Le club de Médiapart – Violences pénitentiaires et acharnement carcéral : stoppons la spirale répressive

En soutien aux militantes et militants visés par la répression antiterroriste depuis le 8 décembre 2020, plusieurs collectifs dénoncent le maintien à l’isolement d’un des inculpés et «la fabrication de figures de coupables instaurées par la gestion policière, judiciaire et carcérale».

Cela fait maintenant plus de 6 mois que sept de nos camarades sont poursuivis et mis en examen pour « association de malfaiteurs terroristes » suite aux arrestations du 8 décembre, un d’entre eux s’est vu renouveler son maintien à l’isolement le 8 juin dernier.

Alors que la prison est déjà en elle-même une terrible mise au ban de la société, destructrice des liens sociaux, impliquant de graves conséquences pour les enfermé·e·s et leurs proches, le directeur interrégional des Services Pénitentiaires d’Île-de-France, Stéphane Scotto, a rendu sa décision de prolonger de 3 mois supplémentaires l’isolement de notre camarade.

Un large mouvement national contre le système carcéral est entrain d’émerger.

La semaine dernière, une mobilisation était organisée pour réclamer la libération du militant palestinien George Ibrahim Abdallah. Le 30 mai dernier à Lyon et dans plusieurs villes de France, une première Journée Nationale contre les Violences Pénitentiaires était organisée à la suite du meurtre barbare d’Idir. Le 16 mars, un communiqué co-signé par L’Envolée, l’ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture), l’A3D (Association des avocats pour la défense des droits des détenus), la LDH (Ligue des Droits de l’Homme), l’OIP (Observatoire International des Prisons), le SAF (Syndicat des Avocats de France), dénonçait la répression faite contre la diffusion de témoignages sur les violences pénitentiaires. Le 24 juin, le rapport du CPT (Conseil européen pour la Prévention de la Torture) déplorait les conditions de détention en France. L’agenda est rempli et la liste non-exhaustive.

Alors qu’aujourd’hui de nombreuses voix s’élèvent contre les crimes policiers et pénitentiaires, contre les mitards et l’isolement, contre l’impunité, contre l’incarcération et la fabrication de figures de coupables instaurées par la gestion policière, judiciaire et carcérale de la société, nous dénonçons le renouvellement du maintien à l’isolement du camarade inculpé.

Ces dernières années, les collectifs Justice et Vérité n’en finissent pas de se multiplier et les luttes s’étalent sur des années pour finir devant la CEDH quand aucun recours n’est plus possible en France. La population carcérale ne cesse d’augmenter, alors qu’elle est déjà parmi les plus élevées d’Europe, mais les injustices sont toujours aussi criantes. La « vie » en prison est insoutenable aujourd’hui et la loi que prévoit Éric Dupond-Moretti va aggraver cette situation.

On pouvait lire ces derniers mois dans le métro de Paris : « Devenez surveillants pénitentiaires. Au coeur de la Justice » communiquant la volonté gouvernementale de renforcer une politique pénale contraire aux désirs de justice transformatrice ou réparatrice théorisées par le féminisme. A Rennes, la construction d’une nouvelle prison est actuellement en préparation.

Comment ne pas prendre à bras le corps le problème carcéral comme un élément essentiel d’un capitalisme toujours plus violent et d’un État toujours plus policier ? Les mesures disciplinaires et d’isolement en sont le paroxysme.

Nous dénonçons la fabrication de figures de coupables instaurées par la gestion policière, judiciaire et carcérale de la société.

Cette construction sociale commence à l’extérieur par la sur-occupation policière des quartiers populaires, par une criminalisation particulière des personnes sans papiers, non-blanches et/ou précaires. Une stigmatisation qui dépasse toutes les bornes de la décence comme lorsque des policiers se permettent de porter plainte contre Babacar Gueye après l’avoir abattu de 5 balles en 2015 dans le quartier Maurepas.

Cette construction de la culpabilité se poursuit à l’intérieur des prisons, par l’existence de la Détention Provisoire (DP) qui permet aux juges d’enfermer des personnes durant des mois, voire des années avant un quelconque procès, en dépit du principe de présomption d’innocence.

