De minables tortionnaires : l’isolement reconduit par Dupont-Moretti

Ce jeudi 10 mars, Dupont-Moretti, cette honte pour toute la magistrature, a prolongé pour des raisons politiques la torture blanche que subit le militant Libre Flot, en grève de la faim depuis 15 jours et à l’isolement depuis 15 mois.

Dupont-Moretti et Jean-Marc Herbaut, vous qui êtes responsables de l’enfermement de Libre Flot, vous qui usez de votre pouvoir d’hommes corrompus pour briser un opposant politique, vous vous salissez devant l’Histoire tels de minables tortionnaires.

 

A celleux qui luttent pour un monde meilleur,

ne laissons pas Libre Flot seul face à la répression!

Il a besoin de votre soutien maintenant: collages, tags, tractage, banderoles, maintenons la pression!


– Une lente agonie, L’Envolée n°4, janvier 2002 –

« Il m’est souvent arrivé de comparer les conséquences de la mise à l’isolement au travail produit par les vagues contre les massifs rocheux qui se dressent sur le bord de mer. Les vagues vont et viennent, butant contre les falaises, dans un mouvement incessant. Et de temps à autre, sans trop que l’on sache quand, tout ou partie de la falaise s’affaise, disparait dans les fonds marins. L’océan finit toujours par avoir raison des parois rocheuses, quelle que soit leur nature, leur solidité. Il en est ainsi pour les détenus.

Chaque instant passé à l’isolement est un instant qui marque de façon indélébile la personne détenue, l’agresse, la meurtrit. Et, bien souvent, bien trop souvent, l’isolé finit par craquer, par s’affaisser. Seuls résistent ceux et celles qui sont mus par la haine. Mais cette terrible résistance ne sert qu’à survivre, à éviter le pire. Mais la haine se trouve avant tout dans l’esprit de celui qui prend la décision de mettre et de maintenir des personnes à l’isolement carcéral. Une haine blanche, bien souvent non perceptible sous le masque lisse d’un magistrat ou d’un directeur de prison. La haine guidant la main qui, d’une simple signature, condamne un détenu à plonger dans le gouffre sans fond d’une lente agonie.

L’isolé est un spectateur assistant au spectable de sa propre mort. »

« POURQUOI JE FAIS LA GRÈVE DE LA FAIM » – Libre Flot

Translations in other languages on Solidaritytodecembre8.

 

Cela fait plus de 14 mois que la DGSI m’a expliqué que je n’étais pas arrêté pour ce qu’elle voulait me faire croire, à savoir mon engagement auprès des forces kurdes contre Daech au Rojava.

Cela fait plus de 14 mois que rien ne valide la thèse élaborée de toutes pièces par la DGSI alors même que pendant au moins 10 mois j’ai été suivi, tracé, sous écoute 24 heures sur 24 dans mon véhicule, mon lieu de vie, espionné jusque dans mon lit.

Cela fait plus de 14 mois que je comprends que ce sont mes opinions politiques et ma participation aux forces kurdes des YPG dans la lutte contre Daech qu’on essaie de criminaliser.

Cela fait plus de 14 mois qu’on reproche une association de malfaiteurs à 7 personnes qui ne se connaissent pas toutes les unes les autres.

Cela fait plus de 14 mois à répondre aux questions d’un juge d’instruction utilisant les mêmes techniques tortueuses que la DGSI : la manipulation, la décontextualisation, l’omission et l’invention de propos et de faits afin de tenter d’influencer les réponses.

Cela fait plus de 14 mois que je subis les provocations de ce même juge d’instruction qui, alors que je croupis dans les geôles de la République, se permet de me dire que cette affaire lui fait perdre son temps dans la lutte contre le terrorisme. Pire encore, il se permet la plus inacceptable des insultes en se référant aux barbares de l’État islamique comme étant mes« amis de chez Daech ». Bien que verbal, cela reste un acte inouï de violence. C’est inadmissible que ce juge s’octroie le droit de m’injurier au plus haut point, tente de me salir, et crache ainsi sur la mémoire de mes amis et camarades kurdes, arabes, assyrien.ne.s, turkmènes, arménien.ne.s, turc.que.s et internationaux.les tombé.es dans la lutte contre cette organisation. J’en reste encore aujourd’hui scandalisé.

Cela fait plus de 14 mois d’une instruction partiale où contrairement à son rôle le juge d’instruction instruit uniquement à charge et jamais à décharge. Il ne prend pas en considération ce qui sort du scénario préétabli et ne sert qu’à valider une personnalité factice façonnée de A à Z par la DGSI, qui loin de me représenter ne reflète que les fantasmes paranoïaques de cette police politique. Ainsi, je suis sans cesse présenté comme « leader charismatique » alors même que tout mode de fonctionnement non horizontal est contraire à mes valeurs égalitaires.

Cela fait plus de 14 mois que sans jugement on m’impose la détention dite provisoire que je subis dans les plus terribles conditions possibles : le régime d’isolement (voir les lettres de mars 2021 et juin 2021) considéré comme de la « torture blanche » et un traitement inhumain ou dégradant par plusieurs instances des droits humains.

Cela fait plus de 14 mois que je suis enterré vivant dans une solitude infernale et permanente sans avoir personne à qui parler, à juste pouvoir contempler le délabrement de mes capacités intellectuelles et la dégradation de mon état physique et ce, sans avoir accès à un suivi psychologique.

*

Après avoir sous des airs faussement neutres fourni à l’administration pénitentiaire des arguments fallacieux pour s’assurer de mon maintien à l’isolement, le juge d’instruction demande le rejet de ma demande de mise en liberté, tout comme le parquet national antiterroriste. Pour ce faire, ils reprennent presque en copier / coller le rapport de la DGSI du 7 février 2020, base de toute cette affaire dont nous ne savons pas d’où viennent les informations et dont la véracité n’a pas été démontrée. On est en droit de se demander à quoi ont servi les écoutes, les surveillances, les sonorisations et ces deux ans d’enquête judiciaire et d’instruction puisque sont occultés les faits qui démontrent la construction mensongère de la DGSI.

Le parquet national antiterroriste et le juge d’instruction n’ont de cesse d’essayer d’instiller la confusion et de créer l’amalgame avec des terroristes islamistes alors même qu’ils savent pertinemment que j’ai combattu contre l’État islamique, notamment lors de la libération de Raqqa, où avaient été planifiés les attentats du 13 novembre.

