Munich : « association de malfaiteurs » contre une imprimerie anarchiste.

Une série d’articles sortis sur la récente vague de répression à Munich, visant l’imprimerie anarchiste Frevel via l’usage de l’article 129 du code pénal bavarois et les moyens de l’antiterrorisme.

Perquisitions et article 129* contre une bibliothèque anarchiste

Aujourd’hui, mardi 26 avril 2022, des perquisitions coordonnées ont eu lieu à Munich dans différents appartements ainsi qu’à la bibliothèque anarchiste Frevel, au prétexte de « formation d’une organisation criminelle ».

Les personnes concernées sont accusées d’avoir incité au crime à travers des publications anarchistes. Les flics ont confisqué pratiquement tous les journaux et brochures anarchistes ainsi que tout le matériel qui pourrait avoir un rapport avec l’impression de publications. Deux accusés ont été mis en garde-à-vue et des prélèvements d’ADN ont été ordonnés ; ils ont ensuite été relâchés, et tous les accusés sont en liberté.

Les flics essaient de nous intimider, de nous faire peur et de nous terroriser, mais nous ne sommes pas étonnés qu’en période d’état d’urgence et de guerre, l’État s’en prenne à ses ennemis, aux idées anarchistes et à leur diffusion.

Plus d’infos suivront…
Pas de spéculations !

ACAB 4 eva

* NdT : l’article 129 du code pénal allemand, est celui connu sous l’appellation « constitution d’organisations criminelles », qui vise non seulement la création d’associations de malfaiteurs, mais aussi l’appartenance et le soutien à de telles organisations. Il est régulièrement utilisé en Allemagne contre des révolutionnaires, et l’a notamment été ces dernières années à Leipzig, Weimar, Hambourg, Francfort, Berlin.

A propos de descentes de police, d’une procédure de §129 contre des anarchistEs et du vol d’une imprimerie.

Initialement paru sur Sans Nom le 9 mai 2022. Traduit de l’allemand de Zuendlappen, 7 mai 2022.

Que s’est-il passé ?

Comme nous l’avons déjà relaté, des descentes coordonnées de flics ont eu lieu mardi 26 avril contre des anarchistes de Munich, sur la base de l’accusation de création d’une organisation criminelle (§129). Dans ce cadre, quatre appartements ont été perquisitionnés (dont deux sans qu’aucun des accusés n’y habite), ainsi que plusieurs caves (parfois aussi les pièces voisines de celles prétendument attribuées aux accusés), une imprimerie et la bibliothèque anarchiste Frevel.

Coordonnés par le service de protection de l’Etat (K43, soit « Criminalité à motivation politique », NdT), une bande de flics cagoulés, armés de béliers, parfois d’armes à feu dégainées et même d’une cotte de mailles (oui, on ne sait pas si ce flic a perdu un pari ou si c’était la semaine des chevaliers), ont fait irruption dans les appartements à 6 heures pile du matin. Ces fameux paquets de testostérone ont même défoncé une porte dont la clé se trouvait à l’extérieur. Dans certains cas, eux-mêmes ou leurs collègues du service K123 (investigation numérique/surveillance des télécommunications) devaient s’être connectés au préalable au réseau WLAN local, en tout cas ils semblaient savoir exactement quels appareils étaient à ce moment-là connectés au réseau WLAN local. Munis de powerbanks [batterie portable] et de cages de Farraday en forme de sac (qui servent de protection contre les signaux radio), les agents se sont immédiatement jetés sur ces appareils (tous des smartphones) et les ont sécurisés lorsqu’ils étaient allumés.

Après ce prélude, les enquêteurs du K43 se sont approchés et ont présenté aux personnes concernées les ordonnances de perquisition et les pseudo-témoins amenés sur place par les autorités municipales locales. Et c’est parti pour un tour : pendant environ six heures et demi, les porcs ont fouillé à la recherche des objets habituels, comme des ordinateurs, des supports de stockage, des téléphones portables, mais aussi des imprimantes, des publications anarchistes, des « documents et/ou des fichiers qui renseignent sur les idées d’extrême gauche et anarchistes » des accusés, des enregistrements personnels, des données financières, des « documents et/ou fichiers renseignant sur d’éventuels projets d’attentats des accusés », ainsi que des « plans, outils et/ou matières premières pour la fabrication de bombes, d’engins incendiaires ou d’autres objets susceptibles de servir à commettre un attentat terroriste », rien que ça. Ils ont surtout saisi des supports de stockage, des ordinateurs (y compris ceux de non-accusés), des imprimantes, des notes personnelles, de la correspondance, plusieurs centaines de publications anarchistes dans des langues les plus diverses. En outre, ils ont cherché avec zèle des contrats de location pour des locaux loués, et les ont certainement réclamés aux propriétaires des caves perquisitionnées.