Cette sur-criminalisation se poursuit encore quand l’Administration Pénitentiaire (AP) met en place des mesures particulières contre certain·e·s détenu·e·s et prévenu·e·s. Telles que : le placement à l’isolement et en cellule disciplinaire (mitard), ou encore le statut de Détenu·e·s Particulièrement Signalé·e·s (DPS).

Ces mesures créent une prison au sein de la prison, elles déshumanisent des personnes et tentent de les faire passer pour des entités particulièrement dangereuses, des coupables idéaux/idéales, des condamnés d’avance. Le domaine du non-droit s’étend, notamment au non de l’antiterrorisme qui normalise ces mesures prétendument exceptionnelles.

Enfin cette gestion carcérale de la société normalise des mesures administratives d’enfermement (comme lorsque l’on enferme sans justice aucune des personnes pour le simple crime d’avoir traversé des frontières) ; et d’acharnement judiciaire après qu’un·e détenu·e ait purgé sa peine (comme c’est le cas de Kamel Daoudi, assigné à résidence depuis plus de 10 ans, et des Mesures Individuelles de Contrôle Administratif et de Surveillance (MICAS). La culpabilité à perpétuité.

Nous dénonçons les mesures particulières de l’isolement et du mitard, assimilables à de la torture psychologique, ainsi que les violences carcérales. La mise à l’isolement, rappelons-le, empêche tout contact entre la personne isolée et les autres détenu·e·s, (les seuls contacts avec des êtres humains sont donc ses maton·ne·s ainsi que quelques rares parloirs) pendant une période de 3 mois, renouvelable indéfiniment.

Le camarade mis en examen dans l’affaire du 8 décembre, raconte son isolement qui dure depuis déjà plus de 6 mois. « Le lien social est pour l’être humain, un besoin vital. L’isolement s’apparente donc à de la torture. Non pas une torture physique existant par un fait ou un acte, mais une torture plus pernicieuse, invisible, permanente, existant par cette absence continue. »

Quand à la cellule disciplinaire, cachot au fond du cachot, c’est l’endroit où se concentrent le plus de violences. Ça n’est sans doute pas un hasard si tant de morts suspectes ont lieu précisément dans les mitards, à l’abri des regards. On peut citer le cas de Idir, mort en septembre dernier au mitard de Lyon-Corbas, deux semaines avant sa sortie. Ou celui de Zamani au mitard de Nantes en 2000, un mois avant sa sortie. Ou encore la mort de Jaouad en 2018. Et celle de Jules en décembre 2020 au mitard de Seysses, prison dans laquelle opère impunément une équipe de matons particulièrement violents surnommée « l’escadron de la mort ». La liste est longue, impossible de ne pas faire ce constat : la prison tue.

Nous, syndicats, organisations politiques et collectifs autonomes, nous opposons à :

– la construction de l’image de coupables et la présomption de culpabilité induite par la généralisation de la Détention Provisoire et des Centres de Rétention Administrative (CRA) ;

– l’acharnement carcéral sous toutes ses formes : Quartier d‘Isolement (QI), Quartier Disciplinaire (QD), Mesures Individuelles de Contrôle Administratif et de Surveillance (MICAS).

En conséquence, nous exigeons la levée de l’isolement pour le camarade mis en examen dans l’affaire du 8 décembre et la suppression de toutes ces mesures punitives et stigmatisantes.

Premiers Signataires :

  • Comité Soutien 812 – Rennes
  • Awa Gueye et le Collective Justice et Vérité pour Babacar
  • FRAP (Front Révolutionnaire Anti-Patriarcal)
  • UL CNT 35
  • UL CNT Lille
  • Comité Soutien812 – Tarnac
  • UCL Rennes
  • Réseau Entraide Vérité et Justice
  • Collectif Vies Volées
  • Comité Vérité et Justice pour Lamine Dieng
  • NPA 35
  • Comité Soutien812 – Francilien
  • AFA Paris Banlieue
  • ACTA
  • Fédération Anarchiste Rennes, La Sociale
  • Brigades de Solidarité Populaire – Île de France

Violences de surveillants pénitentiaires sur des personnes détenues : l’omerta doit prendre fin

