[LeMonde-Tribune] « Attachés aux libertés fondamentales dans l’espace numérique, nous défendons le droit au chiffrement de nos communications »

Suite aux révélations de La Quadrature du Net sur la criminalisation des outils d’autodéfense numérique dans l’Affaire du 8/12, un collectif de plus de 130 signataires s’indigne contre les dérives inquiétantes de la DGSI en termes de libertés numériques.

Tribune publiée le 14 Juin dans Le Monde.

Chiffrer ses communications est une pratique banale qui permet qu’une correspondance ne soit lue par personne d’autre que son destinataire légitime. Le droit au chiffrement est le prolongement de notre droit à la vie privée, protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui garantit à chacun le « droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».

Toute personne qui souhaite protéger sa vie privée peut chiffrer ses communications. Cela concerne aussi bien des militants, des défenseurs des droits humains, des journalistes, des avocats, des médecins… que de simples parents ou amis. Dans le monde entier, le chiffrement est utilisé pour enquêter sur la corruption, s’organiser contre des régimes autoritaires ou participer à des transformations sociales historiques. Le chiffrement des communications a été popularisé par des applications comme WhatsApp ou Signal.

En 2022, ce sont ainsi plus de deux milliards de personnes qui chiffrent quotidiennement leurs communications pour une raison simple : protéger sa vie privée nous renforce toutes et tous. Pourtant, le droit au chiffrement est actuellement attaqué par les pouvoirs policiers, judiciaires et législatifs en France, mais aussi dans l’Union européenne, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. En tant que société, nous devons choisir. Acceptons-nous un futur dans lequel nos communications privées peuvent être interceptées à tout moment et chaque personne considérée comme suspecte ?

Le chiffrement des communications utilisé comme « preuve » d’un comportement clandestin… donc terroriste

La Quadrature du Net a récemment révélé des informations relatives à l’affaire dite du « 8 décembre » (2020) dans laquelle neuf personnes de l’« ultragauche » – dont l’une avait précédemment rejoint la lutte contre l’organisation Etat islamique aux côtés des combattants kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) – ont été arrêtées par la DGSI et le RAID. Sept ont été mises en examen pour « association de malfaiteurs terroristes », et leur procès est prévu pour octobre 2023. Ces éléments démontrent, de la part de la police française, une volonté sans précédent de criminaliser l’usage des technologies de protection de la vie privée.

Le chiffrement des communications est alors utilisé comme « preuve » d’un comportement clandestin… donc terroriste ! Des pratiques de sécurité numérique parfaitement légales et responsables – dont le chiffrement des communications qui est pourtant soutenu, et recommandé, par de nombreuses institutions, comme les Nations unies, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), l’Agence européenne pour la cybersécurité (Enisa) ou la Commission européenne – sont criminalisées à des fins de mise en scène d’un « groupuscule clandestin » vivant dans « le culte du secret ».

Outre l’usage de messageries chiffrées sont aussi incriminées des pratiques telles que le recours à des services comme Proton Mail pour chiffrer ses e-mails, l’utilisation d’outils permettant de protéger la confidentialité de sa navigation sur Internet (VPN, Tor, Tails), de se protéger contre la surveillance des Gafam, le simple chiffrement d’ordinateurs personnels ou encore l’organisation de formations à la protection numérique (chiffro-fêtes).

Rejet de l’amalgame entre protection des données et terrorisme

Par la criminalisation du chiffrement et de pratiques répandues de sécurité informatique, la police française vise à construire un récit selon lequel les sept personnes mises en examen vivraient « dans la clandestinité ». En l’absence d’un projet terroriste prouvé et avéré, cette prétendue « clandestinité » devient une preuve de l’existence cachée d’un projet inconnu.

Nous, journalistes, activistes, fournisseurs de services tech ou simples citoyens attentifs à la protection des données à l’ère numérique, sommes profondément révoltés de voir qu’un tel amalgame entre la protection basique des données et le terrorisme puisse être alimenté par les services de renseignement et la justice antiterroriste française.

Nous sommes scandalisé·es que des mesures nécessaires à la protection des données personnelles et de la vie privée soient désignées comme des indices d’« actions conspiratives » de personne vivant supposément dans le « culte du secret ».

Nous dénonçons le fait qu’une formation classique et bienveillante au numérique, portant sur Tails, un système d’exploitation grand public développé pour la protection de la vie privée et la lutte contre la censure, puisse constituer un des « faits matériels » caractérisant « la participation à un groupement formé […] en vue de la préparation d’actes de terrorisme ».

Sous prétexte de terrorisme, le système judiciaire français incrimine des pratiques basiques de sécurité. Mais l’exemple français ne représente malheureusement pas l’unique tentative d’affaiblir le droit au chiffrement. A Bruxelles, la Commission européenne a proposé en 2022 le règlement Child Sexual Abuse Regulation (CSAR). Au nom de la lutte contre la pédopornographie, ce texte veut obliger les fournisseurs de messageries chiffrées à donner accès à chacun de nos messages pour les vérifier.

Pour un numérique émancipateur, libre et décentralisé

De nombreuses voix se sont élevées contre cette proposition, parmi lesquelles celles de cent trente organisations internationales. Elles dénoncent notamment l’absence de considération pour la mise en place d’autres moyens qui permettraient de lutter contre ces graves infractions de manière moins liberticide. De récentes fuites ont d’autre part révélé que des pays comme l’Espagne veulent purement et simplement interdire le chiffrement de bout en bout.

En Grande-Bretagne, le projet de loi Online Safety Bill et, aux Etat-Unis, le projet EARN IT s’ajoutent à cette inquiétante guerre contre le chiffrement. Attachés à promouvoir et défendre les libertés fondamentales dans l’espace numérique, nous défendons le droit au chiffrement et continuerons à utiliser et à créer des outils protégeant la vie privée.

