Les invités de Mediapart – Féministes, nous luttons contre la répression d’État

Des intellectuels et des artistes, dont Françoise Vergès, Isabelle Stengers, Paul B. Preciado et plusieurs collectifs féministes s’allient pour affirmer « leur peur et leur colère face à la course sécuritaire menée par le gouvernement », et réclamer la libération des militants arrêtés le 8 décembre 2020.

Le 8 décembre dernier, sept personnes ont été arrêtées et mises en examen pour association de malfaiteur terroriste « en vue d’attaques contre les forces de l’ordre ».

Seulement, de l’aveu même des services de police et/ou du parquet qui ont fait fuiter des morceaux de l’affaire dans la presse, aucun projet concret d’« attentat » ne leur est pourtant attribué. Dans cette construction digne de Minority Report, la justice prédictive n’a besoin que du rapprochement de faits mineurs voire anodins1 , d’un prétendu groupe (alors que les sept inculpé·e·s ne se connaissent pas tous entre eux) et d’une idéologie, qualifiée « d’ultragauche ».

Derrière cette étiquette policière, c’est tout un panel d’idées et de pratiques qui est ciblé, notamment celles qui luttent contre les oppressions systémiques.

En tant que partie prenante du mouvement féministe, nous tenons à nous solidariser avec les personnes interpellées et à dénoncer les diverses formes de répression politique qui cherchent à museler nos luttes2.

Au nom de l’antiterrorisme, la justice française permet qu’on arrête, enferme et condamne des personnes pour de simples suspicions d’intentions.

Durant les 96 heures de leur garde à vue, la DGSI aura d’ailleurs posé plus de questions sur leurs opinions politiques (que pensent-elles·ils du véganisme, de la politique gouvernementale, de l’antifascisme, des violences policières ?) que sur des faits précis qui pourraient leur être reprochés.

Sur ces bases, la justice maintient cinq des sept inculpé·e·s depuis trois mois en détention provisoire, sous le dur régime des « détenus particulièrement signalés » : restriction des visites et du courrier, isolement sévère, réveil toutes les deux heures, limitation de l’accès aux maigres activités qu’offre la prison, humiliation de la fouille à nu à chaque parloir.

L’affaire du 8 décembre est une illustration de plus de la fonction très politique et des ressorts fondamentalement paradoxaux de l’antiterrorisme : il ne s’agit pas de combattre la peur, mais d’en faire un moyen de gouverner. En commençant par la répandre le plus possible, si besoin en inventant une menace de toute pièce, comme c’est le cas ici. En désignant ensuite la figure de qui nous devons avoir peur, ce qui permet à la fois de stigmatiser des parties de la population et d’invisibiliser le fond du problème.

Enfin, en exerçant une répression féroce, ce qui accrédite la menace et fait monter le niveau de tension.

En tant que féministes, nous identifions bien certains de ces ressorts. Nous avons l’habitude que le pouvoir joue avec nos peurs. Peurs d’être pris·e·s pour cible par des fanatiques, peur de nous faire violer dans une ruelle sombre.

Oui nous avons peur.

En tant que femmes, hommes trans ou personnes non-binaires, on nous a scrupuleusement appris à avoir peur, à voir nos corps comme vulnérables et soumis à n’importe quel désir de possession.

Pourtant, aujourd’hui, ces mensonges ne prennent pas. Les peurs qui nous habitent ne sont pas celles qu’on veut nous construire.

Nous avons peur du fascisme, auquel ce gouvernement est en train d’ouvrir la voie. Un fascisme dans lequel nos libertés de femmes, hommes trans ou personnes non-binaires, n’auront plus aucune place, si ce n’est celle d’être la « femme de » quelqu’un. (Il est notable que dans le traitement médiatico-policier des dernières affaires antiterroriste concernant « l’ultragauche », il n’a pas manqué de journalistes d’un autre siècle pour décrire les femmes impliquées comme des personnes sous l’influence de leur compagnon).