Le juge d’instruction prétend craindre que j’informerais des personnes imaginaires de ma situation alors que celle-ci est publique notamment parce que la DGSI ou le PNAT eux-mêmes ont fait fuiter l’information dès le premier jour. Il prétend ainsi empêcher toute pression sur les témoins, les victimes et leurs familles alors même qu’il n’y a ni témoin, ni victime puisqu’il n’y a aucun acte. C’est ubuesque. Est aussi évoquée sa crainte d’une concertation entre coinculpé.es et complices même si toutes et tous les coinculpé.es ont été mis.es en liberté, qu’il n’a plus interrogé personne d’autre que moi depuis octobre 2021, et que j’ai attendu patiemment qu’il ait fini de m’interroger pour déposer cette demande de mise en liberté.

Il aurait pu être comique dans d’autres circonstances de constater l’utilisation à charge de faits anodins comme : jouir de mon droit à circuler librement en France et en Europe, de mon mode de vie, de mes opinions politiques, de mes pratiques sportives, de mes goûts pour le rap engagé ou les musiques kurdes.

Le juge d’instruction s’en prend à ma mère en la désignant comme n’étant pas une garantie valable pour la simple raison qu’elle n’a pas empêché son fils âgé de 33 ans à l’époque de rejoindre les forces kurdes des YPG dans la lutte contre Daech. Encore une fois, c’est ma participation dans ce conflit qu’on criminalise. Il lui reproche également l’utilisation d’applications cryptées (WhatsApp, Signal, Télégram…) comme le font des millions de personnes en France. Enfin, il dénigre tout d’un bloc toutes les autres options de garanties (travail, hébergement…) sans rien avoir à leur reprocher alors même que les personnels du SPIP dont c’est le métier ont rendu un avis favorable.

*

Comment alors comprendre qu’après avoir ordonné ces enquêtes de faisabilité signifiant la possibilité de me remettre en liberté avec bracelet électronique, le juge des libertés et de la détention malgré le rendu refuse ensuite de la mettre en place ? Nous sommes nombreux et nombreuses à constater que dans toute cette affaire la « justice » viole ses propres lois et est soumise à l’agenda politique de la DGSI.

J’ai récemment appris de la bouche même du directeur des détentions de la maison d’arrêt des Yvelines (Bois d’Arcy), que je remercie pour sa franchise, que mon placement et mon maintien à l’isolement étaient décidés depuis le premier jour par des personnes très haut placées et que quoi je dise ou que lui-même dise ou fasse, rien n’y ferait, que cela le dépasse, le dossier ne sera même pas lu et je resterai au quartier d’isolement et que de toute façon rien ne pourrait changer avant les élections présidentielles.

*

Puisque l’on cherche à criminaliser les militants et militantes ayant lutté avec les Kurdes contre Daech,

Puisque l’on utilise la détention soi-disant provisoire dans le but de punir des opinions politiques,

Puisque cette histoire n’existe qu’à des fins de manipulation politique,

Puisqu’aujourd’hui on ne me laisse comme perspective que la lente destruction de mon être,

Je me déclare en grève de la faim depuis le dimanche 27 février 2022 à 18 heures, je ne réclame à l’heure actuelle que ma mise en liberté en attendant de démontrer le côté calomnieux de cette honteuse accusation.

Libre Flot.

Libre Flot : L’UCSA normalise la torture blanche

Trois lettres de Libre Flot lues au micro de L’Envolée dans l’émission du 21 janvier 2022. Il revient sur la normalisation des souffrances infligées par le régime d’isolement. STOP A L’ACHARNEMENT CARCERAL! ABOLITION DU QI ET DU MITARD!

Retrouvez d’autres témoignages sur l’accès aux soins en prison dans L’Envolée et sur le site de l’OIP. Images de la prison de Bois d’Arcy sur Carceropolis.

Coursive et cellules de Bois d’Arcy.

Lettre du 31 décembre 2021

Salut salut, un petit coucou pour vous donner quelques nouvelles.

Après des mois de plaintes répétées à propos de douleurs articulaires, on m’a refilé un rdv avec un.e kiné, puis un autre (puisque le premier n’a pas eu lieu) et j’espère en avoir un autre bientôt, puisque le second n’a pas eu lieu non plus. La cause ? Je suis au QI. Et le dentiste ? Merci au sentiment de culpabilité! Je m’explique.

Comme d’hab j’ai rendez-vous, les surveillant.es et le.a gradé.e sont au courant et je ne vois rien venir. Le matin je vais à l’opprimenade du QI (c’est dans le même couloir) en précisant « si le.a dentiste appelle, vous me sortez et vous m’y emmenez » -« oui oui! » Début d’après midi, on m’emmène à la salle de sport, je précise « si le.a dentiste appelle, vous me sortez et vous m’y emmenez ». A ce moment là, le.a gradé.e me dit que le rendez-vous n’aura pas lieu, que le.a dentiste ne peut pas me reçevoir. Dépité, ça doit se voir un peu sur ma tronche, je lui dit que c’est comme d’habitude, que mes rendez-vous sont toujours repoussés. Celui ci, depuis 4 mois, qu’hier encore celui du kiné aussi. Et là je découvre sur son visage comme un malaise (mal à l’aise), un air un peu gêné, comme une once d’empathie melée à de la culpabilité.

Je finis le sport, iel me dit qu’iel a rappelé le.a dentiste, qu’iel a fait pression pour que mon rendez-vous soit honnoré. Oui oui, c’est un peu gros, iel en fait trop, c’est pas crédible. Quelques minutes après, j’apprend par le personnel médical que mon rendez-vous était ce matin et que le personnel de l’AP (c’était le.a même gradé.e de ce matin) avait déclaré que je n’irai pas à mon rendez-vous. Bon évidemment, comme mon rdv qui devait être le dernier ne s’est pas déroulé au moment prévu, ça foutait la merde à l’UCSA. Et suite à un cognage de porte et un échange non verbal que je n’ai pas pu voir à cause de ma posture, ma consultation s’est finie plus vite que prévu (selon ma perception) et un autre rdv m’a été redonné. Bon en tout cas, là où j’avais le plus mal ça a été rebouché.

