Communiqué du collectif internationaliste Marseille Solidarité Kurdistan

Communiqué du collectif internationaliste Marseille Solidarité Kurdistan sur les arrestations et inculpations des camarades kurdes du 23 mars. Publié le 7 avril sur mars-infos.org.

STOP à la répression contre le mouvement kurde !
PAS de collaboration avec le fascisme de l’état turc !

Répression et attaques contre le mouvement kurde (et ses militant.e.s)…

Mardi 23 mars dernier, 10 personnes de la communauté kurde ont été interpellées et arrêtées par la brigade antiterroriste : 2 à Paris, 2 à Draguignan et 6 à Marseille. Leurs domiciles ont été violemment perquisitionnés, ainsi que le siège de l’association kurde à Marseille. Elles sont officiellement accusées de participation à une association de malfaiteurs, de financement d’une organisation terroriste et d’extorsion en bande organisée en relation avec une entreprise terroriste. Il semblerait qu’une enquête, en cours depuis plusieurs mois soit à l’origine de ces arrestations.
Cette semaine, nous n’avions que très peu de nouvelles des camarades incarcéré.es : 3 ont été relâché.es, une personne sans contrôle judiciaire et deux sous assignation à résidence (une sous contrôle judiciaire simple, et une sous bracelet électronique). Elles ne peuvent ni être en contact avec certaines personnes ni sortir autour d’un certain périmètre (avec interdiction formelle de se rendre au Centre Démocratique Kurde de Marseille). Aujourd’hui, les sept personnes encore en détention sont réparties dans différentes prisons de haute sécurité dans les environs de Paris. Elles sont passées devant le JALD (juge administratif des libertés et de la détention) mais leurs demandes de sorties ont été refusées sous prétexte de risque de récidive. Elles vont donc rester en détention provisoire jusqu’à la date encore incertaine de leur procès, sachant que cela peut durer des mois. Au moins trois des personnes ont une santé fragile (leucémie, problèmes cardiaques…) et leur état n’est pas compatible avec une détention.
Il s’agit d’un des plus gros coups de filet de la police française dans les réseaux militants kurdes ces dix dernières années, et il intervient quelques jours après un échange téléphonique entre Macron et Erdogan et une rencontre de leurs 2 ministres des affaires étrangères, en plein Conseil Européen sur la géopolitique internationale.
La pression sur la communauté kurde est constante : la même semaine, près d’une centaine de personnes d’origine kurde ont été convoquées dans différents commissariats, partout en France. A Paris, la même semaine Vedat Bingol, ancien président du Conseil Démocratique Kurde a été convoqué pour outrage à Erdogan et propagande terroriste.

De plus, la répression en France sur les demandeurs et demandeuses d’asile ainsi que sur les réfugié.e.s kurdes s’accentue : en septembre 2020 Memet Yalçin a été renvoyé en Turquie alors qu’il était enregistré en tant que demandeur d’asile depuis plus de dix ans ; Huseyin, alors détenu en Centre de Rétention, écope de trois mois de prison pour ne pas avoir fait le test anticovid afin d’empêcher les autorités françaises de le livrer à la Turquie.
Ceux et celles qui ont le statut de réfugié.e.s politiques se retrouvent souvent menacées de ne pas voir reconduit leur titre de séjour après expiration, ou bien même de se le voir retirer, et ce malgré sa validité en cours.

Nous venons d’apprendre, ce samedi 3 avril, qu’un groupe de fascistes turcs, les Loups Gris (supposé être interdit en France) a attaqué le centre kurde à Lyon armés de barre de fer, saccageant tout sur leur passage et faisant 4 blessé-es.

Une collaboration entre l’état français (et les états européens) et l’état turc selon leurs intérêts géostratégiques

Encore une fois, les kurdes servent de monnaie d’échange aux tractations entre l’Europe et la Turquie dans le but d’améliorer les relations entre la France et Ankara.
C’est grave et ces arrestations soulèvent plusieurs points qu’il nous semble important de questionner.
La France accorde l’asile à des personnes venues se réfugier sur son territoire pour raisons politiques et fuir un régime totalitaire. Mais à la demande de ce même régime, pour apaiser ses relations diplomatiques et obtenir des intérêts géostratégiques, elle les arrête par la suite, au motif de leurs activités en faveur des droits humains dans leurs pays d’origine, qualifié de terrorisme.
Rappelons que la communauté continue de subir, en europe, des menaces et des attentats extra-nationaux orchestrés par les services de renseignement turcs (MIT), à l’instar de l’assassinat des trois femmes et militantes kurdes à Paris en 2013, dont les commanditaires, bien qu’identifiés, n’ont pas été inquiétés par la justice.