COMMUNIQUÉ DE PRESSE COMMUN | 16 MARS 2021

Le 4 janvier 2021, le directeur de l’administration pénitentiaire interdisait la diffusion du numéro 52 du journal L’Envolée dans toutes les prisons françaises en raison d’un dossier consacré au décès de plusieurs personnes détenues dans des conditions suspectes. Dans le même temps, il portait plainte pour diffamation. Il est reproché au journal, relais de la parole des personnes détenues et de leurs proches depuis près d’une vingtaine d’années, d’avoir « allégué des faits de violences volontaires commis par des personnels de l’administration pénitentiaire, dans l’exercice de leurs fonctions » et « imputé aux responsables hiérarchiques des auteurs de ces violences alléguées de ne pas les avoir dénoncées ».

Cette interdiction ne saurait occulter le problème de fond dénoncé par le journal : les violences commises par des agents de l’administration pénitentiaire sur des personnes détenues sont une réalité désormais largement documentée, tout comme les rouages institutionnels permettant qu’elles se perpétuent.

La section française de l’Observatoire international des prisons rapportait ainsi dans un rapport de juin 2019 être saisie de plusieurs témoignages par semaine de personnes détenues ou de leurs proches dénonçant des violences subies de la part de personnels pénitentiaires. Le décès récent de Jimony R. alors incarcéré au centre pénitentiaire de Meaux après avoir été, selon le témoignage d’un surveillant pénitentiaire, « roué de coups » notamment « à la tête (…) alors qu’il était menotté et maîtrisé au sol » vient également rappeler la tragique actualité de cette réalité.

Les mécanismes institutionnels qui permettent à cette réalité de perdurer sont également aujourd’hui parfaitement connus et identifiés : difficultés à réunir les preuves de faits qui se déroulent le plus souvent à l’abri des regards et des caméras de vidéosurveillance, manque d’information sur les modalités de dépôt de plainte et d’accompagnement juridique dans ces démarches, représailles pour les personnes détenues, leurs proches ou toute autre personne qui entendrait dénoncer des violences subies en détention, mutisme des autorités hiérarchiques qui préfèrent bien souvent détourner le regard, manque de diligence des autorités administratives et judiciaires dans la réalisation des enquêtes, et un « parole contre parole » qui tourne presque systématiquement à l’avantage de l’uniforme.

La censure du numéro 52 du journal L’Envolée, pour avoir relayé la parole de personnes détenues et de leurs proches sur cette réalité, est une nouvelle illustration de la chape de plomb que l’administration pénitentiaire met sur un phénomène qui devrait au contraire alerter et inquiéter. Plutôt que de s’en saisir à bras le corps, pour qu’aucune suspicion de comportement violent de la part d’un agent pénitentiaire sur une personne détenue ne puisse plus rester sans suite, l’administration pénitentiaire préfère tenter de faire taire celles et ceux qui s’en font l’écho. Attachées au respect des droits fondamentaux et de la dignité de toute personne, nos organisations continueront à soutenir toutes celles et tous ceux qui œuvrent pour que la lumière soit faite sur une réalité encore trop souvent ignorée et cachée. Pour que l’omerta qui règne sur les violences de surveillants pénitentiaires sur des personnes détenues prenne fin.

Communiqué co-signé par l’ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture), A3D (Association des avocats pour la défense des droits des détenus), le journal l’Envolée, La Ligue des Droits de l’Homme, l’Observatoire International des Prisons (OIP), le Syndicat des Avocats de France (SAF).

[L’Envolée] Lettre du QI de Bois d’Arcy – Libre Flot

L’un des inculpé.es, en Quartier d’Isolement depuis le 11/12/20, nous a transmis cette lettre dans laquelle il parle de ses conditions d’incarcération. A écouter dans l’émission de l’Envolée du 7 mai 2021.

Pour moi qui ai vécu la majeure partie de ma vie de manière collective, j’avais pourtant récemment accepté les bienfaits de courtes périodes de solitude. En disant cela, j’ai comme un arrière-goût âpre dans la bouche tant mes semblables me manquent. Ce sentiment n’est pourtant pas justifié mais provient de l’amalgame dont, dans ce contexte, j’ai du mal à me séparer, entre solitude et régime d’isolement. Il m’est pourtant simple de constater que l’isolement est à la solitude ce que la lobotomie est à la méditation.