Donc oui, je remercie le sentiment de culpabilité, car ce n’est hélas pas étrange que des personnes, pour en faire le moins possible, annulent les soins des personnes isolées. Encore moins étrange qu’on sait que ce/cette même gradé.e (peut-être pour éviter le surmenage?) a tendance à « oublier » d’emmener les personnes en opprimenade, ou en les oubliant dedans, ou en les oubliant dans la salle de sport, ou en les oubliant dans la douche. Comme si l’enfermement en régime d’isolement n’était pas suffisant, il faudrait encore nous faire galérer toute la journée à poireauter. C’est vrai qu’on est chiant à vouloir profiter de tous ces fantastiques bienfaits et des nombreuses activités auxquelles on a le droit: on veut sortir, rentrer, se dépenser, se laver, et même retourner s’instruire en cellule. Mince, cela l’oblige à faire son travail. Peut être que iel en nous faisant subir ces « attentes abusives » espère qu’on se lasse et reste enfermés en cellule 24h sur 24 pour lui permettre de se tourner les pouces ? Raté.

Sinon, lundi dernier j’ai pu constater le retour des plexiglass au parloir. Au moins il n’y a plus cette table qui prend toute la place. D’ailleurs en lisant certains témoignages d’autres détenus dans L’Envolée il est question d’intimité lors des parloirs. Ici, à Bois L’arsouille, d’intimité il n’y en a point. Les parloirs d’architecture panoptique sont vitrés des deux cotés où circulent en permanence plusieurs surveillants.tes qui nous épient sans cesse.

Je termine cette lettre là pour qu’elle parte ce matin, je vous écoute ce soir (surement une émission enregistrée).

Merci à vous pour votre soutien.
Courage à toutes et tous les enfermé.es et leurs proches.

Salutations et respect,
Libre Flot.

 

Lettre du 31 décembre 2021

Après 4 mois de plaintes répétées à propos de douleurs généralisées aux articulations, j’ai enfin, après trois rdv repoussés, vu le kiné. Verdict: c’est normal dans ces conditions! Etrangement, c’est toujours et encore la même rengaine, quels que soient mes maux.

Mes maux de tête semi permanents? C’est normal dans ces conditions qu’est l’isolement. Mes pertes de mémoire, mon incapacité de concentration, la perte de repères spatio-temporels, mes douleurs cardiaques, mon opression thoracique, mes troubles visuels, mes vertiges, mon hébétude, etc. Pareil. « C’est normal, au vu de mes conditions de détention. »

Dans un environnement normal, et même en détention classique, subir l’ensemble de ces maux n’est pas considéré comme chose normale. Y introduire le facteur « Quartier d’Isolement » ne la rend pas plus normale. Tout comme ce que l’on dit avant un « mais… » n’a pas vraiment de sens. (« Je suis pas… mais… ») Définir quelque chose de normal, mais uniquement sous des conditions spécifique, ôte automatiquement toute notion de normalité. On ne peut dès lors plus parler de conséquences logiques ou de réaction systématique. Si le fait d’obtenir les mêmes résultats, en prenant n’importe quelle personne et en la plaçant dans une cellule 22 ou 23 heures par jour sans interactions sociales, est considéré par les médecins de l’UCSA comme « normal au vu des conditions de détention en isolement », cela veut en fait dire que ces conséquences subies par la majorité des personnes en QI sont donc bien des réactions systémiques et sont aussi très bien connues. L’utilisation mensongère du terme « normal » associé au « dans ces conditions » est en fait un euphémisme ayant pour but de masquer la vérité toute simple qui est que la détention en QI provoque de grave souffrances aux individus. Souffrances tant physiques, cérébrales et psychologiques qui, étant connues et systématiques, sont donc acceptées et voulues par l’Admin Pen ou ses commanditaires. C’est ce que l’on appelle de la torture.

Le personnel médical, lorsqu’il ab-use volontairement de cet euphémise falacieux pour éviter d’énoncer la vérité qu’il connait, n’oeuvre plus à la santé de ses patient.es mais leur ment, les trompe, couvrant ainsi les méfaits de l’Admin Pen et lui permettent ainsi le maintien en isolement, ce qui dégrade profondément les invididus. L’UCSA se rend donc complice de cette torture. Mais bon, on ne mord pas la main qui, même indirectement, nous nourris. L’utilisation normale d’un euphémisme médical pour une torture carcérale.

PS: hé oui j’vous ai encore glissé quelques phrases à rallonge, vous allez kiffer pour une lecture à voix haute! hihi non c’est promis c’est pas du sadisme 😉

Lettre du 13 janvier 2022

Salut à tous et toutes!

Juste un petit coucou pour vous partager une réflexion sur le langage utilisé par l’UCSA pour dédouanner l’Administration Pénitentiaire des conditions inacceptables de la détention en QI. N’ayant pas envie de passer 15 ans dessus, et d’ailleurs l’écriture devenant de plus en plus difficile, la forme de ce bref texte peut être un peu lourd et redondant, tout en simplifiant et réduisant les processus de réflexion. Toujours est-il, et c’est le principal, que l’on comprendra aisément, je l’espère, le fond et le sens du propos.

En ce qui concerne ma situation, je ne m’étalerai pas sur mes différents « soucis » (moi aussi j’utilise les euphémismes médicaux), vous comprendrez que rien ne s’est amélioré. Cela ne se peut sans l’élimination des causes provoquant les maux. J’ai juste ajouté à ma routine les exercices conseillés par le kiné.

Quant à ma détention provisoire, cela fait plus de trois mois que je n’ai pas de nouvelles du juge d’instruction, que rien ne se passe. Récemment, lors du renouvellement de mon mandat de dépôt, le JLD (juge de la liberté et D) avait ordonné une enquête de faisabilité pour une liberté conditionnelle (je ne suis pas sûr de ce terme, mais en gros, prison à la maison avec bracelet). Cela fait désormais plus d’une semaine que nous savons que le juge d’instruction a la réponse, que mes avocat.es ont demandé qu’on la leur transmette, mais rien. Encore une fois, le juge d’instruction fait durer le plaisir.

Cela ne pourra pas, dommage pour lui, durer éternellement. Pendant ce temps, je ne peux que constater ses pratiques humanistes.

Voilà pour aujourd’hui, au plaisir de vous écouter.
Merci encore pour votre soutien à tous.tes les enfermé.es et à leurs proches.
Force et courage à elles et spécialement aux isolé.es!

Salutations et respect,
Flo.

PARLONS JUSTICE! ACTION DE SOUTIEN CONTRE L’ISOLEMENT

Parlons Justice !” lançait le gouvernement en ouvrant le 18 octobre 2021 les Etats Généraux de la Justice. En soutien à nos proches qui subissent les violences carcérales, l’isolement, le mitard : faisons pleuvoir la Justice sur eux! Ri-Postons en masse ces cartes pour dire: STOP A LA BARBARIE CARCERALE! Téléchargez, timbrez, postez!

UN AN DE TORTURE BLANCHE POUR UN INCULPE DU 8/12.