Nous refusons que les services de renseignement, les juges ou les fonctionnaires de police puissent criminaliser nos activités au motif qu’elles seraient « suspectes ». Nous continuerons de nous battre pour un numérique émancipateur, libre et décentralisé afin de bâtir une société plus digne pour toutes et tous. Le combat pour le chiffrement est un combat pour un futur juste et équitable.

Des nouvelles des accusées d’association de malfaiteurs terroristes du 8 décembre 2020

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Depuis l’arrestation des 7 personnes accusé.es d’association de malfaiteurs terroriste en décembre 2020, leur mises en detention provisoire et leur libération sous controle judiciaire, l’affaire judiciaire suit son court et maintient ses accusations. L’instruction a été cloturée et une date de procès arrive bientôt (octobre 2023). Quelques nouvelles d’où on en est avec une brochure bien dodue composée de textes publiés, une chronologie et des témoignages pour continuer de faire vivre la solidarité.

L’isolement carcéral de Libre Flot reconnu illégal

Ce 4 avril 2023, au Tribunal Adminstratif de Versailles1, 2 ans et 3 mois après le 1er recours déposé au Tribunal Administratif, mais aussi 1 an après la fin de la grève de la faim de Libre Flot ayant déclenché sa sortie de l’isolement et de prison, a eu lieu une audience pour juger de la légalité de la mise à l’isolement carcéral de Libre Flot pendant un an et demi. Ce recours, pour lequel le jugement en référé/en urgence lui avait été refusé, s’attaquait au renouvellement du régime d’isolement lors de son incarcération en préventive en décembre 2020, validé tous les 3 mois par le directeur de la prison de Bois d’Arcy ainsi que par ses supérieurs de l’administration pénitentiaire. Mais ce recours portait également contre le renouvellement validé par le garde des sceaux, Dupont-Moretti, à l’issue d’un an d’isolement pénitentiaire.

Pour rappel, le directeur du Centre pénitentiaire, lors d’une audience à ce sujet, avait lui-même reconnu que peu importe les démarches légales qui seraient entreprises, il ne serait pas décisionnaire, ayant des directives venant « d’au-dessus », cherchant par là à faire comprendre à Libre Flot et ses avocat.es que la décision était politique et par là-même à se dédouaner de sa propre responsabilité.

C’est donc en s’appuyant sur ce contexte et sa détermination à retrouver sa liberté, que Libre Flot s’engageait le 27 février 2022 dans une grève de la faim de 36 jours dont l’issue fut celle de sa sortie de prison. Le 4 avril 2023, l’isolement de Libre Flot a donc été reconnu illégal, les faits et motifs retenus contre lui ne pouvant justifier légalement de la mise à l’isolement d’un détenu. L’Etat a été condamné à 3000€ de dommages et interêts pour un an et demi d’isolement dont l’impact est extrêmement lourd (voir lettres). Pourvu que cela fasse jurisprudence, bien qu’on doute de l’impact réel sur l’administration pénitentiaire quand on voit la volonté à faire traîner ce genre de procédure. Mais nous observons une fois de plus que l’Etat et l’adminsitration pénitentiaire n’ont cure de respecter les droits des prisonnier.es, au pire ils payeront quelques dommages pour compenser a posteriori.

Contrôle et Surveillance : créer la rupture et déstabiliser

Le 4 avril 2022 Libre Flot sortait de prison après un an et demi enfermé, avec un contrôle judiciaire très strict (CJ) qui court toujours. Il passait les 6 premiers mois avec un bracelet électronique. Les CJ des 6 autres accusé.es dans l’affaire du 8 décembre 2020 sont graduellement différents, mais fort contraignants aussi, induisant par leur différence de traitement une sorte de hiérarchie entre elleux, toujours imposée par les constructions délirantes de la DGSI.

Les contrôles judiciaires sont en soi une forme de peine car ils comprennent une restriction des déplacements et des liens, un contrôle exercé par le pointage régulier au commissariat, la menace de retourner en prison au moindre faux pas ou oubli, mais aussi des absurdités entraînant stress et difficultés matérielles.

La modification d’un CJ peut entraîner la perte de droits acquis précédemment : par exemple l’un.e des accusé.e obtient de pouvoir changer de lieu de vie dans un autre département auquel iel n’avait pas accès. Mais cet accord s’accompagne d’une obligation de déposer ses préavis de départ pour son logement et son travail dans un délai de seulement 5 jours, avec 1 seule journée légale pour déménager… Le tout sans avoir la possibilité de retourner par la suite dans le département dans lequel iel vivait depuis sa libération, perdant le peu de liberté de circulation qu’iel avait réussi a obtenir (quelques départements limitrophes) lors des dernieres modifications de CJ. Autre exemple, l’un.e obtient la levée d’interdiction de communication avec l’ensemble des autres accusé.es, mais de leur coté les accusé.es ne peuvent pas forcément communiquer avec ellui.

Le CJ impose un mode de vie sous contrôle, reflet d’une société capitaliste méritocratique à gerber : le fameux « métro-boulot-dodo ». Quand le proc’ se permet lors d’une audience de déclarer que « la réussite de ce dossier c’est que maintenant ils ont un logement et un travail », c’est une violence de plus envoyé à la gueule de celleux dont la vie a été mise en cage par cette répression politique : tout projet de vie ayant été anéanti et considéré même comme suspect, les liens amicaux et familiaux impactés et limités voir coupés, des boulots imposés, sans compter la charge mentale pour les personnes soutiens restreintes, la difficulté de construire sereinement de nouvelles relations de confiance, coincé.es dans une vie dont on perd la maîtrise. Le CJ a un fort impact matériel, relationnel et psychologique et pouvoir se projeter sur une suite s’avère très compliquée ne sachant pas les aboutissants du procès a venir.

On retient aussi cette phrase assassine qui illustre la vision étriquée et superficielle des liens familiaux selon le procureur qui dira lors d’une audience pour modifier son CJ : « s’il en avait quelque chose à faire de sa mère, il ne serait pas parti combattre en Syrie2 ni fait une grève de la faim ». Quand on sait la douleur qu’on enduré les familles de voir leur proches accusé.es par la DGSI de terrorisme et enfermé.es loin d’elleux par une justice bornée et sourde, c’est une violence de plus à encaisser.