L’être humain étant un animal grégaire, le lien social est pour lui-elle un besoin vital. L’isolement s’apparente donc à de la torture. Non pas une torture physique existant par un fait ou un acte, mais une torture plus pernicieuse, invisible, permanente existant par cette absence continue. Les seules personnes que l’on entrecroise brièvement, avec qui on se dit réciproquement des « bonjour », des « tenez », des « merci » sont les surveillant.es. Tout est dans l’énoncé ! Aussi cordiales, polies et arrangeantes que peuvent être ces personnes (ce qui n’est pas forcément le cas partout et tout le temps), les surveillant.es, comme le nom l’indique, ne sont pas nos pair.es, ielles sont nos preneur.euses d’otage dont les seules revendications sont vénales (les salaires). S’attacher à cet ersatz de rapports sociaux, que je ne puis et ne veux me résigner à abandonner, soit dit en passant, se rapproche plus du syndrome de Stockholm qu’autre chose.

Contrairement aux responsables de ma présence ici (DGSI, juge d’instruction, juge des liberté) qui ne voient que l’ennemi fantasmé qu’ils montent de toutes pièces, je ne peux m’empêcher de voir la femme ou l’homme derrière le statut, derrière le ou la maton.ne. Je ne suis pas manichéen et, sans vouloir excuser leur rôle dans la mécanique répressive, je ne puis, une fois encore, m’empêcher d' »empathiser ». Je me demande quelles sont leurs parcours de vie, ce qui les a amené.es là, à maintenir des êtres vivants enfermés. Je regarde aussi bien le maillon que la chaîne dans laquelle il s’est lui-même imbriqué. Soumise aux mêmes logiques capitalistes de rentabilité économique que la société, l’administration pénitentiaire tire sur la chaîne, augmentant ainsi la pression exercée sur chacun de ses maillons. Cependant, je ne m’abuse pas moi-même à la façon d’un prestidigitateur me faisant regarder à gauche quand ça se passe à droite. En écoutant le maillon se plaindre, je n’en oublie pas pour autant que c’est autour du cou des enfermé.es que la chaîne se tend.

En isolement, ne pouvant sortir de sa cellule qu’accompagné par un gradé et un.e ou deux surveillant.es, on se sent tel un chien dans un chenil, en totale dépendance de la disponibilité de ses gardien.nes. Par conséquent les créneaux horaires de nos rares sorties doivent s’adapter malgré nous, selon les flux plus ou moins tendus de leur planning. Cela nous impose à être toujours prêt.es, sur le qui-vive ou au contraire être prêt.es pour rien et attendre sans rien pouvoir faire. Il est très courant de poireauter à la douche avant de pouvoir regagner sa cellule, parfois plus d’une demi-heure et, au moins une fois, cinquante minutes.

Quant à l’espace anxiogène qu’est la promenade individuelle, boite bétonnée où les 20m2 trouant le béton au-dessus de nos têtes sont recouverts de multiples grilles et barbelés, le temps y est long, lorsqu’il grêle et qu’après l’heure autorisée et suffisante, il nous est impossible d’appeler les surveillant.es et que nous attendons sans savoir quand nous pourrons regagner le chauffage de notre cellule. A se demander si ce n’est pas pour nous décourager d’y retourner et de rester dans nos cellules, limitant ainsi le travail des surveillant.es.

Au contraire, il y a de la frustration et des créneaux raccourcis. Lorsque, par exemple, la session d’une demi-heure de sport est amputée de 5 minutes, juste avant le sprint final. Cela peut paraître anodin, mais pour qui ce sprint est l’apothéose, l’exaltation ultime du seul et unique mouvement, de la seule et unique dépense physique de la journée, cette privation a le goût malheureux du pain ôté de la bouche.