Suite à l’opération de répression antiterroriste du 8 décembre 2020, 5 personnes avaient été placées en détention provisoire. Le juge d’instruction Jean-Marc Herbaut s’est servi de la détention comme manière d’affaiblir les inculpé.es afin qu’iels ne puissent se défendre dans des conditions correctes. C’est une manière bien rôdée et courante que d’utiliser l’enfermement pour briser les gens, comme le rappelle régulièrement L’Envolée qui relaye des témoignages de détenu.es depuis plus de 20 ans. Presque 30% des détenu.es en France sont en attente de jugement. Puni.es d’avance “par prévention”, mais surtout présumé.es coupables et condamné.es d’avance.

Au fur et à mesure que les interrogatoires se terminaient, les inculpé.es étaient relâché.es et mis.es sous Contrôle Judiciaire. Les derniers en date le fûrent le 15 octobre et le 5 novembre.

Alors que la dimension de répression politique dans cette procédure ne fait nul doute, aucun projet quelconque n’étant réellement reproché aux inculpé.es qui ne constituent par ailleurs pas un groupe, notre ami, fantasmé en “leader” par la DGSI, a subi un régime d’isolement illégal, renouvellé trois fois, dont il a témoigné de l’impact sur sa santé plusieurs fois.

Nous vous invitons à lire ses témoignages avant de poursuivre.

Pensez-y : 365 jours d’isolement. Trois-cent soixante-cinq jours

C’est dans ces conditions, notamment de troubles sensoriels et mémoriels intenses, qu’un prétendu “juge”, indigne de ce nom, lui somme de s’expliquer encore et encore sur le moindre de ses faits et gestes ou propos tenus plus d’un an auparavant, parfois alcoolisé. On pourrait penser à un sketch des Inconnus, si les conséquences n’étaient pas aussi dramatiques. Ironie implacable de l’Ajustice antiterroriste.

Malgré les recours au tribunal administratif, malgré la violation de ses droits assumée, malgré plusieurs actions de soutien (Grande Marée Postale contre l’Isolement en mai, et une tribune Violences Pénitenciaires et Acharnement Carcéral, Stoppons la Spirale Répressive!) l’Administration Pénitentiaire de Bois d’Arcy organisait le 12 novembre dernier un “débat” visant à constituer un dossier qui sera transmis au Ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, qui statuera début décembre prochain d’un nouveau renouvellement (ou non?) de sa torture blanche.

« La torture est une relation, un rapport de force au détriment de la victime, visant à son asservissement, sa déshumanisation » d’après le Comité Européen pour la Prévention de la Torture (CPT). Ce dernier précise dans son 21e Rapport Général (2011) que « la mise à l’isolement peut, dans certaines circonstances, constituer un traitement inhumain et dégradant », qu’ « elle devrait être de la durée la plus courte possible ». Par conséquent, le CPT réclame aux Etats de « réduire le recours à l’isolement au minimum absolu« .

Pourtant, Odile Cardon (directrice de la Maison d’Arrêt (MA) de Bois d’Arcy) avait décidé de son placement à l’isolement dès son incarcération le 11 décembre 2020. Puis, malgré une conduite exemplaire, d’un renouvellement le 11 mars 2021.

Ensuite, c’était au tour Stéphane Scotto, ancien sous-directeur de l’état-major de sécurité (de 2009 à 2012) et fraîchement nommé Directeur Interrégional des Services Pénitentiaires (DISP) de Paris; qui renouvella son isolement début juin 2021, puis début septembre. Directeur de la MA de Nancy (2001-2004), il avait été mis en examen pour “homicide involontaire” puis blanchi de toute responsabilités par la Justice. Il est aussi célèbre pour avoir expérimenté à Fresnes l’isolement des détenus “radicalisés” du reste de la prison; ou encore des fouilles à nu systématiques et illégales.

Le camarade maintenu à l’isolement depuis un an témoignait de l’illégalité la mesure :

« En restant sur ma situation et mon isolement, il est « amusant » de constater le non-respect par l’AP de leurs lois. La circulaire du 14 avril 2011 stipule, en résumé, que l’on ne peut être placé en isolement pour les faits que l’on nous reproche (ou pour lesquels quelqu’un.e a été condamné). La raison doit être un comportement dit « inadapté » ou « dangereux ». Malgré cela la direction de la taule m’a imposée pendant six mois et a obtenu la prolongation de l’isolement en disant très clairement qu’elle se basait uniquement sur les faits reprochés et qu’elle reconnaissait que mon comportement n’a posé aucun problème. Donc, sans aucune gène, on bafoue les droits d’une personne et on lui applique la torture dite « blanche »… Tranquille!”

Libre Flot – Lettre depuis l’isolement – A lire ici

LA BARBARIE EN PRISON : POUR L’ABOLITION DU MITARD ET DE L’ISOLEMENT.

Tout comme les violences policières, les actes de barbarie en prison se font nombreux et toujours passés sous silence ou légitimés. Ils sont le fruit de la diffusion dans la population de désirs punitifs et d’une déshumanisation de certaines catégories sociales. Islamophobie, racisme, masculinisme et validisme constituent cette “passion contemporaine” (Fassin, 2017) qu’est la punition.

Il y a eu plus de 50 suicides et morts suspectes en 2021 dans les prisons françaises. Les suicides sont environ 7 fois plus élevés en prison qu’en dehors, et encore 15 fois plus à l’isolement. Il faut agir, car la situation empire.

“Dans les cellules des quartiers disciplinaires (QD), les conditions de détention sont encore plus intolérables que dans le reste de la prison. Isolées du reste de l’établissement pénitentiaire, elles sont le lieu où des dizaines de prisonnier.ères meurent chaque année dans des conditions obscures.”

Christian Chouviat, lors de la manifestation contre les violences policières du 20 mars 2021 à Paris.

Ce fut le cas d’Idir Mederess en septembre 2020 à la MA de Lyon-Corbas. Il se serait “suicidé”, à 2 semaines de sa sortie. La famille n’en croit pas un mot. Le 30 mai 2020, l’Association Idir Espoir & Solidarité a lancé la première Journée Nationale contre les Violences Pénitentiaires. Elle a aussi lancé une pétition à destination d’Emmanuel Macron et Eric Dupond-Moretti qui demande la radiation des mitards, que nous vous invitons à signer et partager.