Au delà des CJ, partie apparente du contrôle exercé sur les vies des accusé.es (et impactant leurs proches) il y a cette partie gardée cachée qu’est la surveillance qu’intériorisent les accusé.es d’autant plus quand iels ont connaissance des moyens mis en œuvre pour monter une telle affaire contre elleux : mises sur écoute, surveillance des déplacements, filatures, prise d’images, IMSI catching…

L’utilisation de ces moyens de surveillance induit des comportements de méfiance constante que l’on intériorise, ce qui permet par ailleurs de constater que cette surveillance est avérée : quand on remarque que l’on est suivi ponctuellement, que des agents peu discrets font des captations lors d’événements de soutien, que la présence policière augmente subitement dans le village lorsqu’on s’y installe, etc.

Ce climat de surveillance déjà fort et intégré dans l’environnement urbain ou dans les outils de communication et internet, s’insinue partout et crée un climat délétère et angoissant autour de soi. Ne pas sombrer tout en vivant sous surveillance et sous contrôle est un défi constant.

Le procés arrive bientot, multiplions la solidarité

Les accusé.es ont appris récemment les dates du futur procès, qui devront être confirmées dans l’été, dont la qualification est « association de malfaiteurs terroriste » requalifiée de criminelle en correctionnelle et pour les refus de donner accés à leurs matériel informatique chiffré. Le procès devrait s’étendre tout le mois d’octobre 2023 à Paris.

Par ailleurs, une autre démarche légale a été intentée au Tribunal Administratif pour dénoncer l’illégalité des fouilles à nu subies en prison par l’un.e des accusé.es, présentées comme systématiques par le personnel pénitentiaire (avant et/ou après chaque parloir et de façon aléatoire lors de la détention3) là où ces fouilles à nu impliquent humiliations et violences banalisées dans le contexte carcéral et intériorisées comme normales par les prisonnier.es. Une date d’audience est toujours en attente4.

Ici, une brochure réalisée par le comité de soutien de Paris reprend différents textes écrits autour de cette affaire dite du 8 décembre (ou 8.12), ainsi qu’une chronologie, que nous vous invitons à diffuser autour de vous. Toute forme de solidarité reste bienvenue.

Force et soutien à tous.tes les enfermé.es et a celles et ceux qui luttent contre la prison, dedans et dehors !

1. Dont dépend la prison de Bois d’Arcy.

2. En tant qu’internationaliste au coté du peuple kurde révolutionnaire.

3. Parmi les personnes enfermées en isolement, une fouille à nu par jour doit être réalisée par les matons, celle ci ont donc lieu de façon aléatoires au sein de cette aile. Les fouilles à nus systématiques avant et après les parloirs sont des mesures imposées pour les détenu.es particulièrement surveillé.es (DPS)

4. Voir l’article : https://soutien812.blackblogs.org/category/nouvelles-du-8-12/

Libre Flot libéré du bracelet électronique!

Le 28 septembre dernier, Libre Flot était convoqué par le juge d’instruction pour décider du renouvellement de son placement sous ARSE. L’entrevue était prévue dans les bureaux du Palais de Justice de Paris, en présence d’un procureur du PNAT et de la Défense. Contre toute attente, le juge d’instruction a décidé de lever le dispositif d’incarcération à domicile sous surveillance électronique le 28 septembre dernier!

Libre Flot avait préparé une déclaration qu’il souhaitait lire au juge, revenant sur les traitements qui lui ont été faits, sur les biais de l’instruction et de l’enquête, et demandant la fin de son traitement spécial vis à vis des autres inculpé.es. Le représentant du PNAT a, quant à lui, tenté une nouvelle fois de lui pourrir un peu plus la vie, en évoquant encore une supposée « dangerosité » du copain, sortant de son chapeau d’autres fantasmes ridicules de la DGSI qui seront vite balayés par les avocats. Quant au juge, qui n’a pas pu se permettre ses bassesses habituelles vu la présence d’un procureur, il a jugé en bon patriarche que le « bon comportement » du camarade face à ses SPIP et experts en radicalisation pouvait être récompensé par la levée de l’ARSE.

Cette levée de l’ARSE est un grand soulagement pour Libre Flot, il va pouvoir reprendre un nouveau souffle, continuer de se reconstruire et préparer sa défense. Il reste cependant sous la contrainte d’une interdiction de sortir du département et d’une obligation de pointage à la gendarmerie chaque semaine.

C’est encore une maigre victoire, vu les chefs d’inculpations qui pèsent toujours inconditionnellement sur les inculpé.es et le procès qui arrive.

Après les peines, l’heure du châtiment ?

APRÈS LES PEINES, L’HEURE DU CHÂTIMENT ?

« Le châtiment s’ancre dans l’histoire la plus archaïque de l’humanité, celle des terreurs suprêmes que les hommes ont traduites en dieux et déesses au cœur démoniaque. Pas une religion pour sauver l’autre lorsqu’il est question des supplices réservés aux damnés. »

« La Loi n’est pas l’expression d’une éthique quelconque : au service du pouvoir disposant
des plus grandes forces de coercition, elle n’existe que par la sanction. »

« Le discours sécuritaire sème le vent. Il récoltera des tempêtes sur des incendies. »

– — – — Pourquoi faudrait-il punir ? – Catherine Baker (2003) – — – –

 

Depuis plusieurs mois nous n’avons pas donné de nouvelles, profitant un tant soit peu d’un « répit » depuis la sortie de prison du dernier inculpé. Le temps de remettre un peu de sens dans nos vies, de continuer nos autres engagements militants, de souffler et de reprendre des forces pour différents projets. Reprendre pied, retrouver notre propre temporalité. Mais la répression revient toujours pour dicter sa marche : « toc toc, le procès, c’est pour bientôt ! ». Et là, de nouveau, tout s’accélère. Encore une étape atroce qu’il faudra passer, pour que « justice soit rendue », c’est à dire encore un déversement de violences judiciaires à l’horizon, dans lequel il faudra affronter la froideur robotique de magistrats désincarnés vivant dans leur réalité propre.