Les perquisitions dans une imprimerie, dans plusieurs caves et dans la bibliothèque anarchiste Frevel ont dû avoir lieu en même temps, mais il manque les mandats de perquisition et les procès-verbaux de saisie. Là aussi, les flics sont entrés par effraction et ont ensuite changé les serrures ou laissé les locaux ouverts.

Dans la bibliothèque anarchiste Frevel, les flics n’ont pris que quelques publications, affiches, autocollants et autres, et ont également volé l’imprimante qui s’y trouvait.

La situation a été différente dans l’imprimerie entièrement équipée. Ici, les flics ont fait venir un camion et une grue et ont tout confisqué : du Risograph (une machine d’impression) avec les tambours correspondants jusqu’au massicot, de l’assembleuse jusqu’à l’encolleuse, et même une presse typographique historique et ses jeux de plombs, tout cela a atterri dans la salle des pièces à conviction des flics. Mais ce n’est pas tout. Des milliers de livres, de brochures et de journaux, des paroles de Malatesta et de Kropotkine à celles de Bonanno, mais aussi de nombreuses brochures et journaux actuels, ont été emportés par les flics, tout comme environ 50 000 feuilles de papier vierge, de l’encre et bien d’autres choses encore. En signe de respect, ils ont finalement versé le café dans l’évier et sont repartis avec leur butin dans un camion de 40 tonnes.

De quoi s’agit-il ?

Trois prévenus sont accusés d’avoir formé une association de malfaiteurs, non seulement parce qu’ils seraient « membres des milieux anarchistes d’extrême gauche », qu’ils « rejettent l’existence et les valeurs de la République fédérale d’Allemagne et toute forme d’ordre étatique » et qu’ils « considèrent la violence, en particulier celle contre les biens et/ou les fonctionnaires de police, comme un moyen légitime d’imposer leurs vues », mais aussi et surtout parce qu’ils auraient fabriqué, publié et distribué l’hebdomadaire anarchiste Zündlumpen. Il s’ensuit une liste de 15 citations tirées de différentes éditions du journal Zündlumpen (sur un total de 85 numéros), pour lesquelles il s’agirait à chaque fois de « contenus punissables ». Nous reproduisons ici quelques perles sous forme de citations tirées du mandat de perquisition :

« Le 10.04.2020, les prévenus ont publié sur le site Internet de Zündlumpen, à l’adresse https://zuendlumpen.noblogs.org/post/2020/04/10/, le court message « Brenn, E-Scooter, brenn ! » [Brûle, E-Scooter, brûle !] Ils y relataient l’incendie de deux de ces véhicules à moteur le 04.04.2020 dans le quartier de Freimann à Munich et le 06.04.2020 au bord du jardin anglais à Munich. Ils qualifiaient ces véhicules de « fléau » qu’il fallait saboter. Par ce titre, les accusés approuvaient les incendies criminels commis par des inconnus le 04.04.2020 et le 06.04.2020 ».

« Dans le numéro 61 du 13.04.2020, les accusés ont appelé, dans l’article « Rébellion contre le couvre-feu », rédigé sous forme de bande dessinée, à crever les pneus des véhicules d’intervention de la police, à incendier les véhicules d’intervention de la police et à ériger des barrages routiers à partir de poubelles en feu. Les dessins fonctionnent comme des instructions d’action précises. Les accusés incitaient ainsi au sabotage anticonstitutionnel, à la dégradation de biens, à la destruction d’outils de travail importants, à l’incendie volontaire et à la violation de la loi ».

