ont été déployées pour réprimer dans le sang la colère des jeunes suite à l’assassinat de Nahel.

Après l’arrestation d’un·e amie rennaise par la DGSI le 8 décembre 2020, c’est une nouvelle attaque directe de la Macronie qui vient cibler les milieux radicaux rennais. Cette nouvelle attaque nous touche particulièrement car les propos alcoolisés utilisés pour faire condamner les inculpé•es du 8/12 résonnent fortement avec les commentaires non-modérés utilisés pour justifier la dissolution de la Défense Collective.

Nous partageons la même rage et envie de ne pas nous laisser faire face aux puissants de ce monde, et ce sont aussi les même intentions révolutionnaires contre le capitalisme et l’État qui sont ici criminalisées.

De Bure à Lafarge, des inculpé·es du 8 décembre à l’affaire du 15 juin, de Boris à Serge, de la Palestine au Rojava, de la Grèce à l’Allemagne,

Solidarité antifasciste et internationaliste !

Historique rapide de la dissolution administrative.

La dissolution administrative est une mesure de police administrative. Elle fut promulguée le 10 janvier 1936 par une gauche vacillante face à la menace d’un coup de force fasciste comme celui du 6 février 1934. C’est une loi par définition autoritaire et exceptionnelle, de « sûreté de l’État » qui donne au président de la République la possibilité de dissoudre des « associations provoquant des manifestations armées dans la rue, ou ayant pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire, ou d’attenter par la force à la forme républicaine du gouvernement ». Principalement pensée pour défaire les ligues royalistes et fascistes qui prenaient de l’ampleur (Camelots du Roi, Croix de Feu, Parti National Breton).

De décennie en décennie, et à mesure que l’usage de cette loi se répand, l’étendue des motifs justifiant la dissolution va s’élargir bien au-delà des « groupes de combat » et une présence armée dans les rues. Cette arme républicaine sera rapidement utilisée contre des organisations indépendantistes anticoloniales (Étoile Nord-Africaine en 1937, Parti du Peuple Africain en 1939, etc.), puis très vite sur des organisations de gauche révolutionnaire.

En juillet 1941, le régime de Vichy abroge la loi initiale et opère une première extension légale (qui ressemble fortement à la définition actuelle) ciblant les associations ou groupements « dont les agissements se seront révélés contraires à l’intérêt général du pays ».

Puis, elle sera remise en place à la sortie de la seconde guerre mondiale, connaissant là encore des élargissements à l’« entrave au rétablissement de la légalité républicaine » puis aux « faits de collaboration ». Elle servira donc dans un premier temps à empêcher l’organisation d’anciens collabos, mais elle va aussi être utilisée tout au long du 20e siècle contre des mouvements indépendantistes et décoloniaux : Délégation générale des Indochinois (juin 1945), Parti national malgache (mai 1947), Union des Vietnamiens de France (septembre 1950), Union des populations du Cameroun (juillet 1955), Parti communiste algérien (septembre 1955), Front commun antillo-guyanais (juillet 1961), Mouvement populaire de la Côte française des Somalis (juillet 1967), Alliance révolutionnaire caraïbe (mai 1984), Mouvement corse pour l’autodétermination (janvier 1987), Iparretarrak (juillet 1987), etc.

Sous De Gaulle, l’ordonnance du 22 décembre 1960 va permettre d’étendre la dissolution aux organisations provoquant à « des manifestations contraires à l’ordre public, lorsque ces manifestations ont été interdites par l’autorité compétente », ainsi que celles manifestant « leur solidarité, soit par des prises de position publique, soit dans l’action » avec des organisations dissoutes. Là encore, même procédé : les groupes officiellement visés par cette extension sont des organisations d’extrême-droite d’un côté (Front de l’Algérie Française, Front National Combattant, Organisation Armée Secrète, etc.) et dans la même séquence des organisations anticolonialistes (Front commun antillo-guyanais, Rassemblement des populations tahitiennes, etc.). Et enfin, 11 organisations ayant pris part au mouvement de Mai 68 seront dissoutes dans un même décret, le 12 juin 1968.

En 1972, la loi du 1er juillet, présentée comme outil de lutte contre le racisme, y ajoute la possibilité de dissoudre des associations « incitant à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; propageant des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ».

En 1986, la loi du 9 septembre sur le terrorisme rajoute la disposition : « qui se livreraient, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger » qui va servir à attaquer le mouvement kurde en France quelques années plus tard.

Et enfin, la loi du 5 juillet 2006 sur les violences lors des manifestations sportives étend la dissolution aux supporters ultras « Paris 1970 – La Grinta », « Supras Auteuil 91 », « Les Authentiks », « Cosa Nostra Lyon ».

Tous ces règlements finiront par être codifiés dans l’article L-212 du Code de Sécurité Intérieure en 2012. Une dernière modification y a été faite par la loi « séparatisme » du 24 août 2021. Ces derniers ajouts sont en gras.

Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait : 1° Qui provoquent à des manifestations armées ou à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens ; 2° Ou qui présentent, par leur forme et leur organisation militaires, le caractère de groupes de combat ou de milices privées ; 3° Ou dont l’objet ou l’action tend à porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou à attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement ; 4° Ou dont l’activité tend à faire échec aux mesures concernant le rétablissement de la légalité républicaine ; 5° Ou qui ont pour but soit de rassembler des individus ayant fait l’objet de condamnation du chef de collaboration avec l’ennemi, soit d’exalter cette collaboration ; 6° Ou qui, soit provoquent ou contribuent par leurs agissements à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ; 7° Ou qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger. Le maintien ou la reconstitution d’une association ou d’un groupement dissous en application du présent article, ou l’organisation de ce maintien ou de cette reconstitution, ainsi que l’organisation d’un groupe de combat sont réprimées dans les conditions prévues par la section 4 du chapitre Ier du titre III du livre IV du code pénal.

Au vu des usages passés et de son élargissement inouï ; de telles extensions des motifs de dissolution administrative sont à même de ciblerdes pans entiers du mouvement socialet à criminaliser toutes critiquesradicales de l’ordre dominant et ses sbires institutionnels.

Comme toute mesure de police administrative, il s’agit d’un geste autoritaire et quasi libéré d’encadrement judiciaire. Cependant, même si elle a des conséquences nuisibles sur les communautés qu’elle vise, notamment par la menace judiciaire de « reconstitution de ligue dissoute » qu’elle fait planer sur les membres supposé·es (3 ans de prison), elle n’a jamais suffit à elle seule à endiguer les mouvements qu’elle ciblait. La dissolution administrative est toujours un élément complémentaire d’une distribution plus large de la violence étatique.

Le rôle de l’antiterrorisme et du renseignement dans les dissolutions

« Notre main ne tremble pas quand il s’agit de défendre la République face à ceux qui croient pouvoir la faire plier. »

– Gabriel Attal à propos de la dissolution de la Ligue de Défense des Noirs Africains (2021) –

Les cas de dissolutions administratives en lien avec des opérations répressives de grande ampleur (et des intérêts géopolitiques) sont nombreux, les exemples les plus sanglants concernent les luttes anticoloniales (Madagascar, Kanaky, Algérie, etc.). Contrairement à ce qui est régulièrement dit, l’usage de cet outil « d’exception » en complément des massacres coloniaux n’est pas un dévoiement d’une loi à d’autres fins – les colonies ayant été historiquement le lieu par excellence de l’exception et de l’expérimentation répressive. La loi de 1936 sur la dissolution des milices de combat a simplement suivi le même processus de militarisation de l’ordre étatique, à l’instar des armes de la police, des techniques contre-insurrectionnelles, et de l’arsenal antiterroriste.