« L’idée d’une Justice qui rend le mal pour le mal ne peut mener qu’au mépris de toute justice » nous dit Catherine Baker, ajoutons que celle rendant le mal pour le bien mène à la nécessité de son abolition. La CEDH venant d’autoriser officiellement l’application d’une loi mussolinienne à l’encontre de Vincenzo Vecchi, condamné à 10 ans de prison ferme pour avoir participé à une manifestation de 300 000 personnes… il y a 21 ans. Il n’y a plus rien à sauver de ces institutions.

DES NOUVELLES DE LIBRE FLOT

Après le combat de Libre Flot contre ses conditions de détention inhumaines et injustifiées, ce dernier avait été libéré in extremis « pour raison médicale », alors au bord du coma après 36 jours de grève de la faim. Il y avait eu, le 4 avril 2022, une forte mobilisation internationale en faveur de sa libération.

Après avoir passé plus d’une semaine en service de renutrition, il s’est vu incarcéré à domicile, sous dispositif ARSE (Assignation à Résidence sous Surveillance Électronique), défini comme « une mesure de sûreté destinée aux personnes dont la dangerosité est attestée ». Cela fait environ 6 mois maintenant. Cette mesure s’accompagne de beaucoup de contraintes: obligation de travail après un court « arrêt maladie » suite à sa sortie, un suivi judiciaire intense avec des enquêtes psychologiques d’ « évaluation de la radicalisation », interdiction de sortie hors temps de travail, et les jours non-travaillés, seulement deux pauvres heures autorisées. Cette oppression temporelle constante, la tyrannie des horaires à respecter sous peine d’être renvoyé au placard, constitue une source d’oppression permanente, comme le décrit parfaitement Kamel Daoudi.

Vous l’aurez compris, tout le panel répressif de « la prison à la maison » prolonge évidemment l’oppression constante de l’incarcération et de la surveillance et a pour but d’empêcher la personne de se reconstruire pleinement et de soigner les séquelles que peuvent laisser plusieurs mois de Quartier d’Isolement (QI), dont 37 jours de grève de la faim.

Après ces 16 mois d’absolu vide sensoriel, on ne peut qu’imaginer la désorientation du ressentir et la saturation d’informations lorsqu’on se met à redécouvrir les visages, les goûts, les textures, les sensations corporelles, les lumières, etc. C’est là tout le secret de la torture blanche, elle est invisible mais profonde.

Les séquelles de l’isolement restent omniprésentes : perte totale de prise sur le temps, douleurs nerveuses, pertes de mémoire, épuisement chronique, etc. ; mais Libre Flot a quand même repris du poil de la bête et retrouvé le sourire et les petits plaisirs de la vie dans le sud-ouest.

Ce 28 septembre prochain, le talentueux Jean-Marc Herbaut l’a convoqué pour le renouvellement de son maintien sous bracelet électronique. Le laissera-t-il dans ces conditions, toujours largement inéquitables vis-à-vis des autres inculpé.es ? Ou pire encore, révoquera-il sa libération « pour raison médicale » afin de le renvoyer au placard ? Restons vigilant.es ces prochains jours.

DES NOUVELLES DU 8/12

« L’humanité, l’intégrité d’un magistrat, voyez-vous, ce n’est pas dans les livres, les études et les statistiques qu’on peut s’en faire une idée ; c’est en le pratiquant en tant qu’inculpé. Croyez-vous qu’un juge avouera dans ses notes annuelles qu’il s’adresse aux prévenus comme à des chiens ? Le seul moyen de s’en apercevoir, c’est d’être justiciable soi-même. Tout le reste n’est que littérature. »

De la prison à la révolte, Serge Livrozet (1999)

 

Le 26 août dernier, Jean-Marc Herbaut met fin à l’information judiciaire dans le dossier du 8/12, Ce dossier ouvert par la DGSI sous le nom d’ « affaire punk à chien », puis renommé après les arrestations « contre [LIBRE FLOT] et autres », aura donc été alimenté par 932 jours d’une instruction très bornée.

Cette clôture est un soulagement, car cela met fin aux commissions rogatoires mandatées par le juge, qui permettaient à la DGSI d’user de « tous les moyens en sa disposition » pour harceler les mis.es en examen et leurs proches. C’est à dire que la surveillance ne sera désormais plus appuyée par la Justice.

Mais cela signifie aussi que le dossier est clos, laissant aux inculpé.es et leur Défense un délai de trois mois pour apporter les derniers éléments (demandes d’actes ou observations). Au bout de ce délai donc, le 26 novembre prochain, ce sera au tour du PNAT de faire ses « réquisitions », c’est à dire d’exiger quelle Cour devra juger nos ami.es et camarades.

Une fois les réquisitions du Parquet déposées, il restera enfin un mois de délai à la Défense pour émettre ses dernières observations. Et enfin : l’illustre magistrat Jean-Marc Herbaut, qui a démontré, par son acharnement personnel contre Libre Flot, être devenu trop sénile pour exercer son travail, décidera qui aura l’honneur de châtier les inculpé.es au nom du peuple français.

Car les accusations n’ont pas changé, au contraire elles n’ont eu de cesse d’être martelées par le juge d’instruction, la DGSI et le PNAT, ne tenant aucunement compte de la paroles des mis.es en examen, de leurs proches et de leur défense. Toujours les même névroses policières, répétées sans discernement. Un « groupe » qui n’en est pas un (les expertises numériques et témoignages le confirment), « destiné à commettre des actions violentes à l’encontre notamment de membres des forces de l’ordre et de militaires » (nié par les mis.es en examen et des témoins), « en se concertant dans ce but avec des membres de divers groupuscules ayant les mêmes objectifs en France et à l’étranger » (hallucinant, on ne sait même pas lesquels), qui organiserait des « entraînements para-militaires » (deux après-midi de Airsof, pas avec les même personnes, dans des spots différents) et qui fabriquerait des « engins explosifs » (quantités infimes de produits ménagers, pour s’amuser et par curiosité).