Une tribune du juriste Gaspard Lindon parue en 2018 dans Libération titrait “Le Mitard, une incohérence constitutionnelle” et informait :

“On ne sort pas indemne d’un tel isolement prolongé. Outre le risque accru de suicide, on recense de nombreux effets nocifs sur le détenu (panique, dépersonnalisation, paranoïa, hallucinations, aggravation de pathologies existantes entre autres)”.

Dans cette continuité, le collectif Fracas publiait une brochure en mai 2021 intitulée “Pour l’Abolition du Mitard”. On y apprend :

“En théorie, le quartier disciplinaire (QD) se distingue fortement du quartier d’isolement (QI). Une circulaire de l’Administration Pénitentiaire (1999) établit très clairement que le quartier d’isolement ne “constitue pas une sanction disciplinaire”, ce qui permet notamment d’y placer les prisonnier.ères pour une durée indéterminée. »

Ce fut par exemple le cas de Christine Ribailly, qui a passé 725 jours au mitard et 210 à l’isolement en 4 années d’emprisonnement. “Le quartier d’isolement, c’est le mitard sans limitation de durée”, disait-elle.

On y retrouve également un extrait du Bulletin de l’Association des Parents et Amis de Détenus (février 1988) :

“Les conditions d’isolement, donc la privation sensorielle, que subissent aujourd’hui certains détenus, qu’ils soient politiques ou droits communs, ne sont rien d’autre que des assassinats lents et propres. Les quartiers d’isolement, quelque soit leur appellation sont la forme futuriste de la peine capitale. On y assassine le mental en mettant en place le système de l’oppression carcérale à outrance, conduisant à la mort par misère psychologique.”

Les luttes contre l’isolement carcéral ne datent pas d’hier. Les prisonnier.ères, leurs familles et leurs proches, dénonçaient déjà la torture de l’isolement dans les années 70. (Pour une chronologie des luttes anticarcérales, lire “A ceux qui se croient libres” de Thierry Chatbi) De nombreuses révoltes, grèves de la faim et soutiens extérieurs avaient réussi à faire abolir les Quartiers de Haute Sécurité (QHS).

“De 1975 à 1981, de nombreux détenu(e)s se sont battu(e)s contre les QHS dans lesquels étaient isolés les détenu(e)s “récalcitrants”.
Par leur solidarité dans la lutte, ils ont réussi à les faire fermer.
Hélas, ils ont été remplacés par les QI (Quartiers d’Isolement) qui ont la même fonction, anéantir et détruire toute résistance, NIER LE DROIT AU RESPECT DE LA DIGNITE!! »

Bulletin de l’Association des Parents et Amis de Détenus, février 1988

En 2012, des prisonnier.ères en lutte dans la prison de Roanne réclamaient encore la fermeture des QD et QI. Ce ne sont donc pas seulement les QD qu’il faut fermer, c’est le concept même d’isolement qu’il faut abolir.

L’article 3 de la Cour Européenne des Droits de l’Homme stipule : « Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitement inhumains ou dégradants », or comme nous le savons, les lieux d’enfermement (prisons, CRA, hôpitaux psychiatriques) les pratiquent systématiquement sous diverses formes. Nous voyons la violence carcérale s’étendre jusque dans la santé y s’y substituer: “Nous sommes alarmés par le virage sécuritaire observé ces quinze dernières années”, concluait récemment le Groupe d’Entraide Mutuelle (GEM) “L’Antre-2” (Rennes) après une enquête sur les soins sans consentement (C’est du soin si c’est contraint?).

En raison des « dommages qu’il peut causer à l’état de santé mentale, somatique, et au bien être social des détenus, […] l’isolement ne doit être utilisé que dans des circonstances exceptionnelles, en dernier ressort, et pour la durée la plus courte possible. » (Art. R. 57-7-68) Le Code de Procédure Pénale stipule également que l’autorité qui a pris ou prolongé la mesure, d’office ou à la demande de la personne détenue, peut y mettre fin à tout moment. (Art. R. 57-7-76)

Quant au Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté, il concluait dans son rapport de 2019 : “Plusieurs des établissements visités en 2019 présentaient des locaux disciplinaires ou d’isolement qui ont été qualifiés d’immondes et, dans un cas, leur fermeture immédiate a même été demandée. Les cellules de quartier disciplinaire et d’isolement sont nues et sombres, y compris pour des séjours de longue durée, les cours de prommenade ne sont que des espaces exigus et humides dépourvus de tout et souvent recouverts de grilles diverses assombries par des débris végétaux.”

NOUS AVONS BESOIN DE VOTRE SOUTIEN!
Participez à l’action et partagez dans vos réseaux!
Postons en masse ces cartes pour dire: STOP A LA BARBARIE CARCERALE!

A télécharger ici : Cartes Postales contre l’isolement.

L’ordre carcéral n’échappe pas aux logiques de sécurité globale, il est au contraire une infrastructure (morale et matérielle) motrice du continuum sécuritaire. Les réalités qui y sont vécues, propulsées par le syndicalisme pénitentiaire dans la sphère politique et médiatique, nourissent les pulsions punitives dans la société.

La spirale sécuritaire provient aussi des prisons, comme le résume Didier Fassin :

“Plus de sécurité produit habituellement plus d’ordre, tandis que plus d’ordre peut paradoxalement entraîner plus d’insécurité, conduisant en retour à la mise en oeuvre de mesures plus strictes.”

(L’ombre du monde, Une anthropologie de la condition carcérale, 2015)

Ne laissons pas les écrans, les barbelés et l’omerta isoler les prisonnier.ères.

Parlons Justice?
Parlons radiation des mitards!
Parlons abolition de l’isolement!

Pour diffuser cet appel format papier : cliquez-ici !

Lettre depuis l’isolement, texte et dessin échappés de l’intérieur

English version here. Versione italiana .