Par ailleurs, la France soutient et accompagne logistiquement les forces résistantes kurdes qui se battent sur le terrain contre l’État Islamique et ont en charge la gestion du camp où sont enfermés les détenus djihadistes français et leurs familles dans le Nord de la Syrie . D’un côté, l’état et son armée soutiennent les kurdes lorsqu’il s’agit de combattre le terrorisme islamique, de l’autre, et pour obtenir des faveurs d’Erdogan. Il les arrête et les emprisonne pour terrorisme. Ces arrestations de militant.es kurdes sur le sol français ne sont rien de moins qu’une trahison d’une ignoble hypocrisie. Pour asseoir ses intérêts, la France n’hésite pas à pactiser avec les dictateurs au mépris des droits humains et de ses engagements envers les kurdes.

Une répression pour anéantir un projet de société alternatif

Le triple féminicide de Sakine, Fidan et Leyla perpétré à Paris par un membre du MIT (service secret turc) n’est pas dû au hasard : il concerne trois militantes kurdes luttant pour le droit des femmes. Sakine a inspiré et a eu un rôle important dans le mouvement des femmes kurdes. L’objectif de l’état turc était d’anéantir le PKK et le projet émancipateur qui le caractérise. A savoir que le gouvernement turc multiplie les réformes patriarcales, défavorables aux femmes, et laisse impunis les crimes commis envers elles .

Si les femmes ont une place primordiale au sein des mouvements kurdes, le mouvement de la jeunesse a un rôle moteur de part sa force, ses capacités d’imagination, et l’espoir qu’elle porte en elle.
Ainsi, la répression contre les jeunes est forte : on notera notamment qu’au sein des nombreuses arrestations des membres de la communauté kurde du 23 mars, la moitié sont des jeunes de moins de trente ans.

A cela se rajoutent les interpellations et les arrestations d’internationalistes effectuées le 8 décembre dernier « neuf militant·e·s libertaires, écologistes, pro-Kurdes, féministes et anti-racistes ont été perquisitionné·e·s et arrêté·e·s par la DGSI. Après plusieurs jours de garde à vue, deux furent libéré·e·s, deux autres placés sous contrôle judiciaire et cinq placé·e·s en détention provisoire. » Ils et elles sont « sont accusé·e·s de « participation à une association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme ayant pour objet la préparation d’un ou plusieurs crimes d’atteintes aux personnes », tel que défini dans l’article 421-1 du code pénal.  » Les « lois antiterroristes » « servent aujourd’hui de base juridique pour traquer ceux qui ont voulu combattre le djihadisme en Syrie. Avoir pris les armes contre l’Organisation de l’État islamique devient un élément à charge pour la machine policière. »

En France, la répression que subissent les membres de la communauté kurde et les nombreuses arrestations des kurdes et internationalistes montrent non seulement la collaboration de l’état français avec l’état turc pour des intérêts géostratégiques, mais aussi la volonté d’écraser un projet politique alternatif – le confédéralisme démocratique – qui effraie les états capitalistes européens.

Liberté pour les camarades détenu.e.s en prison et dans les CRA !
Arrêt total des poursuites à leur encontre !
Retrait immédiat du PKK de la liste des organisations terroristes !
STOP à la collaboration française avec les états fascistes totalitaires !

Contact : internationaliste-marseille@protonmail.com

(nous tenterons de mettre à jour le plus régulièrement possible les nouvelles autour des situations des camarades incarcéré.e.s ainsi que les mobilisations en solidarité)

Antiterrorisme & Ultragauche: la gouvernance par la peur

Le 8 decembre 2020, plusieurs perquisitions en France ont mené à l’incarcération de 5 personnes pour association de malfaiteur à caractère terroriste. Il ne leur est rien reproché de précis, la terminologie même de l’accusation est floue, et pire que tout iels sont enfermé.es sur la base “de soupçons” de “vague projet d’action violente” visant à “déstabiliser les institutions et la démocratie”… Un fusil de chasse, des produits ménagers, et une maigre enquête de la DGSI suffisent pour inculper plusieurs personnes, et permettent au gouvernement et ses institutions de communiquer à propos d’une menace “d’ultragauche” dont on nous protègerait.