« Dans le numéro 62 du 21.04.2020, les accusés ont publié dans l’article « Ce que nos lecteur/trices (clandestins) pensent, disent et écrivent à notre sujet » un message menaçant adressé au ministre d’État de l’Intérieur bavarois, le Dr Joachim Herrmann, libellé comme suit : « Cher Joachim, … pour ma part, j’ai tiré les leçons des expériences d’autres subversifs avec des gens comme toi. Discuter avec un tyran ? Tu dois savoir que je suis historiquement du côté de ceux – purement mentalement, cela va de soi (smiley) – qui ont préféré que les tyrans mordent la poussière bien avant leur heure. Et une chose devrait être claire pour toi : les chefs de police ont toujours eu la cote – plus haute encore que celle des empereurs, des tsars et des rois ». Les accusés ont au moins accepté à bon compte que la partie en cause prenne cette menace au sérieux ».

Un prélèvement d’ADN a été ordonné à l’encontre des trois prévenus.

Encore plus de contexte ?

Étant donné que cette histoire a été montée de toutes pièces par le Bureau central bavarois de lutte contre l’extrémisme et le terrorisme (ZET), créé en 2017 au sein du parquet général de Munich, et que les informations nécessaires à l’enquête sous-jacente proviendraient du LKA et du Verfassungsschutz [police criminelle et services de renseignement, NdT] bavarois, il est clair qu’il s’agit de bien plus que de quelques citations d’un journal anarchiste qui a cessé de paraître depuis plus de six mois.

On pourrait bien sûr se demander si le ZET et la protection de l’Etat s’ennuient ou s’ils ont besoin de se prouver qu’ils sont utiles à quelque chose, ne serait-ce qu’à taper sur les nerfs des anarchistes, mais ce serait peut-être un peu court.

Toujours est-il que les procédures basées sur les paragraphes 129 et 129a connaissent une véritable renaissance ces derniers temps : dans de plus en plus de villes, les flics engagent des procédures 129 contre des anarchistes ou des antifascistes, mais il est rare qu’elles aboutissent à des accusations quelconques. Ces procédures sont plutôt un prétexte commode pour espionner abondamment ces milieux et leurs proches. Les descentes de police, qui visent également des personnes non inculpées, ne sont qu’un élément des enquêtes structurelles de la police. Les filatures, la surveillance des télécommunications, la pose de micros, de caméras et d’autres équipements destinés à espionner et à surveiller des personnes accompagnent souvent ces procédures. On peut donc soupçonner que dans ce cas également, on cherche à espionner de manière ciblée un milieu particulier.

Et puis, il y a aussi le vol audacieux et planifié de longue date de toute une imprimerie et de milliers de publications ! Une tentative évidente de démantèlement d’une infrastructure de diffusion éditoriale des idées anarchistes. S’il s’agit soi-disant d’un journal particulier, Zündlumpen, pourquoi d’autres journaux et publications ont-ils été séquestrés en masse ? Pourquoi emporter du papier vierge, de l’encre, ainsi que tout le matériel nécessaire à la fabrication de livres, de brochures et de journaux ?

Il est évident que les flics et le bureau du procureur général (ZET) visent plus loin : ils essaient d’empêcher la diffusion des idées anarchistes et d’attiser la paranoïa en saisissant des archives entières de textes anarchistes et en profitant de la possession (d’un seul exemplaire !) d’un journal dans une bibliothèque familiale pour le saisir, ainsi que toutes sortes d’appareils techniques et toutes sortes d’autres publications anarchistes.

Cela ne nous étonne guère. Les idées anarchistes ont toujours été en dehors de toute loi, et il y a donc une longue histoire de persécution des idées anarchistes. Les récentes descentes de police à Munich n’éteindront certainement pas la flamme dans nos cœurs ! Pas plus qu’elles n’empêcheront d’autres personnes de prendre une imprimante et de réimprimer tout ce que les flics ont confisqué.

Si se battre pour la liberté est un crime, l’innocence est la pire des choses !

Fraîchement perquisitionnés et pourtant toujours là,

Quelques anarchos de Bavière

Nouvelles perquisitions contre des anarchistes de Munich

Publié le 29 oct. 2022 sur Sans Nom. Traduit de l’allemand de de.indymedia.