Nous avons peur de la police. Parce que ses marges de manœuvres semblent sans limite, y compris celles de nous humilier, de nous violer, de nous tuer – tant son impunité est scandaleuse. Parce qu’elle est armée et compte en son sein un nombre non négligeable de conjoints violents et de fascistes.

Depuis différentes positions sociales et politiques, nous nous allions aujourd’hui pour affirmer ensemble notre peur et notre colère face à la course sécuritaire menée par le gouvernement.

Militant·e·s, universitaires, chercheur·euse·s, activistes, travailleur·euse·s sociales, artistes, nous sommes féministes. Et alors que les mouvements féministes n’ont jamais été aussi massifs et puissants, nous souhaitons réaffirmer que nous ne sommes pas dupes du patriarcat qui est au fondement même de l’État qui nous dirige.

Une ligne d’écoute privatisée ou un Grenelle ne nous feront jamais oublier l’invisibilisation des personnes trans et non-binaires, les violences institutionnelles et l’enfermement subis par les personnes exilées, la criminalisation des travailleur·euse·s du sexe, la valorisation de la violence sexiste et de la virilité, la décision de ne protéger que certains corps.

Sur cette base, nous affirmons nous opposer :

– À la loi « sécurité globale », qui donne toujours plus de pouvoir à la police. Alors qu’il n’est plus possible pour personne de nier les violences policières, le gouvernement augmente la possibilité de la surveillance de masse par tous les agents de la sécurité. Renforcer la police, c’est renforcer le patriarcat d’État dont elle est le bras armé. Le texte prévoit de toujours plus pénaliser les moyens à disposition des luttes pour s’en défendre. Nous refusons de laisser la police nous filmer, les agents de sécurité nous palper.

– Au « féminisme » d’État, qui transforme nos souffrances en prétexte à la pénalisation et au sécuritarisme. Nous n’accordons aucune confiance aux sphères étatiques qui refusent de voir que le viol est une culture, la domination une éducation. Si nous reconnaissons que la justice permet à certaines victimes de trouver une sorte de réparation, nous ne doutons pas que le système pénal privilégiera encore et toujours les dominants, quand les corps racisés seront les coupables idéaux. Pénaliser les actes sexistes ne les empêchent pas, et la question reste inaudible pour le gouvernement : que faut-il faire pour empêcher les hommes de violer ? Le projet de loi contre le séparatisme illustre bien ce « féminisme » d’État : que viendra résoudre l’interdiction des certificats de virginité ou une énième loi sur le voile, à part réduire nos libertés en renforçant le contrôle sur nos corps et alimenter l’islamophobie en prétextant une fois de plus nous libérer ?

– À la répression des mouvements de lutte qui s’abat sur celles et ceux qui se mobilisent contre ce monde patriarcal, à travers la répression juridique et la violence physique. Violence physique « contrôlée », qui est la base de la virilité policière. Répression juridique pour laquelle des militant·e·s politiques sont désormais des « terroristes », diabolisé·e·s comme ultra-violent·e·s quand des groupes d’extrême droite tabassent des rassemblements féministes en toute impunité.

Les arrestations du 8 décembre servent opportunément de contre-feu au large mouvement mondial de remise en cause de la police. Mouvement, est-il besoin de le rappeler, dont les figures de proue sont des femmes.

Nous avons le courage de dire nos peurs avec force, et nous appelons toutes celles et ceux qui agissent pour la destruction du patriarcat :

– à militer pour la prévention, l’auto-défense, l’empowerment et la construction d’une justice transformatrice,

– à soutenir toutes celles et ceux qui sont touché·e·s par la répression, et à refuser que la catégorie de terroriste puisse servir à briser celles et ceux qui militent contre la violence de l’État3

– à réclamer en conséquence la libération des cinq personnes encore incarcérées en détention provisoire depuis le 8 décembre.