L’antiterrorisme et le renseignement ne sont donc jamais loin des procédures de dissolutions. Ces dernières ont accompagné la répression militaire des mouvements de lutte contre le colonialisme français (organisations indépendantistes algériennes, malgaches, bretonnes, corses, basques, antillaises, kurdes, vietnamiennes, camerounaises), servant de complément à l’action contre-subversive.

Depuis 2015, le gouvernement a fait dissoudre une trentaine d’organisations avec plus ou moins de facilité. Pour certaines, la dissolution s’est effectuée sur des bases de rapports du renseignement, voir parfois uniquement de notes blanches affirmant des « liens avec les milieux djihadistes ». La loi séparatisme et la production rapide de jurisprudences via les recours au Conseil d’État ont élargi drastiquement les possibilités de dissolutions. Cette loi du 10 janvier 1936, pensée par l’État comme une arme d’ultime recours face au péril fasciste, nous enseigne que le combat antifasciste ne peut se mener avec les armes de l’État car elles se retournent toujours contre le mouvement social. C’est le cas pour les outils répressifs en général comme l’a très bien montré l’historienne Vanessa Codaccionni.

Le rendu du Conseil d’État sur la non-dissolution des Soulèvements de la Terre a été médiatisé à tord comme une victoire, alors qu’il confirmait un approfondissement répressif via la dissolution de la Coordination contre le Racisme et l’Islamophobie (CRI) et la GALE. Le décret de dissolution de la Défense Collective de Rennes publié ce 3 avril 2024 utilise abondamment l’argument qui a justifié la dissolution du CRI : la non-modération de propos sur les réseaux sociaux. Argument lui-même issu de la dissolution définitive de Baraka City en 2021. Comme pour la DefCol, plusieurs années de posts sur les réseaux sociaux, soigneusement compilés par le renseignement, venaient appuyer la dissolution de Baraka City. L’élément déterminant qui a fait jurisprudence est la non-modération des commentaires. C’est à dire que l’association (ou le groupement) et son leader présumé, sont tenus pour responsables des commentaires sous leurs publications : « ne pas censurer = promouvoir ».

Dans toutes les critiques qui ont été apportées à cet outil répressif, peu ont souligné le rôle central des services de renseignement et leur place dans la construction d’ennemis intérieurs en lien avec la répression antiterroriste. La dissolution administrative devrait être analysée comme un élément complémentaire de la politique antiterroriste, ciblant particulièrement trois « ennemis intérieurs » triés en trois catégories : « ultragauche » (Lafarge, Affaire du 8/12, Bloc Lorrain, Défense Collective, etc.), « ultradroite » (Alvarium, La Citadelle, Génération Identitaire, Waffencraft, Barjols, etc.), et « islamisme » (CCIF, CRI, Comité Action Palestine, Palestine Vaincra, etc.).

La loi du 11 juillet 1972 sur l’administration va rendre obligatoire l’exposé des motifs de toute décision de police administrative1, renforçant dès lors le pouvoir des rapports du renseignement dans des procédures de dissolution.

Pour qui a été la cible de l’antiterrorisme, comme l’algérien Rabah Meniker, nous savons que les fantasmes peuvent coûter cher, et par quels procédés ces même services de « renseignements » peuvent créer des coupables à partir de petits riens. Comme nous l’expliquions déjà dans un autre texte, « la surveillance est utilisée en antiterrorisme comme un outil de déformation de la réalité. Elle permet à l’accusation de disposer d’une quantité phénoménale d’informations dans lesquelles elle n’a plus qu’à piocher les quelques éléments qui, une fois décontextualisés, serviront à matérialiser la fiction policière. Le reste étant soigneusement ignoré, la surveillance ne vise en aucun cas à rendre compte d’une quelconque réalité mais à augmenter la probabilité de rendre vraisemblable un scénario pré-établi. »

Il y a également des dissolutions qui passent inaperçues, dont les procédés sont pourtant identiques, comme celle de la maison d’édition Nawa en septembre 2021. Cette dernière était accusée (par les renseignements via la bouche immonde de Darmanin) d’être un organe de propagande islamiste. En réponse, Nawa dénonçait « des petites accusations, de types personnels, nourries de rapprochements fallacieux, inexacts, mensongers et surtout, absolument indignes d’un État de droit disposant de services de renseignements capables de mener des enquêtes précises et motivées. Au-delà d’accusations issues de fameuses “notes blanches” qui falsifient, tronquent et résument, à la guise de l’accusation, certains prétendus propos ».

Même procédés également pour La Voie Droite, plateforme en ligne qui diffuse des centaines contenus religieux depuis 2012 et prend « le risque de clamer publiquement [son] opposition à la tendance pro-terroriste] ». Le dimanche 23 janvier 2022, après un documentaire M6 sur « l’islam radical », Darmanin annoncait leur dissolution. Leur communiqué de défense répliquait qu’ « interpréter des passages tronqués et pris hors-contexte aboutit souvent à des conclusions erronées ».

Novembre 1993 : dissolutions et rafle antiterroristecontre les kurdes

En novembre 1993, le sinistre Charles Pasqua lançait une énorme opération antiterroriste visant la communauté kurde militante. La police procéda à une « vaste opération d’interpellations d’environ 200 personnes dans toute la France ». Quelques jours après, le Conseil des Ministres ordonna la dissolution par décret de deux associations kurdes comprenant des centaines de membres.

Stéphane Maugendre, alors avocat d’un des accusé.es déclarait : « Deux semaines après la rafle touchant les membres présumés en France du Parti des travailleurs du Kurdistan, ce mardi, Charles Pasqua a voulu à sa manière boucler le dossier policier de l’affaire. A sa demande, le Conseil des ministres d’hier matin a dissous par décret deux importantes associations présentées par le ministre de l’ Intérieur comme « des façades légales du PKK qui, en France comme dans d’autres pays d’Europe, se livre à des actions de caractère terroriste ou délictuel ». Il s’agit du Comité du Kurdistan et de la Fédération des associations culturelles et des travailleurs patriotes du Kurdistan en France, Yekkom-Kurdistan, ainsi que de sept comités appartenant à cette dernière, qui rentreraient sous les coups de la loi de janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées. »

Dès le lendemain le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) écrivait dans un communiqué :

«Sous prétexte de « chasse aux terroristes », la police française, procédait sur ordre du ministre de l’Intérieur et avec approbation du gouvernement turc, à une rafle parmi les réfugiés kurdes, simultanément, dans plusieurs villes de France: arrestations arbitraires d’une centaine de personnes, perquisitions, locaux associatifs saccagés. »

Même si cette opération débouchera sur un non-lieu 8 ans après (en 2001), pour les 31 personnes mises en examen (« association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ») et leurs proches, la procédure elle-même aura été une peine pour toute la communauté kurde française. Plusieurs mois de détention provisoire (jusqu’à 6 mois), des années de contrôle judiciaire, de surveillance, de frais de justice, et une mise en danger de mort par la divulgation de documents « secret défense » de la DST fuités dans un journal turc (les noms des interpellé·es furent donnés à la police turque).« A quel prix les Kurdes ont-ils été vendus ? » titrait à l’époque le journal duMRAP, « Contre les 235 millions de dollars que représente la vente des hélicoptères « Puma » si efficaces pour la répression des Kurdes en Turquie ? »

Le président de la Fédération Internationale des Ligues de Droit de l’Homme, dénonçait également:

« Il y a trois semaines, le ministre de la Défense, M. Léotard, a réalisé un fructueux contrat de vente d’armes à Ankara. Dans cette affaire, la France était en concurrence avec d’autres pays. La rafle des Kurdes a été la cerise sur le gâteau. »

Trois jours avant cette opération anti-kurde de 1993, le renseignement préparait le terrain en diffusant sa story confusionniste. Le 15 novembre 1993, la DST (Direction de la Surveillance du Territoire, ancêtre de la DGSI) transmettait à la DGPN (Direction générale de la police nationale) un rapport « faisant état d’informations recueillies sur le PKK qui en utilisant en France un réseau associatif, y commettrait des actions criminelles ou délictuelles ». Le biais anti-immigré de la DST leur faisait même écrire que la recrudescence des actions du PKK en France serait « à relier à l’augmentation de l’immigration turque et kurde, notamment clandestine ou dans le cadre de demandes d’asile plus ou moins fantaisistes ». Fins analystes, l’intensification de la guerre génocidaire menée par l’État turc contre le Kurdistan n’apparaissait pas dans leurs conclusions sur les causes de cet activisme.