Jeudi 27 octobre 2022, sans surprise, les flics de Munich ont à nouveau fait une descente dans deux appartements. Une fois de plus, les perquisitions étaient dirigés contre des anarchistes. L’un d’entre eux est accusé d’être membre de l’association de malfaiteurs que les flics sont en train de construire autour de la procédure §129 ouverte contre les compagnons munichois. Une fois de plus, ils ont saisi tous les papiers anarchistes ou ceux qui paraissaient tels à leurs yeux. Pour l’instant, il n’y a rien d’autre à dire sur le cadre de ces perquisitions que ce qui avait écrit dans le texte publié la veille (traduit ci-dessous, NdT), et dans lequel elles avaient été annoncées. Nous vous tiendrons au courant de l’évolution de la situation.

Comme toujours, le principe reste le même : pas de spéculation.
ACAB

Derniers développements et contexte autour de la procédure §129 à Munich ou Les poursuites contre des anarchistes et des mégots au royaume chrétien de Bavière

Traduit de l’allemand de de.indymedia, le 26 octobre 2022.

Le texte suivant a pour but de donner quelques informations de fond sur l’enquête basée sur l’article 129 du code pénal [association de malfaiteurs] en cours à Munich, et de fournir les derniers développements ainsi qu’une évaluation générale de l’ensemble de l’affaire. Cette affaire a été rendue publique le 26 avril 2022, lorsque des perquisitions coordonnées ont eu lieu dans quatre appartements, la bibliothèque anarchiste Frevel et une imprimerie.

Avant d’expliquer chronologiquement le déroulement connu des investigations qui ont eu lieu, expliquons ici à nouveau les faits reprochés : la procédure ouverte sur la base de l’article 129 pour association de malfaiteurs, concerne l’accusation d’avoir commis 15 infractions qui sont soit l’incitation à commettre des crimes ou délits, soit leur apologie, soit des menaces, soit les deux, en référence à l’accusation d’avoir publié, rédigé, imprimé et diffusé le journal anarchiste Zündlumpen, paru de mai 2019 à septembre 2021. En bref, les personnes accusées seraient la rédaction de Zündlumpen, qui serait elle-même une association de malfaiteurs.

Comment tout a-t-il commencé ?

Zündlumpen a eu l’immense honneur de se voir attribuer sa première plainte par le vice-roi chrétien de Bavière, à savoir le Dr. Joachim Hermann en personne. Explication : depuis la nuit des temps, Joachim, un homme strict de la CSU [le parti très à droite qui dirige la région de Bavière depuis l’après-guerre], est le commandant en chef de son exécutif encore plus strict, car Joachim est Ministre de l’Intérieur de la Bavière. Joachim veille sur la police bavaroise, qui n’est pas réputée pour sa clémence, sur les frontières bavaroises et sur l’Office bavarois de protection de la Constitution [soit les services de renseignement, NdT]. Avec Joachim, il est clair que lorsqu’il s’agit des frontières, il veut les rendre étanches, lorsqu’il s’agit des réfugiés, il n’en veut pas, lorsqu’il s’agit des policiers, il veut en recruter des dizaines de milliers, lorsqu’il s’agit de « sécurité », Joachim veut investir des milliards d’euros, lorsque Joachim parle d’un Noir, il le qualifie de « merveilleux nègre », et lorsqu’il s’agit de l’extrémisme de gauche, Joachim y voit chaque année un « danger croissant » lors de la présentation du Rapport officiel sur la protection de la Constitution. C’est donc Joachim lui-même, Sa Majesté de l’Armada verte, qui s’est soudainement senti menacé par le journal Zündlumpen. Lorsque Zündlumpen, en référence à certaines déclarations faites par Joachim sur le dangereux Zündlumpen, a dit en gros qu’il était historiquement et théoriquement du côté des régicides, etc. , Joachim Hermann, qui résiderait au ministère de l’Intérieur, a personnellement déposé une plainte pour « menace« .

Chacun sait que les autorités répressives de Bavière sont nerveuses et très vieille école, même Jakob, le plus jeune fils du Dr Joachim, alias le rappeur Jaggy Jackpot : « Beaucoup de Jobs, beaucoup de Cops, c’est la Bavière, Diggah./ Ça veut dire que j’accroche la beuh à mes couilles, Diggah » . Zündlumpen s’est donc rendu coupable d’un crime de lèse-majesté, cette fois-ci sous forme de menace – le début d’une enquête à grande échelle dont les motivations politiques ne pourraient pas être plus claires et symboliques avec ce prélude.