Notre sororité est notre force,

Signataires :

Françoise Vergès, Isabelle Stengers, Paul B. Preciado, Elsa Dorlin, Isabelle Cambourakis, Emilie Hache, Nathalie Quintane, Nacira Guenif, Emilie Noteris, Wendy Delorme, Naruna Kaplan de Macedo, Isabelle Frémeaux, Hourya Bentouhami, Anne Emmanuelle Berger, Tissot Sylvie, Jules Falquet, Yala Kisukidi, Valérie Rey Robert, Fatou Dieng, Awa Gueye et le collectif Vérité et Justice pour Babacar, Aurélie Garand et le collectif Justice pour Angelo, Nous Toutes 35, collectif toutes en grève 31, Marseille Féministe, collectif Nous Toutes 76 Le Havre , Union Pirate, Les Enlaidies, UCL

1Pour plus de précisions sur l’affaire, voir le site du comité : https://soutienauxinculpeesdu8decembre.noblogs.org/

2Voir aussi la tribune de soutien rédigée par des combattant·e·s francophone du Rojava, alors que l’un des leurs est inculpé dans cette affaire : https://lundi.am/Operation-antiterroriste-du-8-decembre

3.cotizup.com/soutien-8-12

Communiqué de l’équipe du Lycée Autogéré de Paris en soutien aux inculpé.e.s du 8 décembre

Depuis le 8 décembre 2020, sept personnes sont inculpées et cinq sont toujours détenues dans plusieurs maisons d’arrêt d’île-de-France pour association de malfaiteurs à caractère terroriste, sans que les charges retenues contre elleux soient clairement définies.
Les membres de l’équipe du LAP dénoncent cet abus de pouvoir et appellent à la libération de toustes les prisonnier.es.

Depuis la loi du 4 janvier 1993, le droit français n’utilise plus le terme «d’inculpé.e». Pour souligner l’importance donnée à la présomption d’innocence l’institution judiciaire parle à la place de «mis.e en examen».

L’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme affirme ce principe : «Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie».

Pourtant l’infraction d’association de malfaiteurs terroristes reprise dans la loi de 1996 s’accorde mal avec ce principe. En effet, en étant poursuivi.e de «participation à une association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme ayant pour objet la préparation d’un ou plusieurs crimes d’atteintes aux personnes» (AMT), les soupçons servent à incriminer.

Le blogger Maître Eolas le confirme. Il cherche en vain une décision d’acquittement parmi les centaines de mise en examen dans le cadre d’une AMT.

De plus, la loi définie par l’article 450-1 du Code pénal sert de fourre-tout et l’anti-terrorisme permet de poursuivre et réprimer les luttes sociales : affaire Tarnac, militant.e.s accusé.e.s pour de la mousse expansive dans les bornes de validation du métro rennais, poursuites parmi les anti-nucléaires à Bure suite aux dégradations de l’hôtel-restaurant de l’Andra…

Le 8 décembre 2020, c’est au tour de neuf personnes de se retrouver inculpées dans un coup de filet anti-terroriste : arrestations à l’aube, gardes à vue de 96h, interrogatoires sans relâche, tête encagoulée pour les déplacements, perquisitions, prison préventive avec régime spécial et deux gardiens assignés par détenu… L’arsenal est impressionnant et violent.

Puisque c’est une intention prêtée à ce que la police présente comme un groupe «d’ultra-gauche» qui est poursuivie, les éléments à charge ne se relient qu’à la lecture d’un récit brodé : utilisation de messageries chiffrées, retour des combats au Rojava au côté des YPG pour l’un d’entre eux, métier d’artificier pour un autre, idées anticapitalistes… Cela suffirait à démontrer les intentions violentes du groupe.

S.G. qui fait partie des 5 toujours en détention provisoire était élève au lycée autogéré de Paris il y a vingt ans. Il y affirmait ses pensées anti-autoritaires et son goût pour les groupes punks.

Nous dénonçons une utilisation abusive du régime anti-terroriste et de la détention préventive.

Nous appelons à la libération immédiate des cinq en prison et à la déqualification du caractère terroriste des poursuites.

Les membres de l’équipe du LAP – 30 mars 2021.