Qu’il ait été impossible de prouver « l’entente établie », « la concertation dans le but de », « l’intention de » et donc en fait un quelconque « projet », ne semble pas déranger l’ajustice. Tous ces vides sont automatiquement comblés par la présomption de culpabilité. Si par exemple l’analyse des téléphones montrent que la plupart des protagonistes du groupe n’étaient pas en lien, c’est qu’ils devaient forcément communiquer par des applications sécurisées. Et par conséquent, c’est qu’ils avaient bien un projet commun. Ou si une brochure sur la guérilla a été retrouvée parmi des milliers d’autres fichiers, eux mêmes répartis parmi des dizaines de clés usb, disques durs, ordinateurs (etc.), c’est qu’elle a bien été lue par le mis en examen, et s’il l’a lu, c’est qu’il doit bien adhérer à l’action violente, et s’il y adhère, c’est la preuve que tous ces agissements dans sa vie convergent vers ce but ! Les abîmes infinies de la police d’anticipation, mais dans la tête d’un juge d’instruction.

C’est donc aussi la perspective d’une réincarcération dans quelques mois qui refait surface, pour la plupart des inculpé.es, puisque la volonté de punir a depuis longtemps pris le dessus sur la rationalité, comme le constate l’anthropologue Didier Fassin dans son dernier ouvrage, Punir, une passion contemporaine (2020). Il n’y a rien à attendre d’autre qu’un naufrage éthique d’une justice militarisée. L’antiterrorisme est une guerre qui n’a pas fini de produire ses « ennemis ».

Dans tous les cas, ce procès continuera de n’être rien de moins qu’un élément du délire sécuritaire actuel et du virage militaire de tous les appareils d’État. De la vengeance en pâture pour cochons patriotes. Mais nous ne sommes pas vaincu.es, nous apporterons la Vérité dans leurs simulacres.

LE TERRORISME EST UNE MATIÈRE ÉLASTIQUE

« La notion de terrorisme est si largement définie dans le règlement qu’elle pourra servir à justifier la censure de discours radicaux ou de toute expression favorable à des actions politiques offensives ou violentes – tels que le sabotage ou le blocage d’infrastructures. »

La Quadrature du Net

 

Il semble que la notion de « terrorisme », soit devenu le mot-valise des réactionnaires pour criminaliser et déshumaniser leurs opposant.es. Dans un contexte de désastre climatique imminent, le mouvement écologiste est particulièrement visé par cette assimilation au terrorisme.

Pendant la sécheresse de cet été, le président de la Chambre d’Agriculture de la Haute-Vienne, Bertrand Venteau affirmait impunément au micro de France 3 : « c’est pas des écologistes, c’est des terroristes » au sujet des opposant.es à la construction sauvage de barrages sur les cours d’eau.

C’est aussi la rhétorique employée par le Conseil de l’Agriculture Finistérienne, qui a qualifié de « terrorisme vert » l’action du Collectif contre les Fermes-Usines, militant contre l’élevage industriel (responsable de plus de 23 % des émissions de CO2 à l’échelle mondiale).

Outre l’évident conflit entre les partisan.es d’un changement radical dans les modes de production agricole et les défenseur.euses de l’agro-industrie, c’est aussi le signe d’une militarisation latente du monde de l’agriculture qui s’exprime. Le collectif Ni Guerre Ni état de Guerre analysait en mai 2021 les nouvelles stratégies de Défense ainsi :

« La théorie développée depuis plusieurs années est la suivante : l’Armée ne sera pas capable de faire face seule aux crises qui s’annoncent. Il faut organiser la capacité de mobilisation de la nation tout entière, pour qu’elle réponde par son action aux objectifs stratégiques fixées.

Une telle orientation suppose une coopération de l’Armée avec les institutions civiles. Celle avec le Ministère de l’Éducation nationale (ainsi que celui de l’Agriculture) est déjà engagée depuis plusieurs années, avec cinq protocoles organisant la collaboration avec le ministère de la Défense. »

Il ne fait aucun doute que dans la « collaboration avec la Défense » du monde agro-industriel, la désignation des « écolos » comme ennemis a pour objectif de légitimer l’émergence de milices anti-zadistes comme on a pu l’observer à la ZAD du Carnet par exemple.

Mais l’élasticité du concept ne s’arrête pas à l’usage maladif du terme, il s’étend en fait à la diversité de réalités visées par les dispositifs antiterroristes. De l’individu commettant un massacre de civils à l’opposant au déploiement de la 5G qui brûle une antenne. Outre les arrestations du 8/12, on a vu ces derniers mois les moyens de l’antiterrorisme être déployés contre des camarades soupçonné.es de sabotages.

Le 10 avril 2020, une antenne-relais prend feu dans le Jura, sur le Mont Poupet. Le jour même, le Groupe Anti-Terroriste de la Brigade Criminelle de Dijon sera sur l’affaire, et le procureur demandera l’appui du Bureau de Lutte Anti-Terroriste (BLAT) de la Gendarmerie, ce qui aboutira à l’arrestation et l’emprisonnement de Boris.

Le 15 juin 2021, la Sous Direction Anti-Terroriste (SDAT) effectue une grosse opération antiterroriste débouchant sur l’arrestation de 7 personnes dans le Limousin pour l’incendie d’antennes et de cars, résultant sur 3 mises en examen pour « destructions matérielles en bande organisée portant atteinte aux intérêts de la Nation ».

Le 11 juin 2022, les moyens de la Sous Direction Anti-Terroriste (SDAT) sont encore mobilisés pour arrêter un camarade anarchiste, Ivan. Il sera finalement mis en examen et incarcéré pour six incendies de véhicules.