Lettre depuis l’isolement – Bois d’Arcy – Été 2021

Cela fait désormais depuis plus d’un mois et demi que l’envie de réécrire à propos de l’isolement me titille mais je n’arrive pas à m’y mettre, je n’arrive pas à me concentrer suffisamment. Soit mon esprit s’évapore dans le néant comme un petit nuage, soit il se condense en une sorte de mélasse si épaisse qu’elle bloque tout dans mon cerveau et me file des maux de tête. Bien que la première puisse être plus douce (comme être drogué jusqu’à l’abrutissement et l’hébétude), ces deux situations amènent un sentiment douloureux. En effet constater sa perte de capacité intellectuelle et assister à sa propre décrépitude sont d’une violence totale particulière. C’est dans cette condition mentale que je m’attelle à l’élaboration de ce texte. La volonté de faire comme une mise à jour de la situation vient du constat brutal de son aggravation. De nouveaux symptômes apparaissent tandis que les anciens s’accentuent et s’empirent sans qu’on y prête attention. Lorsque l’on se rend compte d’avoir complètement oublié que deux de ses ami.es (co-inculpé.es) avaient été mis.es en liberté (sous contrainte judiciaire), alors que ce fut la seule bonne nouvelle depuis son enfermement, c’est un véritable électrochoc. Le cerveau commence sérieusement à dérailler. Les problèmes de concentration, les difficultés à construire sa pensée, l’hébétude, la perte de repères temporels, les maux de tête, les vertiges, tous ces symptômes déjà énoncés précédemment, loin de disparaître avec le temps, se sont amplifiés et généralisés, ils sont devenus monnaie courante ou normalité. Mais à ceux là il faut en ajouter d’autres. Avant de les citer il faut comprendre quelque chose : à chaque fois qu’un nouveau symptôme, qu’un nouveau mal apparaît, on se dit que c’est temporaire, on attend que ça passe. Mais non ! Chaque nouveau mal qui pointe le bout de son nez n’est plus qu’un aperçu de ce qui va s’installer dans le long terme et devenir de plus en plus présent. Ces nouveaux « compagnons » sont donc : La perte de mémoire, tellement à l’ouest, sans aucun échange avec les gens ni aucun stimuli, les choses ne s’impriment plus. Les informations lors des coups de fil, des parloirs, des lectures, rentrent et ressortent sans laisser de traces ou à peine une vague sensation de quelque chose d’impalpable. C’est bien simple, si je ne note pas immédiatement mes horaires de sport et d’opprimade de la journée, dans la minute qui suit, impossible de s’en souvenir… En plus de cela, il y a les troubles visuels : il est désormais impossible de voir un sol droit, de niveau. Les sols penchent dans tous les sens en même temps et jamais les mêmes. On pourrait s’amuser à essayer de deviner de quel côté irait une balle si on la passait au sol, aucun des cotés serait étonnant. Mais bon, elles sont interdites, même les DIT… rusé.es ! Un autre symptôme des plus inquiétants est celui de la forte pression thoracique accompagnée d’une douleur aiguë au cœur, comme une pointe plantée en son sein. L’impression que le cœur bat non pas plus vite, mais plus fort comme s’il voulait sortir de la poitrine ainsi qu’un sentiment de fébrilité et ce, même pendant les moments de relaxation, qui sont les sessions de taï-chi-chuan ou de méditation. Cette douleur dura un mois complet de manière permanente, non stop avant qu’elle ne s’éloigne, pour revenir de temps à autre me rendre des visites inopinées. Mais aussi, le problème d’accès à son propre cerveau. C’est devenu courant, lorsque quelqu’un évoque un sujet ou un autre, de savoir avoir des connaissances à ce propos mais de ne pas y avoir accès, le lien pour y parvenir est rompu, ça connecte pas. Erreur 404 d’aucuns diraient… Et la peur s’insinue, et si ce n’était pas le chemin qu’on ne retrouve plus, et si c’était son savoir qui s’effilochait et disparaissait ? A toutes ces choses là s’ajoutent, comme dit plus haut, le constat de cette situation qui en lui même induit son lot de souffrance psychologique. Mais alors que fait-on ? S’inquiéter, demander à voir un médecin ? Oui mais en isolement c’est très compliqué d’aller dans l’aile médicale. On peut rétorquer qu’un médecin passe deux fois par semaine en C4 (quartier d’isolement du centre pénitentiaire de Bois d’Arcy). Oui mais en super speed, dans le couloir avec les surveillant.es, sans possibilités de garantir un semblant de secret médical et avec juste le temps de prendre trois notes et nous refourguer du doliprane en glissant qu’ici (en quartier d’isolement) c’est propice aux mots de tête. Avoir un rendez-vous n’est pas toujours aisé mais plus dur encore est que l’on y soit emmené. Pour sortir du C4 toute la zone de détention doit être bloquée, ce qui entrave le fonctionnement de la prison. Lors du déplacement tout doit être clos et inaccessible, même à la vue, ce doit être une certitude de ne pouvoir ni voir ni être vu par un autre détenu. Le fait de devoir être accompagné d’un.e gradé.e et d’un.e surveillant.e durant tout le trajet et le temps du rendez-vous complique la logistique de leur journée et nécessite plus de personnel. Il est donc tout bonnement plus simple de laisser le détenu à son espoir qui s’égraine au rythme des minutes de sa montre jusqu’au moment où il se rend compte qu’il n’ira pas à son rendez-vous attendu de longue date. Pour ma part, par deux fois mon rendez-vous dentiste a été repoussé car on ne m’y a pas emmené alors que le dentiste et moi-même étions tous deux dans l’attente. Depuis début février je demande à être suivi par un.e psychologue, en cette fin juin1, toujours rien à l’horizon. Mon rendez-vous médecin généraliste a pu avoir lieu après un mois de demandes répétées mais surtout grâce à l’intervention de mes avocat.es. La docteur m’a affirmé oralement que ce dont je me plaignais était causé par la condition d’isolement, que c’était normal dans cette situation et que ça passerait quand je sortirai et ce sans toutefois me donner un certificat médical allant dans ce sens2… J’en déduis que tous.tes les isolé.es subissent les mêmes troubles et que ces souffrances sont banalisées, « c’est normal, ça passera ». C’est comme si on ne prenait pas en compte les graves atteintes physiques et mentales, comme si on me disait « tu souffres, on s’en fout c’est pas grave ». Et bien si c’est grave et quand bien même ça passerait à ma sortie, non, ce n’est pas normal de subir ça. Ne pas faire de certificat médical c’est participer à l’existence de ces faits, se rendre complice de la torture subie. Ce qui est intéressant de voir c’est que la mise en isolement crée des troubles psychiques et physiques qui ne peuvent être suivis correctement dû au fait que l’on soit en isolement. C’est le serpent qui se mord la queue, la spirale infernale. C’est un tel non-sens qu’il est difficile de croire que ce soit un accident. Désormais, un « système » a été mis en place, censé m’assurer que je puisse accéder à mes rendez-vous, à voir ce que cela donnera car l’occasion ne s’est pas encore présentée de le mettre en pratique. Ceci est un luxe obtenu du fait que je suis un relou quant à mes droits, ou comme dirait la direction : « exigeant sur mes conditions de détention ». Mais ici le respect des droits des détenus est à gratter, il ne s’applique pas automatiquement et en appeler au bon sens avec courtoisie pour qu’il existe, c’est comme faire sa miction dans un violon. Le régime végétarien, plus ou moins effectif, ne le fût qu’après avoir cité les articles de loi et menacé de faire intervenir mes avocat.es. Le problème de la hi-fi et des rendez-vous médicaux, de même : « avocat.es » ! Alors voila, pour le « qu’est ce qu’on dit ? » qu’on rabâche aux mômes, ici c’est pas « merci » ou « s’il vous plaît » mais « avocat.es ! » Bien que pas étonnant, c’est affligeant de constater que l’administration pénitentiaire (AP) impose un rapport antagoniste, que tout doive se gérer sous l’angle d’un rapport de force. Je me sais privilégié à cet égard, j’ai deux avocat.es déterminé.es à ce que mes droits soient respectés. Un luxe énorme dont bien peu ici, je suppose, peuvent se vanter. Privilégié aussi de maîtriser un tant soi peu la langue française et sa lecture-écriture afin de pouvoir exprimer clairement mes revendications et pouvant justifier de leur légitimité. Car bien que l’on puisse faire des réclamations aux surveillant.es pour certaines choses, le protocole officiel et le seul reconnu est l’écrit. Je n’ose imaginer le calvaire pour celleux qui ne parlent pas la langue ou qui ont des difficultés vis à vis de sa pratique écrite et qui bien évidemment ne peuvent, en isolement, demander un coup de main à un.e codétenu.e. L’AP étant comme son nom l’indique, une administration avec tout ce que cela implique, la patience acquise avec le temps n’est pas la moindre des qualités, tout comme la capacité à s’adapter à ce système protocolaire. Je me demande comment une personne non soutenue par un.e avocat.e, ne maîtrisant pas bien la langue, peut faire entendre ses droits et ne pas perdre patience. Et si perte de patience il y a, en cas de bafouement des droits comment cela finit-il ? Quelles dérives et quelles conséquences ? Ne le savons-nous pas déjà ? Le moral