Soutien aux inculpé.e.s du 8 décembre 2020!

Soutien aux inculpé.e.s du 8 décembre 2020!

Publié le 24 mars 2021, Paris-Luttes.info

Depuis plus de trois mois, sept personnes sont mises en examen et cinq d’entre elles croupissent dans plusieurs prisons d’Île-de-France pour «association de malfaiteurs à caractère terroriste». Leur crime? Partager des idéaux d’émancipation et de justice sociale.

Le 8 décembre 2020 à l’aube, s’est déployé simultanément dans plusieurs villes de France un «coup de filet anti-terroriste», donnant lieu à l’arrestation et la garde à vue pendant 96h de neuf personnes, présentées comme appartenant à ce que la police et le pouvoir politique désignent comme étant «l’ultra-gauche».

Depuis le premier jour de leur incarcération les cinq détenu.e.s sont toustes DPS (détenu.e.s particulièrement surveillé.e.s), c’est-à-dire soumis.e.s à un régime de détention strict, avec son lot de brimades et de privations (rétention aléatoire des courriers et des colis, absence d’activités collectives, impossibilité d’accéder à une formation ou à un travail, déplacements obligatoirement encadrés par deux surveillants, fouille au corps après chaque parloir…)

Le terme «d’ultra-gauche» est utilisé à dessein pour servir de repoussoir, sans jamais que soient définis sérieusement son contenu politique ni ce qu’il recouvre. Il résulte d’une construction policière, médiatique et politique visant à décrédibiliser en la criminalisant toute opposition progressiste un tant soit peu radicale.

Le chef d’inculpation «d’association de malfaiteurs à caractère terroriste» peut recouvrir aussi bien des intentions que des faits, faisant fi des preuves matérielles, ici très maigres et agrégées dans le seul but de servir le récit policier. Tout laisse à penser que leur adhésion supposée à des idées anticapitalistes et antiautoritaires a généré la croyance en leur culpabilité. Ce dossier semble illustrer parfaitement le biais de confirmation qui consiste à inverser le processus de jugement, partant d’une conviction que l’on cherche à étayer à tout prix.

Des «lois scélérates» il y a plus d’un siècle au fiasco de l’affaire Tarnac, le pouvoir politique a toujours cherché à réprimer les acteurs des luttes pour l’émancipation en les faisant passer pour «terroristes», les présentant comme faisant preuve d’une violence aveugle, irrationnelle et sectaire, sans jamais interroger sa propre violence et ses conséquences concrètes dans chaque parcelle de la vie de chacun.e.

Cette affaire est fondamentalement politique, elle vise à museler toute opposition et à terroriser les acteurs des luttes tels les militant.e.s libertaires et anti-autoritaires, syndicalistes, zadistes, et tout groupe ou personne aspirant à la sortie du capitalisme et son cortège d’injustices sociales, économiques, sexistes, racistes et validistes. Elle intervient dans un contexte qui voit se lever de nombreuses voix et un front large en opposition aux lois de surveillance et de contrôle toujours plus liberticides (loi Sécurité globale, loi séparatisme, Livre blanc de la sécurité intérieure, décrets PASP…).
Ces arrestations arbitraires prennent donc place dans un agenda politique, dont le but est de criminaliser toute contestation. Elles constituent un avertissement et font planer une menace visant à nous enfermer un peu plus chaque jour dans le défaitisme, la peur et la sidération.

Cela n’arrive pas qu’aux autres, désormais chacun.e d’entre-nous peut se retrouver en détention préventive, après 96h de torture blanche.
Nous avons tou.te.s des opinions politiques et des convictions, ce n’est pas un crime.
Nous croisons tou.te.s des centaines de gens chaque année, ce n’est pas un crime.