Pour appuyer ce sinistre spectacle médiatique antiterroriste, un autre coup (monté) de filet était ordonné simultanément dans « les milieux islamistes ». Pasqua déclarera : « Certaines personnes interpellées s’apprêtaient à commettre des attentats en France » et on finira par apprendre bien plus tard que « les services » avaient créé de fausses preuves.

Génération Identitaire, Argos et la reconstitution de ligue dissoute

« Nous ne laisserons aucun groupe dissous se reconstituer. »
Tweet de Darmanin à propos d’Argos, le 12 mars 2024 –

Ce 12 mars 2024, une douzaine de militants d’extrême-droite, en lien avec le groupe Argos, sont arrêtés et perquisitionnés. On leur reproche la reconstitution illégale de Génération Identitaire (groupement dissous en 2021). D’après le juriste Matta Duvignau, le décret de dissolution était riche de « faits précis et documentés », glanés par le renseignement et permettant de la faire entrer dans la définition d’un groupe de combat2 car elle employait une « une symbolique et une rhétorique martiales » :

« Il suffit de lire les pages du décret prononçant la dissolution de Génération Identitaire pour en constater non seulement sa précision mais aussi sa « richesse » : éléments factuels, précis, datés, circonstanciés, indication de noms de personnes, actualisation, etc. […] Qu’il nous soit permis d’émettre une hypothèse, qui n’est en rien, en vérité, originale : cette association – tout comme celles déjà dissoutes il y a quelques mois – faisait probablement l’objet d’une surveillance très étroite de la part des services de renseignements, plusieurs enquêtes ont été menées, des faits précis et documentés ont été rapportés. » nous dit Matta Duvignau.

On peut raisonnablement penser que le décret de dissolution de Génération Identitaire ayant été solidement construit, il devient alors plus aisé de poursuivre une reconstitution de ligue dissoute. L’autodéfense face au renseignement devient alors essentielle, car les éléments de détail du décret peuvent définir plus ou moins de marges de manœuvre.

Cependant on manque de documentation et d’exemples dans les milieux d’autodéfense juridique sur cette procédure. Il y aurait des exemples à rechercher dans les archives de la Cour de sûreté de l’État dans les années 70 où de nombreuses condamnations on eu lieu suite à la dissolution de la Gauche Prolétarienne et du Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France. Les peines distribuées à l’époque (par un tribunal militaire) allaient jusqu’à 2 ans de prison ferme (pour Alain Geismar) et la simple distribution du journal affilié au groupe dissous semblait un élément suffisant pour condamner.

On peut lire dans Le Monde du 18 septembre 1970 que : « La plupart des personnes poursuivies devant la Cour de sûreté de l’État sont inculpées de maintien ou reconstitution de mouvements dissous au terme de la loi du 10 janvier 1936. Elles risquent une peine d’emprisonnement de deux ans : deux groupements sont visés ; d’une part, la Gauche prolétarienne dissoute le 27 mai dernier, et, d’autre part, le Parti communiste marxiste-léniniste de France (P.C.M.L.F.) dissous par un décret du 12 juin 1968. Cinquante-six personnes, sauf erreur, sont inculpées de maintien ou reconstitution de l’ex-Gauche prolétarienne, dont dix-huit sont détenues. Certaines d’entre elles ont été poursuivies pour avoir distribué La Cause du peuple, journal dans lequel s’expriment les idées du mouvement dissous le 27 mai. La plupart sont des étudiants ou de jeunes ouvriers, généralement arrêtés dans la région parisienne, dans le nord, dans l’est, ou dans la région lyonnaise. »

Plus récemment, en 2013, la condamnation de Yvan Benedetti et Alexandre Gabriac ayant dirigé l’Œuvre française et Jeunesses nationalistes révolutionnaires (dissoutes après le meurtre du camarade antifasciste Clément Méric en 2012) donnent un exemple de peines encourues : six mois de prison avec sursis avaient été requis à l’audience le 4 juin devant le tribunal correctionnel, mais les deux nationalistes ont été condamnés à des jours-amendes – 80 jours-amendes à 50 euros pour le premier et 30 pour le second. En appel, Yvan Benedetti avait écopé de 8 mois de prison avec sursis.

Ainsi l’enjeu principal de la dissolution n’est pas de dissoudre en tant que tel, mais de pouvoir criminaliser le fait même de se ré-organiser par la suite. Là où la dissolution est un acte purement politique (émanant directement du gouvernement), l’inculpation pour « reconstitution de ligue dissoute » permet une judiciarisation prévue par le Code Pénal. LArt. 431-17 prévoit : « Le fait d’organiser le maintien ou la reconstitution, ouverte ou déguisée, d’un groupe de combat dissous en application de la loi du 10 janvier 1936 ». C’est un délit puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende.

Dans le contexte actuel de renouveau de l’usage de la dissolution administrative, la production de jurisprudences est au cœur des stratégies répressives contre le mouvement social. Que ce soit par l’article L. 212 du CSI ou l’article 421 du Code Pénal (association de malfaiteurs terroriste), il n’y a aucune raison de se réjouir des menées répressives du gouvernement même quand elles ciblent nos ennemis. Sa prétendue lutte contre « l’ultradroite » ou « l’islamisme radical », n’est que le faux-nez du basculement fasciste en cours qui vise à établir un nouvel ordre militarisé dans lequel des pans très larges du mouvement social sont menacés.

La reconstitution de ligue dissoute est également un moyen d’étendre les prérogatives de plusieurs services de renseignement, qui répartissent leurs activités selon 7 finalités. Les Renseignements Territoriaux, les Renseignements de la Préfecture de Police de Paris, le Renseignement Pénitentiaire, et la Sous-Direction de l’Anticipation Opérationnelle, sont habilités à violer la vie privée des personnes dans le cadre de la finalité 5 : « La prévention de : a) des atteintes à la forme républicaine des institutions ; b) des actions tendant au maintien ou à la reconstitution de ligue dissoute ; c) des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique. »

Ces même services sont ceux qui luttent activement contre le mouvement social et récupèrent des renseignements en vue des dissolutions. Lorsqu’un décret tombe, ils bénéficient dès lors d’un débridage légal qui leur permet de déployer plus de techniques de renseignement.

Il n’y a donc aucune raison de se réjouir de l’opération actuelle menée contre Argos pour « reconstitution de ligue dissoute ». Qui qu’il touche, l’outil répressif reste le même, et toujours dans les même mains : l’État. On a pu voir avec le procès du 8/12 comment une jurisprudence contre un attentat djihadiste pouvait être utilisée quelques années plus tard contre un militant ayant combattu Daesh et n’ayant projeté aucun attentat. Il en sera de même pour Argos.