évolue en dents de scie avec des moments de quasi-euphorie (ce qui n’est pas forcément rassurant) jusqu’à la démoralisation et une totale démotivation, et ce sans que rien ne se soit passé et que rien ne justifie ces sautes d’humeur. La situation psychique est instable, je me réjouis quand tout va « bien », tout en redoutant le creux de la vague qui implacablement se profile. En plus des proches qui se démènent pour m’offrir un parloir hebdomadaire, mon meilleur soutien est le soleil (bien qu’il commence à transformer la taule en fournaise). Je reste encore impressionné de constater à quel point les conditions météorologiques influencent mon état mental (météo : dépression le long des côtes mais chaud à l’intérieur des terres… 🙂 Pour tenir bon je ne me tourne pas vers l’avenir, je n’image rien de positif de peur d’être déçu et de subir un ascenseur émotionnel. Pas d’espoir, pas de déception. Je ne me projette donc pas et vis au jour le jour, répétant inlassablement ma routine. Une routine rigoureuse entre entretien physique, développement intellectuel et apaisement psychologique me donnant un cadre, une prise sur moi-même. L’autodiscipline est la seule chose qui demeure quand plus rien d’autre ne reste. Une autre technique pour garder le sourire : se mentir éhonteusement sur sa situation. Une légère différence dans la nouvelle cellule ? Waouh ! Elle est trop géniale De la bouffe industrielle ? Cool ! Si on y met du curcuma, du sel, du ras-el-hanout, du curry, des herbes de Provence, du cumin et de la harissa, c’est mon repas favori ! L’eau de la douche est chaude ? Elle est relaxante ! Elle est froide ? Elle est vivifiante. Ne pas voir le verre à moitié vide mais au deux-tiers plein… Alors il me manque (ou pas) que les confettis et les paillettes quand les proches déposent un CD nickel, un bouquin trop intéressant, un manuel de taï-chi-chuan ou de langue bien chiadé… Pîroz be ! En changeant de cellule, on s’aperçoit à quel point l’on doit réapprendre les sons. Inconsciemment, on intègre tout les sons de la coursive. Suivant la résonance des pas, les échos des voix, les roulements des chariots, le glissement des œilletons, le tintement des clés, les bips du portique de sécurité, les ouvertures et fermetures des portes, on devine ce qui s’y passe. Il est alors possible d’anticiper le moment ou les surveillant.es arrivent à sa porte. Cela peut paraître anodin, mais selon moi, il est très important de ne pas être surpris. Ne pas être surpris signifie anticiper le bruit ultra-sec et brutal des loquets et verrous. Se faire surprendre par ce son fait sursauter, donne un à-coup au cœur, une montée de stress et ce sans raison, c’est biologique, animal dirais-je. J’ai l’image en tête de la biche ou de la gazelle aux aguets, les oreilles attentives afin de ne pas être victime de la prédation. Bien que consciemment rien ne justifie un tel sentiment et que, à titre personnel, je n’ai aucun comportement agressif ou abus à déplorer de la part des surveillants. Je ne peux m’empêcher, comme un devoir vital, un instinct de survie, d’être toujours prêt, d’être toujours sur le qui-vive. Comme une manière de prendre possession de son territoire, de contrôler son espace ! Cela est sûrement dû au fait que bien que nos relations soient courtoises, elles ne seront jamais amicales et les surveillant.es ne seront toujours que des maillons de la chaîne de mon oppression. La dernière fois3, je n’avais pas trop évoqué les œilletons qui permettent de zyeuter les détenus au travers de la porte. Entre temps, ils y ont rajouté des grilles, ici aussi… Comme s’il y en avait pas déjà assez… Cela ne permet pas de nous observer sans qu’on le sache, car comme dit, on entend, cela ne sert qu’à isoler encore plus des êtres humains. Là où autrefois apparaissait un œil (image assez perturbante voire cosmique, soit dit en passant) il n’y a plus rien. Plus de lien visuel entre soi et « l’œil », uniquement le son (bientôt plus rien), encore un petit pas vers la déshumanisation de l’environnement carcéral. Ces contrôles s’effectuent toutes les deux heures environs, jour et nuit. Durant la journée, il faut donner signe de vie, sinon ça cogne à la porte, donc se réveiller si c’est le moment sieste. La nuit le contrôle est accompagné inévitablement de l’allumage des lumières (d’une durée plus longue suivant son auteur.ice). Les nuits où je dors très bien, je ne suis réveillé qu’une fois, sinon… Le plus pernicieux dans l’isolement est de rendre le réel irréel. Étant donné que l’on est en permanence seul.e avec soi-même, avec ses propres pensées comme unique interaction, le monde réel ne se matérialise pas, les proches relatent un monde qui semble imaginaire (celui de l’extérieur) lors de moments qui, une fois terminés, semblent n’avoir été qu’un songe (les parloirs). La seule réalité (pathétique), c’est cette cellule, ces livres, ces salles des spores (hihi), cette douche, cette « pseudo-promenade » individuelle. Même les autres détenus dans les (vraies) promenades que l’on aperçoit au travers des grilles de sa cage semblent être dans un autre univers. On apprend ce qui se passe dehors, on est informé.e de ce qui nous touche sans pour autant le vivre, le ressentir. Apprendre la mort d’un.e ami.e affecte d’une manière si perplexe qu’il est impossible de le définir clairement. Tant de sentiments surgissent en même temps, ceux normaux, une tristesse profonde, le choc, l’incompréhension, mais cela se mêle à un sentiment d’irréalité. Bien que l’on sache la cruelle véracité de cette terrible perte, elle semble n’être qu’un cauchemar lointain. Ne participant pas aux obsèques, il n’y a pas de partage à ce moment-là avec les autres personnes qui l’ont aimé.e. Ni même ma possibilité de se confier à un autre détenu. À cela s’ajoute la nécessité de tenir le coup. Combat permanent pour ne pas sombrer, qui ne nous laisse pas le « loisir » de se laisser aller complètement à sa douleur, à son deuil. Les visites étant les uniques et très courts bols d’air frais, elles sont plutôt focalisées sur ce qui apporte de la joie et les sujets douloureux sont volontairement limités ou omis. Une fois encore, les sentiments et les émotions sont, par une sorte de mécanisme de survie, bloqués, relégués à plus tard, à la sortie… Combien de ces événements ont ils été amassés depuis le début de l’isolement ? Quel bagage émotionnel se trimballe-t-on ? Comment gérer lorsqu’on sortira ? Que se passe t-il si ce « bagage » craque plus tôt ? Oups… question(s) à remettre dans le sac. Cette réalité se limite à un espace si restreint qu’on en devient égocentré. Je me souviens avoir pensé à abréger un récit intéressant qu’un.e proche me relatait car j’avais besoin de partager des choses d’une futilité extrême (mais qui font mon quotidien). Futilité bien souvent très (pathétiquement) matérielle. En restant sur ma situation et mon isolement, il est « amusant » de constater le non-respect par l’AP de leurs lois. La circulaire du 14 avril 2011 stipule, en résumé, que l’on ne peut être placé en isolement pour les faits que l’on nous reproche (ou pour lesquels quelqu’un.e a été condamné). La raison doit être un comportement dit « inadapté » ou « dangereux ». Malgré cela la direction de la taule m’a imposée pendant six mois et a obtenu la prolongation de l’isolement en disant très clairement qu’elle se basait uniquement sur les faits reprochés et qu’elle reconnaissait que mon comportement n’a posé aucun problème. Donc, sans aucune gène, on bafoue les droits d’une personne et on lui applique la torture dite « blanche »… Tranquille ! Tenir le coup par ce qu’il n’y pas le choix, tenir le coup par respect pour soi et pour les sien.nes, tenir le coup grâce aux soutiens des proches : familles, ami.es, camarades. Merci à elleux pour ce soutien sans faille. Merci aussi à celleux que je ne connais pas et qui m’ont honoré du leur. Notes : Ce texte n’a pas vocation à expliquer le fonctionnement carcéral ni la prétention d’être représentatif de ce qu’est la vie en quartier d’isolement. Il n’a encore moins la prétention de théoriser les mécanismes officiels et officieux, les « outils » répressifs utilisés pour briser ou réduire la détermination des détenus, certain.es l’ont déjà fait avec extrêmement de brio. Ce texte n’a de valeur que pour ce qu’il est : un témoignage d’une personne particulière, à un moment donné, dans un lieu précis, ni plus ni moins. J’espère que le passage maîtrise de la langue française, lecture, écriture ne fait pas prétentieux, genre « je cause trop bien », ce n’est pas le but. L’idée est que si tu causes pas français ou si tu galères à la lecture-écriture bah t’es dans la merde pour faire valoir tes droits ! Est ce clair ou je me suis foiré ? Dois-je le refaire ? Hier il fut refusé à ma mère de déposer livres et Cds, soi-disant elle n’avait pas l’autorisation. Erreur d’un.e débutant.e ? Punition indirecte ? Beaucoup de galères au niveau des colis pendant tout l’été qui je l’espère seront bientôt réglées.4 Aujourd’hui en date du 6 septembre et après plusieurs demandes, un certificat médical où seulement la perte de mémoire et la douleur thoracique inscrites dessus fut délivré et toujours pas de psychologues.