Ne nous laissons pas impressionner et refusons de nous laisser enfoncer dans un autoritarisme chaque jour croissant et plus répressif!
Nos camarades ne doivent pas sombrer dans l’oubli, réaffirmons notre soutien aux inculpé.e.s du 8 décembre! Liberté pour toustes!
Soutien aux inculpé.e.s du 8 décembre
Comité francilien

Aujourd’hui
Cela fait maintenant trois mois et demi qu’iels sont détenu.e.s et les demandes de remises en liberté ont toutes été rejetées.
La maltraitance institutionnelle dont iels font l’objet ne vise qu’à les briser. Jusqu’ici rien n’a pu justifier la débauche de moyens mis en œuvre pour les réprimer.

Vous pouvez nous aider à mettre en lumière cette affaire :

  • en diffusant cette newsletter
  • en nous adressant des contacts intéressés par l’écriture de textes sur les lois d’exception, le traitement du terrorisme en politique intérieure, la société disciplinaire, etc.
  • en nous aidant à analyser les processus juridiques à l’œuvre

Cagnotte pour permettre aux détenu.e.s de cantiner et de payer leurs frais d’avocats : https://www.cotizup.com/soutien-8-12
Mails des comités francilien et rennais :
soutien-8dec@riseup.net
comiterennes8decembre@riseup.net
facebook.com/Comité-de-soutien-rennais-aux-inculpées-du-8-décembre-101138728633495
Blog des comités de soutien aux inculpé.e.s du 8 décembre : http://soutienauxinculpeesdu8decembre.noblogs.org/
Articles et émissions :
Antiterrorisme et Ultragauche : la gouvernance par la peur  | 19 février L’inculpation d’un groupe de personnes sur la base de soupçon pour « association de malfaiteurs à caractère terroriste » accompagne une opération de communication et un arsenal législatif visant à criminaliser les mouvements (…) https://lenvolee.net/taoufik-mort-a-la-prison-de-perpignan-marche-blanche-pour-jimony-mort-au-cd-de-meaux/
https://acentrale.org/journal-des-antennes/2021-02-06
https://lundi.am/Operation-antiterroriste-du-8-decembre
https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/050121/repression-d-etat-nous-ne-cederons-ni-au-chantage-ni-la-peur
https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/une-spectaculaire-operation-antiterroriste-fait-pschitt-a-ustaritz-1615831712

[Amiens] Semaine de lutte contre les violences d’Etat et la vague de répression antiterroriste du 8.12

Après quelques évènements de soutien, le comité de soutien amiénois organise, avec d’autres collectifs, associations et syndicats, une semaine de lutte contre les violences d’Etat et la vague de répression antiterroriste du 8.12. La semaine se clôturera avec la manifestation le 20 mars, 14h, place de la MACU. Cette manif répond à l’appel national des Comités vérité et justice des familles et proches de victimes des violences policières, dans le cadre de la Journée internationale contre le racisme systémique et les violences policières, judiciaires et carcérales.

20 mars – Journée internationale contre le racisme et les violences policières

Nous étions présentEs le 20 mars à Rennes pour la Journée Internationale contre le racisme systémique et les violences policières, carcérales, judiciaires. Ce fut l’occasion pour nous de parler de la violence antiterroriste.

Première prise de parole:

« Depuis plus de 3 mois maintenant, 7 personnes sont inculpéEs suite à la spectaculaire affaire du 8/12. 5 sont encore en prison dans des conditions de surveillance élevées.

Le 8 décembre dernier, la police antiterroriste est entrée par effraction chez notre amie. A 6h du matin, ils ont fracturé la porte de sa chambre et braqué leurs viseurs sur son coeur. Pendant 3 heures, ils ont tout démoli dans sa chambre, saccageant méticuleusement sa vie privée et dérobant ce qui leur paraissait intéressant pour leur enquête.

Que pensaient-ils trouver, ces « héros de la nation », dans la planque d’une « terroriste d’ultragauche » ? Des armes ? Des explosifs ? Des K-Way noirs ? Rien de tout cela !

Au milieu des brochures sur le féminisme, sur l’anti-racisme, ou sur violences validistes, pas de manuels pour la guerre !! Au milieu des plantes médicinales et des photos-souvenirs, pas de TNT !