Dissolutions administratives : nouvelles séquences post-2015

La dissolutionnite aiguë que nous connaissons aujourd’hui a été lancée le 14 janvier 2016 (un an après les attentats) avec la dissolution de trois associations musulmanes liées à la mosquée de Lagny, présentée par Bernard Cazeneuve comme un « foyer d’idéologie radicale ». Cette première vague de dissolution est une réaction directe aux attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher de janvier 2015 et elle intervient dans le prolongement d’opérations antiterroristes ciblant la mosquée, mais plus généralement ayant ciblé plus de 5000 familles musulmanes via des « visites domiciliaires » (descentes d’unités de police militarisées).

– Jusqu’en 2019, les décrets de dissolution visent principalement des organisations musulmanes, elles sont toutes ciblées sur la base des articles 6 et 7 (terrorisme).

Article 6 (1972) : « qui, soit provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ».

Article 7 (1986) : « qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger »

– Le 24 avril 2019, suite à un regain d’activisme et des agressions racistes, l’extrême-droite est ciblée par une vague de dissolution via l’article 1 et 6. L’article 7 (terrorisme) n’est pas retenu, malgré les références ouvertes au nazisme et autres groupuscules d’extrême-droite ayant mené des actions terroristes en Europe. Le Bastion Social est dissout, avec six organisations proches : Les Petits Reblochons, l’Association Lugdunum, le Cercle Frédéric Mistral, le Cercle Honoré d’Estienne d’Orves, l’Association Arvernis, et Solidarité Argentoratum. En juillet, le groupe néo-nazi Blood and Honour Hexagone sera également dissout sur la base de l’article 2 et 6.

Article 1 (2012) : « qui provoquent à des manifestations armées dans la rue »

Article 2 (2012) : « ou qui présentent, par leur forme et leur organisation militaires, le caractère de groupes de combat ou de milices privées »

– De février 2020 à août 2021, les décrets de dissolution vont continuer de cibler l’extrême-droite, des organisations musulmanes ou antiracistes. Elles sont toutes en lien direct avec le « terrorisme » et le « séparatisme islamiste » (mobilisant l’article 7), sauf pour les organisations d’extrême-droite.

On constate que les dissolutions sont souvent déclenchées à la suite d’évènements marquants (attentats, meurtres, regain d’activisme), mais là où la première vague de dissolutions en lien avec les attentats de janvier 2015 était intervenue un an après, on remarque une prise en main quasi immédiate cinq années plus tard. En effet, la dissolution de l’association Killuminateam est conjointe avec la mise en examen de son président en février 2020. La dissolution du Collectif Cheikh Yassine intervient dès la fin de la GAV de son fondateur, Abdelhakim Sefrioui, 5 jours après l’assassinat de Samuel Paty. Et l’assassinat sera ensuite instrumentalisé pour légitimer la dissolution du CCIF et de Baraka City.

On peut constater également que l’article 7 (terrorisme) n’apparaît pas dans les motifs de dissolution ciblant l’extrême-droite, malgré les nombreuses condamnations pour terrorisme de ces dernières années, les attentats d’extrême-droite partout dans le monde, et surtout les références idéologiques fascistes. Cette observation confirme toujours un peu plus que la doctrine antiterroriste de l’État vise à protéger l’extrême-droite. La liberté d’expression qui est donnée aux expressions publiques néo-fascistes (légitimation de la torture, chasse aux étrangers, attaques antisociales, négation et soutien à des génocides, réhabilitation mémorielle de figures fascistes, etc.) est hallucinante en comparaison à la criminalisation des propos anti-flics. Et les exemples d’affaires où le Parquet National Antiterroriste (PNAT) n’a pas souhaité se saisir de certains faits est aussi éloquent. Un exemple parmi des dizaines d’autres : le PNAT ne s’est pas saisi suite à l’assassinat de camarades kurdes à Paris en décembre 2022, affirmant que « le racisme n’est pas une idéologie », donc pas politique, donc pas terroriste.

Pas de conclusion

Ce texte se veux une simple contribution aux analyses actuelles sur la répression. Nous espérons susciter des réflexions et surtout promouvoir l’idée que la répression fait système, et que contrairement aux réflexes autocentrés que nous observons souvent dans les milieux gauchistes, il n’y a pas qu’un seul front et les attaques envers d’autres composantes de la lutte (ou hors de nos luttes) sont aussi des attaques contre nous.

Dans ce contexte, on a souhaité insister sur le développement de l’arsenal répressif administratif qui connaît actuellement une croissance inédite. Selon le Syndicat des Avocats de France, « l’action administrative prend ainsi le pas sur la justice » et c’est bien la tendance qui nous inquiète autours de cette question de la dissolution administrative, autant que dans l’arsenal antiterroriste et dans les lois anti-étranger·ères.

Alors que l’institution judiciaire est déjà en voie de militarisation, ce développement extra-judiciaire ouvre la porte à une panoplie d’outils répressifs toujours plus arbitraires et face auxquels l’autodéfense juridique est largement affaiblie. Outre la dissolution administrative, on a vu des camarades kurdes, antifascistes ou écologistes étranger·ères placé·es en CRA et expulsé·es ; des mesures de contrôle post-sentenciels (après l’exécution de sa peine) se généraliser : FIJAIT (20 ans de contrôle), MICAS (jusqu’à 2 ans pour l’instant), déradicalisation (etc.), et parfois hors de tout cadre légal (Kamel Daoudi).

Comme l’analyse le sociologue Samir Amghar à propos des mesures antiterroristes : un des effets recherchés par les milliers de perquisitions administratives, les fermetures de mosquées et les dissolutions à la pelle ; est de pousser à la radicalisation et de produire la menace sur laquelle le gouvernement a fondé son ultime légitimité. Pour utiliser les propos de Darmanin, le gouvernement « favorise un terreau fertile au terrorisme » en renforçant l’islamophobie, le racisme d’État et la guerre aux pauvres.

En même temps qu’il se montre en train de réprimer l’extrême-droite (dissolutions, associations de malfaiteurs, discours de barrage, etc.) l’État promeut la montée d’un certain fascisme dans l’opinion publique afin d’affaiblir l’opposition politique « de gauche » et de pousser à la radicalisation l’extrême-droite.

Cette montée des affects fascisants dans l’opinion publique offre plusieurs bénéfices. D’une part il permet à l’État d’obtenir le consentement des français·es pour une militarisation du régime, en canalisant ces affects vers une dictature militaire (glorification des institutions répressives, patriotisme, mise au travail forcé, etc.). D’autre part il donne l’illusion d’un barrage face à des « extrêmes » (droite, gauche, islamisme) qui mettraient en péril la nation. Et enfin il permet des menées de guerre de classe d’une violence toujours plus assumée.

Cette stratégie de démantèlement sociétal et d’appauvrissement généralisé favorise les faits divers liés à la pauvreté (vols, pétages de plomb, haines, etc.) qui favorisent à leur tour la fascisation de la société et l’empuissantement de la bourgeoisie et de l’État.

Face à tout cela, nous pensons qu’il est indispensable d’élargir nos alliances et nos analyses et surtout d’opposer une solidarité de principe et en actes face à la répression.

La meilleure défense c’est l’attaque !

1 L’obligation de la motivation d’une décision de dissolution est rappelé par le Conseil d’Etat (CE 1984, Fédération d’action nationale et européenne (FANE), n°28070).

2 L’article 431-13 du Code pénal définit : « constitue un groupe de combat, en dehors des cas prévus par la loi, tout groupement de personnes détenant ou ayant accès à des armes, doté d’une organisation hiérarchisée et susceptible de troubler l’ordre public »

Affaire du 8 décembre : poursuivre la mobilisation

Cinq mois après l’infâme procès contre les sept « inculpé·es du 8 décembre 2020 », trois mois après un verdict d’une grande sévérité dépassant les réquisitoires du Parquet National Antiterroriste (PNAT), le combat n’est toujours pas fini pour nos compagnon·es. Alors que presque toustes ont fait appel, et que le Tribunal n’a toujours pas transmis les justifications du jugement, notre soutien financier et politique leur reste indispensable.

