Le 4 juillet 2023, au sein de la 16ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris (spécialisée dans les affaires terroristes) se tenait une audience de fixation en vue du procès de 7 personnes inculpé·es pour « délit d’association de malfaiteurs en vue de la préparation d’actes de terrorisme », qui se déroulera en octobre 2023.
Cette audience fait suite à deux ans d’une instruction à charge, qui s’attaque à des valeurs bien plus qu’à des intentions réelles, qui stigmatise des modes de vie dits « marginaux » et transforme des convictions intimes en malveillance présumée. Aucune des conclusions du dossier du PNAT ne permet de mettre en lumière un quelconque projet concret. A deux reprises, les conditions de détention dans le cadre de cette affaire ont été condamnées par la justice elle-même.
Cette audience avait en théorie pour objet d’établir un planning du procès à venir, de déterminer les jours auxquels chacun·e se doit d’être présent·e, afin notamment de permettre aux prévenu·es de prendre leurs dispositions (famille, travail, animaux…) pour un procès qui s’étendra entre le 3 et le 27 octobre. Elle était aussi l’occasion de faire valoir des demandes de modifications de CJ, afin de lever l’interdiction qu’ont les prévenu·es de rentrer en contact les un·es avec les autres.
C’est finalement cette demande qui occupera la majorité du temps de l’audience, qui fût le théâtre d’une parodie grotesque de ce que la justice française peut proposer.
La demande conjointe de tous les prévenu·es d’alléger ce contrôle judiciaire injuste, appuyée par les plaidoyers des avocat·es mettant en lumière la présomption d’innocence, s’est heurtée aux arguments simplistes et hors de propos du procureur de la république, Benjamin CHAMBRE. Selon lui, nous autoriser à entrer en contact comporte plusieurs risques : la récidive et la fuite vers l’étranger.
Récidive de quoi ? Il n’y a aucun fait établi. On nous accuse sur la base d’intentions fantasmées. Quid de la présomption d’innocence ?
Notre présence à tous les sept lors de cette audience de fixation, montre bien qu’aucun·e de nous n’a l’intention de se soustraire au procès à venir, et s’il y avait projet de fuite, attendrions-nous vraiment d’obtenir l’autorisation de la justice ?
La juge a fait le choix de se fermer à tout argument sensé, pour ne retenir que le point de vue du procureur de la république. Après pas moins de deux heures de délibéré qui parurent grotesques au vu de la réponse qui nous a été donnée, toutes nos demandes ont été refusées, hormis l’autorisation pour l’un des prévenus de circuler de nouveau dans un département qui lui était jusqu’ici interdit. Aucun nouvel élément ne permettrait de statuer en faveur de cette modification de CJ.
Que valent en effet 3 ans de contrôles judiciaires respectés à la lettre et des dizaines de rapport du SPIP plus que positifs ? Que penser d’une justice qui ne prend aucunement en compte le respect scrupuleux des privations de liberté abusives qu’elle nous impose depuis maintenant 3 ans ?
Pendant deux ans, je n’ai pas eu le droit d’entrer en contact avec la personne dont je suis le plus proche, interdiction qui a finalement été levée à la fin de l’instruction. Dans le même temps, une prévenue avait obtenu le droit de rentrer en contact avec touss les autres mis en cause, qui n’ont, eux, pas le droit de lui répondre.
C’est dans ce contexte absurde que notre demande de modification de CJ portant sur les interdictions de rentrer en contact n’a pas été autorisée.
Cette parodie de justice ne laisse pas présager un procès équitable.
☞ Extrait du témoignage de F. avant l’audience : « Le 4 juillet sera aussi l’énième occasion de demander la main levée du CJ ou tout du moins son allégement. Il faut savoir que toute les demandes précédentes ont été l’occasion par les différents procureurs d’être insultant·e·s à mon égard.
Lorsque je demande à pouvoir aller voir ma mère, qui n’est pas apte à venir seule jusque là où je vie, on me répond de ne pas m’être soucier de ma mère lorsque je suis parti combattre contre daesh, de ne pas m’être soucier de ma mère lorsque j’ai entamé une grève de la faim contre l’isolement, grève de la faim dont je rappelle était mon ultime tentative pour sauver ma vie de l’enfer que me faisait subir l’état français, qui me détruisait physiquement, mentalement et psychologiquement et qui sera jugé, comme dit plus haut, illégal par la suite.«
☞ Extrait du témoignage de B. : « Dans un contexte social très tendu, le procureur a fait la demande que ce procès ne soit pas un procès politique. Demande complètement hypocrite, alors que nous sommes cités comme des individus faisant partie de groupuscule « d’ultra gauche », et que le réquisitoire définitif du PNAT commence par une introduction de 10 pages, un résumé complètement détourné de l’histoire des mouvements dits de « l’ultra gauche ».
Nous allons donc devoir nous défendre sur des intentions présumées, paroles contre paroles, face à un système judiciaire qui semble biaisé en notre défaveur. Le procureur, portant le rapport du PNAT, se permet de tirer des conclusions sans aucune base de faits concrets. Chaque activité, hobby ou blague est détourné, formant un récit policier grotesque qui ne repose sur rien, à part la volonté du système judiciaire de nous faire rentrer dans les cases qui les arrangent, à savoir de dangereux terroristes d’ultra gauche. Dans ce procès, qui sera public, nous allons donc devoir raconter nos vies dans les moindres détails devant journalistes et badauds venus se délecter de notre intimité dans un voyeurisme judiciaire malsain. »
☞ Extrait du témoignage de W : « La juge a suivi les recommandations du procureur à la lettre, sans chercher à aller plus loin. Ca promet de bons résultats pour le procès… L’excuse principale est l’« absence de nouveaux éléments » (sous-entendu qui seraient favorables aux inculpé.e.s). Et là on se fout de nous. Tous les rapports des SPIP sont excellents, les CJ suivis avec zèle, il y a même un rapport du SPIP qui est arrivé en plein milieu de l’audience !
Cette audience était réglée en avance. Le procureur n’a rien eu a faire à part rester dans son fauteuil a arborer un sourire satisfait à la limite du malsain. »