Il est pourtant clair pour tout le monde qu’aujourd’hui, pour trouver du matériel servant à terroriser la population, ce n’est pas dans la chambre d’une militante qu’il faut chercher, mais dans les stocks de la police et les sous-sols de l’extrême-droite !

Alors, ces gros virils armés jusqu’aux dents ont pris l’ordinateur, le téléphone, des disques durs récupérés dans un vide-maison… Ils ont aussi pris en photos des posters sur le kurdistan et des gants de boxe…

A quoi sert l’antiterrorisme aujourd’hui ?

A nous faire désirer un régime sécuritaire et islamophobe.

A nous faire désirer un Etat autoritaire et patriarcal.

A nous faire désirer une République radicalisée et raciste.

« J’étais terrorisée, j’ai cru que j’allais mourir », témoigne Marianne, étudiante de 28 ans, qui s’est faite arrêtée récemment par la DGSI car elle avait passé le premier confinement dans ce même lieu en Dordogne avec les inculpéEs du 8 décembre. Lieu dans lequel ils et elles se sont retrouvéEs pour passer le confinement hors de la ville, ou parce que vivre en camion devenait illégal.

C’est le gouvernement lui même qui a créé cette soit disant « association de malfaiteurs terroristes » ! Et c’est l’antiterrorisme lui même qui crée artificiellement des coupables !

Des écoutes anti-flics, des envies de révolte, des fusils de chasse, des couteaux, une partie de paintball et une boite de conserve explosée dans les bois, Darmanin met le chocolat dans le papier d’alu et PAF ça fait des chocapic ! Qui cherche trouve !

Le spectacle étatique construit la menace terroriste pour nous faire oublier que la menace terroriste c’est l’État !

Le Comité 8/12 de Rennes exige la libération et l’abandon des charges pour tous les inculpéEs.

Pour la Justice, la Vérité, et la Révolte ! »

Deuxième prise de parole:

“Le 8 décembre 2020, 9 militant.e.s ont été perquisitionné.e.s et arrêté.e.s par la DGSI. Après 96h de Garde À Vue, 2 ont été libéré.e.s, à priori sans suite, 2 autres placés sous Contrôle Judiciaire et 5 autres placé.e.s en détention provisoire.

Iels sont accusé.e.s de « participation à une association de malfaiteurs terroristes en vue de la préparation d’un ou plusieurs crimes d’atteintes aux personnes ». Notons qu’aucun acte de violence ne leur est reproché, l’affaire repose sur des suppositions d’intentions. Pourtant, ces accusations bien abstraites ont suffit pour maintenir en détention 5 personnes depuis déjà plus de 3 mois.

Quand l’Etat parle de menace terroriste, la menace terroriste c’est l’État, car l’état Français joue sur le registre de la peur, amplifiée par les médias, pour gouverner par des mesures de terreur, notamment en massifiant le recours à l’enfermement et aux privations de liberté! Nous retournons donc la question: qui terrorise qui ?

L’antiterrorisme sert de prétexte, c’est un outil policier et judiciaire sans garde-fou qui permet de justifier tout et n’importe-quoi, en particulier lorsqu’il s’agit de stigmatiser les musulman.ne.s ou de réprimer des militant.e.s.

Sous prétexte d’anti-terrorisme, des musulman.ne.s, ainsi que des militant.e.s écologistes ont été massivement assigné.e.s à résidence depuis 2015.
Sous prétexte d’anti-terrorisme et de « sécurité », des mesures liberticides sont prises, telles que la loi sur le « séparatisme » ou bien celle sur la « sécurité glogale ».
Sous prétexte d’anti-terrorisme, on criminalise le simple fait de dénoncer l’islamophobie, en témoigne la dissolution du CCIF ou encore la charte imposée par l’état aux imams.
Sous prétexte d’anti-terrorisme, il y a quelques mois, des enfants de 10 ans ont été réveillés à 6h du matin par des policiers cagoulés et en armes, avant d’être retenu.e.s et interrogé.e.s pendant 11h au commissariat.
Sous prétexte d’anti-terrorisme, 5 militant.e.s pour les libertés sont enfermé.e.s, depuis déjà plus de 3 mois, sur de simples suspicions d’intentions.