Un verdict abject

Les quatre semaines de procès durant lesquelles les inculpé·es et leurs avocat·es ont travaillé à démonter une instruction entièrement à charge n’ont absolument rien changé. Rien ne semble avoir imprimé dans l’oreille d’une juge qui est allé jusqu’à refuser de faire citer les flics responsables de l’enquête pour s’expliquer de leurs méthodes. Les sept accusé·es sont donc reconnu·es coupables d’ « association de malfaiteurs terroriste » et trois d’entre elleux de « refus de communiquer ses conventions de déchiffrement ».

Les peines vont de 2 à 5 ans de prison, dont une partie en sursis probatoire. Des périodes de prison ferme sont prononcées pour cinq inculpé·es. Compte tenu du temps qu’iels ont déjà passé incarcéré·es en préventive, il leur reste entre 8 et 12 mois de ferme à purger, aménageable sous forme de bracelet électronique, auxquels viendra donc s’ajouter une période de sursis probatoire.

L’inscription au Fichier des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT), qui leur promet 20 ans de surveillance, d’obligation de pointer et d’impossibilité de se déplacer comme bon leur semble, est actée pour 6 des 7 inculpé·es.

Est également prononcée l’interdiction de communiquer entre elleux pendant tout le temps de leur peine, invention sadique de la juge qui n’était pas demandée par le parquet. A cela s’ajoute encore un panel de mesures de contrôle médico-social (obligation de soins, de travailler, de résidence fixe…) faisant de leur vie une longue série de rendez-vous chez le psy, l’addicto, le SPIP, l’éducateurice… pour s’assurer de leur « réinsertion ».

Nous n’entrerons pas plus ici dans les détails du jugement pour chacun·e. On les trouvera, avec les comptes-rendus d’audience, sur le blog des soutiens.

Les inculpé·es font appel

Après quelques jours de réflexion, six des inculpé·es ont décidé de faire appel de la décision de justice. Quand aura lieu cet appel ? Personne n’en sait rien. Douze mois, quinze mois, plus, moins, les paris sont ouverts. Cela n’empêche de toute façon pas nos camarades de commencer à purger leur peine, l’appel n’étant pas suspensif des mesures liées au FIJAIT et au sursis probatoire.

Pourquoi alors prendre le risque d’un alourdissement de celle-ci, alors que nous n’avons pas plus confiance dans la Cour d’appel que dans celle de première instance ? Parce qu’au delà du besoin personnel de ne pas se laisser traîner dans la boue et ruiner sa vie sans réagir, il y a un besoin collectif de ne pas laisser graver dans le marbre une telle jurisprudence. Celle-ci laisserait toujours plus de champ libre à l’État pour utiliser les moyens de l’antiterrorisme pour réprimer des pratiques révolutionnaires, de lutte, ou même simplement des paroles et des idées. Tous les recours seront donc utilisés jusqu’au bout, n’en déplaise au PNAT [1].

…Et dans tous les cas, la thune.

Oui mais voilà, tout cela coûte du fric. Malgré un paquet d’événements de soutien depuis 3 ans, ainsi qu’une cagnotte et tout un tas d’aides en nature (logement, bouffe, trajets…) – on ne remerciera jamais assez toutes celleux qui ont mis la main à la patte, et iels sont nombreuses ! – cette affaire a déjà coûté beaucoup d’argent aux inculpé.es et à leur soutien : en frais de justice, en déplacement, etc. Pour se donner une idée, chacun.e des inculpé.es a déjà déboursé plus de 10 000€ de frais d’avocat.es, frais qui ont été partiellement financés par la solidarité collective, mais pas totalement, loin de là. Et ce n’est pas fini.

La plateforme CotizUp qui nous servait de cagnotte a tenté plusieurs fois, à l’approche du procès, de bloquer les virements « pour des raisons de sécurité ». C’est pourquoi on lance une nouvelle cagnotte sur HelloAsso qui nous semble plus fiable, pour recueillir les sous des soutiens. Voici son adresse : https://www.helloasso.com/associations/comite-vertigo/formulaires/9.

Diffusons-la partout, remplissons-la quand on le peut. Encore et encore, organisons des événements de soutien, et informons sur l’affaire du 8 décembre !

En bref

On fait appel de la décision rendue par une justice de classe qu’on dégueule, on fait appel à un soutien financier avec cette nouvelle cagnotte même si ça nous fait sacrément chier de toujours demander de la thune, et on appelle à continuer d’être solidaire de toutes celles et ceux qui subissent la répression parce qu’iels ont décidé de pas se laisser bouffer par ce monde de merde !!!

P.-S.

Infos et suivi des mobilisations ici :
https://soutienauxinculpeesdu8decembre.noblogs.org/
https://soutien812.net/

Notes

[1] L’appel n’étant pas le seul recours. Le 13 mars, Florian alias Libre Flot sera devant le Conseil d’État pour contester la légalité de la surveillance hors de toute procédure dont il a fait l’objet avant février 2020.

#Procès812 : le devenir terroriste des luttes. Retours sur le rendu du jugement.

Une belle solidarité !

Plus de 200 personnes étaient présentes au rassemblement pour soutenir les ami·es. Une présence chaleureuse et solidaire, avec banderoles, pinata, boissons chaudes, gâteaux, tee-shirts, stickers et batucada. Le rassemblement sera bref, presque tout le monde s’engouffre dans cet immense immeuble de verre et de béton armé, pilier du pouvoir d’État qui trône Porte de Clichy à Paris.

La salle est pleine à craquer, la tension palpable.

Les inculpé·es entrent petit à petit et des applaudissements retentissent en guise d’encouragements.

Des proches sont présent·es, la famille et les ami·es, et également beaucoup de soutiens politiques.

Rejet des demandes de la Défense

L’alarme sonne, le Tribunal entre et exige le garde-à-vous de la salle. L’audience démarre. Brigitte Roux – la présidente -, le regard sévère, ouvre rapidement les hostilités : toutes les demandes de la Défense sont rejetées une par une.

La Question Prioritaire de Constitutionnalité (à propos de la possibilité de faire citer des agents du renseignement) : « Pas transmise ».

La récupération des données sous scellé (accès à divers supports de stockage détenus par la DGSI pour vérifier des éléments d’accusation) : « Il n’y a pas lieu vue la complétude des débats ».

Faire citer les agents 856SI et 1207SI : « Pas nécessaire ».

Déclassifier les informations  « secret-défense » de l’expert en explosifs de la Préfecture de Police: « Les parties ont pu débattre », donc c’est non. 

Écarter l’expertise si les sources ne sont pas déclassifiées (car cela pose un problème de « contradictoire ») : « Il n’existe aucune disposition pénale qui permettrait d’écarter les rapports », c’est possible au civil mais pas dans le cadre d’une procédure pénale.

Demander à la DGSI de transmettre les vidéos des GAV (durant lesquelles de nombreux actes illégaux ont été dénoncés) : « Les inculpé·es n’auraient pas exprimé une « contestation des propos », mais uniquement une « dénonciation des conditions de GAV, donc c’est non ».

Ces réponses radicales et arbitraires illustrent l’orientation politique du Tribunal : tout doit être fait pour sauver cette procédure montée par la DGSI pour le Ministère de l’Intérieur.

La QPC aurait pu inscrire dans le Droit la possibilité pour le Tribunal Correctionnel de faire citer des agents du renseignement sans lever leur anonymat.