Libre Flot

NB : les notes de bas de page ont été ajoutées par le comité de soutien

1La situation est toujours la même en octobre 2021

2Lors de l’audience de renouvellement de l’isolement au bout de 6 mois il est demandé au médecin de fournir un avis médical, ainsi qu’au SPIP de fournir un avis sur le comportement.

3 Voir lettre d’avril 2021 publiée dans l’envolée N°53 et sur le blog soutien812.net

https://soutienauxinculpeesdu8decembre.noblogs.org/files/2021/10/cellule-2-1024×392.jpg

4 Désormais et suite à des changements dans le fonctionnement de la taule, notre ami doit demander des autorisations pour chaque livre ou CD qui lui est déposé au colis et qui doivent être inspectés par le chef de la détention.

Dessin et p’tit texte échappé de l’intérieur des deux autres inculpés en détention…
Dans une cellule de Fleury Merogis

Poésie de couloir, pour nos cris dans les mouroirs

Écrire, pour panser et dévoiler ses maux, n’oublie pas de penser à réfléchir pour ne pas finir au cachot.

Oh toi prison, ton cœur de briques me laisse de marbre,

j’attends ta destruction pour m’asseoir au pied d’un arbre.

Ulcère je suis, saignant dans tes entrailles de fer et de ciment, rêve de ce jour, que celles et ceux que tu appelles cancer du système dégueulerons.

Oh toi liberté, je rêve de toi, parfois te parle, j’écris ton nom sur un murmure ou bien encore au fond de mes cellules, et je fantasme de pouvoir t’approcher, te caresser et de t’embrasser.

Je regarde par la fenêtre et ma vue est quadrillée, horizon perdu et mal encadré.

Tableau noir et peinture effacée, dans un esprit d’une enveloppe bétonnée.

Manu depuis Fresnes, août 2021