Avec le retour du soleil, il y a plus de monde qui sort lors des promenades. Les vraies promenades, dans les cours où les gens ne sont pas seul.es. Je les observe. Eux ne peuvent pas me voir à cause de la quadruple dose de barreaux et de caillebotis de ma fenêtre. Ils font du sport collectivement en petits groupes. Je les envie, ils sont vivants, ils PARLENT, ils CRIENT, ils RIENT, ils se motivent les uns les autres, bref, eux ils existent. Je pense que nous construisons notre vision de soi par ce que nous renvoient les autres, mais comment exister quand il n’y a pas d’autres ? Quand les autres ne nous voient même pas ? L’isolement aurait-il pour but l’annihilation de soi ? Avant même d’être jugé, je devrais cesser d’exister ? Et comment répondre à un juge quand on m’extrait et, comme tout juste accouché du néant, on me presse dans un dédale de questions s’apparentant à d’innombrables chausse-trappes ?

On pourrait se dire que ça va quoi, qu’il y a les parloirs, oui c’est vrai, encore heureux. Ces brefs répis permettent de voir des visages familiers et bienveillants et apportent une bouffée d’air frais. Mais les parloirs sont très courts, une demi-heure. Je ne peux qu’imaginer l’impact psychologique sur mes proches, venant de l’extérieur, passant sas, fouilles, verrous, attentes, etc… Pour finalement se retrouver en face de moi dans une micro boite, séparé.es les un.es des autres par un plexiglas. De mon côté, je passe, sans transition, de la stase cérébrale léthargique au « contact » humain sans temps d’adaptation et de toute façon on n’a pas le temps ! TOP CHRONO! Tout est à la course, entre discussions techniques de l’administratif, des besoins matériels, des procédures, etc… On abrège nos sujets pour économiser le temps. N’ayant pas de vie, je n’ai rien à raconter mais je n’ai pas le temps de le faire ! On court dans tous les sens mais on ne va nulle part et déjà le parloir est fini. Je ne peux ressentir qu’une certaine frustration et imaginer celle de celleux qui ont fait le trajet aller-retour pour si peu. Celleux qui ont pris une journée complète, la moitié d’un week-end pour une demi-heure insatisfaisante.

Pour ce qui est des parloirs prolongés d’une heure, covid oblige, ils sont annulés pour cause sanitaire. Franchement, quel est le rapport ? Le covid a le dos le plus large que le monde ait connu. Depuis le 8 décembre, presque 3 mois, je ne parle plus, je n’ai personne à qui parler (bien sur il y a les parloirs). Du coup, la pensée ne se transformant pas en parole et donc ne recevant pas de retour, n’arrive pas à se moduler, à se matérialiser, elle devient insaisissable, comme un brouillard confus. C’est comme une grosse boîte de lego renversée mais qu’on ne sache plus comment on emboîte deux pièces. J’ai l’impression d’être abêti, comme en état de choc, la capacité de penser m’aurait été retirée.

Écrire ce texte me prend plus d’une semaine et de nombreux maux de tête. Non, le covid n’a pas la carrure pour cela, j’ai été testé négatif durant cette période, donc l’isolement en est bien la cause. L’on dit que le propre de l’homme (et de la femme) est le rire. Mais seul.e, sans contact humain, le rire est impossible, l’isolement nous retire le droit à notre humanité. Pour garantir son humanité, devrait-on rire seul.e? Serait-ce s’adapter à cette situation ? Mais rire seul.e, pour certaines personnes, cela s’apparente à la folie et la folie, pour d’autres, mérite l’enfermement. Devrait-on enfermer les gent.es pour les conséquences de leur enfermement ? Je sais que ce n’est pas une idée nouvelle, mais les gens décidant de l’enfermement, de l’isolement ou des situations de détention des personnes, qu’elles soient condamnées ou présumées innocentes,devraient savoir à quoi ça correspond concrètement. Un juge donnant une peine me fait l’impression d’un multimilliardaire discutant au sujet du prix du pain.

(Je n’ai pas le temps d’écrire sur l’impact des continuels contrôles par l’œilleton de la porte. Contrôles de jour, apportant un sentiment d’être constamment épié et, de nuit, avec allumage de lumière, qui favorisent un sommeil, ô combien, continu et réparateur…)

Libre Flot, en isolement à Bois d’Arcy