La restitution des scellés aurait permis de récupérer de nombreux éléments à décharge. Cela aurait également permis de contextualiser la détention de brochures présentées comme « la matrice idéologique » du présumé « groupe » et utilisées pour caractériser des intentions terroristes. Au lieu de cela, le Tribunal a ordonné la destruction de ces scellés afin que la vérité ne puisse définitivement plus être démontrée.

La citation des agents de la DGSI était primordiale pour mettre à jour les procédés manipulatoires et les irrégularités constatés tout au long de l’instruction. Ces agents avaient déjà été convoqués par la Défense et s’étaient soustraits à leurs obligations légales à comparaître. Dans le cadre du procès la Défense aurait pu notamment les questionner sur la suppression d’une vidéo à décharge, les erreurs de retranscription des sonorisations, les faux procès-verbaux, les nombreux horodatages irréguliers constatés, et autres barbouzeries dénoncées par les inculpé·es.

Les informations « secret-défense » concernaient la provenance de la recette de l’ANSU (ammonitrate + sucre). La levée du secret-défense aurait permis de contredire l’affirmation inexacte de l’expert. Il affirmait en effet que cette recette proviendrait de la zone irako-syrienne (Kurdistan) et serait utilisée par DAESH, puis aurait été apprise par les YPG. Cela lui permettait de contredire les témoignages d’anciens combattants du Rojava (qui n’acquièrent aucune compétence en confection d’explosifs sur le terrain) et aussi de Libre Flot qui affirmait que cette recette est connue de tous·tes dans le milieu agricole. En témoigne la récente explosion dans un bâtiment de la Dreal revendiquée par des vignerons (et dont le PNAT a décidé que ça n’était pas du terrorisme).

Enfin, le refus de verser aux débats les vidéos des GAV est l’illustration la plus perverse de la volonté politique du Tribunal. L’argument avancé par la Présidente (qu’il n’y aurait pas eu de contestation des propos tenus eux-mêmes mais seulement une dénonciation des conditions dans lesquelles ils ont été prononcés) est un mensonge pur et simple. Les propos tenus en GAV ont été contestés à de nombreuses reprises par plusieurs mis·es en examen. « Je conteste absolument tout ce que j’ai dit en garde à vue » avait déclaré Bastien. Mais là encore, l’unique preuve que ces contestations ont bien été dites mot pour mot réside dans les notes d’audience, prises par une greffière que l’on voyait somnoler régulièrement, et devant être signées par la Présidente elle-même. (Ces notes ont été transmises à la Défense plusieurs semaines après le délibéré.)

Jurisprudence AMT (association malfaiteur terroriste)

Après le mensonge sur la contestation des propos lors des GAV, l’indignation dans la salle commence à se faire sentir. La juge rappelle la salle à l’ordre et menace une première fois de la faire évacuer. Elle continue son œuvre autoritaire avec une lecture très scolaire de l’article 421 du Code Pénal afin de remédier à notre « méconnaissance » de la loi, puis elle résume (en reprenant l’interprétation exacte du PNAT) les jurisprudences en matière d’AMT. A sa façon de lire, tout le monde comprend qu’elle maintient la qualification terroriste. Des murmures de protestations commencent à se faire entendre dans la salle.

En effet, pour constituer une association de malfaiteurs terroristes : il n’est pas nécessaire de prouver qu’un projet terroriste existe bel et bien. Il est seulement nécessaire de démontrer (ou de suspecter très fortement) qu’un·e inculpé·e avait des intentions « à plus ou moins long terme », de « troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur », pour condamner tout le monde. Il n’est pas nécessaire que chaque individu ait connaissance de ces intentions terroristes pour être coupable, mais uniquement d’y avoir « participé » d’une manière ou d’une autre.

La présidente réaffirme que les intentions terroristes sont matérialisées pour Libre Flot, et que les autres sont donc tous·tes coupables par « association ».

Rupture de l’ordre dans la salle

À l’issue de 30 pénibles minutes d’audience, la présidente demande donc l’évacuation de la salle. Tout le Tribunal se retire et les flics se positionnent en vue d’expulser par la force les quelques deux cents personnes présentes. Certains enfilent leurs gants coqués. Les proches se lèvent et viennent serrer dans leurs bras les inculpé·es, qui, on l’a compris, vont être déclaré·es « terroristes d’ultragauche ».

Selon certain·es avocat·es, les réactions de la salle étaient minimes par rapport à d’autres audiences beaucoup plus agitées. Iels tentent d’établir un dialogue avec les juges pour trouver un compromis afin que l’audience puisse reprendre. La juge refuse de les recevoir. De nouveaux policiers rentrent en masse pour évacuer la salle, ils demandent aussi aux journalistes de quitter les lieux, personne ne bouge.

Deux inculpé·es s’expriment face à la salle. On réfléchit avec les avocat·es : tout le monde doit-il sortir ou pas ? « Oui, laissons la farce continuer toute seule ! » lance Camille. « Je dois rester dans la salle au cas où un mandat de dépôt différé se transforme en mandat d’arrêt immédiat » ajoute Florian après réflexion. Les trois quarts de la salle sortent finalement et une quarantaine de proches restent.

Ce moment de flottement dure plus d’une heure. L’ambiance est électrique, même les journalistes semblent choqué·es du résultat du jugement et de la tournure que prend l’audience.

À son retour, la juge dénonce des propos « injurieux et outrageants ». Elle répète un article de loi pour menacer les personnes qui recommenceraient. Les propos en question étaient: « Menteuse! », « C’est vous les terroristes ! », « Nos réactions sont le reflet de vos immondices » , etc.

Le média Radio Parleur a réussit à capter quelques instants de ce moment, et le Nouvel Obs l’a également bien retranscrit dans son article.

Bouffie d’orgueil, la Présidente constate que la salle n’a pas été totalement évacuée et essaye de réaffirmer son autorité, que plus personne ne considère légitime (même pas les flics on dirait !). Elle prétend que la salle est encore trop pleine, et exige arbitrairement que seules 3 personnes par inculpé·e soient autorisées à rester. Elle lance également : « Je ne rendrai pas le délibéré devant une audience vide ! » Puis les 3 juges repartent, on croit rêver.

Le caprice passé, les juges reviennent à nouveau (personne n’a bougé !). Furieuse, la juge passe outre ses devoirs de fonctionnaire de justice, rémunérée grassement par nos impôts, et décide de passer directement au prononcé des peines, sans prendre la peine d’expliquer en détail ses motivations. Les avocat·es s’offusquent mais, autoritaire, elle demande aux prévenu·es de s’aligner devant elle pour annoncer les peines.

Peines

Le verdict est tranchant et plus sévère pour la plupart que les réquisitions du PNAT (parquet national anti-terro). Tous·tes sont reconnu·es coupables d’« association de malfaiteurs terroriste » et trois d’entre-elleux de « refus de communiquer ses conventions de déchiffrement ».

Les peines vont de 2 à 5 ans de prison, dont plusieurs mois de sursis probatoire (de 15 à 30 mois). Des périodes de prison ferme sont prononcées pour cinq inculpé·es (aménageables en prison à domicile sous bracelet électronique). Iels devront effectuer entre 8 à 12 mois de bracelet.

L’inscription au FIJAIT (20 ans) est actée pour tout le monde sauf pour un inculpé, « au vu de sa personnalité », autrement dit, le moins militant.

Sont également prononcées l’interdiction de communiquer entre elleux pendant tout le temps de leur peine, et l’interdiction de porter une arme pendant dix ans.

Détails du probatoire : la période de sursis probatoire est assortie d’un panel de mesures de contrôle médico-social : obligations de soin (notamment addictologie) et obligations de travail. Six d’entre-elleux écopent d’une inscription au FIJAIT (20 ans).

Florian – 5 ans dont 30 mois avec sursis probatoire. Reste à purger : 8 mois de bracelet.