« Ultragauche », c’est le terme le plus effrayant utilisé dans le discours gouvernemental pour marginaliser les luttes de gauche dites autonomes, c’est-à-dire critiquant, refusant et échappant aux controle étatique afin de garantir leur indépendance. Historiquement les luttes autonomes ont bien un lien avec ce terme qui désigne un courant de démocratie directe du début du siècle, une pratique importante à l’autonomie des luttes sociales, mais le gouvernement l’utilise de manière à escamoter cette réfèrence et conserver la charge symbolique “extrémiste” liée au mot “Ultra”.

Cette communication annonce aussi la couleur avec la qualification “terroriste”. “Gouvernement par la terreur”, ou “utilisation de la violence pour parvenir à des fins politiques”, voilà la définition du “terrorisme” lorsqu’on interroge un moteur de recherche. Alors même qu’elle s’applique parfaitement à nos gouvernants, son utilisation permet l’amalgame entre des personnes aussi différentes que des écologistes pacifistes ou des musulmans et des réactionnaires meurtriers, tout en incitant à la peur qui précède toute forme de réflexion.

Pour rendre tangible la “menace” de la démocratie directe et de ses partisan.e.s aux yeux de l’opinion publique, les institutions n’ont rien trouvé de mieux qu’un jeune homme ayant combattu l’état islamique auprès des kurdes du rojava, un territoire se définissant comme un système démocratique fédéral laïque, antisexiste, et écologiste… La menace terroriste d’ultra gauche se résume ainsi à quelques liens entre des personnes, des soupçons , une expérience de combat antifasciste, et l’utilisation de moyens de communication préservant l’anonymat. Au même moment, un coup de filet à l’extrême-droite met à jour l’achat et la vente d’armes par d’ex-militaires appelant au putsh, qui récoltent une bien simple et complaisante accusation “d’association de malfaiteurs” sans aucune qualification terroriste, malgré la possession de plus de 200 armes et de tonnes de munitions…

Ce qui mène a se demander : Qui terrorise qui ? Car si le label “terroriste” associe directement ; défenseur.euse.s de la démocratie directe, de la solidarité, de la liberté et de l’équité ; aux tueurs réactionnaires de Daesh, tout en écartant des fascistes qui projettent pourtant d’attenter à l’aspect démocratique des institutions et à la vie d’autrui, c’est bien que son sens n’est pas de désigner une menace spécifique. Au contraire c’est un fourre-tout articulé autour de la notion “d’ennemi intérieur” dont ne font manifestement pas partie les composantes les plus directement nocives et menaçantes notamment par leur racisme, leur islamophobie, leur sexisme haineux.

Nous sommes donc surtout menacé.e.s par tout un tas de réactionnaires, d’orthodoxes, et de gestionnaires voulant décider à notre place et imposer des modes de vie contraignants, dont l’état et les gouvernements qui le représentent font partie. Car l’arrestation des inculpé.e.s du 8 décembre vient occuper l’espace médiatique de manière opportune, en accompagnant à la fois les propositions de lois sur le “séparatisme” et la “securité globale”, tout en attaquant les constestataires et la critique sociale que cet arsenal législatif a mobilisés. Cet agenda n’a rien d’hasardeux et il est évident que cette affaire sert de communication politico-policière afin de criminaliser et diviser les mouvements d’émancipation qui cherchent à garantir nos droits et libertés. Une vaine tentative d’associer les pratiques et revendications les plus émancipatrices à des actes de guerre sordides, quand ils en sont eux-mêmes coupables (comme lorsque l’armée française bombarde un mariage au Mali).

Quand l’État parle de menace terroriste, la menace terroriste c’est l’État !

Effrayer les administré.e.s, criminaliser les luttes sociales, et réprimer des individus sans autre prétexte que “des soupçons”, voilà le monde dans lequel vous vivez, régi à coup de matraque et de propagande médiatique.

Plus que jamais il est nécessaire de lutter contre les restrictions de nos libertés, le fichage de nos vies, la répression des mouvements sociaux, et pour un monde de solidarité et de partage débarassé de toutes oppressions !

Dans la rue, sur les réseaux, au travail, en famille, avec les ami.e.s, partout où c’est possible et c’est possible partout, luttez, protestez, organisez-vous, ne cédez pas à la peur!

Liberté pour les inculpé.e.s du 08/12!