Cette tendance à élargir la répression antiterroriste se confirme dans la loi de censure automatisée votée cet été, permettant la suppression en une heure d’un contenu jugé « à caractère terroriste » par la police. La Quadrature du Net met elle aussi en garde : « la notion de terrorisme est si largement définie dans le règlement qu’elle pourra servir à justifier la censure de discours radicaux ou de toute expression favorable à des actions politiques offensives ou violentes – tels que le sabotage ou le blocage d’infrastructures. » Le conseil constitutionnel doit encore évaluer la loi pour qu’elle soit appliquée.

La meilleure réponse restera toujours de multiplier les gestes que l’État souhaite réprimer. Le collectif Écran Total a lancé un appel à soutenir les personnes en lutte contre la numérisation des territoires.

Dans ce contexte de déploiement de l’antiterrorisme, il n’est absolument pas anodin que Laurent Nunez (ancien directeur de la DGSI et Coordinateur National du Renseignement et de la Lutte contre le Terrorisme) ait été placé à la tête de la Préfecture de Paris. Spécialiste du Renseignement et surtout de l’Anticipation, nous allons voir ses talents antiterroristes à l’œuvre, à n’en pas douter, pour expérimenter massivement des techniques de répression préventives. Sa mission médiatique étant la sécurisation des JO 2024, on peut être sûr.es que le Renseignement est déjà entrain de tisser sa toile contre les opposant.es à ce Saccage2024, promettant gentrification forcée, bétonisation, et déploiement de technologies de surveillance dans l’espace public.

Dans une conférence récente donnée au CNAM, intitulée « Information, anticipation, renseignement », Laurent Nunez déclarait à propos des Gilets Jaunes : « Le Renseignement territorial avait su détecter et documenter une montée des mécontentements autour de thématiques revendicatives. Mais le mouvement en tant que tel fut imprévisible car il s’est cristallisé spontanément, sans organisateur, ni direction précise. »

La frontière devient très ténue, entre la surveillance antiterroriste et la volonté de tuer dans l’œuf toute contestation de l’ordre dominant. Mais c’est là le cœur de la fonction de Police, l’« administration veillant au bon ordre ». Le Renseignement politique a donc de beaux jours devant lui, avec une Délégation parlementaire au Renseignement dirigée par Renaissance et le Rassemblement National en prime.

QUELQUES BRÈVES ANTITERRORISTES A L’INTERNATIONAL

On ne le répétera jamais assez : en temps de guerre, toute opposition devient « ennemi intérieur » et doit être neutralisée. Là réside le but final de l’antiterrorisme.

Turquie.

Nous avions déjà souligné dans des articles précédents l’instrumentalisation par la Turquie (deuxième armée de l’OTAN) du « terrorisme » à des fins génocidaire et l’impact que cela avait sur les politiques antiterroristes françaises.

Cette dynamique s’accentue encore actuellement. Malgré la campagne européenne pour dé-lister le PKK des organisations terroristes, Erdogan a tiré profit de la guerre en Ukraine pour déclencher de nouvelles attaques meurtrières sur le kurdistan. Il a aussi imposé à la Suède et la Finlande, qualifiées « d’auberge aux terroristes du PKK », qu’elles déportent des réfugié.es kurdes vers la Turquie pour qu’iels y soient torturé.es et emprisonné.es, sans quoi il menace de bloquer leur adhésion à l’OTAN. L’Organisation a également réaffirmé que la guerre mondiale contre « le terrorisme, sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations » était une priorité, mais aussi que « l’immigration clandestine » serait une « menace » à la « souveraineté et à l’intégrité territoriale » de ses États membres, justifiant directement la militarisation des frontières et indirectement les massacres d’exilé.es comme celui de Melilla en juin dernier.

Or s’il y a un État pour lequel le « terrorisme » a de nombreuses manifestations, c’est bien la Turquie. En témoigne la nouvelle condamnation, par la Cour Suprême de Turquie, de la sociologue féministe et antimilitariste Pinar Selek à la prison à perpétuité, après avoir été totalement acquittée 4 fois car il a été démontré par plusieurs experts que l’« attentat » dont on l’accuse était une fuite de gaz.

Mais la justice antiterroriste française collabore avec le régime fasciste turc depuis des décennies. Nous avons pu constater à plusieurs reprises dans le dossier du 8/12 la tentative – tantôt de la DGSI, tantôt du juge d’instruction – d’agiter le spectre du PKK pour enfoncer encore la présomption de culpabilité. Jean-Marc Herbaut lui-même, fort de son endoctrinement, décrivait la journaliste et artiste kurde Zehra Dogan, reconnue internationalement, comme « militante du PKK » ?! Hallucinant et consternant à la fois. L’élément à charge ? Une brochure intitulée « Un jour nous vaincrons » (à retrouver sur notre blog). Si le PKK n’était pas inscrit sur la liste des organisations terroristes de l’UE, cela prêterait à rire, mais dans le langage judiciaire français, affirmer cela équivaut à dire « c’est une terroriste ».

Russie.

L’usage intensif de l’outil antiterroriste par la Russie n’est pas récent, il s’applique tout particulièrement depuis des décennies contre les minorités Ouzbek et les anarchistes. Cependant depuis l’intensification de la guerre inter-impérialiste entre la Russie et l’OTAN, se matérialisant dans la guerre en Ukraine, la répression s’est abattue de manière très féroce sur les activistes anti-guerre et anti-fascistes, se matérialisant en centaines d’années de prison.

Vladimir Sergeev a été arrêté lors d’une action anti-guerre le 6 mars 2022. Des cocktails Molotov ont été découverts dans son sac à dos. Lors de son arrestation, Vladimir a fait une tentative de suicide. Il s’est rétabli après avoir passé plusieurs jours dans le coma. Il est été accusé de « préparation au terrorisme » et pourrait être condamné à une peine de 10 ans de prison. Il se trouve actuellement dans la tristement célèbre prison de Butyrka, à Moscou.