Simon – 4 ans dont 25 mois avec sursis probatoire. Reste à purger : 12 mois de bracelet.

William – 3 ans dont 20 mois avec sursis probatoire. Reste à purger : 12 mois de bracelet.

Camille – 3 ans dont 2 ans avec sursis probatoire. Reste à purger : 8 mois de bracelet.

Manuel – 3 ans dont 15 mois avec sursis probatoire. Reste à purger : 11 mois de bracelet.

Bastien – 3 ans avec sursis probatoire.

Loïc – 2 ans de sursis simple. Pas d’inscription au FIJAIT.

Une volonté d’enterrer définitivement les inculpé·es

Plusieurs inculpé·es avaient commencé ce procès par des déclarations spontanées. Beaucoup ont témoigné avoir été « terrorisé·es » par cette procédure qui les a affaibli·es moralement et physiquement. Plusieurs ont déclaré devoir suivre un traitement depuis, et avoir développé des douleurs physiques somatiques.

Dans leurs mots de la fin, plusieurs ont également déclaré vouloir reprendre une vie normale, développer leurs projets d’autonomie, s’occuper de leurs ami·es en situation de handicap, retrouver leur santé d’avant la répression, devenir parent, tout en restant fier·es de leurs idéaux libertaires et souhaitant continuer à militer pour leurs causes.

Pourtant, le tribunal a décidé de les écraser encore plus que le PNAT. Des peines de prison ferme ont été ajoutées concernant quatre inculpé·es, là où le PNAT n’en demandait que pour Libre Flot. Ces peines, aménageables en détention à domicile (sous bracelet électronique) étaient assorties d’une clause d’exécution provisoire. Cette clause est une récente innovation permettant d’imposer qu’une peine soit effectuée même si la personne fait appel du jugement.

Le summum du sadisme est atteint avec les interdictions de communiquer. Plusieurs inculpé·es, au fil de l’instruction, avaient obtenu le droit de communiquer ensemble, donc il n’y a aucun intérêt d’ordre sécuritaire derrière cette décision punitive.

On pourrait y voir une forme de vengeance perverse, d’autant plus que certaines personnes ont beaucoup insisté sur les liens forts qui les unissaient, depuis parfois de très nombreuses années, sur le fait d’avoir des ami·es en commun et même, pour certains, des projets de vie conjoints.

La probable intention derrière ces interdictions est d’anticiper l’Appel, et ainsi d’empêcher encore une fois les inculpé·es et leurs proches d’organiser leur défense collectivement, de se remémorer ensemble les faits qu’on leur reproche, de travailler sur leur dossier en échangeant, etc.

Nous faisons face à une institution qui ne supporte pas que l’on s’oppose à elle, qui monte de toute pièce des « groupes » inexistants puis cherche par tous les moyens à isoler les personnes qu’elle réprime. Il n’y a évidemment aucune notion de Justice, ni même de sécurité, qui entrent en considération dans ces calculs, mais uniquement un projet politique d’écrasement des opposant·es. Il s’agit de les empêcher de se reconstruire entre pairs.

Rappel du réquisitoire

Le PNAT demandait des peines inférieures à celles prononcées, sauf pour Libre Flot.

– Loïc : 2 ans d’emprisonnement avec sursis simple, 1500€ d’amende, 10 ans d’interdiction arme

– Manu : 3 ans d’emprisonnement dont 2 ans sursis et probatoire, 10 ans d’interdiction de détention d’armes

– Camille : 3 ans d’emprisonnement avec sursis et probatoire, 1500€ d’amende, 10 ans d’interdiction de détention d’armes

– Bastien : 3 ans d’emprisonnement avec sursis et probatoire, 10 ans d’interdiction de détention d’armes

– William : 4 ans d’emprisonnement dont 3 ans avec sursis et probatoire, 10 ans d’interdiction de détention d’armes

– Simon : 5 ans d’emprisonnement dont 4 ans avec sursis et probatoire, 10 ans d’interdiction de détention d’armes

– Florian : 6 ans d’emprisonnement avec mandat de dépôt différé, plus 3 ans de sursis, 10 ans d’interdiction de détention d’arme.

FIJAIT : terroristes à vie

La condamnation pour terrorisme et l’inscription au FIJAIT (Fichier des Auteurs d’Infractions Terroristes) constituent une condamnation à vie. L’antiterrorisme étant devenu le principal moteur des politiques militaro-sécuritaires, les lois évoluent à chaque fait divers, tandis que la notion de « terrorisme » s’élargit en permanence alors que les gouvernements apportent leur appui à des régimes génocidaires.

Concrètement, l’inscription au FIJAIT dure 20 ans après la condamnation, il empêche l’exercice d’un certain nombre d’emplois (toute administration publique par exemple). Pendant 10 ans, toute personne au FIJAIT doit pointer tous les trois mois au commissariat, justifier de son domicile auprès de la préfecture et signaler chaque déplacement à l’étranger (et la raison de ce déplacement) au minimum 15 jours avant son départ.

Le non-respect de ces règles peut entraîner 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.

La loi « séparatisme » a élargit l’inscription au FIJAIT au délit d’ « apologie du terrorisme », qui est aujourd’hui utilisé contre les expressions de soutien au peuple palestinien. Nul doute que ce n’est que le début de l’offensive du pouvoir dans le but d’élargir le champ d’application de ce fichier et les obligations qui l’accompagnent.

Dans le contexte actuel d’extrême-droitisation de l’Europe, il est évident que les mesures administratives liberticides vont se multiplier et se durcir. D’abord expérimentées à l’encontre des étranger·ères, puis au nom de l’antiterrorisme, le déploiement de mesures de contrôle juridico-administratifs permet à l’État d’étendre son filet répressif à des contextes jusqu’alors hors-champs. D’un côté, l’institution judiciaire étend ses outils de contrôle pré-sentenciels à des situations post-sentencielles, tout en condamnant non plus des faits mais des supposées intentions. De l’autre, le Ministère de l’Intérieur court-circuite l’institution judiciaire en élargissant ses outils de contrôle administratif.

En suivant la logique de guerre sociale à l’œuvre actuellement, on pourrait facilement imaginer que, dans les années à venir, les personnes fichées « S » ou « terroristes » seront privées de droits sociaux (RSA), interdits de moyens de transport collectifs (SNCF), etc.

C’est en tout cas dans ce sens que les parlementaires continuent à légiférer, en témoigne le projet de loi antiterroriste actuellement en cours de validation, qui entend déployer de nouvelles mesures de privation de liberté aux personnes ayant déjà purgé leurs peines.

Dans un tel contexte, l’inscription au FIJAIT est une condamnation à vie qui aura des répercussions pour l’instant encore impossibles à mesurer. Elle plonge les camarades et leurs proches dans une incertitude et une vulnérabilité extrême face à l’avenir et à leur capacité à s’impliquer dans les mouvements sociaux.

Appel du jugement et sursis probatoire

Seul l’inculpé qui écope de 2 ans avec sursis simple sans inscription au FIJAIT ne fait pas appel. Les autres six inculpé·es font appel du jugement malgré le fardeau que représente cette affaire. Cinq d’entre elleux ont une peine ferme aménageable en bracelet électronique avec exécution provisoire (de 8 à 12 mois).

Lors des rendez-vous avec la juge d’application des peines anti-terroriste (JAPAT) le 15 et le 22 janvier, cette dernière a décidé de ne pas appliquer la clause d’« exécution provisoire de la peine », attachée au principe de « vous faites appel, donc la peine prononcée peut être remise en question ».

La mention d’exécution provisoire prononcée par la juge Brigitte Roux n’est donc pas appliquée. Concrètement, aucun des 6 inculpé·es (faisant appel) n’aura l’obligation de porter un bracelet électronique pour le moment.