Premières enquêtes

Après cette première plainte, le journal Zündlumpen a continué à les collecter avec assiduité : à partir de mars 2020 tout ne tournait plus qu’autour du coronavirus, et comme Zündlumpen recommandait de le cracher sur les policiers en cas d’infection, un séisme s’est produit sur les réseaux sociaux des flics. A Erfurt, Lüneburg et Cologne, des plaintes ont été déposées pour « incitation au crime » et les parquets respectifs les ont transmises à Munich. A peu près au même moment, des affiches dont les modèles avaient été publiés dans Zündlumpen sont apparues à Munich, et le fait qu’elles aient été collées n’a pas non plus échappé à la police. Quelques citoyen.nes alertes se sont aussi retrouvés de temps à autre avec un numéro de Zündlumpen dans la main ou dans leur boîte aux lettres, ce qui les a tellement provoqués qu’ils ont immédiatement appelé le 110 [l’équivalent français du 17]. Au fil du temps, les plaintes concernant Zündlumpen se sont donc accumulées sur le bureau des policiers en charge de l’extrémisme de gauche (au sein du Staatsschutz, soit l’organisme de Protection de l’Etat, un équivalent de la DCRI, NdT).

Les premières étapes de l’enquête ont été les suivantes : tenter d’identifier les créateurs de l’adresse internet du blog de Zündlumpen sur noblogs. Sans succès. Ensuite, l’office régional de la police criminelle (LKA, Landeskriminalamt) a tenté d’analyser l’image imprimée des exemplaires de Zündlumpen récupérés : ils ont apparemment été imprimés à l’aide d’une imprimante à jet d’encre. Ensuite, l’ADN a été recherché à l’intérieur des exemplaires de Zündlumpen retrouvés, ce qui n’a pas donné de résultats.

Une autre étape a consisté à porter plainte contre Zündlumpen une nouvelle fois pour « incitation au crime » , car celui-ci expliquait dans une édition suivante (pendant le couvre-feu de l’époque) comment éteindre les lampadaires. Le service munichois de protection de l’État a ensuite mis cette explication en lien avec plusieurs câbles coupés sur des boîtiers Internet et téléphoniques à Munich. Les câbles électriques ayant été coupés et laissés à l’air libre, une enquête a été ouverte pour « sabotage menaçant l’Etat ». La police a enquêté un peu sur ces lignes téléphoniques et Internet coupées le 31 décembre 2021, et n’a obtenu aucun résultat. Apparemment, les flics n’ont pas pu relever de traces sur les boîtiers téléphoniques, car pour garder les lignes ouvertes, il fallait toujours qu’un.e employé.e des télécoms vienne d’abord réparer le boîtier. Les stratégies d’enquête utilisées par les policiers, comme que la consultation des services de police fédéraux pour savoir si des faits similaires s’étaient déjà produits ailleurs, l’affichage d’appels à témoins ou l’analyse des possibles itinéraires des auteurs, n’ont fourni aucun indice. La protection de l’Etat était également en contact étroit avec Telecom-Security à ce sujet, et a suggéré d’introduire un système d’alarme en cas de perturbations, qui informerait immédiatement la police, ce que Telecom-Security a refusé, car selon eux cela aurait généré trop de perturbations.

A ce moment-là, plusieurs rapports et enquêtes avaient déjà été effectuées contre Zündlumpen, mais sans aboutir à aucun résultat. La clôture policière de l’enquête a été envisagée… mais ensuite la protection de la constitution (Verfassungsschutz, VS) est intervenue…

Tada !

… et puis l’enquête s’est « soudainement » portée sur trois prévenus que la police a sortis de son chapeau après un intermède avec l’Office de protection de la Constitution. Il n’est pas surprenant que cette transmission d’informations se soit manifestement déroulée de manière très « désordonnée » et « peu transparente » (le fait que le VS bavarois travaille de manière relativement « peu transparente » n’est plus un secret, au moins depuis le NSU – Nationalsozialistische Untergrund, groupe clandestin néo-nazi actif de 1999 à 2011, NdT). Trois personnes sont d’ailleurs le nombre minimum pour pouvoir constituer juridiquement une organisation criminelle. Alors que l’Office de protection de la Constitution (VS) a fourni quelques analyses de l’idéologie (anarchisme insurrectionnel), du radicalisme et de la proximité de la violence ainsi que du langage (le mot « flic », Bullen, est utilisé tant et tant de fois) de Zündlumpen, le service de Protection de l’Etat (Staatsschutz) a enquêté sur trois personnes pour « formation d’une organisation criminelle » . L‘Office de protection de la Constitution (VS) a fourni des informations générales sur les trois suspects et a avancé l’hypothèse qu’ils étaient tous des anarchistes et qu’ils devraient tous avoir des liens avec la bibliothèque anarchiste Frevel (qui est de toute façon un lieu dangereux et criminel). En outre, il est évident que le VS a construit un environnement fixe concernant la bibliothèque Frevel, qui a également fait l’objet de mesures de surveillance. Dans ce contexte, le VS mentionne également un certain nombre de crimes non résolus et d’incendies criminels commis à Munich.