Anton Zhuchkov est un ami de Vladimir Sergeev, ils ont été arrêtés ensemble lors de l’action anti-guerre du 6 mars. Lors de son arrestation, Anton a fait aussi fait une tentative de suicide et s’est rétabli après avoir passé plusieurs jours dans le coma. Il est aussi accusé de  « préparation au terrorisme » et pourrait être condamné à une peine de 10 ans de prison. Anton n’a pas de famille, et il a grandi dans des institutions.

Suivez les actualités de l’Anarchist Black Cross Moscow pour savoir comment les soutenir.

Biélorussie.

La Biélorussie a introduit la peine de mort pour « tentative d’acte de terrorisme », selon un décret publié mercredi 18 mai. Jusqu’à présent seuls ceux qui avaient commis un tel acte étaient passibles d’exécution. La cible exacte de cette mesure reste peu claire (à moins qu’elle ne vise les oppositions tous azimuts). Depuis le vaste mouvement de contestation de 2020 contre la réélection de Loukachenko, de nombreux opposants ont été inculpés et arrêtés pour tentative ou préparation d’acte de terrorisme. En mars 2021, le parquet biélorusse avait annoncé que la cheffe de l’opposition pro-occidentale, Svetlana Tikhanovskaïa, en exil depuis 2020, faisait l’objet d’une enquête pour « préparation d’acte de terrorisme en bande organisée ». La scène anarchiste a aussi été ciblée à de nombreuses reprises par les forces de sécurité biélorusses (voir ici ou ici).  Enfin, plusieurs actes de sabotages ont ciblé le trafic militaire russe passant par la Biélorussie et se dirigeant l’Ukraine: la nouvelle loi pourraient en viser les auteurs de ces sabotages, dont plusieurs ont déjà été capturés.

Secours Rouge a effectué un bilan de la répression suite au soulèvement populaire.

L’Anarchist Black Cross Belarus organise l’information et le soutien aux prisonniers anti-fascistes et anarchistes. De nombreuses campagnes internationales de soutien ont été organisées.

Israël.

Sept ONG palestiniennes ont été qualifiées d’organisations terroristes par le régime d’apartheid israélien ; et subi une vague de répression intense : arrestation de leurs membres, fermeture des locaux, saisies du matériel, etc.

Alors qu’Israël intensifie les attaques ciblant leur travail, un groupe de plus de 150 organisations palestiniennes, régionales et internationales exprime sa solidarité complète avec les sept grandes organisations désignées de la société civile palestinienne : l’association Addameer pour le soutien aux prisonniers et les droits humains, Al-Haq (Le Droit au service de l’homme), le Centre Bisan pour la recherche et le développement, Defense for Children International Palestine (Défense des enfants International – Palestine, DCI-P), les Health Work Committees (HWC), l’Union des comités de travailleurs agricoles (UAWC) et l’Union des comités de femmes palestiniennes (UPWC).

Le matin du 18 août 2022, les forces d’occupation israéliennes (IOF) ont mené une descente dans les bureaux de ces sept organisations palestiniennes et en ont bouclé les entrées. Elles ont confisqué des documents et du matériel et ont détruit des objets. Des ordonnances militaires ont été fixées sur les portes des organisations, imposant la fermeture des bureaux en application de l’article 319 du Règlement d’Urgence de 1945. Cet évènement survient à la suite de la désignation par Benny Gantz, ministre israélien de la défense, le 19 octobre 2021, de six importantes organisations de la société civile palestinienne comme organisations terroristes aux termes de la Loi israélienne antiterroriste (2016), étendue à la Cisjordanie le 3 novembre 2021 par une ordonnance militaire qui mettait hors la loi ces mêmes organisations.

Myanmar.

Après le coup d’État militaire de la junte birmane le 1er février 2022, de nombreux membres de la Ligue Nationale pour la Démocratie ont participé à la fondation d’un « gouvernement d’unité nationale ». En mai 2022, ce dernier annonce la création d’une « force de défense » pour lutter contre la dictature militaire. Le régime a immédiatement annoncé à la télévision que cette « force de défense du peuple » ainsi qu’un groupe intitulé Comité représentatif Pyidaungsu Hluttaw (CRPH), le terme birman signifiant parlement, faisaient désormais partie de la liste des «organisations terroristes». Cette nouvelle classification en « organisation terroriste » signifie que quiconque communiquerait avec ses membres, y compris les journalistes, pourrait être poursuivi dans le cadre des lois antiterroristes.

Philippines.

Le 3 juillet 2020, le gouvernement des Philippines a introduit la « Anti-Terrorism Act ». La loi prévoit l’incarcération à vie pour la commission ou l’intention de commettre – des actes qui provoquent ou créent « l’intimidation du public, la promotion de messages de peur, l’intimidation du gouvernement, la destruction ou la déstabilisation de l’économie, de la politique et de la société, pour créer une urgence publique et nuire à la sécurité publique ». Selon cette définition, les grèves/piquets de grève des travailleurs ou les actions de protestation publique pourraient être interprétés comme du « terrorisme ». Vous pouvez également commettre du terrorisme « au moyen de discours, de proclamations, d’écrits, d’emblèmes, de bannières ou d’autres représentations de ceux-ci ». Cela signifie-t-il parler lors d’un rassemblement ou donner une présentation à une classe ou tenir une pancarte ou afficher un mème ou une vidéo? Qui sait, parce qu’en vertu de ce nouveau projet de loi, le gouvernement a le pouvoir discrétionnaire d’interpréter lui-même le « terrorisme ».

Un gouvernement qui, au nom de la lutte contre la drogue, a lancé une vaste opération de purge sociale ayant fait plus de 30 000 exécutions extra-judiciaires. Des assassinats ont également été perpétrés contre des gauchistes, des dissidents, des leaders paysans, des leaders sociaux et d’autres militants. En 2018 des anarchistes de Food Not Bombs ont été abattus et incarcérés.