Pour ce qui concerne les mesures prescrites dans le cadre du sursis probatoire (obligation de soins, obligation de travailler, etc.) et l’interdiction de communiquer entre les inculpé·es, la mention d’exécution provisoire est maintenue par la juge d’application des peines.

Ces contraintes placent les inculpé·es dans une situation complexe en vue de la préparation de leur procès en appel (interdiction de communiquer!). Cependant, les interdictions de quitter le département ont été levées, ce qui constitue un gain de liberté important !

L’appel peut avoir lieu dans environ 12-15 mois, ce qui laisse peu de temps à la Défense pour se préparer. D’autant plus que le Tribunal exerce une rétention du jugement, c’est à dire que les motivations détaillées qui ont conduit les juges à prononcer leurs peines n’ont pas été communiquées à la Défense, l’empêchant de préparer le procès en appel. C’est une pratique mafieuse et indigne, mais qui semble monnaie courante dans ce microcosme hors-sol qu’est l’institution judiciaire.

Le PNAT a également fait un « appel d’incidence » à l’encontre des six inculpé·es faisant appel, ce qui permet au jugement en appel d’être plus sévère encore.

Les scénarios potentiels sont :

– Relaxe ou peine correspondant à la détention provisoire déjà effectuée : pas de nouvelle peine de prison.

– Confirmation du verdict du 22 décembre 2023 : entre 8 et 12 mois de bracelet pour les inculpé·es.

– Ou alors, dans le pire des cas, la peine prononcée peut être encore plus lourde… (notamment avec mandat de dépôt).

Perspectives de lutte

Nous appelons à continuer le soutien aux inculpé·es du 8/12 par tous les moyens : politiques, financiers et médiatiques. Toute initiative est la bienvenue et les comités de soutien peuvent être contactés facilement ici : https://soutien812.blackblogs.org/contact/

Le combat mené contre cette affaire a d’ores et déjà permis de ne pas être réduit·es au silence, grâce à une myriade de compagnon·nes, de médias militants et de journalistes alertes que nous remercions grandement. Et ce, malgré les nombreuses censures auxquelles nous avons fait face (par la direction de RadioFrance, par exemple).

L’action des comités à permis également d’informer et de dénoncer très largement dans nos territoires de lutte locaux jusqu’à de nombreux pays d’Europe, dans lesquels il y a eu des actions de solidarité. Cette solidarité internationale est une force et nous permet d’apprendre mutuellement sur les dynamiques répressives à l’œuvre et nos analyses stratégiques de la situation. Profitons-en pour envoyer un message de soutien aux militant·es antifascistes, dits « Antifas de Budapest », actuellement en procès en Hongrie.

Nous sommes des millions à avoir pris conscience que, à mesure que la fascisation de l’Europe progresse, le statut de « terroriste » sera réservé à quiconque s’opposera viscéralement à l’ordre établi. Là où les gouvernements multiplient leurs alliances idéologiques, commerciales et militaires avec des régimes criminels et génocidaires, le terme « terroriste » nourrit une inversion totale de la réalité. Cette inversion fait la promotion d’une explosion des violences d’État et des violences capitalistes d’une part ; et d’autre part elle tente de diviser le mouvement social afin d’en saper l’efficacité.

Cela nous rappelle la longue histoire des luttes de décolonisation, de l’Algérie à l’Afrique du Sud, du Kurdistan à la Palestine, qui ont toutes été criblées des balles de l’antiterrorisme, jusqu’à aujourd’hui encore.

Face à l’inanité de l’institution judiciaire, la voie de l’abolitionnisme pénal devient de plus en plus claire pour un nombre croissant de personnes. Nous faisons face à une corporation héritée de l’ancien régime, qui n’a rien perdu de son rôle de bourreau au nom de principes fondateurs divinisés. Les Tribunaux assument parfaitement leur sale boulot de nettoyage social, entassant les pauvres dans des prisons insalubres pour invisibiliser les résultats sociaux désastreux de la Macronie. Finissons-en avec la « justice » des Palais !

D’autres campagnes de soutien seront organisées en vue du procès en appel. D’ici là, continuons de nous informer, de nous défendre et nous solidariser avec les cibles de la répression.

La meilleure défense, c’est l’attaque !

#Procès812 : Matinée de soutien pour le rendu du jugement!

MATINÉE DE SOUTIEN AUX INCULPÉ·ES DU 8 DÉCEMBRE !

VENDREDI 22 DÉCEMBRE DÈS 9H DEVANT LE TGI DE PARIS

Le jugement sera rendu. Nous invitons à une présence solidaire de tous·tes les personnes, collectifs et organisations qui ont manifesté leur soutien depuis trois années face à cette mascarade antiterroriste.

Trois années passées à dénoncer les méthodes de l’antiterrorisme (en France et dans le monde), à soutenir les inculpé·es dans leurs frais de justice assommants, à faire du lien entre camarades ciblé·es par la répression, à briser l’isolement dans lequel l’État tentait de nous enfermer. Trois années à témoigner, documenter et avertir.

Aujourd’hui, force est de constater qu’il n’y a plus que les médias d’extrême-droite qui soutiennent sans distance le récit aberrant du Parquet National Anti-Terroriste. Les manigances honteuses de la DGSI, du PNAT et du Juge d’Instruction ont éclaté au grand jour : tous ces faux PV, ces sonorisations où on entend rien, cette sélection de 0,7 % des sonorisations pour monter un récit, cette criminalisation d’outils informatiques basiques, et surtout les violences abjectes infligé·es par cette procédure (de la surveillance au procès, en passant par les arrestations et l’emprisonnement).

Malgré l’absence d’entraînement paramilitaire démontrée, et malgré l’absence totale de projet terroriste, les peines demandées sont lourdes : prison (avec sursis), obligations de soin, inscription au FIJAIT (20 ans)  ; et visent à renvoyer au trou LibreFlot pour 4 ans fermes. Une hargne punitive qui ne répond à aucun intérêt de sécurité publique mais qui témoigne de cette radicalisation de la justice qui s’observe quotidiennement.

Nous vous invitons à accompagner avec joie et solidarité les inculpé·es du 8/12. On y partagera le café, des brochures, des nouvelles, des chansons, un pique-nique, de la musique (bien rythmée, pour se réchauffer) ! N’hésitez-pas à amener ce qui pourrait mettre de la chaleur devant ce Tribunal de Grande Immondice.

Le rendu de ce jugement historique décidera si oui ou non l’antiterrorisme peut se déployer sur les activismes radicaux : des ZADs aux squats, des tête de cortège aux teufs, du soutien aux exilé·es à l’internationalisme.

Pour la vie, pour la liberté, relaxe pour les inculpé·es !

[Caen] Banderole solidaire avec les inculpé.es du 8/12

Depuis la semaine antinuk de Caen, on voulait exprimer notre solidarité, notre force et notre rage avec les inculpé.es de l’affaire dite du 8 décembre, accusé.es d’association de malfaiteurs terroristes.*

Le procès s’est tenu pendant 4 semaines en octobre à Paris, et le rendu est prévu pour le 22 décembre prochain. Le proc requiert jusqu’à 6 ans ferme, pour l’un d’eux.**
Des militant.es écologistes qualifiées d’ »écoterroristes » à l’apologie du terrorisme pour un soutien au peuple palestinien, l’Etat fascisant utilise de plus en plus largement l’accusation de terrorisme pour museler toute contestation.
Alors que la justice bourgeoise veut faire jurisprudence de l’affaire du 8 décembre, il nous apparaît nécessaire d’exprimer notre solidarité, tant nos luttes sont elles aussi concernées.

Solidarité face à la répression!
A bas l’Etat, la DGSI et la SDAT!