Mais que reprochent les policiers aux accusés respectifs et comment sont-ils tombés dans le collimateur des policiers ?

Il est reproché à la « personne 1 » de l’enquête d’avoir loué un local dans lequel Zündlumpen aurait été fabriqué (une soi-disant hypothèse d’enquête, c’est-à-dire : une simple supposition sans indices). En outre, la personne 1 serait connue de la police, anarchiste et connaissant d’autres anarchistes. La police aurait appris l’existence de cette imprimerie grâce à un appel téléphonique suite auquel des policiers en patrouille seraient passés sur les lieux suite à une plainte pour bruit… et d’autres policiers auraient découvert, à la suite d’un contrôle d’identité effectué quelques jours plus tard, que du matériel anarchiste y étaient imprimé. De plus, un autre policier aurait vu une fois par hasard la personne 1 dans le contexte d’une autre perquisition dans la maison en question, l’aurait reconnue et se serait ensuite renseigné auprès du propriétaire sur la location.

Il est reproché à la « personne 2 » d’avoir fait des études d’informatique, ce qui indiquerait qu’elle aurait les capacités professionnelles pour gérer un blog Noblogs, qui a posé des obstacles insurmontables aux informaticiens du LKA en matière de désanonymisation. De plus, la personne 2 aurait collé à deux reprises des affiches dont le contenu aurait été similaire à celui publié dans Zündlumpen (par exemple sur l’IAA, le Salon de l’Automobile). En outre, la personne 2 écrit parfois des grossièretés et des invectives contre les policiers dans la rubrique « objet » de ses virements bancaires personnels, ce que fait également le journal Zündlumpen. En outre, il serait anarchiste et connu des services de police.

Il est reproché à la « personne 3 » de parler français. Cela suggère qu’elle aurait fait des traductions du français pour Zündlumpen. En outre, la personne 3 aurait été filmée par une caméra de surveillance à l’intérieur d’une église en train de laisser un seul exemplaire de Zündlumpen dans cette église. Elle aurait également commandé sur son compte du matériel qui pourrait être utilisé, entre autres, pour imprimer des choses.

Cette construction a finalement permis à la police, au parquet et aux juges de lancer des observations et d’autres mesures de surveillance, ainsi que de mettre en route les perquisitions d’avril 2022 qui avaient été fixées deux mois à l’avance. L’Office pour la protection de la Constitution a également reçu le pouvoir général de prendre des mesures de surveillance globale pour la période en question et au-delà. Lors des perquisitions suivantes, l’ensemble des pièces ont toujours été fouillées, car il a été affirmé que les anarchistes vivaient partout, qu’ils étaient prêts à recourir à la violence et qu’ils se partageaient les biens. Le fait que certaines personnes ne figuraient pas sur la liste des colocataires (tout en semblant habiter dans les appartements), n’a pas empêché leurs ordinateurs portables, clés USB, lettres personnelles, etc. d’être saisis ni que soient prélevés des échantillons de leur écriture. Un mandat de perquisition avait également été délivré à la prétendue compagne d’une personne concernée, mais il n’a pas été exécuté.

Un mégot de cigarette – voilà !

Après avoir fait main basse sur des dizaines de cartons d’objets et de toutes sortes de journaux, de brochures, bref, de tout le papier qui semblait anarchiste, et après avoir pris tout ce qui n’était pas une chaise ou une poubelle dans l’imprimerie, c’est-à-dire des dizaines de milliers de feuilles de papier blanc, toutes les machines, des milliers de journaux et de livres, les flics se sont mis à analyser en particulier tous les objets de l’imprimerie à la recherche de traces d’ADN, comme si celle-ci avait été un laboratoire secret de bombes. Ils ont prélevé des dizaines et des dizaines d’échantillons sur des imprimantes et des machines… et ont finalement trouvé une trace d’un ADN connu !