 

La France ne fait aucunement exception dans ce tableau mondial glauque. Avec un des complexes militaro-industriels des plus puissant du monde et une des polices les plus armées, l’État français effectue un lobbying sécuritaire au niveau mondial et représente une menace pour grand nombre de peuples. Le 22 janvier 2021, le Traité Interdiction des Armes Nucléaires (TIAN) a été ratifié par un 50e État et est donc entré en vigueur. Il a été signé par 122 pays, et évidemment, aucun des pays détenant cette arme (dont la France), maintenant illégale, ne l’a signé.

Cet État inique dans lequel nous vivons est une menace pour l’humanité entière. Elle fait partie de cette petite clique d’État terroristes, surfant sur les génocides et dictatures pour assurer ses « intérêts », qui ne sont pas les nôtres. Un État qui rase des villes entières au nom de « l’antiterrorisme », qui maintient des dictatures au pouvoir au nom de « l’antiterrorisme », qui introduit la surveillance de masse et la censure algorithmique au nom de « l’antiterrorisme ». Si la Justice existait dans ce pays, nous aurions déjà mi hors d’état de nuire ce business de la mort, fleuron de l’industrie française. Mais ces terroristes là se pavanent dans les salons Milipol et font des courbettes aux dictatures du monde entier.

Les Lois ne sont pas faites pour lutter contre la violence réelle, mais au contraire pour les renforcer. Le système pénal français est peut-être le premier employeur de néo-nazis : la police aux frontières, l’administration pénitentiaire et la police nationale oppriment chaque jour des centaines de milliers de corps racisés, et chaque année en tuent des centaines. Là réside la terreur réelle. L’essor d’un mouvement antimilitariste large et puissant est une urgence. Du traitement colonial des « quartiers » aux « lois sécuritaires », de l’OTAN à la vente d’arme, de la chasse à « l’assistanat » jusqu’aux constructions de prisons, le spectre de la guerre est omniprésent.

Libre Flot a mis fin à sa grève et est libéré « pour raison médicale ».

Il y a des jours qui paraissent une éternité pesante.

Ce lundi 4 avril, Libre Flot a fait le choix du printemps, après 36 jours de refus de s’alimenter. Il nous transmettait alors ce communiqué, pendant que des actions de solidarité s’organisaient de Lisbonne à Helsinki, de Thessalonique à Lille.

« Alors que ces presque 16 mois de détention en isolement m’ont laissé beaucoup plus de séquelles à la fois physiques mais surtout mentales et psychologiques
que 10 mois de guerre en Syrie,

Alors même que j’ai survécu à la libération de Raqqa,
face aux troupes de Daesh défendant bec et ongles
la capitale de leur califat,

Je reste estomaqué, non seulement de la censure qui est faite autour de ma situation, mais surtout devant le silence vis-à-vis de ma légitime et raisonnable requête, de la part du gouvernement français, du Parquet National Anti-Terroriste, du juge d’instruction Jean-Marc Herbaut,
démontrant ainsi leur choix de me laisser mourrir!

Pourtant en ce jour d’anniversaire, après 36 jours de grève de la faim, au moment où mon état de santé devient plus hasardeux que jamais, je fais le choix de la vie comme une renaissance, une nouvelle vie qu’accompagne ce printemps et tourne le dos à un potentiel dénouement fatal.
Ce 4 avril 2022, à 18h, j’ai décidé de me réalimenter.

Mais rien ne s’achève maintenant, je demeure enfermé, enterré vivant et plus que jamais, j’espère votre soutien
et appelle à la solidarité.

Je réitère que je ne demande qu’à être traité comme tou.tes mes co-inculpé.es, à savoir être mis en liberté le temps de pouvoir démontrer le côté calomnieux de cette honteuse accusation terroriste qui ne tient pas la route.

Salutations et respect,
Libre Flot. »

Dans le même temps était arraché du bout des doigts à l’Instruction une libération « pour raison médicale », donc provisoire et tout aussi révocable qu’une mesure d’isolement l’est, espérons que cela dure plus de 16 mois cette fois.

Le moment est à la joie et au soulagement pour les proches,et au renouveau pour Libre Flot. Il est très fatigué et on ne sait pas combien de semaines durera l’hospitalisation, mais il a commencé à se réalimenter très progressivement. Des soins de rééducation vont lui être donnés aussi. Il nous transmet ce message ce soir :

« Aujourd’hui, le 7 avril 2022, j’ai été remis en liberté, sous vracelet électronique,
pour raisons médicales…

J’ai donc été transféré dans un établissement hospitalier, libre, afin de profiter de tous les soins nécessaires en conséquence de cette longue période d’inanition. Je vais pouvoir me focaliser sur la reconstruction de mon corps, mon intellect et ma psyché.

C’est une excellente nouvelle pour moi, bien que le chemin qu’il reste à parcourir pour faire voler en éclat la mascarade de l’accusation terroriste, connue sous le nom d’affaire du 8.12
demeure probablement longue.

Mais je ne vous oublie pas et je tiens à remercier du plus profond de mon coeur toustes les personnes, collectifs et organisations m’ayant soutenu et ayant propagé l’information.

Je n’ai plus les mots pour exprimer ma gratitude!

Merci encore,

BERXWEDAN JIYAN E!

Libre Flot. »

 

En tant que comité de soutien, nous souhaitons aussi remercier les camarades qui ont vécu cette grève avec nous, et qui ont élevé leur voix contre l’antiterrorisme français. Nous avons visibilisé l’ignominie de cette affaire du 8 décembre, dénoncé la criminalisation historique des kurdes et de leurs soutiens, réappris l’importance de rompre l’isolement des frontières et des murs. On n’oublie pas.

« La guerre produit des dictatures comme les générations vivantes n’en ont jamais vu » avertissent les socialistes et communistes russes contre la guerre. Ce n’est qu’un début.
 
Pour que le monde ne devienne pas une prison, ABOLITION!
Pour la vie, REVOLUTION!