Sous couvert de mesures préventives, l’enfermement est employé, alors qu’il s’agit d’une violence terrible, qui déshumanise les personnes et les prive des droits les plus élémentaires.

Aujourd’hui, ces 5 militant.e.s sont en détention provisoire. Enfermé.e.s sans procès, sur des soupçons d’intentions. Ça peut paraître une injustice criante, et ça l’est, mais il faut se rendre à l’évidence que ça n’est malheureusement pas du tout un cas isolé. La détention provisoire n’a rien d’une mesure d’exception, contrairement à ce qui est dit dans les textes de lois.
En France, au 1er janvier 2017, on compte 19 500 prévenu.e.s, les personnes incarcérées en attente de leur procès, ce qui représente près d’un tiers des détenu.e.s.
La détention provisoire est un outil bien pratique pour présumer coupables des personnes avant même de les juger, et ainsi les priver de nombreux droits, compliquant encore plus leur défense.

À cela s’ajoutent les Centres de Rétention Administrative, les CRA, où l’on enferme des milliers de personnes en exil sans même prendre la peine de les accuser de quoi que ce soit… L’injustice à son paroxisme!
En France, au cours de l’année 2018, 45 800 personnes ont ainsi été placées en centre de rétention. La rétention est employée massivement et sans scrupules par la police aux frontières, sans prendre en compte les terribles conséquences sociales, sanitaires, financières et psychologiques que cela implique pour les personnes enfermées.

L’enfermement n’est pas une décision aléatoire, c’est une mesure de répression clairement dirigée contre des groupes de personnes. C’est une violence extrème sur laquelle l’état assoie son pouvoir colonial, capitaliste et patriarcal.
En effet, la présomption d’innocence est invoquée à tours de bras pour protéger les policiers coupables de meurtres racistes ou encore un ministre de l’intérieur accusé de viol.

Mais lorsqu’on parle de personnes exilé.es, de personnes non-blanches, de musulman.es, de personnes trans, de personnes particulièrement précaires, ou dans le cas de cette affaire, de militant.es, iels sont présumé.e.s coupables d’après leur situation, leurs identités ou leurs idées, et iels sont enfermé.es sans autre forme de procès.

Pourtant, l’enfermement a des conséquences qu’on ne peut pas prendre à la légère. Il faut rappeler que la prison précarise, la prison humilie, la prison isole socialement, la prison détruit psychologiquement, la prison tue.

En France le taux de suicide est 7 fois plus élevé chez les détenu.e.s que dans le reste de la population. Et dans de bien nombreux cas, quand l’administration pénitentiaire déclare un suicide ou un arrêt cardiaque, des éléments décrédibilisent ces thèses, souvent des hématomes, des traces de lutte et les détenu.e.s comme les familles ne sont pas dupes. Iels demandent que la lumière soit faite sur les circonstances de ces décès.
On pense notamment à Zoubir Abderrezak, mort dans la nuit du 24 au 25 octobre 2018 à la taule de Condé sur Sarthe, la mort de Jaouad en 2018 et celle de Jules en décembre 2020 au mitard de Seysses. La mort de Taoufik le 18 octobre à Perpignan. La mort de Jimony Rousseau le 2 février 2021 suite à son incarcération à Meaux. La liste des morts suspectes est longue et ne cesse de s’allonger.

Nous ne pouvons pas nous taire devant les violences qui s’exercent dans l’ombre.
Nous ne pouvons pas laisser exposer qui que ce soit aux violences de l’enfermement.
Hommages aux victimes de la prison. Justice pour Jimony, pour Zoubir Abderrezak, pour Taoufik et pour tout.e.s les autres.

Liberté pour les inculpé.e.s du 8/12 ! Liberté pour tou.te.s les enfermé.e.s !
Force à elles et eux ! »