Cette trace ADN pourrait être attribuée à la « Personne 4 », alors qu’en même temps, il pourrait être exclu que toute autre trace ADN provienne de la Personne 4. La personne 4 aurait donc fumé une cigarette dans l’imprimerie… et voilà, la personne 4 fait désormais aussi partie de l’organisation criminelle. Car la personne 4 serait également anarchiste et connue des services de police. L’accusation ridicule d’avoir fumé une cigarette dans une imprimerie a suffi à un juge pour accorder un mandat de perquisition, qui n’a pas encore été appliqué… et dans lequel il est à nouveau stipulé que tous les imprimés anarchistes, les écrits personnels, les imprimantes, etc. doivent être saisis. Intéressant : les flics veulent à chaque fois saisir les routeurs WLAN afin d’évaluer les adresses MAC qui y sont enregistrées.

L’absurdité de tout cela

La police a manifestement une énorme volonté politique de démanteler les espaces fréquentés et utilisés par les anarchistes, comme l’ont montré les pressions et les intimidations exercées sur le propriétaire de la bibliothèque anarchiste Frevel, qui a par la suite résilié le bail de la bibliothèque. L’interaction entre le ministère de l’Intérieur, la protection de la Constitution, la protection de l’État et le LKA fait qu’il suffit d’être anarchiste, d’être considéré comme appartenant à un cercle de personnes et de connaître soi-disant des gens pour être accusé d’appartenir à une organisation criminelle. L’État bavarois n’hésite pas à donner l’image d’une dictature lorsque ses sbires confisquent toute publication anarchiste et tout matériel d’impression, ni à intimider les propriétaires à la manière de la mafia et à menacer de perquisitionner les domiciles en cas de non-remise des contrats de location. Il s’agit manifestement pour l’État d’étouffer la présence d’idées, d’espaces, de relations et de pratiques anarchistes.

Le niveau juridique de cette tentative est significatif : la police ne peut établir de lien réel entre aucune des quatre personnes désormais accusées et Zündlumpen, et encore moins avec la rédaction d’articles. Principale accusation : les accusés sont des anarchistes et se connaissent certainement. La ligne d’enquête suivie par l’Etat consiste à construire des indices quelconques à partir de traces d’ADN ! Il essaie de trouver des traces d’ADN d’anarchistes sur des imprimantes ou des numéros isolés de Zündlumpen ou simplement quelque part dans une imprimerie et de présenter cela comme si on faisait partie de la rédaction de Zündlumpen. Cette construction absurde suffit au parquet et aux juges pour faire passer toute mesure répressive et toute perquisition et saisie. Cette tactique d’enquête est pertinente pour l’ensemble de la République fédérale : si les flics, les juges et les procureurs qui travaillent ici parviennent à faire en sorte que la simple accusation selon laquelle une trace d’ADN trouvée sur un journal, un appareil d’impression ou un objet quelconque dans une imprimerie correspondant à une personne donnée, signifie que l’on a soi-disant imprimé, distribué ou même rédigé les articles du journal en question, alors la possession de n’importe quel journal anarchiste constitue un crime potentiel. Fahrenheit 451 vous salue !

Vouloir démontrer la participation à la publication d’un journal par des traces d’ADN (comme sur les mégots dans une imprimerie) est une initiative répressive qui nous concerne tous ! L’État bavarois ne veut pas seulement réprimer l’existence de locaux et de publications anarchistes, mais aussi le simple fait de posséder, de lire et d’imprimer des journaux anarchistes.

Ces dernières avancées répressives à Munich concernent tous les subversifs, les rebelles, les anarchistes, les anti-autoritaires et les cœurs sauvages. Car si lire des journaux anarchistes est un crime, alors aucun d’entre nous n’est innocent !

Liberté pour les rotatives et tous les prisonniers du monde entier ! Solidarité et salutations à toutes les autres personnes concernées par les procédures sous article 129 !

Quelques rats de bibliothèque anarchistes
et des lecteurs de Bavaria